Texte intégral
R. Arzt En Colombie, I. Bétancourt, qui est la candidate écologiste à la présidentielle, a été enlevée par des rebelles. Vous la connaissez ? Qu'est-ce que vous en dites ? Ce genre d'enlèvement, est-ce l'illustration des pays où la situation n'est pas vraiment développée politiquement ?
- "Je crois que la situation est, hélas, tout à fait tragique à cette heure. L'enlèvement d'Ingrid - que j'ai rencontrée lorsqu'elle est venue à Paris, comme beaucoup de Verts, puisqu'elle est la candidate des écologistes colombiens à l'élection présidentielle - n'est pas le seul problème des Verts. C'est un problème qui se pose à tous les démocrates. Je crois indispensable que les forces de gauche notamment se mobilisent, parce que les FARC qui l'ont enlevée sont une partie importante du forum de Sao Paulo, qui regroupe les forces de gauche en Amérique Latine. Je crois qu'il est important que ces forces de gauche prennent conscience de leurs responsabilités et qu'elles se mobilisent pour obtenir la libération de cette militante passionnée, qui dénonce la corruption dans son pays depuis des années, qui irrite - c'est vrai - mais qui porte un message qu'on a besoin d'entendre."
Vous demandez donc à tous les candidats de gauche de se mobiliser ?
- "Il est important effectivement que le gouvernement français se mobilise et fasse savoir non seulement au gouvernement colombien, mais aussi à ses homologues de gauche en Amérique Latine, qu'il est nécessaire de se mobiliser pour obtenir la libération d'I. Bétancourt."
J'en viens à la campagne elle-même en France. On vous a entendue, il y a une dizaine de jours dans une réunion des Verts à Nantes, rudoyer les militants pour qu'ils se mettent vraiment en campagne...
- "Ils en avaient besoin, ils en avaient besoin !"
Je vous cite d'ailleurs : "Alors, on se met boulot, oui ou merde ?". Est-ce que vos paroles ont eu de l'effet ?
- "Je crois que les Verts ont retrouvé, en adoptant à une très large majorité une résolution qui leur permettait de clore une phase de négociations avec le Parti socialiste, le bon tempo. Le moment de la campagne présidentielle est venu. Nous devons tous nous mobiliser derrière N. Mamère, qui fait une belle campagne. Il y a de plus en plus de monde dans ses meetings, de plus en plus de militants mobilisés."
Il est stabilisé autour de 6 ou 7 %. Il doit faire mieux ?
- "Malgré l'entrée en campagne des très gros candidats qui étaient attendus depuis des semaines... Donc, je crois que nous allons pouvoir dépasser pour la première fois la barre des 5 %, qui est une barre très difficile pour les Verts dans une élection présidentielle. Le score de N. Mamère est important. Du rapport de force que nous construirons dans cette campagne dépendront beaucoup des décisions qui seront prises dans ce pays, au cours des prochaines années."
Justement, comment est-ce qu'il va se situer par rapport aux "gros candidats", comme vous dites ? Par exemple, L. Jospin se dit socialiste d'inspiration, mais il a précisé que son projet de candidat à la présidence n'est pas socialiste. Est-ce que vous avez trouvé cela surprenant ? Et est-ce que N. Mamère a intérêt gauchir sa campagne ?
- "L. Jospin dit que sa campagne ne sera pas socialiste. Si c'est lui qui le dit, je ne vais pas le contester. Il sait ce qu'il fait, il sait ce qu'il dit ! Cela laisse évidemment un espace pour ceux qui défendent d'autres priorités, et peut-être un renforcement des axes qui nous paraissent essentiels pour l'avenir. Je pense notamment à la nécessité de porter un message européen. Je pense à une nécessité de mettre en place les moyens d'un contrôle de la mondialisation. On se plaint des effets dévastateurs de la mondialisation, mais encore faut-il avoir la volonté politique de la contrôler. Je voudrais aussi qu'on soit capable dans cette campagne de porter peut-être plus fortement encore que nous ne l'avons fait depuis quelques semaines, un message de responsabilité. Il y a ceux qui choisissent de subir une autorité venue d'en haut et ceux qui préfèrent la mobilisation des citoyens et la responsabilisation de ceux-ci, capables d'assumer et de choisir finalement la solidarité. Et je voudrais aussi qu'on soit capable de dire que les priorités de 1997 ont certes un peu évoluées. Il est nécessaire de répondre aux risques du quotidien, émergés depuis quelques années. Il reste nécessaire de défendre les services publics, de défendre la réforme de l'Etat et de construire une nouvelle solidarité."
