Point de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, avec M. David Lévy, ministre israëlien des affaires étrangères, à Paris le 17 avril 2000, et interview à RMC-Proche Orient le 17, sur le retrait unilatéral des forces israëliennes du Liban sud et l'examen de cette situation par le Conseil de sécurité.

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Circonstance : Visite à Paris de M. David Lévy, ministre des affaires étrangères d'Israël, le 17 avril 2000

Média : RMC-Moyen Orient

Texte intégral

Point de presse avec M. David Lévy le 17 avril :
Mesdames et Messieurs bonjour.
Nous nous sommes donc retrouvés aujourd'hui pour un déjeuner de travail, j'ai eu le plaisir d'accueillir David Lévy pour le début de cette visite à Paris et nous avons fait le point, comme vous l'imaginez, sur la situation au Proche-Orient et ses différents volets.
M. David Lévy m'a informé de l'état des choses du point de vue israélien, en ce qui concerne les négociations israélo-palestiniennes, en ce qui concerne, malheureusement, le statu quo sur le volet israélo-syrien et nous avons évoqué plus particulièrement la question libanaise. J'ai rappelé à David Lévy qui connaît parfaitement bien notre position, la disponibilité de la France, celle qui a été exprimée depuis longtemps par le président de la République et par le gouvernement, dans l'hypothèse d'un accord.
Nous ne sommes pas dans ce cadre, nous espérons encore qu'un accord pourra venir encadrer le retrait décidé par Israël en ce qui concerne son armée et le Sud-Liban. Mais, nous devons évidemment nous préparer à l'autre hypothèse. M. Lévy vient de saisir le Secrétaire général des Nations unies et c'est en tant que membre permanent du Conseil de sécurité et dans le cadre du Conseil de sécurité que la France examinera, avec ses partenaires du Conseil, ce qui doit être fait pour la parfaite mise en oeuvre des résolutions 425 et 426 et pour faire face à la situation qui en découlera.
Naturellement, on ne peut qu'approuver un pays qui décide de mettre en oeuvre une résolution du Conseil de sécurité qui le concerne mais cela n'empêche pas qu'il faille préparer la situation qui en découle. Et c'est dans le cadre du Conseil de sécurité que cette préparation aura lieu.
Voilà où nous en sommes sur cette question du processus de paix.
Q - Est-ce ce que vous avez peur qu'un retrait israélien sans accord crée une situation instable ? Pourquoi se retirer dans ce cas ?
(...)
R - Puisque vous m'avez aussi posé la question, j'ai rappelé que la France préférerait que cela se fasse dans le cadre d'un accord, mais que, même si c'est un retrait unilatéral, on ne peut qu'approuver un pays qui décide d'appliquer une résolution du Conseil de sécurité qui le concerne. Il faudrait s'interroger sur les arrière-pensées de ceux qui voudraient, à partir de là, créer une situation d'instabilité : quels seraient leurs motifs ?
Enfin, il revient au Conseil de sécurité - et c'est précisément ce que nous allons commencer à faire dans les tous prochains jours - de réfléchir à la situation ainsi créée pour que les résolutions que David Lévy a citées s'appliquent dans les meilleures conditions possibles.
Q - Vous avez toujours dit que la France interviendrait en cas de blocage. Y a-t-il une médiation française pour rapprocher Israël et la Syrie ?
R - Je ne me rappelle pas avoir dit cela, sous cette forme exacte. J'ai toujours rappelé que la France était disponible en raison de sa proximité, de ses relations avec les différents protagonistes, disponible pour toute action utile qui lui serait demandée par les uns et les autres. Aujourd'hui, la priorité de l'action que nous pouvons mener, c'est de participer dans les jours qui viennent à la réflexion, au sein du Conseil de sécurité, sur ce qu'il faut faire à propos de la bonne application des résolutions 425 et 426. Voilà ce qu'est notre action à ce stade.
Q - Le vice-ministre israélien de la Défense, M. Sneh, a récemment parlé d'un retrait israélien sur la ligne de 1978. Pouvez-vous nous préciser quelle est la frontière qui compte, si vous avez envoyé la lettre à M. Annan sur le retrait israélien et qu'avez-vous demandé à M. Védrine, s'agissant en particulier du rôle de la FINUL ?
(...)
