Texte intégral
ALAIN RICHARD
Avec l'amiral DELAUNAY et Jean-Yves HELMER, nous allons apporter quelques précisions sur la préparation technique du porte-avions CHARLES DE GAULLE et sa place dans la programmation de nos équipements de Défense. Nous allons aussi aborder les questions plus larges concernant le développement des programmes de la Marine. Nous sommes par conséquent à votre disposition.
QUESTION
Monsieur le Ministre, puisque nous sommes en phase de calage budgétaire, quand estimerez-vous les conditions économiques prêtes pour lancer le programme d'un deuxième porte-avions ?
ALAIN RICHARD
Ce n'est pas d'actualité dans la programmation actuelle puisque nous avons la chance - par rapport à ce que nous avons observé dans les deux dernières décennies - de pouvoir mener la loi de programmation à sa réalisation à peu près intégrale. Plus nous approchons de la fin - nous sommes à deux ans et demi de la fin de cette programmation - plus nous évaluons précisément les marges de manuvre. Or, il n'y a pas les marges de manuvre de l'ordre des quinze à dix-huit milliards nécessaires à la réalisation d'un deuxième porte-avions dans ce délai. L'hypothèse d'une mise en chantier d'un deuxième porte-avions est une question clé qui ne se réduit pas pour autant à la décision de fabriquer ou non le bâtiment. Savoir si nous construisons un porte-avions de préférence à d'autres formes de réalisation, également centrales pour la Marine, sera une question importante discutée lors de la prochaine loi de programmation.
Il s'agirait de raisonner sur un programme qui s'étalera sur pratiquement une dizaine d'années et dans la décennie 2000. Or, nous n'en sommes pas au stade du travail concret sur la loi de programmation 2003-2008. Ce travail ne s'ouvrira vraisemblablement que dans une année ou deux. Nous raisonnons sur un ordre de grandeur financier très approximatif et, par conséquent, le chiffre évoqué à l'instant a tout simplement une vertu pédagogique...
QUESTION
Croyez-vous la DCN ou la DGA lorsqu'elles se déclarent en mesure de construire le même bateau sans apporter aucune modification, si les budgets sont effectivement protégés ?
ALAIN RICHARD
Cette question n'est pas d'actualité ; elle n'a pas été étudiée.
QUESTION
Si nous levons l'hypothèque d'un deuxième porte-avions, c'est alors au profit de quel bâtiment au sein de cette loi de programmation 2003-2008 ?
ALAIN RICHARD
L'entrée en matière de la préparation de la prochaine loi de programmation n'est pas engagée et doit d'abord donner lieu à un certain nombre de dialogues institutionnels. Vous pouvez écrire, questionner, faire des hypothèses, cela est parfaitement légitime, mais il n'est pas opportun de spéculer sur des choix possibles pour une période encore inactuelle. Pour conclure sur cette affaire d'enchaînement des lois de programmation, il serait utile que nous ayons à ce propos un bon délai de recouvrement entre la préparation de la prochaine loi de programmation et l'expiration de l'actuelle loi prévue le 31 décembre 2002.
Nous avons un préjugé favorable sur une nouvelle loi de programmation de six ans nous conduisant au 31 décembre 2008. Mais trop anticiper, comme si la loi de programmation devait être votée fin 2000, c'est risquer d'augmenter les marges d'incertitude, d'être ainsi en décalage par rapport à la période d'exécution de cette loi et a fortiori par rapport à la situation stratégique qu'elle devrait traiter. Nous sommes aujourd'hui dans la phase de réflexion et d'analyse stratégique sur la bonne adaptation de notre outil de défense ; le débat d'action et de choix de la prochaine loi de programmation viendra en son temps.
QUESTION
Pour revenir a contrario sur ce sujet, un second porte-avions ne risque-t-il pas d'assécher complètement les ressources de la Marine au détriment d'autres programmes eux aussi très utiles ? Le deuxième porte-avions ne risque-t-il pas de
" manger " tous les crédits d'équipement ?
