Texte intégral
F. Laborde - On dit que les "petits candidats" ont bénéficié à peu près tous de la période de la campagne officielle. On a le sentiment que vous, vous avez moins progressé que d'autres.
- "On verra dimanche. Moi, je ne suis pas inquiète du tout. Je crois qu'effectivement, je progresse aussi. Mais on verra bien. Ce qui est important, ce sont les électeurs, les Françaises et les Français et leur choix le dimanche du dimanche soir. De toute façon, en ce qui nous concerne, cela ne s'arrêtera pas dimanche soir, puisque je veux faire lever une nouvelle génération d'hommes et de femmes politiques, dans les dix années à venir, qui défendront les valeurs que j'ai l'honneur de porter pour la présidentielle."
Quel est vitre programme jusqu'à dimanche ?
- "Aujourd'hui, ce soir, c'est mon grand meeting de fin de campagne à Lyon. Demain, je prends l'avion et je vais, non pas dans les DOM-TOM que je n'oublie pas, mais en Bretagne, car je n'ai pas pu encore aller en Bretagne. Donc, je ferai le tour de la Bretagne pendant 48 heures."
Vous ne donnerez pas de consigne de vote ?
- "Pour l'instant, je n'ai pas décidé. Tout le monde sait que mon adversaire est monsieur Jospin, qui a donné une orientation de société que je combats. Mais pour le reste, on verra qui sera là au second tour. J'ai besoin encore d'un certain nombre de précisions."
Qu'est-ce que vous attendez justement comme précisions, de la part de J. Chirac ?
- "Je pense qu'en ce qui concerne la famille, il ne suffit pas de faire de grands discours, de grandes annonces ou même de se servir de son épouse pour dire que la famille est devenue le credo de monsieur Chirac. Il faut regarder véritablement quelles sont les volontés, les mesures qu'il veut proposer. Moi, je souhaite qu'il y ait un droit à la retraite qui soit donné au parent qui décide d'élever ses enfants, un droit à la retraite personnel. Je pense aussi qu'il faut développer l'aide aux structures d'accueil pour les femmes qui veulent avoir un enfant et qui, aujourd'hui, sont en difficulté pour mener à bien leur grossesse. Je souhaite qu'en ce qui concerne la justice en particulier, les victimes soient beaucoup mieux associées au déroulement de la procédure de leurs agresseurs, alors qu'aujourd'hui, elles ne sont absolument pas informées ni prises en compte. La lutte contre l'illettrisme est pour moi quelque chose de très très important. Savez-vous que 12 % de la population française ne sait ni lire, ni écrire, ni compter ? Comment voulez-vous que ces personnes puissent s'intégrer ? Une chose, par rapport à l'immigration et à l'intégration, qui me semble importante : il y a eu des images qui ont laissé penser que parce qu'on était d'origine maghrébine ou étrangère, on était obligatoirement un délinquant donnant des claques. Je suis allée dans les ZUP, je suis allée dans des quartiers difficiles, j'ai vu des hommes et des femmes qui essayent de vivre sur notre territoire et qui ne m'ont pas fait les poches."
Et qui ne vous ont pas agressée... Dans votre discours, on a le sentiment que vous avez un peu arrondi les angles, qu'effectivement, vous avez un discours beaucoup plus rassembleur. L'image qu'on avait de vous, c'est plutôt quelqu'un qui était contre un certain [nombre de choses]. Alors, vous ne dites pas que vous êtes contre l'avortement, vous dites aujourd'hui qu'il faut aider les femmes...
- "C'est toujours ce que j'ai dit."
Alors, c'était quoi ? C'est nous qui vous comprenions mal ?
- "J'ai sans doute ma part de responsabilité. Mais pour comprendre tout mon discours, ma volonté, c'est l'homme, c'est de respecter la dignité de l'homme. C'est la raison pour laquelle je souhaite le respect de la vie dès la conception, mais également à la fin de la vie. Je n'accepte pas la peine de mort, par exemple, que certains essayent de remettre d'actualité. Je souhaite que les conditions de vie de chaque personne qui vit sur notre territoire soient décentes. C'est la raison pour laquelle je demande que soit instauré un droit au logement pour tous, financé par l'Etat et les bailleurs privés. Aujourd'hui, il y a des milliers et des milliers de personnes qui ne savent pas où ils vont dormir le soir, ce qu'ils vont manger."
On connaît notamment vos convictions religieuses. N'y a-t-il pas là une part de l'électorat français qui vous fait défaut aujourd'hui, quand on voit justement vos intentions de vote ?
- "On verra. Mais je ne me suis jamais présentée comme une candidate confessionnelle. Je suis députée de la République française. La République française, dans son article 1, dit qu'elle est laïque, c'est-à-dire qu'elle accepte toutes les croyances. Et moi, je ne vais pas changer une virgule de cet article-là."
Pourquoi cette affaire de Bible, dont vous avez dit que vous ne vous en sépariez jamais, a été mise comme cela en avant ?
