Interview de M. Serge Lepeltier, président délégué du RPR, à RTL le 21 mai 2002, sur la stratégie du RPR dans la préparation des élections législatives de juin.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

RTL - 7h50
R. Arzt Plus de 8.600 candidats et candidates pour les prochaines élections législatives, cela fait 32 % de plus qu'en 1997. Ce nombre record de candidats, vous y voyez un signe de bonne santé de la démocratie ou au contraire le signe d'une dispersion excessive ?
- "C'est trop, naturellement, et on l'a bien vu aux élections présidentielles. On aboutit à une dispersion des candidatures, des voix, et les électeurs expriment plus une humeur au premier tour qu'un choix pour un candidat qu'ils souhaitent voir élu. Donc, c'est manifestement trop et c'est la conséquence de cette loi du financement des partis politiques, où chacun, chaque parti, chaque groupuscule en quelque sorte, veut se financer pour les cinq ans à venir. Je crois qu'il faudra réformer cette loi."
Ce n'est que ça à votre avis ? Ce n'est pas un attrait soudain vers la démocratie ?
- "Je pense que quand on a dans une circonscription plus de 20 candidats, cela ne correspond pas à ce que l'on veut en démocratie, c'est-à-dire aboutir à un véritable choix, celui d'une politique à mener pour les cinq ans à venir."
L'UMP - Union pour la Majorité Présidentielle -, à laquelle vous appartenez, est un peu le mauvais élève de la parité, avec moins de 20 % de femmes candidates. Comment vous en êtes arrivés là ? C'est par principe ?
- "C'est trois fois plus qu'en 1997, il y a donc progressivement une montée des femmes en politique, dans des responsabilités..."
C'est nettement moins qu'au PS...
- "C'est nettement moins que dans d'autres, mais nous partons nous-mêmes de candidats qui souvent sont députés sortants, ou qui avaient été battus en 1997 et qui ont une vraie légitimité..."
S'ils ont été battus, ce serait donc une occasion de les renouveler ?
- "Ils ont une vraie légitimité, parce que sur le terrain, ils ont souhaité faire ce travail, tout simplement parce qu'ils ont souhaité rester fidèles à leurs électeurs, même si en 1997, cela avait été difficile pour eux. Donc, cette parité monte progressivement en puissance. Ce n'est pas suffisant, c'est clair. Mais je suis persuadé qu'à partir des élections municipales, où nous avons fait beaucoup d'efforts en matière de parité, des femmes, progressivement, apparaîtront dans la vie politique aux plus hautes responsabilités."
Que pensez-vous de l'idée - c'est une proposition d'A. Duhamel - de faire des pénalités supplémentaires pour les partis qui sont très loin de la parité ?
- "Je crois que ces pénalités sont largement suffisantes aujourd'hui. Elles sont très fortes. Et je pense que les femmes peuvent venir en politique sans forcément qu'il y ait des pénalités pour ça."
Pour la campagne elle-même, votre objectif évidemment, c'est qu'il n'y ait pas de nouvelle cohabitation. Vous pouvez comprendre quand même que les électeurs de gauche qui ont été privés de candidat au deuxième tour de la présidentielle, aient envie de voter massivement pour la gauche, lors des législatives ? C'est ce que vous craignez en tout cas ?
- "Ce que je sais surtout, c'est que les responsables socialistes, il y a quelques semaines, n'avaient pas de mots trop durs contre la cohabitation ; et aujourd'hui, ils voudraient la voir revenir, ce qui est un peu paradoxal. Non, il y a un véritable risque de cohabitation pour notre pays. Ce risque, c'est simplement l'amalgame qu'il y a entre la droite et la gauche, et le fait qu'on a l'impression qu'il n'y a pas de différence dans la politique menée. Ce qui amène les électeurs, pour changer, à voter pour les extrêmes. Donc, là, il y a un véritable risque."
Est-ce que le Président Chirac est suffisamment impliqué dans cette campagne électorale, qu'on le voit ou qu'on ne le voit pas ? Est-ce qu'il est souhaitable qu'il s'implique davantage ?