Vous savez qu'il y a un sondage hier de Louis Harris, pour Libération, qui indiquait que 74 % des Français ne voient pas, ou quasiment pas, de différence entre les programmes Chirac et Jospin ?
- "Eh bien, moi, j'en vois ! Il arrive à la gauche de ne pas être assez audacieuse, assez courageuse, il lui arrive même de se tromper. Je pense par exemple aux mesures un peu conjoncturelles et légèrement démagogiques qui ont été prises dans le cadre de la loi de sécurité de proximité. Mais je vois beaucoup de différences. Je n'ai pas oublié les mouvements massifs de privatisation, les attaques au régime de retraite par répartition, la reprise des essais nucléaires par le candidat Chirac, et puis l'indifférence abyssale à l'égard de l'environnement, en dépit de quelques discours démagogiques de dernière période."
On a parfois senti que vous aviez du mal à faire partager à L. Jospin vos convictions de défense de l'environnement. A priori, vous pensez que J. Chirac est plus sensible à ce genre de question ?
- "Je crois qu'il n'est pas sensible ! Il prend le vent, il respire bien les tendances, mais il n'est pas du tout convaincu de l'importance de ces sujets, qu'il s'agisse des questions de sécurité alimentaire, de qualité de l'air, de qualité de l'eau. Je vous rappelle qu'il y a quand même des régions entières maintenant où il devient difficile de boire l'eau au robinet."
Donc, il n'y aurait pas beaucoup de différences avec L. Jospin ?
- "Je crois que L. Jospin est plus sensible à ces questions, mais c'est à mettre au crédit des Verts, et pas au crédit du Parti socialiste, qui est resté longtemps indifférent à ces problèmes !"
Sur la façon dont F. Bayrou a eu la vedette en s'invitant à une réunion des chiraquiens, l'UEM, samedi à Toulouse : c'est un épisode que la gauche n'est pas prête de faire oublier !
- "La démonstration faite par l'Union en mouvement est accablante. Il y a à droite un véritable rouleau compresseur, qui étouffe, éteint toutes diversités ; on a parfois critiqué la majorité plurielle pour la vivacité des débats qu'elle menait en son sein. La démonstration est faite que le seul candidat qui, à droite, se piquait de justice sociale et de construction européenne, est ridiculisé et bafoué par les siens. Je crois que c'est une démonstration qui est intéressante pour les Français."
Cela ne lui permettait pas d'avoir un score très important a priori. Vous pensez que tactiquement, il a bien fait ?
- "Je crois qu'on a toujours intérêt à défendre la construction européenne, le repli national n'est qu'une solution de court terme. Dans cette campagne, j'espère qu'on parlera un peu d'Europe."
N. Mamère, on en parle, mais il y a d'autres candidats qui se réclament de l'environnement : C. Lepage, B. Lalonde...
- "Il y en a d'ailleurs tellement qu'il est difficile de les citer tous !"
C'est un signe de santé pour ce thème ?
- "C'est le signe en tout cas d'une montée en puissance de préoccupations liées à la qualité de la vie et à la sécurité du quotidien. Les Verts, sur ce terrain, ont une très grande longueur d'avance. Ils vont la garder dans cette campagne en formulant, non seulement des critiques, comme savent le faire aussi d'autres candidats, mais des propositions, et des propositions inscrites au coeur d'un projet majoritaire. C'est ce que nous voulons faire en poursuivant notre travail avec la majorité plurielle ; nous avons mis en place les bases d'une entente électorale, avec le parti socialiste, pour nous permettre d'être plus puissants, plus nombreux à l'assemblée nationale."
Ce sera pour après la présidentielle, en cas de victoire...
- "C'est pour après la présidentielle, mais c'est indispensable ! Au moment d'arbitrer, au moment de faire voter des lois, la question est souvent de poser, de savoir quel est le poids respectif des uns et des autres. Il est clair que les Verts doivent être plus nombreux et plus forts."
L'assemblée a achevé ses travaux. La loi sur l'eau, qui reposait notamment sur le principe pollueurs/payeurs, n'a pas eu le temps d'aller au-delà d'une première lecture. En un mot, vous le regrettez ?