- "Je pense que cela a fait plaisir à tout le monde, cela faisait un effet médiatique..."
C'est bien vous qui l'avez dit ?
- "Mais parce qu'on m'a posé la question. J'avais effectivement ce livre et moi, je n'ai pas l'habitude de mensonge. J'aime la vérité. Du reste, c'est aussi pour cela que je fais la politique. Je veux montrer qu'on peut faire la politique autrement, sans langue de bois, en mettant les Français devant leurs responsabilités, en les informant, en leur donnant les éléments pour qu'ils puissent faire leur jugement. Il y a un décalage que j'ai vu pendant cette campagne, sur le terrain, un décalage énorme entre l'attente des Français et ce que disent les hommes politiques."
Le pays réel et le pays politique ?
- "Absolument. Je le pense profondément et, du reste, lorsque l'on voit le faible score crédité pour "les deux gros", cela montre bien qu'il y a un manque de crédibilité. Ce qui m'inquiète surtout..."
Vous, vous ne dites pas "les deux grands" mais "les deux gros" ?
- "Moi je dis "les deux gros", parce qu'ils nous ont quand même un peu écrasés les "petits"."
Un mot sur la situation internationale. Les Français ont le sentiment que le politique en général est impuissant. Est-ce qu'au fond, ils n'ont pas raison, en voyant ce qui se passe dans le monde, et notamment au Proche-Orient, où franchement le politique est cruellement absente ?
- "Je prendrai un ton beaucoup plus [empreint] de gravité pour parler de cela, car je pense que la voix de la France a été très manquante, à un certain moment, dans le conflit du Proche-Orient. Par notre histoire, par ce que nous avons vécu, nous avons un lien particulier avec tous les pays de la Méditerranée et, sans doute aurions-nous dû prendre la parole et nous proposer comme médiateurs, mais il y a à peu près six mois ou sept mois. Aujourd'hui, la voix de la France manque et ce ne sont pas les Américains qui peuvent effectivement répondre à cette réalité, à cette demande de médiation. La France aurait pu le faire. Nous avons de bonnes relations avec Israël - nous avions de bonnes relations avec Israël. Nous avions la possibilité de discuter avec les pays du Maghreb et nous n'avons pas joué notre rôle. C'est, naturellement, le résultat d'une non volonté politique au plus haut sommet de l'Etat, mais également une réalité de la cohabitation, une de ses conséquences. Et que dire que d'avoir le président de la République et le Premier ministre candidats à l'élection présidentielle ! Ceci ne facilite pas la parole de la France. Or, il n'y a qu'elle - que nous - qui pouvions ainsi parler et jouer ce rôle de médiation."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 avril 2002)
- "On verra dimanche. Moi, je ne suis pas inquiète du tout. Je crois qu'effectivement, je progresse aussi. Mais on verra bien. Ce qui est important, ce sont les électeurs, les Françaises et les Français et leur choix le dimanche du dimanche soir. De toute façon, en ce qui nous concerne, cela ne s'arrêtera pas dimanche soir, puisque je veux faire lever une nouvelle génération d'hommes et de femmes politiques, dans les dix années à venir, qui défendront les valeurs que j'ai l'honneur de porter pour la présidentielle."
Quel est vitre programme jusqu'à dimanche ?
- "Aujourd'hui, ce soir, c'est mon grand meeting de fin de campagne à Lyon. Demain, je prends l'avion et je vais, non pas dans les DOM-TOM que je n'oublie pas, mais en Bretagne, car je n'ai pas pu encore aller en Bretagne. Donc, je ferai le tour de la Bretagne pendant 48 heures."
Vous ne donnerez pas de consigne de vote ?
- "Pour l'instant, je n'ai pas décidé. Tout le monde sait que mon adversaire est monsieur Jospin, qui a donné une orientation de société que je combats. Mais pour le reste, on verra qui sera là au second tour. J'ai besoin encore d'un certain nombre de précisions."
Qu'est-ce que vous attendez justement comme précisions, de la part de J. Chirac ?
- "Je pense qu'en ce qui concerne la famille, il ne suffit pas de faire de grands discours, de grandes annonces ou même de se servir de son épouse pour dire que la famille est devenue le credo de monsieur Chirac. Il faut regarder véritablement quelles sont les volontés, les mesures qu'il veut proposer. Moi, je souhaite qu'il y ait un droit à la retraite qui soit donné au parent qui décide d'élever ses enfants, un droit à la retraite personnel. Je pense aussi qu'il faut développer l'aide aux structures d'accueil pour les femmes qui veulent avoir un enfant et qui, aujourd'hui, sont en difficulté pour mener à bien leur grossesse. Je souhaite qu'en ce qui concerne la justice en particulier, les victimes soient beaucoup mieux associées au déroulement de la procédure de leurs agresseurs, alors qu'aujourd'hui, elles ne sont absolument pas informées ni prises en compte. La lutte contre l'illettrisme est pour moi quelque chose de très très important. Savez-vous que 12 % de la population française ne sait ni lire, ni écrire, ni compter ? Comment voulez-vous que ces personnes puissent s'intégrer ? Une chose, par rapport à l'immigration et à l'intégration, qui me semble importante : il y a eu des images qui ont laissé penser que parce qu'on était d'origine maghrébine ou étrangère, on était obligatoirement un délinquant donnant des claques. Je suis allée dans les ZUP, je suis allée dans des quartiers difficiles, j'ai vu des hommes et des femmes qui essayent de vivre sur notre territoire et qui ne m'ont pas fait les poches."