ALAIN RICHARD
Nous allons à nouveau évoquer des ordres de grandeur pour une potentielle loi de programmation. Admettons l'élaboration d'une loi de programmation dans les mêmes ordres de grandeur qu'aujourd'hui, à savoir sans options, ni de remontée de l'effort d'armement de la France, ni d'effritement substantiel. Sur six ans nous aurions alors à partager un potentiel de dépenses de recherche de développement et d'industrialisation de l'ordre de 500 milliards, voire plus. La part de la Marine représenterait approximativement une centaine de milliards. Ainsi, un enjeu estimé à beaucoup plus d'une dizaine de milliards de francs représente un élément tout à fait structurant relativement à la variété des moyens de la Marine ; de plus, nos bâtiments durant entre 25 et 35 ans, lorsque nous payons la construction d'un navire, d'un bâtiment de surface aussi important qu'un porte-avions, nous devons repayer pendant sa durée de vie une fraction élevée, parfois supérieure à 50 % de sa valeur neuve, pour le moderniser et le changer de génération.
Un certain nombre de travaux de ce type seront donc à réaliser sur la flotte actuelle au cours de la prochaine programmation.
QUESTION
Monsieur HELMER pourrait-il apporter quelques éclaircissements sur l'avenir de la propulsion nucléaire pour la flotte de surface ?
JEAN-YVES HELMER (DGA)
La propulsion nucléaire pour la flotte de surface n'a été envisagée que pour des porte-avions de cette espèce. Si nous construisions un deuxième porte-avions, se poserait la question du choix de cette propulsion nucléaire pour ce nouveau bâtiment. Toutes les options sont ouvertes à ce stade. Il faudra prendre en considération le coût de ce porte-avions pour l'équiper de la sorte, en sachant que nous ne ferons jamais exactement le même bâtiment. Il sera en effet développé pratiquement quinze ans après le premier, donc avec de nouvelles technologies. Il faudra donc reprendre une partie de la conception. Nous avons également des discussions avec les Britanniques qui ont de même un projet de porte-avions. Si nous nous décidions à faire le deuxième porte-avions, il faudrait examiner et mettre en balance une éventuelle collaboration avec les Britanniques.
Le sujet est aujourd'hui complètement ouvert et un certain nombre de travaux sont en cours. Toutes ces réflexions sont cependant tributaires d'une première décision, favorable ou non à la construction d'un second porte-avions.
ALAIN RICHARD
Ajoutons en cette phase d'essais et cette période d'interrogations ou d'observations sur les mises au point, que la propulsion nucléaire de ce porte-avions n'a pas donné lieu à de véritables incertitudes, ni d'ailleurs à de véritables innovations. Elle est en effet en ligne avec la propulsion nucléaire des sous-marins que seuls les Français, avec nos partenaires et alliés américains, savent pratiquement faire et sur laquelle nous ne connaissons pas d'aléas.
QUESTION
Avez-vous déjà estimé le surcoût pour la France occasionné par les coûts supplémentaires des quatre frégates commandées qui accompagneront ce bâtiment après le retrait britannique du programme " Horizon " ?
ALAIN RICHARD
Non, car nous travaillons actuellement en interne mais aussi avec nos amis italiens pour " mettre la dernière main " à la phase de définition du programme " Horizon ". Le besoin de la Marine française est maintenant relativement urgent et nous ne voulons pas retarder le lancement du programme. Ce surcoût n'est vraisemblablement pas significatif dans la mesure où ces différentes hypothèses ont été étudiées. Ce qui s'est passé correspond à un désaccord entre industriels sur une proposition émise en commun par les gouvernements britannique, italien et français. Ce n'est pas le gouvernement britannique qui, se détachant des deux autres, a dit " nous ne voulons plus commander ensemble ". Nous avons en effet constaté ensemble que les industriels associés à ce programme ne parvenaient pas à conclure un projet commun. La source de ce désaccord est certainement d'origine industrielle britannique et non pas issue du gouvernement. La communalité du programme avec la marine britannique avait certes engendré l'arrivée de surcoûts relativement importants à cause des divergences de spécifications attendues. Mais les crédits prévus dans la programmation pour financer le programme Horizon nous permettront de tenir.
