Texte intégral
Si j'ai tenu aujourd'hui à me rendre à New York pour m'adresser au Conseil de sécurité des Nations unies, c'est parce que la France est engagée au Rwanda dans une opération humanitaire importante et difficile en application d'une résolution du Conseil de sécurité. Dans ces circonstances, il m'a paru essentiel de venir devant la plus haute instance des Nations unies pour rappeler tout ce que la France attend de cette grande institution et les efforts constants qu'elle a déployés pour donner à son action au service du bien commun de l'humanité davantage d'ampleur et d'efficacité. J'ai également voulu rendre compte le plus précisément possible des conditions dans lesquelles se déroule l'opération humanitaire que mon pays, en compagnie de quelques autres, mène au Rwanda. Je souhaite avec vous tirer certaines conclusions de ce drame intolérable qui, un temps, a paru laisser notre communauté internationale sans réaction. Celle-ci doit aujourd'hui se mobiliser tout entière en faveur d'une cause qui nous concerne tous.
La France a toujours souhaité que la société internationale s'organise mieux et qu'elle dispose des moyens nécessaires pour faire respecter les principes dont elle souhaite s'inspirer : égalité des droits et des devoirs des Etats ; respect de leur souveraineté ; respect des Droits de l'Homme ; règlement pacifique des différends.
La contribution des grands juristes français a été essentielle lors de la naissance de la S.D.N. et de l'O.N.U. Chaque fois, mon pays a souhaité que les organisations internationales se dotent des moyens nécessaires, y compris militaires, pour permettre au droit de l'emporter. Ordonner la vie internationale autour de quelques principes et chercher à introduire un état de droit, dans une société internationale qui, malgré les apparences, reste encore si diverse et tellement inégale, demande de la part de chacun des Etats qui la composent et en particulier des pays auxquels la Charte a confié des responsabilités particulières, une ferme volonté politique. Je tiens à dire aujourd'hui qu'en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la France entend poursuivre, dans ses déclarations comme dans ses actes, son engagement constant en faveur d'une société internationale plus solidaire et plus ordonnée.
Longtemps, nos efforts communs furent limités par l'ambition brutale de certains pays ou par la division du monde en deux blocs. Depuis quatre ans, la communauté internationale est à un tournant de son histoire. Pour la première fois, les Nations unies sont en mesure d'agir lorsque la paix et la stabilité du monde sont menacées ou lorsque des populations civiles sont affectées par la guerre. La période récente a certes montré les limites de cette action, qui tiennent au fait que l'ONU ne peut se substituer à des Etats ou à des parties à un conflit lorsque la volonté politique de faire appel à elle leur fait défaut ; mais, pour ne prendre que quelques exemples, qui pourrait nier le rôle de notre organisation dans le rétablissement de la paix au Cambodge, au Salvador, ou dans le sauvetage de tant de vies humaines en Somalie et en Bosnie ?
Qui ne mesure le chemin parcouru par notre Organisation pour aider à résoudre des crises humanitaires dans lesquelles une interprétation restrictive des principes de la Charte et surtout des blocages politiques ne lui permettaient pas d'intervenir ? Là encore, la France a apporté une contribution majeure à une évolution qui permet aujourd'hui, dans le principe essentiel de la souveraineté des Etats, d'apporter une réponse à des crises humanitaires qui représentent manifestement une menace contre la paix.
La France croit dans les Nations unies et dans leur mission ; elle l'a montré ici, au Conseil de sécurité, en prenant de nombreuses initiatives - je pense notamment à la situation en Bosnie ou au Cambodge - ; elle le montre sur les différents théâtres d'intervention où 7000 soldats français servent sous les couleurs de l'ONU, où, selon les années, elles forment le premier ou le second contingent. Leur dévouement et leur courage témoignent de l'engagement de mon pays aux côtés des Nations unies pour que s'affirment toujours davantage dans la vie internationale les principes de la Charte de San Francisco.
C'est dans cet esprit que le gouvernement français a décidé de réagir au drame vécu par le Rwanda, et qu'il s'est tourné vers le Conseil de sécurité, vers vous, pour qu'il autorise une intervention humanitaire d'urgence dans ce pays, seule à même d'arrêter des massacres et des exodes de populations d'une ampleur jamais atteinte sur le continent africain.
