Texte intégral
R. Elkrief On parlait de la modestie du Gouvernement affichée, c'est un de ses mots d'ordre. Elle va tenir au-delà du deuxième tour ? Si vous avez une large majorité, la modestie ne va pas disparaître, ne va pas être remplacée par de l'arrogance ?
- "La modestie aujourd'hui, ce n'est pas un positionnement politique, c'est une réponse à la complexité de la société française. Nous pensons que personne n'a de réponse complète à toutes les questions que pose la société française. Et c'est la raison pour laquelle nous voulons aborder les réformes qu'il va falloir faire dans notre pays avec humilité et modestie. Cela ne veut pas dire pour autant que nous n'allons pas agir, cela ne veut pas dire pour autant que nous n'avons pas des convictions. Cela veut dire que nous pensons qu'il faut aujourd'hui que les responsables politiques passent beaucoup plus de temps à écouter, à intégrer les propositions des uns et des autres, pour ensuite, accomplir les réformes."
Concrètement, on a vu des Premiers ministres s'isoler, les exemples sont nombreux. Vous avez prévu des signaux d'alarme sur la durée ?
- "Je crois que les meilleurs signaux d'alarme que l'on puisse utiliser sont ceux qui consistent à rester très proches, d'abord de sa majorité, car la majorité vit sur le terrain tous les jours. Trop souvent, elle est ignorée par les pouvoirs, on l'a connu, nous l'avons fait. La gauche s'est coupée d'une certaine manière aussi de sa majorité. Et puis, elle consiste, pour les membre du Gouvernement, à rester très au contact. Elle consiste enfin... "
Si vous avez tous les pouvoirs, comme le dénonce déjà la gauche. Est-ce que ce ne sera pas difficile de rester au contact ?
- "C'est très drôle cette façon dont la gauche dénonce la monopolisation des pouvoirs quand elle va perdre les élections. La démocratie, c'est quoi sinon l'alternance ? La gauche a eu le pouvoir pendant cinq ans. Elle a fait à peu près tout ce qu'elle voulait faire..."
Elle était en cohabitation et le Sénat n'était pas franchement à gauche. Cela fait au moins deux contre-pouvoirs...
- "Cela ne l'a pas empêché de bouleverser l'économie française avec les 35 heures. Cela ne l'a pas empêché de mettre en oeuvre des programmes qui ont asséché les finances publiques. Cela ne l'a pas empêché d'engager une réforme qui s'appelle "la loi de modernisation sociale", qui est un véritable monstre juridique et qui, aujourd'hui, pose à toutes les entreprises et aux partenaires sociaux des problèmes considérables. Je ne crois pas du tout que la cohabitation conduise à l'impuissance. La cohabitation donne le sentiment d'une confusion des pouvoirs, mais elle ne conduit pas à l'impuissance. En vérité, l'alternance, c'est un grand parti au pouvoir qui gouverne, qui est jugé par les Français et qui, le cas échéant, est remplacé par un autre. Et nous allons d'ailleurs de plus en plus - en tout cas, je l'espère, parce que c'est très important pour l'avenir de notre démocratie - vers une bipolarisation de la société française, donc vers deux grands partis qui vont gouverner, et, du coup, l'accusation de monopolisation des pouvoirs est une accusation qui ne trompe personne."
Alors, autre accusation, puisqu'on en est aux échanges de compliments, on est en campagne électorale : "Régression sociale". Vous, le ministre des Affaires sociales, comment est-ce que vous recevez cette accusation ?
- "D'abord, je trouve que ceux qui sont arrivés aux résultats impressionnants que les salaires ont baissé dans notre pays à cause des 35 heures, qui sont responsables d'une flexibilité accrue dans les entreprises qui, souvent, conduit, notamment pour les travailleurs les plus modestes, à une déstructuration des horaires, qui n'est pas un progrès social, ceux qui ont conduit notre économie dans une situation où les délocalisations s'accélèrent et où les destructions d'emploi..."
C'est la description de la situation. Maintenant que vous êtes au pouvoir...
- "C'est la responsabilité de ceux qui nous accusent de régression sociale..."
Et dans ce que vous allez faire ?