- "Je le regrette et je souhaite que la majorité plurielle puisse poursuivre son travail au-delà des élections présidentielles et législatives, pour que cette loi ne soit pas enterrée. On en a décidément bien besoin, même si des forces conservatrices laissent encore à penser que seules des évolutions volontaires du monde agricole pourraient permettre de sauver la qualité
(Source :Premier ministre, Sercice d'information du gouvernement, le 26 février 2002)
- "Je crois que la situation est, hélas, tout à fait tragique à cette heure. L'enlèvement d'Ingrid - que j'ai rencontrée lorsqu'elle est venue à Paris, comme beaucoup de Verts, puisqu'elle est la candidate des écologistes colombiens à l'élection présidentielle - n'est pas le seul problème des Verts. C'est un problème qui se pose à tous les démocrates. Je crois indispensable que les forces de gauche notamment se mobilisent, parce que les FARC qui l'ont enlevée sont une partie importante du forum de Sao Paulo, qui regroupe les forces de gauche en Amérique Latine. Je crois qu'il est important que ces forces de gauche prennent conscience de leurs responsabilités et qu'elles se mobilisent pour obtenir la libération de cette militante passionnée, qui dénonce la corruption dans son pays depuis des années, qui irrite - c'est vrai - mais qui porte un message qu'on a besoin d'entendre."
Vous demandez donc à tous les candidats de gauche de se mobiliser ?
- "Il est important effectivement que le gouvernement français se mobilise et fasse savoir non seulement au gouvernement colombien, mais aussi à ses homologues de gauche en Amérique Latine, qu'il est nécessaire de se mobiliser pour obtenir la libération d'I. Bétancourt."
J'en viens à la campagne elle-même en France. On vous a entendue, il y a une dizaine de jours dans une réunion des Verts à Nantes, rudoyer les militants pour qu'ils se mettent vraiment en campagne...
- "Ils en avaient besoin, ils en avaient besoin !"
Je vous cite d'ailleurs : "Alors, on se met boulot, oui ou merde ?". Est-ce que vos paroles ont eu de l'effet ?
- "Je crois que les Verts ont retrouvé, en adoptant à une très large majorité une résolution qui leur permettait de clore une phase de négociations avec le Parti socialiste, le bon tempo. Le moment de la campagne présidentielle est venu. Nous devons tous nous mobiliser derrière N. Mamère, qui fait une belle campagne. Il y a de plus en plus de monde dans ses meetings, de plus en plus de militants mobilisés."
Il est stabilisé autour de 6 ou 7 %. Il doit faire mieux ?
- "Malgré l'entrée en campagne des très gros candidats qui étaient attendus depuis des semaines... Donc, je crois que nous allons pouvoir dépasser pour la première fois la barre des 5 %, qui est une barre très difficile pour les Verts dans une élection présidentielle. Le score de N. Mamère est important. Du rapport de force que nous construirons dans cette campagne dépendront beaucoup des décisions qui seront prises dans ce pays, au cours des prochaines années."
Justement, comment est-ce qu'il va se situer par rapport aux "gros candidats", comme vous dites ? Par exemple, L. Jospin se dit socialiste d'inspiration, mais il a précisé que son projet de candidat à la présidence n'est pas socialiste. Est-ce que vous avez trouvé cela surprenant ? Et est-ce que N. Mamère a intérêt gauchir sa campagne ?
- "L. Jospin dit que sa campagne ne sera pas socialiste. Si c'est lui qui le dit, je ne vais pas le contester. Il sait ce qu'il fait, il sait ce qu'il dit ! Cela laisse évidemment un espace pour ceux qui défendent d'autres priorités, et peut-être un renforcement des axes qui nous paraissent essentiels pour l'avenir. Je pense notamment à la nécessité de porter un message européen. Je pense à une nécessité de mettre en place les moyens d'un contrôle de la mondialisation. On se plaint des effets dévastateurs de la mondialisation, mais encore faut-il avoir la volonté politique de la contrôler. Je voudrais aussi qu'on soit capable dans cette campagne de porter peut-être plus fortement encore que nous ne l'avons fait depuis quelques semaines, un message de responsabilité. Il y a ceux qui choisissent de subir une autorité venue d'en haut et ceux qui préfèrent la mobilisation des citoyens et la responsabilisation de ceux-ci, capables d'assumer et de choisir finalement la solidarité. Et je voudrais aussi qu'on soit capable de dire que les priorités de 1997 ont certes un peu évoluées. Il est nécessaire de répondre aux risques du quotidien, émergés depuis quelques années. Il reste nécessaire de défendre les services publics, de défendre la réforme de l'Etat et de construire une nouvelle solidarité."