QUESTION
Que pensez-vous de la longueur de la piste ?
ALAIN RICHARD
La question de la longueur de la piste se justifie par des raisons de rapidité de manuvre en phase opérationnelle lorsque nous faisons évoluer à la fois les avions de guet et les avions de combat. Il y a alors quelque chose de folklorique dans le dialogue presse-institution sur une question de ce type. Par rapport aux missions de base d'un porte-avions, cette question est tout à fait secondaire et n'affecte fort heureusement pas l'équilibre ni les capacités du navire et son potentiel opérationnel. La question du coût est quant à elle un des éléments les plus minimes du programme de remise à niveau.
AMIRAL DELAUNAY (CEMM)
Il s'agit effectivement d'un problème de rapidité de réaction sur le porte-avions et non de sécurité, ni pour l'avion, ni pour le pilote. Nous ne pourrions évidemment prendre le moindre risque, comme le prouvent les quinze appontages effectués ces derniers temps. Nous procéderons d'ailleurs aujourd'hui même à cet appontage devant le président de la République. Se pose un problème de rapidité et de manuvre pour éviter d'être obligés de tracter l'appareil à l'aide d'un petit Fenwick et le laisser ainsi manuvrer seul au bout de la piste.
QUESTION
Quand sera prise concrètement la décision ?
AMIRAL DELAUNAY
Dans le mois à venir.
QUESTION
Quelles leçons avez-vous tirées des difficultés de mise au point du porte-avions, même s'il ne faut pas les exagérer ? Certes, c'est un prototype, mais quels enseignements tirer en termes de restructuration de la DCN en considérant les problèmes de la DCN à s'adapter à la concurrence internationale ?
ALAIN RICHARD
Les professionnels, les militaires, marins des principales marines ou dirigeants des chantiers navals militaires, ne sont pas surpris par les problèmes normaux de mise au point du CHARLES DE GAULLE. Une partie des questions qui ont donné lieu à des commentaires, notamment suite aux changements de normes et d'équipements, est liée au problème franco-français bien connu de la durée des programmes. Une partie des inconvénients ou difficultés d'achèvement rencontrés sur le CHARLES DE GAULLE viennent du fait qu'il aurait probablement pu être mené à terme si nous n'avions pas été contraints à des étalements financiers pour des raisons budgétaires. Nous aurions pu en sorte gagner quatre ou cinq ans. Cette situation tient aussi à notre volonté d'indépendance, au profit d'ailleurs de la crédibilité de la DCN. Seuls trois ou quatre pays au monde sont aptes à faire un bâtiment de ce type, à réaliser la totalité de la palette du porte-avions, avec leurs ressources industrielles et technologiques nationales. La réforme de la DCN est en cours et sa modernisation vise à améliorer les processus industriels et les contrôles. Les étapes de mise au point finale du CHARLES DE GAULLE, n'amèneront sans doute pas de questions nouvelles par rapport à la DCN.
RODOLPHE GREIF (DIRECTEUR DES CONSTRUCTIONS NAVALES)
Les problèmes rencontrés sont classiquement rencontrés dans les essais. Un projet de cet envergure engendre un certain nombre de points à rectifier ou corriger. Nous ne sommes absolument pas sortis des normes dans ce domaine-là. En revanche, des systèmes extrêmement importants comme le système de combat, totalement satisfaisant, ne sont jamais mentionnés. La mise au point du système de combat est en effet une absolue réussite. Nous parlons des problèmes en les grossissant parfois, mais nous sommes restés dans les normes. En ce qui concerne la radio protection, maintes et maintes fois évoquée, les normes de radio protection entre le début et la fin du programme se sont sensiblement durcies. Il faut en tirer les conséquences et même prendre de l'avance sur les normes à venir, ce qui est effectivement prévu. Si le bateau était déjà en service alors qu'un durcissement des normes est apparu, cela exigerait une adaptation.
