Point de presse conjoint de MM. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères et Filip Vujanovic, Premier ministre du Monténégro, sur les relations entre la Serbie et le Monténégro, et l'aide de l'Union européenne au Monténégro, Paris le 15 septembre 1999.

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Circonstance : Visite de M. Filip Vujanovic, Premier ministre du Monténégro, à Paris le 15 septembre 1999

Texte intégral

M. Védrine - Mesdames et Messieurs, j'ai reçu le Premier ministre du Monténégro et le ministre des Affaires étrangères. Nous avons eu un entretien sur la situation actuelle du Monténégro dans le contexte que vous connaissez. Vous savez tous que le Monténégro est l'une des deux républiques constitutives de la République fédérale de Yougoslavie, avec la Serbie. J'ai profité de cet entretien pour obtenir une analyse et des informations complémentaires sur les initiatives récentes prises par le président du Monténégro en vue de la redéfinition des relations entre le Monténégro et la Serbie. Vous savez que la France, comme l'Union européenne globalement, insiste sur la nécessité d'un dialogue constructif entre la Serbie et le Monténégro sur ce plan, à l'intérieur de la Yougoslavie. Ceci est loin d'être acquis. Nous soutenons évidemment tous les efforts faits par le Monténégro pour essayer d'obtenir une démocratisation de la Yougoslavie. C'est dans ce cadre que nous avons évoqué la question des relations du Monténégro avec l'Union européenne, en particulier toutes les formes d'encouragement et d'aide que nous pouvons apporter. Nous avons fait le point, sur ce qui a déjà été fait, sur ce qui pourrait être fait en plus pour concrétiser notre soutien d'une façon encore plus efficace. Dans la partie qui se joue dans cette région du monde, dans les Balkans, la politique du président et du gouvernement du Monténégro apparaît comme un élément de sagesse. Et nous espérons qu'ils pourront atteindre leurs objectifs. Nous faisons plus que l'espérer, nous le souhaitons. Nous voulons y contribuer. C'est dans cet esprit que nous resterons en contact étroit dans la période qui vient. Et je redis que j'ai été très heureux de cet entretien qui m'a permis de bien comprendre les objectifs actuels des responsables du Monténégro qui voudraient, si j'ai bien compris, réaliser une égalité avec la Serbie tout en préservant ce lien. C'est un projet que nous comprenons.
Q - Monsieur le Ministre, que pouvez-vous proposer au Monténégro ? Les sanctions contre la République fédérale de Yougoslavie vont-elles être levées en ce qui concerne cette république ?
R - M. Védrine - Le 13 septembre, le Conseil Affaires générales a décidé d'exempter le Monténégro de l'embargo sur les exportations de pétrole et de l'embargo aérien. C'est le premier type de mesures. Comment peut-on faire en sorte que le Monténégro ne soit pas touché par les sanctions qui restent en vigueur contre la Yougoslavie, en réalité contre la Serbie pour les raisons que l'on sait. Pour la Serbie d'ailleurs, nous l'avons adapté sur un point puisque nous avons mis fin au boycott sportif. Mais le reste n'a pas changé. L'autre volet de l'action, c'est l'aide directe si on veut protéger le Monténégro des conséquences négatives de l'embargo et fournir une assistance directe. L'Union européenne a déjà fait beaucoup sur ce plan en 98 et 99 : une aide de 18 millions d'euros en 99, et qui venait après 8 millions d'euros en 98, notamment pour soutenir le programme de réforme du président et du gouvernement monténégrins et aussi pour aider le Monténégro à faire face à l'afflux de réfugiés, puisque le Monténégro a accueilli des réfugiés, aussi bien des Albanais du Kosovo que des Serbes du Kosovo ou d'autres réfugiés. C'est une charge très lourde pour un pays dont les moyens ne sont pas illimités. Nous avons décidé, le 13 septembre encore, de renforcer notre aide, mais là-dessus je ne peux pas vous en dire plus, parce que les modalités techniques précises ne sont pas arrêtées et il faut que la nouvelle Commission soit en place. Nous sommes dans la période charnière entre les deux Commissions.
Q - Monsieur Védrine, que souhaitez-vous pour le Monténégro, qu'il existe dans la Fédération ?
R - Ce n'est pas à nous de trancher dans le détail un débat qui doit avoir lieu et dont nous souhaitons qu'il ait lieu si c'est possible, dans la situation difficile que l'on connaît, et qui doit déterminer la nature des relations entre les différentes composantes de la Yougoslavie. Ce n'est pas à nous de nous substituer, de trancher à leur place naturellement. Mais quand nous voyons le Monténégro qui est une des républiques constitutives actuelles essayer de modifier cette relation de façon à aboutir à une égalité plus réelle, tout en préservant le lien avec la Serbie, tout en préservant la structure yougoslave, cela nous paraît globalement, du point de vue de la stabilité régionale et de la stabilité internationale, un programme raisonnable. Ils veulent un changement. Ce changement est inspiré par un besoin criant de démocratie. Donc nous le comprenons et le soutenons et en même temps les conséquences de cette évolution seraient gérables par les pays voisins et par nous, s'ils y arrivaient. C'est pour cela que je trouve que c'est à la fois raisonnable et ambitieux. Mais on peut encourager, on peut soutenir, sans être acteur direct. Par des contacts comme celui-ci, comme celui d'aujourd'hui, nous exprimons clairement un encouragement.
Q - Le Monténégro envisage-t-il un référendum au sujet de son indépendance ?
R - M. Védrine - Le Premier ministre ne m'a pas parlé d'indépendance mais je le laisse répondre.
R - M. Vujanovic - Notre ambition est de négocier avec la Serbie et de ne pas évoquer la question du référendum tant que le dialogue n'aura pas été terminé. En cas d'échec du dialogue, nous en informerons notre Parlement et ce sera à lui de décider si un référendum doit avoir lieu ou non. Ce qui est notre objectif aujourd'hui c'est de préserver notre union et nous ferons tout afin de la préserver.
R - M. Védrine - C'est cela que je trouve raisonnable même si c'est très difficile.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 septembre 1999)