R - Pour moi, cette question fait partie de ce que nous évoquions il y a un instant, c'est-à-dire la bonne mise en oeuvre des résolutions 425 et 426. S'il devait y avoir un problème à ce sujet, c'est sous l'autorité du Secrétaire général et sous les hospices du Conseil de sécurité qu'elle devrait être tranchée.
Q - La France est-elle prête à participer à des mesures de sécurité en cas de retrait israélien unilatéral ?
R - J'ai rappelé tout à l'heure que dans l'hypothèse où le retrait se fait dans le cadre d'un accord, la France est prête à participer à des arrangements de sécurité qui seraient demandés par les uns et les autres. Cela a été dit depuis longtemps par le président de la République, cela a été rappelé depuis, également, par le gouvernement. Si nous sommes dans le cadre d'un retrait unilatéral, nous estimons que ce n'est pas à la France seule, à la France isolément, de traiter cette question. C'est aux membres du Conseil de sécurité saisis par le Secrétaire général, de le faire. Le Secrétaire général a reçu la lettre de M. Lévy, qui est venu m'en informer, et c'est dans ce cadre que nous allons réfléchir ensemble. Je ne peux pas vous dire - parce que c'est encore un peu trop tôt - ce que nous allons examiner et conclure ensemble. Cela concerne la France parce qu'elle est membre permanent, cela ne concerne pas que la France. Cela concerne le Conseil en tant que tel.
Q - Les résolutions 425 et 426 parlent du rôle de la FINUL en cas de retrait. Que va devenir la FINUL en cas de retrait unilatéral ?
R - Je crois que cela appelle la même réponse. Lorsque l'on dit qu'à partir du moment où le gouvernement israélien en la personne de M. Lévy saisit le Secrétaire général des Nations unies, celui-ci doit logiquement se retourner vers le Conseil de sécurité en disant que nous sommes devant une telle situation et nous devons examiner, ensemble, tout ce qui concerne la suite, y compris cette question de la FINUL. Et cette question n'a pas été examinée encore formellement, elle n'est pas tranchée donc c'est trop tôt pour vous dire ce qu'il adviendra de la FINUL dans ce contexte nouveau./.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 avril 2000)
Entretien avec RMC-Moyen-Orient le 17 avril :
Q - En ce qui concerne une disponibilité de la France en cas de retrait du Sud-Liban, dans le cadre d'un accord ou hors accord, qu'est-ce que M. Lévy vous a demandé précisément aujourd'hui ?
R - M. Lévy est venu à Paris pour me faire part de la lettre qu'il a adressée au Secrétaire général des Nations unies pour l'informer du retrait de l'armée israélienne du Sud-Liban en juillet, comme nous le savions. Donc, à partir de maintenant, le Secrétaire général des Nations unies est saisi. La position de la France est qu'elle était disponible pour participer à des arrangements de sécurité, dans le cadre d'un accord israélo-syrien ou israélo-libanais. Si malheureusement nous sommes dans l'hypothèse d'un retrait unilatéral - ce n'est pas critiquable, parce que l'on ne peut pas critiquer un pays qui applique une résolution des Nations unies -, alors la situation est un peu plus compliquée. C'est à ce moment-là au Conseil de sécurité d'examiner la situation pour veiller à la meilleure mise en oeuvre possible de ces résolutions et la France participera à cet examen, non pas parce qu'elle est saisie elle-même en tant que telle, mais en tant que membre permanent. Voilà ce à quoi nous allons travailler dans les tout prochains jours.
Q - M. Lévy pense-t-il que la France peut influencer la Syrie et le Liban pour que le retrait se passe dans les meilleures conditions ?
R - Non. M. Lévy s'est inscrit dans la même logique que celle que je viens d'indiquer, c'est-à-dire qu'il s'adresse à la France évidemment parce que la France a des relations intenses et particulières avec chacun des protagonistes du conflit, mais surtout parce que nous sommes un membre permanent du Conseil de sécurité. Donc, il n'attend pas de nous une réaction spéciale, purement française. Il attend de nous qu'au sein du Conseil de sécurité, nous examinions la situation, que nous regardions ce que va devenir la FINUL et comment se présentera la situation après. Il serait quand même étonnant que telle ou telle force veuille profiter de cette situation nouvelle pour créer artificiellement au Sud-Liban une situation d'instabilité, alors que ce retrait est demandé depuis 1978 par les résolutions 425 et 426 du Conseil de sécurité. Voilà où nous en sommes.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 avril 2000)