La DCN est divisée entre " l'étatique " et " l'industriel ", ce qui a le mérite de clarifier les relations internes. La réactivité à l'égard de ces problèmes - notamment pour la DCN de Brest - a été totale et les solutions ont été qualifiées et mises en place dans les délais les plus courts. Il ne faut nullement incriminer l'organisation ou les structures de la DCN sur ces affaires là. Nous sommes confrontés à une situation classique avec un temps de réaction et des qualités de réaction adéquats aux normes internationales.
AMIRAL DELAUNAY
C'est, pour les marins d'aujourd'hui, à la fois une très grande satisfaction et une grande fierté de voir arriver dans la flotte ce bâtiment qui restera pour de longues années le fer de lance en matière de projection de puissance. Rodolphe GREIF, l'évoquait, il faut mesurer tout ce qui marche bien, c'est-à-dire 98 ou 99 % de la structure, comme par exemple la plate-forme aérienne, la propulsion, les problèmes de commandement et de contrôle. Le centre opérationnel, prodigieux outil de commandement, illustre ce bon fonctionnement. Les problèmes de mise au point seront oubliés d'ici quelques mois et le chef d'état-major des armées estimera certainement ce navire comme le digne successeur du FOCH et du CLEMENCEAU, avec des performances accrues de l'ordre de 50 %. Cet outil ne manquera pas alors d'être utilisé.
QUESTION
Confier la construction d'un deuxième porte-avions à la DCN lui permettrait-elle d'accélérer ses réformes de structure ?
ALAIN RICHARD
Les deux choses ne sont pas liées.
QUESTION
Pouvez-vous nous livrer quelques renseignements sur le prochain budget actuellement en préparation ?
ALAIN RICHARD
Ils sont sans surprise... !
(source htttp://www.defense.gouv.fr, le 08 septembre 1999)
Avec l'amiral DELAUNAY et Jean-Yves HELMER, nous allons apporter quelques précisions sur la préparation technique du porte-avions CHARLES DE GAULLE et sa place dans la programmation de nos équipements de Défense. Nous allons aussi aborder les questions plus larges concernant le développement des programmes de la Marine. Nous sommes par conséquent à votre disposition.
QUESTION
Monsieur le Ministre, puisque nous sommes en phase de calage budgétaire, quand estimerez-vous les conditions économiques prêtes pour lancer le programme d'un deuxième porte-avions ?
ALAIN RICHARD
Ce n'est pas d'actualité dans la programmation actuelle puisque nous avons la chance - par rapport à ce que nous avons observé dans les deux dernières décennies - de pouvoir mener la loi de programmation à sa réalisation à peu près intégrale. Plus nous approchons de la fin - nous sommes à deux ans et demi de la fin de cette programmation - plus nous évaluons précisément les marges de manuvre. Or, il n'y a pas les marges de manuvre de l'ordre des quinze à dix-huit milliards nécessaires à la réalisation d'un deuxième porte-avions dans ce délai. L'hypothèse d'une mise en chantier d'un deuxième porte-avions est une question clé qui ne se réduit pas pour autant à la décision de fabriquer ou non le bâtiment. Savoir si nous construisons un porte-avions de préférence à d'autres formes de réalisation, également centrales pour la Marine, sera une question importante discutée lors de la prochaine loi de programmation.
Il s'agirait de raisonner sur un programme qui s'étalera sur pratiquement une dizaine d'années et dans la décennie 2000. Or, nous n'en sommes pas au stade du travail concret sur la loi de programmation 2003-2008. Ce travail ne s'ouvrira vraisemblablement que dans une année ou deux. Nous raisonnons sur un ordre de grandeur financier très approximatif et, par conséquent, le chiffre évoqué à l'instant a tout simplement une vertu pédagogique...
