Texte intégral
Quand un homme intervient pour défendre les droits des femmes, il est souvent suspecté de démagogie. Puis-je cependant plaider l'argument d'antériorité ?
Dès mars 1975 - Il y a donc 27 ans de cela - à la "Journée internationale de la femme", organisée par Françoise GIROUD, alors secrétaire d'Etat à la Condition féminine, j'avais présenté à sa demande un rapport sur "Les femmes en politique ". Rapport que j'avais ensuite résumé dans un article du "Monde" du 4 mars 1975, intitulé "La politique au féminin".
J'y écrivais ceci, il y a donc 27 ans : "En 1975, le pouvoir se conjugue toujours au masculin. En France et ailleurs. La société politique reste une société mâle. La place des femmes y est très modeste. Et elle se réduit toujours plus à mesure qu'on gravit les degrés du pouvoir.
Une femme dans un parti, c'est une exception. Une femme au Parlement, c'est une surprise. Une femme au gouvernement, c'est une prouesse. Il faut donc passer du féminin singulier au féminin pluriel."
Vingt-cinq ans après, la loi du 6 juillet 2000 sur "l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs et fonctions électives" a, enfin, imposé la parité dans la société politique.
Reste à poursuivre cet effort dans la société tout entière. Et, pour ce qui nous concerne, dans le domaine des sciences et technologies.
Bien entendu, les discours ne suffisent pas. Il faut faire coïncider les paroles et les actes.
Je souhaite donc faire ici le point sur l'action que je mène en ce sens au ministère depuis mars 2000.
La Mission pour la parité en sciences et technologies
Le 17 septembre 2001, j'ai créé par arrêté une "Mission pour la parité en sciences et technologies".
Cette Mission est installée au ministère même, au sein de la Direction de la Recherche. Elle est dirigée par Mme Françoise CYROT-LACKMANN, directrice de recherche au CNRS.
Dès 2001, cette Mission a disposé d'un budget de 2,2 MF.
Cette Mission a pour tâche de définir et de mettre en uvre les mesures visant à renforcer la place des femmes dans les études et carrières scientifiques.
Elle veille aussi à la prise en compte de la parité par les organismes placés sous la tutelle du ministère de la Recherche. Dès juillet 2001, j'ai d'ailleurs demandé à chaque organisme de désigner en son sein un correspondant " parité ".
Je note d'ailleurs avec satisfaction que certains organismes ont déjà mis en place des structures spécifiques : ainsi le CNRS a créé une "Mission pour la place des femmes".
Une autre tâche de la Mission créée au ministère est de solliciter des études et des données statistiques par genre auprès des services habilités.
Produire des données sexuées
D'une manière générale, depuis mars 2000, le gouvernement travaille à mettre au point un appareil statistique adapté à son programme de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Il est indispensable, en effet, de produire des données sexuées et de les rendre publiques, de les analyser et de faire apparaître les causes des inégalités, pour y remédier activement.
A la demande du ministère de la Recherche et avec le soutien financier de la Mission pour la parité dans les sciences et technologies, l'OST a publié en février 2002 un rapport intitulé "Analyse de la participation des femmes aux instances scientifiques".
D'une manière générale, la participation des femmes aux instances scientifiques d'évaluation, de stratégie et d'administration est en augmentation, passant de 15 % durant la période 1984-1989 à 23% durant la période 1999-2002.
La proportion de femmes est variable selon le type d'instances.
Dans les instances d'évaluation scientifique, elle est passée de 17% à 23%.
Dans les instances d'orientation stratégique de type conseil scientifique, la croissance est forte : la proportion des femmes est passée, en effet, de 4% à 28%.
Dans les instances administratives, elle est passée de 6% à 22%.
La participation des femmes varie également selon le mode d'accession.
Toutes instances confondues, les femmes représentaient moins de 10% des membres élus en 1984-1988 contre 27% en 1999-2002.
Elles représentaient 4% des membres nommés en 1984-1988 contre 21% en 1999-2002.
Enfin, le pourcentage de femmes présidant des instances est passé de 6% en 1984-1988 à 15% en 1999-2002.
Cette analyse montre donc une augmentation réelle de la participation des femmes aux instances scientifiques. Mais cette augmentation est encore insuffisante, puisque, par exemple, le pourcentage des femmes parmi les chercheurs et enseignants-chercheurs était de 31% en 2000.
La participation des femmes à ces instances est un enjeu majeur. Elle est le garant d'une évaluation équitable et juste et aussi d'un choix d'orientations scientifiques qui prenne en considération aussi bien les préoccupation des hommes que celles des femmes scientifiques.
Le Livre blanc
Par ailleurs, aujourd'hui, 8 mars 2002, paraît le premier Livre blanc qui permet de disposer de données sexuées sur la place des femmes dans les carrières scientifiques.
