Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF, à France inter le 13 mai 2002, sur la prépartion des élections législatives, les relations de l'UDF avec l'UMP et sa candidature.

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Média : France Info

Texte intégral

Patrick BOYER : L'invité, aujourd'hui, est François Bayrou, président de l'UDF. François Bayrou, bonjour.
François BAYROU : Bonjour.

Alors, vos amis de droite veulent toujours rayer l'UDF de la carte ?
Oh, j'ai l'impression que c'est leur plan, mais c'est un plan qui ne marchera pas, n'est-ce pas, il y a une grande question derrière tout cela, c'est : est-ce que, à l'avenir, en France, on doit concentrer tous les pouvoirs entre les mains d'un seul parti ? Tous les pouvoirs, sans exception, est-ce que c'est cela que les Français souhaitent, une espèce de retour en arrière, et vous voyez à quels exemples historiques on se réfère, quand on veut un parti unique et concentrer tous les pouvoirs entre les mains d'un seul parti.

Vous n'avez pas employé le mot d'anschluss, même à un moment ?
Oui, enfin, non, ce n'est pas moi, mais

Mais on vous l'a fait dire ?
Un journaliste me l'a fait dire, entre guillemets. Donc, mais comme je sais ce que sont les références historiques, je ne confonds pas ce qui est grave avec ce qui est un peu comment dirais-je, simplement gravement à côté de la plaque, voilà.

Alors, le ministre, Patrick Devedjian, a dit hier : mais pourquoi vouloir nous empêcher de nous unir, parce que certains, comme vous, François Bayrou, ne l'envisagent pas ?
Ah, mais je ne veux empêcher personne de s'unir, que chacun fasse le parti du président s'il le souhaite, mais je sais qu'il n'y aurait rien de plus mauvais pour la France, que de voir la majorité composée d'un seul parti, fut-il du président. D'ailleurs, honnêtement, pour moi, jamais je n'ai envisagé de faire un parti pour un homme, j'ai fait de l'engagement politique le cur de ma vie, tous les hommes que j'admire ont toujours refusé de se référer à un homme, ils se réfèrent à des idées, un corps de doctrines et une manière de voir l'avenir, et c'est ainsi qu'on dit qu'on est démocrate ou républicain, socialiste ou mais, on ne se réfère pas à un homme et le parti du président, ça fait un peu trop comment dirais-je, retour en arrière, pour moi. Mais que ceux qui veulent le faire, le fassent, simplement, je ne les laisserai pas décider, décréter que les autres disparaissent et, en particulier, le parti dont j'ai la responsabilité.

Alors, vous avez rencontré, pour avoir son arbitrage, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, en tant que chef de la majorité, il vous a écouté avec intérêt, est-il vraiment chef de la majorité ?
Ah, c'est une question que vous lui poserez, mais évidemment, on peut avoir, comme ça, des points de suspension
Votre sentiment ?
Et d'interrogation. Pourquoi ? Je suis persuadé que Jean-Pierre Raffarin voulait un accord, parce qu'il comprend très bien, lui, qu'on ne peut pas enfermer tout le monde dans le même moule. J'ai l'impression, cependant, que d'autres ont décidé qu'on passerait outre à cette sagesse, et je pense que c'est une erreur. En tout cas, je vais vous le dire, pour moi, il n'y a aucune hésitation d'aucune sorte, la majorité aura deux pôles, et je proposerai aux Français, le choix de cette majorité caporalisée d'un côté, ou au contraire, de quelque chose de plus pluraliste et de plus équilibré, dont on a besoin pour l'avenir. Monsieur Boyer, songez, léger retour en arrière, 1997, le problème terrible qui a été celui des médecins pour le gouvernement Juppé de l'époque, si on avait été un peu plus pluraliste, et s'il y avait eu, dans la majorité, des gens pour dire : attention, on est en train de faire fausse route, attention, on n'entend pas une catégorie de Français, attention, ouvrez les yeux et voyez que le mode de gouvernement qu'on a choisi ne correspond pas à l'attente, on aurait rendu un formidable service au pays. Eh bien pour moi, la "caporalisation", si ça n'a jamais existé, je vous le dis, c'est fini, et je le dis comme un homme qui veut soutenir l'action du gouvernement, qui a tout fait pour faire gagner le président de la République, je suis allé faire un meeting à Marseille, seul des leaders de droite et de gauche à avoir fait un meeting entre les deux tours, parfaitement loyal et solidaire, mais je ne me laisserai pas, et ma famille politique non plus, lier les mains.