- "Ce que nous allons faire, c'est que nous allons moderniser l'économie française, mais nous allons aussi moderniser la démocratie sociale. Moderniser l'économie française, parce qu'on pense qu'elle a besoin de plus de libertés, de réglementations moins fortes, mais surtout, elle a besoin de démocratie. Ce que nous voulons, c'est que les partenaires sociaux dans les entreprises puissent décider de beaucoup de choses qui aujourd'hui sont décidées au plan national, par un Gouvernement, par une administration qui sont forcément loin des choses."
Alors, prenons des exemples concrets...
- "Nous ferons le gouvernement de la modernisation sociale..."
Justement, cette expression, vous savez que c'était le nom de la loi de modernisation sociale, loi qui durcissait les licenciements. Elle date de janvier dernier. A ce moment-là, vous l'avez dénoncée très fortement. Aujourd'hui, vous allez être confronté à votre tour à des vagues de licenciements : fermetures d'usines dans la Somme, dans l'Aisne, dans l'Eure, trois régions dans lesquelles il y a des ministres et des personnalités de la majorité actuelle, du Gouvernement. Et on entend un discours étonnant : par exemple, on entend J.-L Debré, RPR, dire qu'il faut durcir la loi sur les licenciements, qu'il faut pénaliser les entreprises qui licencient ; alors que vous avez dénoncé vous-même, l'année dernière, la loi de la gauche qui avait à peu près les mêmes objectifs. Vous allez vraiment être différents ?
- "Non seulement nous l'avons dénoncée, mais même les partenaires sociaux l'ont dénoncée."
Alors, qu'est-ce que vous allez faire devant ces vagues de licenciement aujourd'hui ?
- "Aujourd'hui, ce qui cause ces licenciements, ce n'est pas la législation, ce n'est pas la réglementation et aucune législation n'empêchera une entreprise qui n'a plus de marchés ou une entreprise dont les perspectives économiques ne sont pas bonnes dans notre pays, de licencier. La seule véritable assurance qu'on puisse apporter aux salariés aujourd'hui, c'est de leur donner les moyens de se reconvertir, c'est leur donner les moyens de faire face à ces aléas de la conjoncture économique..."
Mais concrètement, dans les preuves ?
- "Non, il n'y a pas de "concrètement". On ne va pas mettre en oeuvre une politique qui va aboutir à empêcher les effets de l'économie sur l'emploi. En revanche, ce qu'on va faire, c'est mettre en place ce que le président de la République a appelé "l'assurance emploi", c'est-à-dire un compte de formation professionnelle tout au long de la vie, individuel, que chaque citoyen pourra utiliser à sa guise, en fonction des accidents de son histoire professionnelle. Il n'y a pas d'autre solution. L'autre solution, c'est bien entendu de renforcer notre économie et notre attractivité. Une bonne partie de ces licenciements sont dus au fait que la France est aujourd'hui un des pays les moins attractifs en Europe..."
Certaines entreprises vont délocaliser effectivement...
- "Donc, les entreprises délocalisent. Elles délocalisent d'autant plus facilement qu'aujourd'hui, il y a une monnaie unique, et qu'en un clin d'oeil, on voit les différences sociales et les différences fiscales entre les pays européens."
Un dernier mot sur l'UMP : ce nouveau parti, vous considérez que c'est un succès. Est-ce qu'il va vraiment rester pluriel ? Je vous donne un exemple : la bataille pour le perchoir s'annonce, il y aura plusieurs personnalités de droite qui vont être candidates. Comment allez-vous les départager ?
