Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF, à France inter le 13 mai 2002, sur les relations de l'UDF avec l'UMP (Union pour la majorité présidentielle) pour la préparation des élections législatives.

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Média : France Inter

Texte intégral

Fabrice DROUELLE : Grand Parti, l'idée est décidément est très porteuse en ce moment, à droite, l'Union pour la Majorité Présidentielle a publié une première liste de 523 candidats, estampillés UMP, initiative immédiatement accueillie par François BAYROU comme une déclaration de guerre. Le président de l'UDF refuse tout simplement la disparition de son parti. Bonjour François BAYROU.
François BAYROU : Bonjour.

Vous intervenez de Pau, votre terre.
Oui.

Voilà, donc, vous persistez concernant l'UMP, pas question ?
J'interviens de Pau parce que je viens d'annoncer ma candidature aux élections législatives dans la deuxième circonscription, la circonscription de Pau et des Pyrénées.

Bien, voilà, donc pour l'information. Donc, vous persistez, hors de question de fondre l'UDF dans cette UMP ?
Ah, mais c'est une grande question qui est posée : est-ce que pour gagner les élections législatives, et ensuite pour gouverner la France, est-ce qu'il faut enfermer toutes les sensibilités différentes dans un parti unique ? Ma réponse est non. Pour gagner, on a besoin d'élargir la majorité, et que toutes les sensibilités s'y trouvent à leur place, s'y trouvent bien, que tout le monde trouve sa place autour de la table. Et franchement, il n'y a rien de plus normal. Au premier tour, Jacques CHIRAC a réuni 19%, pour passer de 19% à 51, eh bien, il faut que tout le monde trouve sa place et qu'on accueille, qu'on entraîne un beaucoup plus grand nombre de Français, c'est la tâche que je m'assigne. Et puis ensuite
François BAYROU
Pardonnez-moi, et puis ensuite, pour gouverner la France, alors, il faut vraiment qu'on ait un équilibre et une diversité, parce qu'on y voit mieux avec deux yeux qu'avec un seul.

Pas tous les pouvoirs à Jacques CHIRAC, comme disait Jean GLAVANY, tout à l'heure ? Pas tous les pouvoirs au RPR, c'est ça ?
Mais, comment imaginez que les Français donneraient tous les pouvoirs sans exception à un seul parti. Moi, je suis absolument certain qu'il y a des millions de Français qui veulent, à la fois, éviter la cohabitation, la repousser, franchement, on n'a pas besoin de ça, et je suis sûr qu'au fond d'eux-mêmes, quelle que soit leur sensibilité, ils sont acquis à cela. Mais, il y a une chose qu'ils ne veulent pas évidemment, c'est donner tous les pouvoirs au même parti.

François BAYROU, faut-il encore que la droite
Et donc, cet équilibre-là, eh bien, c'est celui que nous allons imposer et trouver.

François BAYROU, faut-il encore que la droite gagne les législatives, si elle les perd, si elle les perd, parce qu'elle y va en ordre dispersé
Non, elle n'ira pas en ordre dispersé

On pourra dire que c'est à cause de vous ?
Elle n'y va pas en ordre dispersé, l'UMP, le parti du président a publié 500 et quelques investitures, nous publierons nous-mêmes nos investitures, et vous découvrirez alors qu'un grand nombre sont communes, et puis que dans un certain nombre de circonscriptions, celles où il n'y a pas de danger de Front national par exemple, eh bien chacun défendra les siens, et au deuxième tour, on se retrouve. Autrement dit, puis-je vous le rappeler, ça s'est fait à toutes les élections et en particulier à l'élection présidentielle, je vous rappelle que je me suis battu à l'élection présidentielle pour que Jacques CHIRAC soit élu, je suis même le seul leader de droite et de gauche à être allé tenir meeting pour cette victoire. Eh bien, c'est comme ça que j'entends les choses, loyal, engagé, voulant la victoire, et en même temps, garantissant aux Français que les sensibilités différentes seront prises en compte. Et je suis certain que c'est ce que veulent les Français.

A Toulouse, lorsque vous étiez invité vous vous êtes invité à la réunion de l'UMP, vous avez dit : si on pense tous la même chose, on ne pense rien, alors quels sont les points, les deux, trois points principaux, on ne va pas faire les listes, sur lesquels vous ne pensez pas la même chose que le RPR ?
Eh bien vous voyez, ça n'est même pas le sujet, mais je vais prendre un exemple dans les années récentes

François BAYROU, si vous présentez des candidats
Si en 97 je vais vous répondre. Si en 1997, au lieu d'être tous alignés sur la même position et le même discours lorsqu'il y a eu la crise des médecins, il y avait eu dans la majorité deux sensibilités pour dire : attention, là, on est en train de faire fausse route, eh bien, je vous assure qu'on aurait rendu bigrement un bon service à la majorité et au pays. Il y a des moments où il faut être capable d'entendre un peu différemment les voix qui s'élèvent de la France pour les relayer quand le gouvernement, et ça arrive souvent, et ça arrivera dans les mois qui viennent, forcément, quand le gouvernement passe à côté de la plaque. Il faut qu'il ait dans sa majorité des esprits capables de lui dire : attention, là, des voix se font entendre, et quelque chose se passe qui ne va pas dans le bon sens. Si tout le monde est aligné dans le même moule, alors, vous voyez bien ce qui va se passer. On est aligné, le gouvernement donne un ordre, on obéit le petit doigt sur la couture du pantalon, et deux ans après, on se retrouve rejeté par les Français. Cette comment dirais-je, ce complément de rôle, cet équilibre nécessaire, c'est celui dont la France a besoin et les Français, je crois, vont le montrer.

François BAYROU, le Premier ministre a vocation aussi il a vocation à gouverner, il a vocation aussi à mener la bataille des législatives pour son camp, mais aussi à le pacifier. Dans le conflit entre l'UMP et vous, est-ce qu'il a joué son rôle ?
Eh bien, je suis allé, comme vous le savez, voir Jean-Pierre RAFFARIN deux fois cette semaine, une première fois, j'ai eu la chance d'être son premier rendez-vous après sa prise de fonction, et puis, il a dirigé un sommet entre UMP et UDF, je suis persuadé qu'au fond de lui-même, il veut, il voulait cet accord, mais sans doute n'a-t-il pas pu convaincre tous ses amis, parce que le passage en force auquel on a assisté n'allait pas dans le bon sens. En tout cas, moi, je ne fais pas de cela une affaire de querelles, j'en fais une affaire de nécessité nationale. La France a besoin non pas d'un parti unique, mais d'une majorité équilibrée et pluraliste.

François BAYROU, on vous a bien compris, une dernière chose, s'il-vous-plaît, un fait d'actualité, la Marseillaise sifflée au Stade de France, samedi, quelle est votre réaction ?
Eh bien, le président est dans son rôle quand il défend les symboles de la France, je n'ai pas vu les images, donc, je ne peux pas répondre sur la manière dont c'est arrivé. Mais, le président de la République assume sa fonction et c'est bien.

Merci François BAYROU

(Source http://www.udf.org, le 17 mai 2002)