Alors vous disiez d'autres, d'autres, nommez-les franchement, le patron de l'UMP, en fait, c'est Alain Juppé, non ?
Ah, mais, vous en savez plus que moi, parce que ce qu'il y a de formidable

Oh, ne jouez pas les naïfs
Ce qu'il y a de formidable dans ce qu'on appelle UMP ou UPM, je ne sais jamais, ce qu'il y a de formidable, c'est qu'on n'en connaît ni les statuts ni la doctrine, ni les dirigeants, que personne n'a été élu, ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que par exemple, le RPR a disparu de la carte, bon, ça ne me regarde pas, mais, est-ce que les militants ont été consultés une fois pour se faire ?

Pourquoi vous n'allez pas voir Alain Juppé ?
Jamais, jamais. Je suis allé voir Alain Juppé.

Et alors ?
A plusieurs reprises pour parler de ce sujet avec lui, voilà, je n'ai pas l'habitude de révéler le contenu des conservations. Je lui ai dit clairement ce qu'il en était, n'est-ce pas. On voit tout d'un coup décréter, on ne sait pas par qui, que tout le monde est prié de disparaître de la carte, le RPR l'accepte, c'est son affaire, l'UDF, je vous le dis, ne l'acceptera pas, parce que les Français ne l'accepteront pas.

Le bleu marine sera à la mode, a dit aussi Patrick Devedjian, vous craignez, François Bayrou, une chambre bleue horizon en juin ?
Oh, je mets en garde tous mes amis, tous les membres du gouvernement, contre des cocoricos de victoire, qui ne seraient vraiment pas de saison. Les Français, pour l'instant, n'ont pas fait leur choix, et ils attendent de voir ce qu'on leur proposera, voyez-vous, je suis certain qu'ils n'ont pas envie de la cohabitation, mais ils n'ont pas envie non plus de la restauration et de retrouver, tous les pouvoirs entre les mains d'un Etat, entre les mains d'un parti qui aurait tous les leviers de commandes dans l'Etat. Mais comment voulez-vous que la France de 2002 accepte cela ? Et donc, au fond, la meilleure chance de victoire, c'est le pluralisme que je représente.

Comment vous jugez les premiers pas du gouvernement, la polémique Robien/Copé sur le troisième aéroport, la polémique Robien/Chirac sur l'amnistie ?
Ecoutez, Gilles de Robien est un homme libre que j'estime profondément, qui a dirigé ma campagne électorale, qui est un des hommes les plus droits et les plus animés par l'intérêt général, que j'ai rencontrés dans ma vie politique, et donc, je sais qu'on devrait écouter sa voix, et en particulier lorsqu'il dit attention, bon, toutes les amnisties multipliées sont inciviques. Alors, je sais bien, les habitudes prises, et je ne veux pas me mettre à la place du président de la République, mais, il y a à faire attention à ce changement d'attitude dont on a besoin en France, pour que les Français retrouvent le sens du civisme élémentaire.

Donc, vous-même, vous serez candidat chez vous, à Pau
Oui.

Contre d'ailleurs un autre candidat à l'élection présidentielle, Jean Saint-Josse
Pas contre, à côté de.

Ah, à côté, avec ?
Nous avons grandi à côté l'un de l'autre. Nous vivons dans deux villages qui se touchent, nous nous connaissons depuis 40 années, eh bien écoutez, voilà, ça sera une confrontation

Et pour tous les anciens comme ça, candidats à l'élection présidentielle, ce n'est pas un peu difficile d'exister après, quand les flonflons s'arrêtent, les lampions s'éteignent ?
Peut-être pour ceux qui aiment les flonflons et les lampions, mais pour moi, ce qui compte, c'est ce que je crois, et ce sont les idées que je veux défendre envers et contre tout, parce que c'est, au fond, la seule chose qui justifie un engagement.

Merci. François Bayrou, président de l'UDF, était l'invité de France Info

(Source http://www.udf.org, le 17 mai 2002)