QUESTION
Croyez-vous la DCN ou la DGA lorsqu'elles se déclarent en mesure de construire le même bateau sans apporter aucune modification, si les budgets sont effectivement protégés ?
ALAIN RICHARD
Cette question n'est pas d'actualité ; elle n'a pas été étudiée.
QUESTION
Si nous levons l'hypothèque d'un deuxième porte-avions, c'est alors au profit de quel bâtiment au sein de cette loi de programmation 2003-2008 ?
ALAIN RICHARD
L'entrée en matière de la préparation de la prochaine loi de programmation n'est pas engagée et doit d'abord donner lieu à un certain nombre de dialogues institutionnels. Vous pouvez écrire, questionner, faire des hypothèses, cela est parfaitement légitime, mais il n'est pas opportun de spéculer sur des choix possibles pour une période encore inactuelle. Pour conclure sur cette affaire d'enchaînement des lois de programmation, il serait utile que nous ayons à ce propos un bon délai de recouvrement entre la préparation de la prochaine loi de programmation et l'expiration de l'actuelle loi prévue le 31 décembre 2002.
Nous avons un préjugé favorable sur une nouvelle loi de programmation de six ans nous conduisant au 31 décembre 2008. Mais trop anticiper, comme si la loi de programmation devait être votée fin 2000, c'est risquer d'augmenter les marges d'incertitude, d'être ainsi en décalage par rapport à la période d'exécution de cette loi et a fortiori par rapport à la situation stratégique qu'elle devrait traiter. Nous sommes aujourd'hui dans la phase de réflexion et d'analyse stratégique sur la bonne adaptation de notre outil de défense ; le débat d'action et de choix de la prochaine loi de programmation viendra en son temps.
QUESTION
Pour revenir a contrario sur ce sujet, un second porte-avions ne risque-t-il pas d'assécher complètement les ressources de la Marine au détriment d'autres programmes eux aussi très utiles ? Le deuxième porte-avions ne risque-t-il pas de
" manger " tous les crédits d'équipement ?
ALAIN RICHARD
Nous allons à nouveau évoquer des ordres de grandeur pour une potentielle loi de programmation. Admettons l'élaboration d'une loi de programmation dans les mêmes ordres de grandeur qu'aujourd'hui, à savoir sans options, ni de remontée de l'effort d'armement de la France, ni d'effritement substantiel. Sur six ans nous aurions alors à partager un potentiel de dépenses de recherche de développement et d'industrialisation de l'ordre de 500 milliards, voire plus. La part de la Marine représenterait approximativement une centaine de milliards. Ainsi, un enjeu estimé à beaucoup plus d'une dizaine de milliards de francs représente un élément tout à fait structurant relativement à la variété des moyens de la Marine ; de plus, nos bâtiments durant entre 25 et 35 ans, lorsque nous payons la construction d'un navire, d'un bâtiment de surface aussi important qu'un porte-avions, nous devons repayer pendant sa durée de vie une fraction élevée, parfois supérieure à 50 % de sa valeur neuve, pour le moderniser et le changer de génération.
Un certain nombre de travaux de ce type seront donc à réaliser sur la flotte actuelle au cours de la prochaine programmation.
QUESTION
Monsieur HELMER pourrait-il apporter quelques éclaircissements sur l'avenir de la propulsion nucléaire pour la flotte de surface ?
JEAN-YVES HELMER (DGA)
La propulsion nucléaire pour la flotte de surface n'a été envisagée que pour des porte-avions de cette espèce. Si nous construisions un deuxième porte-avions, se poserait la question du choix de cette propulsion nucléaire pour ce nouveau bâtiment. Toutes les options sont ouvertes à ce stade. Il faudra prendre en considération le coût de ce porte-avions pour l'équiper de la sorte, en sachant que nous ne ferons jamais exactement le même bâtiment. Il sera en effet développé pratiquement quinze ans après le premier, donc avec de nouvelles technologies. Il faudra donc reprendre une partie de la conception. Nous avons également des discussions avec les Britanniques qui ont de même un projet de porte-avions. Si nous nous décidions à faire le deuxième porte-avions, il faudrait examiner et mettre en balance une éventuelle collaboration avec les Britanniques.