Dans l'enseignement supérieur, entre les années universitaires 1992-1993 et 2000-2001, la part des femmes enseignantes-chercheuses est passée de 31% sur 2 900 recrutements à 36% sur 3 300 recrutements.
En 1999, sur 178 000 chercheurs ou enseignants-chercheurs dans l'enseignement supérieur, la recherche publique et la recherche en entreprise, un sur quatre est une femme.
Depuis 1992, les effectifs de femmes dans ce secteur ont progressé de plus de 30%, soit un rythme supérieur à celui de l'emploi en général. Cependant, l'enseignement supérieur et la recherche publique sont plus féminisés que la recherche en entreprise.
Les données rassemblées dans ce Livre blanc confirme l'existence d'un "plafond de verre", entravant le parcours professionnel des femmes.
Les femmes restent minoritaires au sommet de la hiérarchie.
Il faut donc continuer avec détermination l'action entreprise pour une représentation plus équilibrée des deux sexes.
La nomination de femmes à des postes de responsabilité
Pour ma part, je veille à contribuer à corriger cette situation d'injustice.
D'abord, en nommant, à chaque fois que cela est possible, des femmes à des postes de responsabilités essentiels.
Ainsi, j'ai fait nommer en conseil des ministres Geneviève BERGER, directrice générale du CNRS (août 2000), Marion GUILLOU, directrice générale de l'INRA (août 2000) et Ketty SCHWARTZ, directrice de la Recherche (mai 2001).
Ces personnalités rejoignent ainsi d'autres femmes qui exercent elles aussi des fonctions stratégiques : Francine DEMICHEL, directrice de l'enseignement supérieur, Claire DUPAS, directrice de l'ENS de Cachan, et Elisabeth DUPONT-KERLAN, directrice générale de l'INRETS.
Assurer un meilleure équilibre des sexes dans les jurys et instances
D'une manière plus générale, il faut agir pour surmonter le blocage qui affecte la carrière des femmes dans la recherche et l'enseignement supérieur, en garantissant une véritable égalité de traitement dans les carrières.
Dans les EPST, on trouve 38% de femmes au niveau chargée de recherche, mais seulement 21% au niveau directrice de recherche.
Dans les universités, les femmes représentent 34% des maîtres de conférences, mais seulement 14% des professeurs d'université.
Pour contribuer à remédier à cette situation, j'ai adressé une série de directives aux organismes de recherche.
Je leur ai demandé, d'une part d'assurer un meilleur équilibre des sexes dans les jurys et instances chargés du recrutement et de l'avancement des chercheurs.
D'autre part, je les ai invités à renforcer la représentation des femmes dans les instances délibératives et consultatives.
En ce qui concerne les représentants élus, j'entends négocier une "Charte de la mixité" avec les organisations syndicales du monde de la recherche, afin qu'elle s'engagent à présenter plus d'un tiers de candidates aux élections professionnelles.
En ce qui concerne les personnalités nommées par le ministère sur proposition des organismes, je leur demande d'établir des listes de propositions comprenant au minimum un tiers de femmes. La non-observance de ce ratio conduira au renvoi du dossier à l'établissement.
Par ailleurs, pour le renouvellement des membres du CSRT, j'avais, dès le 27 juin 2001, adressé une lettre aux dirigeants d'organismes leurs demandant de faire parvenir des listes tenant compte de la parité.
Enfin, j'ai veillé à ce que la représentation des femmes soit renforcée dans les jurys de l'Institut universitaire de France. Le jury seniors compte maintenant 7 femmes sur 22 membres et le jury juniors 5 sur 13.
Les Prix Irène Joliot-Curie
Enfin, pour mettre en évidence et en valeur l'action des femmes scientifiques, j'ai créé les Prix Irène Joliot-Curie, que j'ai remis pour la première fois le 17 septembre 2001.
Physicienne et prix Nobel de chimie (1935), celle-ci fut nommée sous-secrétaire d'Etat à la Recherche scientifique en 1936 dans le gouvernement de Front populaire, premier gouvernement à créer une structure ministérielle consacrée à la recherche.
Pour une science mixte
La science ne peut rester principalement masculine.
Pour progresser, elle ne peut laisser subsister cette hégémonie illégitime, cette division du savoir et des responsabilités contraire au principe de mixité et à l'égalité des chances.
Ensemble, agissons pour mettre en uvre concrètement cette valeur essentielle de la République.
Ensemble, agissons pour que la science fasse toute leur place aux femmes, afin qu'elles contribuent à dessiner le devenir du XXIè siècle.