- "Sa première implication a d'abord été la désignation du Gouvernement, la formation du Gouvernement. Et puis, deuxièmement, d'initier la politique qui est d'ores et déjà menée aujourd'hui. Le Gouvernement, on le voit bien, est dans l'action, sur de nombreux domaines. C'est la première implication du président de la République. Mais il doit y en avoir une autre, c'est que le Président, très clairement, s'engage, explique pourquoi il a besoin d'une majorité au Parlement pour gouverner pour les cinq ans qui viennent. Et je pense qu'il le fera dans les semaines qui viennent."
Sous quelle forme ?
- "Au moins en s'adressant aux Français, en leur disant très clairement quel est l'enjeu. Et puis, peut-être, en allant sur le terrain, dans les départements, pour exprimer, dans la rencontre des Français, ce choix."
Parlons de ce qui se passe à droite : F. Bayrou a dit hier que "si le RPR veut toutes les responsabilités, ce n'est pas un bon service à rendre à la droite et à la République". C'est-à-dire qu'on commence à entendre, et pas seulement à gauche, que le RPR veut tous les pouvoirs...
- "Ce dont on a surtout besoin, ce dont notre pays a besoin, c'est une grande union pour gouverner. Ce que les Français nous ont dit, au cours de la campagne présidentielle, c'est : "Unissez-vous, nous en avons assez de vos querelles de boutiques et de vos divisions !". C'est de ça dont il s'agit aujourd'hui. Il s'agit de mettre en place une majorité coordonnée, une majorité cohérente pour gouverner et pour permettre au Gouvernement, je dirais de mener cette politique d'alternance dont les Français ont besoin."
Mais en quoi serait-ce dérangeant, si la droite gagne, que la future majorité soit l'UMP d'un côté et l'UDF de l'autre ?
- "Ce que nous avons constaté dans le passé, c'est que lorsqu'il y a plusieurs groupes politiques, ils défendent d'abord leur intérêt de groupe politique, de structure, c'est-à-dire, en un mot de "boutique", plutôt que de voir derrière l'intérêt général. Et de cela, nous ne voulons plus."
L'hypothèse où les députés de l'UDF pourraient former un groupe charnière à l'Assemblée, qui permettrait ou non à l'UMP d'avoir une majorité selon les sujets, c'est insupportable pour vous ?
- "Elle n'est pas "insupportable". Ce sera aux électrices et aux électeurs de le dire. Et ce que nous disons aujourd'hui, aux Français, c'est que pour éviter une nouvelle cohabitation, pour ne pas prendre le risque d'une nouvelle cohabitation, il faut se rassembler derrière les candidats de l'UMP, parce que quand on disperse nos voix, on a vraiment le risque de ne pas être présents au second tour et donc, on a le risque de revoir le PS gagner les élections."
Une rencontre entre A. Juppé et F. Bayrou est-elle envisageable ? F. Bayrou l'a plus ou moins demandée...
- "Il me semble qu'elle est tout à fait envisageable. Heureusement qu'entre hommes, on peut se rencontrer et discuter."
Dans les triangulaires probables après le premier tour, que se passera-t-il si le candidat du Front national est en mesure de l'emporter contre le candidat socialiste ? S'il reste un candidat de l'UMP, est-ce qu'il se maintiendra ou bien est-ce qu'il se retirera en appelant à voter socialiste ?
- "Le risque le plus grand aujourd'hui pour notre démocratie est la confusion qu'il y a entre la droite républicaine et la gauche. Puisqu'alors, les électeurs disent : "Eh bien, il faut voter aux extrêmes pour le changement"."
Et dans ce cas-là ?
- "Donc, ne tombons pas dans cette confusion. Et je souhaite que l'on maintienne notre candidat, parce qu'on prendra toujours moins de risque dans ce cas-là, par l'élection de quelques députés, que la gauche n'en a pris, lorsqu'avec la proportionnelle, elle avait abouti à ce qu'il y ait un groupe du Front national à l'Assemblée nationale."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 mai 2002)