Vous savez qu'il y a un sondage hier de Louis Harris, pour Libération, qui indiquait que 74 % des Français ne voient pas, ou quasiment pas, de différence entre les programmes Chirac et Jospin ?
- "Eh bien, moi, j'en vois ! Il arrive à la gauche de ne pas être assez audacieuse, assez courageuse, il lui arrive même de se tromper. Je pense par exemple aux mesures un peu conjoncturelles et légèrement démagogiques qui ont été prises dans le cadre de la loi de sécurité de proximité. Mais je vois beaucoup de différences. Je n'ai pas oublié les mouvements massifs de privatisation, les attaques au régime de retraite par répartition, la reprise des essais nucléaires par le candidat Chirac, et puis l'indifférence abyssale à l'égard de l'environnement, en dépit de quelques discours démagogiques de dernière période."
On a parfois senti que vous aviez du mal à faire partager à L. Jospin vos convictions de défense de l'environnement. A priori, vous pensez que J. Chirac est plus sensible à ce genre de question ?
- "Je crois qu'il n'est pas sensible ! Il prend le vent, il respire bien les tendances, mais il n'est pas du tout convaincu de l'importance de ces sujets, qu'il s'agisse des questions de sécurité alimentaire, de qualité de l'air, de qualité de l'eau. Je vous rappelle qu'il y a quand même des régions entières maintenant où il devient difficile de boire l'eau au robinet."
Donc, il n'y aurait pas beaucoup de différences avec L. Jospin ?
- "Je crois que L. Jospin est plus sensible à ces questions, mais c'est à mettre au crédit des Verts, et pas au crédit du Parti socialiste, qui est resté longtemps indifférent à ces problèmes !"
Sur la façon dont F. Bayrou a eu la vedette en s'invitant à une réunion des chiraquiens, l'UEM, samedi à Toulouse : c'est un épisode que la gauche n'est pas prête de faire oublier !
- "La démonstration faite par l'Union en mouvement est accablante. Il y a à droite un véritable rouleau compresseur, qui étouffe, éteint toutes diversités ; on a parfois critiqué la majorité plurielle pour la vivacité des débats qu'elle menait en son sein. La démonstration est faite que le seul candidat qui, à droite, se piquait de justice sociale et de construction européenne, est ridiculisé et bafoué par les siens. Je crois que c'est une démonstration qui est intéressante pour les Français."
Cela ne lui permettait pas d'avoir un score très important a priori. Vous pensez que tactiquement, il a bien fait ?
- "Je crois qu'on a toujours intérêt à défendre la construction européenne, le repli national n'est qu'une solution de court terme. Dans cette campagne, j'espère qu'on parlera un peu d'Europe."
N. Mamère, on en parle, mais il y a d'autres candidats qui se réclament de l'environnement : C. Lepage, B. Lalonde...
- "Il y en a d'ailleurs tellement qu'il est difficile de les citer tous !"
C'est un signe de santé pour ce thème ?
- "C'est le signe en tout cas d'une montée en puissance de préoccupations liées à la qualité de la vie et à la sécurité du quotidien. Les Verts, sur ce terrain, ont une très grande longueur d'avance. Ils vont la garder dans cette campagne en formulant, non seulement des critiques, comme savent le faire aussi d'autres candidats, mais des propositions, et des propositions inscrites au coeur d'un projet majoritaire. C'est ce que nous voulons faire en poursuivant notre travail avec la majorité plurielle ; nous avons mis en place les bases d'une entente électorale, avec le parti socialiste, pour nous permettre d'être plus puissants, plus nombreux à l'assemblée nationale."
Ce sera pour après la présidentielle, en cas de victoire...
- "C'est pour après la présidentielle, mais c'est indispensable ! Au moment d'arbitrer, au moment de faire voter des lois, la question est souvent de poser, de savoir quel est le poids respectif des uns et des autres. Il est clair que les Verts doivent être plus nombreux et plus forts."
L'assemblée a achevé ses travaux. La loi sur l'eau, qui reposait notamment sur le principe pollueurs/payeurs, n'a pas eu le temps d'aller au-delà d'une première lecture. En un mot, vous le regrettez ?
- "Je le regrette et je souhaite que la majorité plurielle puisse poursuivre son travail au-delà des élections présidentielles et législatives, pour que cette loi ne soit pas enterrée. On en a décidément bien besoin, même si des forces conservatrices laissent encore à penser que seules des évolutions volontaires du monde agricole pourraient permettre de sauver la qualité
(Source :Premier ministre, Sercice d'information du gouvernement, le 26 février 2002)