Ce siècle nouveau, qui n'a encore que 14 mois et dont je souhaite qu'il diffère profondément des deux siècles précédents pour la place des femmes dans notre société.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 12 mars 2002)
Dès mars 1975 - Il y a donc 27 ans de cela - à la "Journée internationale de la femme", organisée par Françoise GIROUD, alors secrétaire d'Etat à la Condition féminine, j'avais présenté à sa demande un rapport sur "Les femmes en politique ". Rapport que j'avais ensuite résumé dans un article du "Monde" du 4 mars 1975, intitulé "La politique au féminin".
J'y écrivais ceci, il y a donc 27 ans : "En 1975, le pouvoir se conjugue toujours au masculin. En France et ailleurs. La société politique reste une société mâle. La place des femmes y est très modeste. Et elle se réduit toujours plus à mesure qu'on gravit les degrés du pouvoir.
Une femme dans un parti, c'est une exception. Une femme au Parlement, c'est une surprise. Une femme au gouvernement, c'est une prouesse. Il faut donc passer du féminin singulier au féminin pluriel."
Vingt-cinq ans après, la loi du 6 juillet 2000 sur "l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs et fonctions électives" a, enfin, imposé la parité dans la société politique.
Reste à poursuivre cet effort dans la société tout entière. Et, pour ce qui nous concerne, dans le domaine des sciences et technologies.
Bien entendu, les discours ne suffisent pas. Il faut faire coïncider les paroles et les actes.
Je souhaite donc faire ici le point sur l'action que je mène en ce sens au ministère depuis mars 2000.
La Mission pour la parité en sciences et technologies
Le 17 septembre 2001, j'ai créé par arrêté une "Mission pour la parité en sciences et technologies".
Cette Mission est installée au ministère même, au sein de la Direction de la Recherche. Elle est dirigée par Mme Françoise CYROT-LACKMANN, directrice de recherche au CNRS.
Dès 2001, cette Mission a disposé d'un budget de 2,2 MF.
Cette Mission a pour tâche de définir et de mettre en uvre les mesures visant à renforcer la place des femmes dans les études et carrières scientifiques.
Elle veille aussi à la prise en compte de la parité par les organismes placés sous la tutelle du ministère de la Recherche. Dès juillet 2001, j'ai d'ailleurs demandé à chaque organisme de désigner en son sein un correspondant " parité ".
Je note d'ailleurs avec satisfaction que certains organismes ont déjà mis en place des structures spécifiques : ainsi le CNRS a créé une "Mission pour la place des femmes".
Une autre tâche de la Mission créée au ministère est de solliciter des études et des données statistiques par genre auprès des services habilités.
Produire des données sexuées
D'une manière générale, depuis mars 2000, le gouvernement travaille à mettre au point un appareil statistique adapté à son programme de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Il est indispensable, en effet, de produire des données sexuées et de les rendre publiques, de les analyser et de faire apparaître les causes des inégalités, pour y remédier activement.
A la demande du ministère de la Recherche et avec le soutien financier de la Mission pour la parité dans les sciences et technologies, l'OST a publié en février 2002 un rapport intitulé "Analyse de la participation des femmes aux instances scientifiques".
D'une manière générale, la participation des femmes aux instances scientifiques d'évaluation, de stratégie et d'administration est en augmentation, passant de 15 % durant la période 1984-1989 à 23% durant la période 1999-2002.
La proportion de femmes est variable selon le type d'instances.
Dans les instances d'évaluation scientifique, elle est passée de 17% à 23%.
Dans les instances d'orientation stratégique de type conseil scientifique, la croissance est forte : la proportion des femmes est passée, en effet, de 4% à 28%.
Dans les instances administratives, elle est passée de 6% à 22%.
La participation des femmes varie également selon le mode d'accession.
Toutes instances confondues, les femmes représentaient moins de 10% des membres élus en 1984-1988 contre 27% en 1999-2002.
Elles représentaient 4% des membres nommés en 1984-1988 contre 21% en 1999-2002.
Enfin, le pourcentage de femmes présidant des instances est passé de 6% en 1984-1988 à 15% en 1999-2002.
Cette analyse montre donc une augmentation réelle de la participation des femmes aux instances scientifiques. Mais cette augmentation est encore insuffisante, puisque, par exemple, le pourcentage des femmes parmi les chercheurs et enseignants-chercheurs était de 31% en 2000.
La participation des femmes à ces instances est un enjeu majeur. Elle est le garant d'une évaluation équitable et juste et aussi d'un choix d'orientations scientifiques qui prenne en considération aussi bien les préoccupation des hommes que celles des femmes scientifiques.
Le Livre blanc
Par ailleurs, aujourd'hui, 8 mars 2002, paraît le premier Livre blanc qui permet de disposer de données sexuées sur la place des femmes dans les carrières scientifiques.