Le sujet est aujourd'hui complètement ouvert et un certain nombre de travaux sont en cours. Toutes ces réflexions sont cependant tributaires d'une première décision, favorable ou non à la construction d'un second porte-avions.
ALAIN RICHARD
Ajoutons en cette phase d'essais et cette période d'interrogations ou d'observations sur les mises au point, que la propulsion nucléaire de ce porte-avions n'a pas donné lieu à de véritables incertitudes, ni d'ailleurs à de véritables innovations. Elle est en effet en ligne avec la propulsion nucléaire des sous-marins que seuls les Français, avec nos partenaires et alliés américains, savent pratiquement faire et sur laquelle nous ne connaissons pas d'aléas.
QUESTION
Avez-vous déjà estimé le surcoût pour la France occasionné par les coûts supplémentaires des quatre frégates commandées qui accompagneront ce bâtiment après le retrait britannique du programme " Horizon " ?
ALAIN RICHARD
Non, car nous travaillons actuellement en interne mais aussi avec nos amis italiens pour " mettre la dernière main " à la phase de définition du programme " Horizon ". Le besoin de la Marine française est maintenant relativement urgent et nous ne voulons pas retarder le lancement du programme. Ce surcoût n'est vraisemblablement pas significatif dans la mesure où ces différentes hypothèses ont été étudiées. Ce qui s'est passé correspond à un désaccord entre industriels sur une proposition émise en commun par les gouvernements britannique, italien et français. Ce n'est pas le gouvernement britannique qui, se détachant des deux autres, a dit " nous ne voulons plus commander ensemble ". Nous avons en effet constaté ensemble que les industriels associés à ce programme ne parvenaient pas à conclure un projet commun. La source de ce désaccord est certainement d'origine industrielle britannique et non pas issue du gouvernement. La communalité du programme avec la marine britannique avait certes engendré l'arrivée de surcoûts relativement importants à cause des divergences de spécifications attendues. Mais les crédits prévus dans la programmation pour financer le programme Horizon nous permettront de tenir.
QUESTION
Que pensez-vous de la longueur de la piste ?
ALAIN RICHARD
La question de la longueur de la piste se justifie par des raisons de rapidité de manuvre en phase opérationnelle lorsque nous faisons évoluer à la fois les avions de guet et les avions de combat. Il y a alors quelque chose de folklorique dans le dialogue presse-institution sur une question de ce type. Par rapport aux missions de base d'un porte-avions, cette question est tout à fait secondaire et n'affecte fort heureusement pas l'équilibre ni les capacités du navire et son potentiel opérationnel. La question du coût est quant à elle un des éléments les plus minimes du programme de remise à niveau.
AMIRAL DELAUNAY (CEMM)
Il s'agit effectivement d'un problème de rapidité de réaction sur le porte-avions et non de sécurité, ni pour l'avion, ni pour le pilote. Nous ne pourrions évidemment prendre le moindre risque, comme le prouvent les quinze appontages effectués ces derniers temps. Nous procéderons d'ailleurs aujourd'hui même à cet appontage devant le président de la République. Se pose un problème de rapidité et de manuvre pour éviter d'être obligés de tracter l'appareil à l'aide d'un petit Fenwick et le laisser ainsi manuvrer seul au bout de la piste.
QUESTION
Quand sera prise concrètement la décision ?
AMIRAL DELAUNAY
Dans le mois à venir.
QUESTION
Quelles leçons avez-vous tirées des difficultés de mise au point du porte-avions, même s'il ne faut pas les exagérer ? Certes, c'est un prototype, mais quels enseignements tirer en termes de restructuration de la DCN en considérant les problèmes de la DCN à s'adapter à la concurrence internationale ?