Et qui ne vous ont pas agressée... Dans votre discours, on a le sentiment que vous avez un peu arrondi les angles, qu'effectivement, vous avez un discours beaucoup plus rassembleur. L'image qu'on avait de vous, c'est plutôt quelqu'un qui était contre un certain [nombre de choses]. Alors, vous ne dites pas que vous êtes contre l'avortement, vous dites aujourd'hui qu'il faut aider les femmes...
- "C'est toujours ce que j'ai dit."
Alors, c'était quoi ? C'est nous qui vous comprenions mal ?
- "J'ai sans doute ma part de responsabilité. Mais pour comprendre tout mon discours, ma volonté, c'est l'homme, c'est de respecter la dignité de l'homme. C'est la raison pour laquelle je souhaite le respect de la vie dès la conception, mais également à la fin de la vie. Je n'accepte pas la peine de mort, par exemple, que certains essayent de remettre d'actualité. Je souhaite que les conditions de vie de chaque personne qui vit sur notre territoire soient décentes. C'est la raison pour laquelle je demande que soit instauré un droit au logement pour tous, financé par l'Etat et les bailleurs privés. Aujourd'hui, il y a des milliers et des milliers de personnes qui ne savent pas où ils vont dormir le soir, ce qu'ils vont manger."
On connaît notamment vos convictions religieuses. N'y a-t-il pas là une part de l'électorat français qui vous fait défaut aujourd'hui, quand on voit justement vos intentions de vote ?
- "On verra. Mais je ne me suis jamais présentée comme une candidate confessionnelle. Je suis députée de la République française. La République française, dans son article 1, dit qu'elle est laïque, c'est-à-dire qu'elle accepte toutes les croyances. Et moi, je ne vais pas changer une virgule de cet article-là."
Pourquoi cette affaire de Bible, dont vous avez dit que vous ne vous en sépariez jamais, a été mise comme cela en avant ?
- "Je pense que cela a fait plaisir à tout le monde, cela faisait un effet médiatique..."
C'est bien vous qui l'avez dit ?
- "Mais parce qu'on m'a posé la question. J'avais effectivement ce livre et moi, je n'ai pas l'habitude de mensonge. J'aime la vérité. Du reste, c'est aussi pour cela que je fais la politique. Je veux montrer qu'on peut faire la politique autrement, sans langue de bois, en mettant les Français devant leurs responsabilités, en les informant, en leur donnant les éléments pour qu'ils puissent faire leur jugement. Il y a un décalage que j'ai vu pendant cette campagne, sur le terrain, un décalage énorme entre l'attente des Français et ce que disent les hommes politiques."
Le pays réel et le pays politique ?
- "Absolument. Je le pense profondément et, du reste, lorsque l'on voit le faible score crédité pour "les deux gros", cela montre bien qu'il y a un manque de crédibilité. Ce qui m'inquiète surtout..."
Vous, vous ne dites pas "les deux grands" mais "les deux gros" ?
- "Moi je dis "les deux gros", parce qu'ils nous ont quand même un peu écrasés les "petits"."
Un mot sur la situation internationale. Les Français ont le sentiment que le politique en général est impuissant. Est-ce qu'au fond, ils n'ont pas raison, en voyant ce qui se passe dans le monde, et notamment au Proche-Orient, où franchement le politique est cruellement absente ?
- "Je prendrai un ton beaucoup plus [empreint] de gravité pour parler de cela, car je pense que la voix de la France a été très manquante, à un certain moment, dans le conflit du Proche-Orient. Par notre histoire, par ce que nous avons vécu, nous avons un lien particulier avec tous les pays de la Méditerranée et, sans doute aurions-nous dû prendre la parole et nous proposer comme médiateurs, mais il y a à peu près six mois ou sept mois. Aujourd'hui, la voix de la France manque et ce ne sont pas les Américains qui peuvent effectivement répondre à cette réalité, à cette demande de médiation. La France aurait pu le faire. Nous avons de bonnes relations avec Israël - nous avions de bonnes relations avec Israël. Nous avions la possibilité de discuter avec les pays du Maghreb et nous n'avons pas joué notre rôle. C'est, naturellement, le résultat d'une non volonté politique au plus haut sommet de l'Etat, mais également une réalité de la cohabitation, une de ses conséquences. Et que dire que d'avoir le président de la République et le Premier ministre candidats à l'élection présidentielle ! Ceci ne facilite pas la parole de la France. Or, il n'y a qu'elle - que nous - qui pouvions ainsi parler et jouer ce rôle de médiation."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 avril 2002)