Interview de M. Jean-Louis Debré, président du groupe parlementaire à l'Assemblée nationale, à La Chaîne info le 22 mai 2002, sur la polémique à propos d'éventuelles triangulaires lors du deuxième tour des élections législatives.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser La polémique fait rage, après les déclarations de S. Lepeltier sur d'éventuelles triangulaires droite-gauche-Front national pour le deuxième tour des législatives. Il s'était prononcé pour le maintien du candidat de la droite dans certains cas. Il y a eu des réactions très vives à gauche et dans votre propre camp. Est-ce que c'est une gaffe ou est-ce qu'il y a vraiment débat sur cette question ?
- "Il n'y a pas lieu à polémique. D'abord, si on voulait éviter toute polémique, je crois qu'il faudrait étendre aux élections législatives le système des élections présidentielles, et ne devraient pouvoir se présenter au second tour que les deux candidats arrivés en tête. Notre position a toujours été claire à l'égard des idées extrémistes, à l'égard des idées véhiculées par le Front national. Jamais nous n'avons dans le passé et jamais nous ne faciliterons dans l'avenir ceux qui portent ses idées. Et donc, il n'est pas question de favoriser directement ou indirectement les idées extrémistes et les candidats du Front national. Je crois que c'est clair ! Qu'on arrête cette polémique ! J. Chirac a eu depuis quinze ans une position très claire et Le Pen lui a suffisamment reproché sa position pour qu'aujourd'hui, on ne fasse pas des polémiques là où il n'y a pas lieu d'en faire."
Mais vous-même, vous êtes pris dans vos contradictions, à propos du terme de "front républicain". On explique que la confusion s'installe dans les esprits des électeurs, justement parce qu'ils ne distinguent plus de différences entre la droite et la gauche...
- "Non, ce n'est pas tout à fait cela. Laissons le front républicain à l'époque et au contexte de la France d'il y a quelques années. Les choses sont très claires. Il y a des différences très profondes entre la droite et la gauche, sur l'insécurité, sur l'économie, sur le social, sur la nécessité qui est la nôtre de remettre la France au travail et de favoriser celles et ceux qui travaillent - et non pas l'assistanat. Mais nous avons tous en commun, quelles que soient nos origines politiques personnelles, la République. Nous avons la République en commun : les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité qui nous rassemblent de la droite à la gauche. Et lorsque ces idées de liberté, d'égalité et de fraternité sont remises en cause par des idées de haine, de violence, de xénophobie, d'antisémitisme, on doit se retrouver. C'est tout. Mais ne dites pas qu'il y a entre la droite et la gauche..."
Je ne le dis pas, ce sont les électeurs qui l'ont dit...
- "Les électeurs ne disent pas cela. Ils voient très bien, dans toutes nos circonscriptions, tout ce qui nous distingue. Ils ont jugé très sévèrement la politique de la gauche et je souhaite qu'ils nous donnent mandat pendant cinq ans de gérer différemment la France. Mais ils nous disent aussi d'écarter de nos chemins toute idée de haine, d'antisémitisme, de xénophobie, parce que ce ne sont pas des valeurs républicaines."
Donc pas de triangulaires de votre fait...
- "Les choses sont claires et je souhaite que la gauche ait le même réflexe. Je me souviens d'il y a quelques années : il ne doit pas y avoir de présence de candidats de l'UMP s'il y a un risque de faire triompher les idées du Front national. Naturellement, il faudra examiner chaque circonscription, mais je crois que la ligne est claire et nous n'avons de leçon à recevoir de personne, pas plus de la gauche que de l'extrême droite."
Les choses sont claires effectivement, quand vous les dites comme cela... Je voudrais vous interroger sur F. Bayrou, qui provoque un certain nombre de primaires dans plus de 100 circonscriptions. Faut-il que l'UDF existe ? Faut-il un groupe charnière à l'Assemblée nationale ?
- "Tous ceux qui veulent défendre leurs idées ont le droit de les défendre. Nous avons fait avec l'Union pour la majorité présidentielle non pas un parti unique, mais une maison commune, où chaque sensibilité doit pouvoir s'exprimer et faire valoir ses différences les uns par rapport aux autres."
On en est à les organiser, elles ne s'expriment pas spontanément...
- "Les choses vont se mettre en place. Il est nécessaire qu'il y ait cette maison commune. Les Français veulent des choix clairs et ne veulent pas avoir des querelles de personnes. Si certains ne se trouvent pas bien aujourd'hui dans la maison commune, ils n'ont qu'à construire leur buanderie à part, et un jour ils reviendront. Au-delà des vicissitudes de la loi électorale, de la loi sur le financement de la vie politique, il est nécessaire aujourd'hui de revenir à une clarification et à une simplification. On ne peut pas continuer indéfiniment à avoir dans chaque circonscription de France seize, dix-huit, voire vingt candidats."
Mais il y en a de plus en plus... Il va falloir modifier la loi ?
- "Il va falloir faire plusieurs choses. D'une part, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, faire en sorte qu'au second tour, ne puissent se présenter que les deux candidats arrivés en tête à l'issue du premier, tout cela pour éviter combines, combinaisons, calculs et arrière-pensées politiques. C'est un impératif. Deuxièmement, dans la déclaration de candidature, il faudra faire en sorte qu'on évite qu'il y ait une multiplicité de candidats qui défendent non pas l'intérêt général mais qui défendent des intérêts corporatistes. Je suis très frappé de voir que ce qui est en jeu, lors des prochaines élections législatives, c'est l'avenir de la France. Ce n'est pas telle ou telle mesure qui doit être prise pour telle ou telle catégorie professionnelle. Arrêtons de nous tourner vers le corporatisme, regardons la France. Ce qui est en cause, c'est l'avenir des jeunes Français et des jeunes Françaises et je souhaite que la majorité soit la plus solide possible et dans cinq ans, les Français jugeront."
Est-ce que vous êtes optimiste sur les résultats des 9 et 16 juin ?
- "Je ne suis jamais optimiste de nature. Une élection n'est jamais gagnée par avance. Mais ce que je crois, c'est qu'il faut que les Français soient logiques. Ne revenons pas à un système de cohabitation. L'Etat a besoin d'être réformé, des mesures doivent être prises rapidement. L'Etat doit bouger, la sécurité doit être renforcée, et pour ce faire, il faut qu'il y ait à l'Assemblée nationale une majorité qui soutienne le Gouvernement. S'il y a un système de cohabitation, c'est à nouveau la paralysie et je crois que les Français n'en veulent plus."
Les premiers pas de ce Gouvernement ?
- "Ils sont favorables."
Vous êtes déçu de ne pas en être ?
- "Non, pas du tout. Chacun a sa place, chacun a son rôle. J.-P. Raffarin rassemble bien les Français ; le ministre de l'Economie a bien parlé et parle un langage de vérité. Ce que veulent nos concitoyens, c'est le rassemblement et la vérité."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 mars 2002)