ALAIN RICHARD
Les professionnels, les militaires, marins des principales marines ou dirigeants des chantiers navals militaires, ne sont pas surpris par les problèmes normaux de mise au point du CHARLES DE GAULLE. Une partie des questions qui ont donné lieu à des commentaires, notamment suite aux changements de normes et d'équipements, est liée au problème franco-français bien connu de la durée des programmes. Une partie des inconvénients ou difficultés d'achèvement rencontrés sur le CHARLES DE GAULLE viennent du fait qu'il aurait probablement pu être mené à terme si nous n'avions pas été contraints à des étalements financiers pour des raisons budgétaires. Nous aurions pu en sorte gagner quatre ou cinq ans. Cette situation tient aussi à notre volonté d'indépendance, au profit d'ailleurs de la crédibilité de la DCN. Seuls trois ou quatre pays au monde sont aptes à faire un bâtiment de ce type, à réaliser la totalité de la palette du porte-avions, avec leurs ressources industrielles et technologiques nationales. La réforme de la DCN est en cours et sa modernisation vise à améliorer les processus industriels et les contrôles. Les étapes de mise au point finale du CHARLES DE GAULLE, n'amèneront sans doute pas de questions nouvelles par rapport à la DCN.
RODOLPHE GREIF (DIRECTEUR DES CONSTRUCTIONS NAVALES)
Les problèmes rencontrés sont classiquement rencontrés dans les essais. Un projet de cet envergure engendre un certain nombre de points à rectifier ou corriger. Nous ne sommes absolument pas sortis des normes dans ce domaine-là. En revanche, des systèmes extrêmement importants comme le système de combat, totalement satisfaisant, ne sont jamais mentionnés. La mise au point du système de combat est en effet une absolue réussite. Nous parlons des problèmes en les grossissant parfois, mais nous sommes restés dans les normes. En ce qui concerne la radio protection, maintes et maintes fois évoquée, les normes de radio protection entre le début et la fin du programme se sont sensiblement durcies. Il faut en tirer les conséquences et même prendre de l'avance sur les normes à venir, ce qui est effectivement prévu. Si le bateau était déjà en service alors qu'un durcissement des normes est apparu, cela exigerait une adaptation.
La DCN est divisée entre " l'étatique " et " l'industriel ", ce qui a le mérite de clarifier les relations internes. La réactivité à l'égard de ces problèmes - notamment pour la DCN de Brest - a été totale et les solutions ont été qualifiées et mises en place dans les délais les plus courts. Il ne faut nullement incriminer l'organisation ou les structures de la DCN sur ces affaires là. Nous sommes confrontés à une situation classique avec un temps de réaction et des qualités de réaction adéquats aux normes internationales.
AMIRAL DELAUNAY
C'est, pour les marins d'aujourd'hui, à la fois une très grande satisfaction et une grande fierté de voir arriver dans la flotte ce bâtiment qui restera pour de longues années le fer de lance en matière de projection de puissance. Rodolphe GREIF, l'évoquait, il faut mesurer tout ce qui marche bien, c'est-à-dire 98 ou 99 % de la structure, comme par exemple la plate-forme aérienne, la propulsion, les problèmes de commandement et de contrôle. Le centre opérationnel, prodigieux outil de commandement, illustre ce bon fonctionnement. Les problèmes de mise au point seront oubliés d'ici quelques mois et le chef d'état-major des armées estimera certainement ce navire comme le digne successeur du FOCH et du CLEMENCEAU, avec des performances accrues de l'ordre de 50 %. Cet outil ne manquera pas alors d'être utilisé.
QUESTION
Confier la construction d'un deuxième porte-avions à la DCN lui permettrait-elle d'accélérer ses réformes de structure ?
ALAIN RICHARD
Les deux choses ne sont pas liées.
QUESTION
Pouvez-vous nous livrer quelques renseignements sur le prochain budget actuellement en préparation ?
ALAIN RICHARD
Ils sont sans surprise... !
(source htttp://www.defense.gouv.fr, le 08 septembre 1999)