Dans l'enseignement supérieur, entre les années universitaires 1992-1993 et 2000-2001, la part des femmes enseignantes-chercheuses est passée de 31% sur 2 900 recrutements à 36% sur 3 300 recrutements.
En 1999, sur 178 000 chercheurs ou enseignants-chercheurs dans l'enseignement supérieur, la recherche publique et la recherche en entreprise, un sur quatre est une femme.
Depuis 1992, les effectifs de femmes dans ce secteur ont progressé de plus de 30%, soit un rythme supérieur à celui de l'emploi en général. Cependant, l'enseignement supérieur et la recherche publique sont plus féminisés que la recherche en entreprise.
Les données rassemblées dans ce Livre blanc confirme l'existence d'un "plafond de verre", entravant le parcours professionnel des femmes.
Les femmes restent minoritaires au sommet de la hiérarchie.
Il faut donc continuer avec détermination l'action entreprise pour une représentation plus équilibrée des deux sexes.
La nomination de femmes à des postes de responsabilité
Pour ma part, je veille à contribuer à corriger cette situation d'injustice.
D'abord, en nommant, à chaque fois que cela est possible, des femmes à des postes de responsabilités essentiels.
Ainsi, j'ai fait nommer en conseil des ministres Geneviève BERGER, directrice générale du CNRS (août 2000), Marion GUILLOU, directrice générale de l'INRA (août 2000) et Ketty SCHWARTZ, directrice de la Recherche (mai 2001).
Ces personnalités rejoignent ainsi d'autres femmes qui exercent elles aussi des fonctions stratégiques : Francine DEMICHEL, directrice de l'enseignement supérieur, Claire DUPAS, directrice de l'ENS de Cachan, et Elisabeth DUPONT-KERLAN, directrice générale de l'INRETS.
Assurer un meilleure équilibre des sexes dans les jurys et instances
D'une manière plus générale, il faut agir pour surmonter le blocage qui affecte la carrière des femmes dans la recherche et l'enseignement supérieur, en garantissant une véritable égalité de traitement dans les carrières.
Dans les EPST, on trouve 38% de femmes au niveau chargée de recherche, mais seulement 21% au niveau directrice de recherche.
Dans les universités, les femmes représentent 34% des maîtres de conférences, mais seulement 14% des professeurs d'université.
Pour contribuer à remédier à cette situation, j'ai adressé une série de directives aux organismes de recherche.
Je leur ai demandé, d'une part d'assurer un meilleur équilibre des sexes dans les jurys et instances chargés du recrutement et de l'avancement des chercheurs.
D'autre part, je les ai invités à renforcer la représentation des femmes dans les instances délibératives et consultatives.
En ce qui concerne les représentants élus, j'entends négocier une "Charte de la mixité" avec les organisations syndicales du monde de la recherche, afin qu'elle s'engagent à présenter plus d'un tiers de candidates aux élections professionnelles.
En ce qui concerne les personnalités nommées par le ministère sur proposition des organismes, je leur demande d'établir des listes de propositions comprenant au minimum un tiers de femmes. La non-observance de ce ratio conduira au renvoi du dossier à l'établissement.
Par ailleurs, pour le renouvellement des membres du CSRT, j'avais, dès le 27 juin 2001, adressé une lettre aux dirigeants d'organismes leurs demandant de faire parvenir des listes tenant compte de la parité.
Enfin, j'ai veillé à ce que la représentation des femmes soit renforcée dans les jurys de l'Institut universitaire de France. Le jury seniors compte maintenant 7 femmes sur 22 membres et le jury juniors 5 sur 13.
Les Prix Irène Joliot-Curie
Enfin, pour mettre en évidence et en valeur l'action des femmes scientifiques, j'ai créé les Prix Irène Joliot-Curie, que j'ai remis pour la première fois le 17 septembre 2001.
Physicienne et prix Nobel de chimie (1935), celle-ci fut nommée sous-secrétaire d'Etat à la Recherche scientifique en 1936 dans le gouvernement de Front populaire, premier gouvernement à créer une structure ministérielle consacrée à la recherche.
Pour une science mixte
La science ne peut rester principalement masculine.
Pour progresser, elle ne peut laisser subsister cette hégémonie illégitime, cette division du savoir et des responsabilités contraire au principe de mixité et à l'égalité des chances.
Ensemble, agissons pour mettre en uvre concrètement cette valeur essentielle de la République.
Ensemble, agissons pour que la science fasse toute leur place aux femmes, afin qu'elles contribuent à dessiner le devenir du XXIè siècle.
Ce siècle nouveau, qui n'a encore que 14 mois et dont je souhaite qu'il diffère profondément des deux siècles précédents pour la place des femmes dans notre société.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 12 mars 2002)