- "D'abord, on n'imagine pas qu'un parti aussi important ne soit pas pluriel. Cela n'est pas prévisible. Ce que je voudrais dire sur le sujet, c'est que c'est plus qu'un succès. Si nous réussissons notre pari, c'est-à-dire si l'UMP s'impose comme une vraie nouvelle formation politique moderne, nous aurons changé assez profondément l'offre politique à droite. Et donc, nous aurons peut-être, pour la première fois, une perspective de durée qui n'existe plus dans la vie politique française depuis 25 ans. S'il y a une bataille pour le perchoir, cette bataille sera organisée au sein de l'UMP ; je veux dire par là que nous la maîtriserons, mais il y aura, bien entendu, des courants de pensée différents. J'ai bien l'intention de faire entendre au sein de l'UMP la voix du courant républicain, qu'avec un certain nombre de mes amis j'anime."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 juin 2002)
- "La modestie aujourd'hui, ce n'est pas un positionnement politique, c'est une réponse à la complexité de la société française. Nous pensons que personne n'a de réponse complète à toutes les questions que pose la société française. Et c'est la raison pour laquelle nous voulons aborder les réformes qu'il va falloir faire dans notre pays avec humilité et modestie. Cela ne veut pas dire pour autant que nous n'allons pas agir, cela ne veut pas dire pour autant que nous n'avons pas des convictions. Cela veut dire que nous pensons qu'il faut aujourd'hui que les responsables politiques passent beaucoup plus de temps à écouter, à intégrer les propositions des uns et des autres, pour ensuite, accomplir les réformes."
Concrètement, on a vu des Premiers ministres s'isoler, les exemples sont nombreux. Vous avez prévu des signaux d'alarme sur la durée ?
- "Je crois que les meilleurs signaux d'alarme que l'on puisse utiliser sont ceux qui consistent à rester très proches, d'abord de sa majorité, car la majorité vit sur le terrain tous les jours. Trop souvent, elle est ignorée par les pouvoirs, on l'a connu, nous l'avons fait. La gauche s'est coupée d'une certaine manière aussi de sa majorité. Et puis, elle consiste, pour les membre du Gouvernement, à rester très au contact. Elle consiste enfin... "
Si vous avez tous les pouvoirs, comme le dénonce déjà la gauche. Est-ce que ce ne sera pas difficile de rester au contact ?
- "C'est très drôle cette façon dont la gauche dénonce la monopolisation des pouvoirs quand elle va perdre les élections. La démocratie, c'est quoi sinon l'alternance ? La gauche a eu le pouvoir pendant cinq ans. Elle a fait à peu près tout ce qu'elle voulait faire..."
Elle était en cohabitation et le Sénat n'était pas franchement à gauche. Cela fait au moins deux contre-pouvoirs...
- "Cela ne l'a pas empêché de bouleverser l'économie française avec les 35 heures. Cela ne l'a pas empêché de mettre en oeuvre des programmes qui ont asséché les finances publiques. Cela ne l'a pas empêché d'engager une réforme qui s'appelle "la loi de modernisation sociale", qui est un véritable monstre juridique et qui, aujourd'hui, pose à toutes les entreprises et aux partenaires sociaux des problèmes considérables. Je ne crois pas du tout que la cohabitation conduise à l'impuissance. La cohabitation donne le sentiment d'une confusion des pouvoirs, mais elle ne conduit pas à l'impuissance. En vérité, l'alternance, c'est un grand parti au pouvoir qui gouverne, qui est jugé par les Français et qui, le cas échéant, est remplacé par un autre. Et nous allons d'ailleurs de plus en plus - en tout cas, je l'espère, parce que c'est très important pour l'avenir de notre démocratie - vers une bipolarisation de la société française, donc vers deux grands partis qui vont gouverner, et, du coup, l'accusation de monopolisation des pouvoirs est une accusation qui ne trompe personne."
Alors, autre accusation, puisqu'on en est aux échanges de compliments, on est en campagne électorale : "Régression sociale". Vous, le ministre des Affaires sociales, comment est-ce que vous recevez cette accusation ?
- "D'abord, je trouve que ceux qui sont arrivés aux résultats impressionnants que les salaires ont baissé dans notre pays à cause des 35 heures, qui sont responsables d'une flexibilité accrue dans les entreprises qui, souvent, conduit, notamment pour les travailleurs les plus modestes, à une déstructuration des horaires, qui n'est pas un progrès social, ceux qui ont conduit notre économie dans une situation où les délocalisations s'accélèrent et où les destructions d'emploi..."
C'est la description de la situation. Maintenant que vous êtes au pouvoir...
- "C'est la responsabilité de ceux qui nous accusent de régression sociale..."
Et dans ce que vous allez faire ?
- "Ce que nous allons faire, c'est que nous allons moderniser l'économie française, mais nous allons aussi moderniser la démocratie sociale. Moderniser l'économie française, parce qu'on pense qu'elle a besoin de plus de libertés, de réglementations moins fortes, mais surtout, elle a besoin de démocratie. Ce que nous voulons, c'est que les partenaires sociaux dans les entreprises puissent décider de beaucoup de choses qui aujourd'hui sont décidées au plan national, par un Gouvernement, par une administration qui sont forcément loin des choses."
Alors, prenons des exemples concrets...
- "Nous ferons le gouvernement de la modernisation sociale..."
Justement, cette expression, vous savez que c'était le nom de la loi de modernisation sociale, loi qui durcissait les licenciements. Elle date de janvier dernier. A ce moment-là, vous l'avez dénoncée très fortement. Aujourd'hui, vous allez être confronté à votre tour à des vagues de licenciements : fermetures d'usines dans la Somme, dans l'Aisne, dans l'Eure, trois régions dans lesquelles il y a des ministres et des personnalités de la majorité actuelle, du Gouvernement. Et on entend un discours étonnant : par exemple, on entend J.-L Debré, RPR, dire qu'il faut durcir la loi sur les licenciements, qu'il faut pénaliser les entreprises qui licencient ; alors que vous avez dénoncé vous-même, l'année dernière, la loi de la gauche qui avait à peu près les mêmes objectifs. Vous allez vraiment être différents ?
- "Non seulement nous l'avons dénoncée, mais même les partenaires sociaux l'ont dénoncée."
Alors, qu'est-ce que vous allez faire devant ces vagues de licenciement aujourd'hui ?
- "Aujourd'hui, ce qui cause ces licenciements, ce n'est pas la législation, ce n'est pas la réglementation et aucune législation n'empêchera une entreprise qui n'a plus de marchés ou une entreprise dont les perspectives économiques ne sont pas bonnes dans notre pays, de licencier. La seule véritable assurance qu'on puisse apporter aux salariés aujourd'hui, c'est de leur donner les moyens de se reconvertir, c'est leur donner les moyens de faire face à ces aléas de la conjoncture économique..."
Mais concrètement, dans les preuves ?
- "Non, il n'y a pas de "concrètement". On ne va pas mettre en oeuvre une politique qui va aboutir à empêcher les effets de l'économie sur l'emploi. En revanche, ce qu'on va faire, c'est mettre en place ce que le président de la République a appelé "l'assurance emploi", c'est-à-dire un compte de formation professionnelle tout au long de la vie, individuel, que chaque citoyen pourra utiliser à sa guise, en fonction des accidents de son histoire professionnelle. Il n'y a pas d'autre solution. L'autre solution, c'est bien entendu de renforcer notre économie et notre attractivité. Une bonne partie de ces licenciements sont dus au fait que la France est aujourd'hui un des pays les moins attractifs en Europe..."
Certaines entreprises vont délocaliser effectivement...
- "Donc, les entreprises délocalisent. Elles délocalisent d'autant plus facilement qu'aujourd'hui, il y a une monnaie unique, et qu'en un clin d'oeil, on voit les différences sociales et les différences fiscales entre les pays européens."
Un dernier mot sur l'UMP : ce nouveau parti, vous considérez que c'est un succès. Est-ce qu'il va vraiment rester pluriel ? Je vous donne un exemple : la bataille pour le perchoir s'annonce, il y aura plusieurs personnalités de droite qui vont être candidates. Comment allez-vous les départager ?
- "D'abord, on n'imagine pas qu'un parti aussi important ne soit pas pluriel. Cela n'est pas prévisible. Ce que je voudrais dire sur le sujet, c'est que c'est plus qu'un succès. Si nous réussissons notre pari, c'est-à-dire si l'UMP s'impose comme une vraie nouvelle formation politique moderne, nous aurons changé assez profondément l'offre politique à droite. Et donc, nous aurons peut-être, pour la première fois, une perspective de durée qui n'existe plus dans la vie politique française depuis 25 ans. S'il y a une bataille pour le perchoir, cette bataille sera organisée au sein de l'UMP ; je veux dire par là que nous la maîtriserons, mais il y aura, bien entendu, des courants de pensée différents. J'ai bien l'intention de faire entendre au sein de l'UMP la voix du courant républicain, qu'avec un certain nombre de mes amis j'anime."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 juin 2002)