Faut-il rappeler les circonstances qui ont conduit à cette décision ? Des centaines de milliers de morts, plus de deux millions de personnes déplacées et terrorisées, un désastre humanitaire sans précédent, susceptible de déstabiliser l'ensemble de la région des grands lacs. La communauté internationale tout entière devait-elle observer impuissante le déroulement d'un tel drame ? La France en a jugé autrement et elle a estimé qu'il était de son devoir moral d'agir sans délai pour mettre fin au génocide et porter une assistance immédiate aux populations menacées.
Elle s'est résolue à intervenir pour éviter qu'il ne soit trop tard lorsque les renforts de la MINUAR pourraient être déployés au Rwanda ; chacun a mesuré que, faute d'une action rapide, c'est un pays tout entier dont la survie était menacée et une région dont la stabilité était gravement compromise. La France est reconnaissante au Conseil de sécurité de l'avoir suivi dans son appréciation de la situation et le remercie d'avoir voté la résolution 929. Mon gouvernement tient également à remercier le Secrétaire général pour tous les efforts qu'il a déployés dans l'exercice de ses fonctions afin de permettre le lancement de cette opération humanitaire.
Fallait-il s'abstenir, puisque aucun enjeu économique ou stratégique ne paraissait justifier une telle intervention, et donner ainsi raison à ceux qui reprochent à la société internationale de n'agir que lorsque de puissants intérêts sont en cause ? La France, et le Conseil de sécurité qui a soutenu son initiative, ont rejeté la voie de la résignation. Il en a été de même pour nos partenaires de l'Union de l'Europe occidentale et pour de très nombreux pays africains, qui ont exprimé leur appui à l'action du gouvernement français.
Celui-ci a tenu à fixer des principes très clairs à son action. Je les ai précisés le 22 juin dernier devant l'Assemblée nationale française. L'opération devait être placée sous le mandat du Conseil de sécurité ; elle devait avoir un but strictement humanitaire ; elle devait se dérouler avec d'autres participants ; elle devait enfin avoir une durée limitée à la fin juillet.
Quel bilan peut-on tirer, trois semaines après l'adoption de la résolution 929, de l'opération engagée par la France ?
Son but humanitaire a été largement atteint : près d'un million de réfugiés se trouvent à présent rassemblés sous la protection des forces françaises et sénégalaises dans une zone où, pour l'essentiel, les massacres ont été arrêtés et où les réfugiés se trouvent en sécurité, du moins est-ce la situation à l'heure où je m'adresse à vous. Depuis le début de l'opération, près de 1.300 personnes dont la vie était directement menacée ont été évacuées dans des zones sûres, soit par hélicoptère, soit par convoi routier protégé.
Au milieu de cette semaine, plus de 400 tonnes d'aide humanitaire auront été acheminées. Dans le domaine médical, un hôpital d'urgence fonctionne à Cyangugu, dans le sud-ouest du pays.
Ce premier bilan dans le domaine strictement humanitaire qui était celui de l'opération montre qu'un résultat essentiel a été atteint : l'arrêt presque complet des massacres là où la France est présente et l'acheminement d'une aide humanitaire très importante. Mais l'on voit aussitôt l'immensité des besoins qui croissent chaque jour à mesure notamment du nombre des personnes déplacées. Ce nombre dépasse les seules capacités de la France et des quelques pays qui l'ont accompagnée dans cette opération. Les experts indiquent par exemple qu'ils estiment à environ 500 tonnes de nourriture par jour les besoins des populations dans la seule zone de protection humanitaire.
Aujourd'hui, c'est dans trois directions que l'action de la communauté internationale tout entière doit continuer à s'exercer :
En premier lieu dans le domaine humanitaire. Face à l'afflux des réfugiés dans la zone de protection humanitaire du Sud-ouest du Rwanda et à la situation dramatique du pays dans son ensemble, une action résolue des Etats, des organismes humanitaires des Nations unies et des organisations non-gouvernementales évitera seule que la faim et la maladie ne succèdent aux massacres. Chacun connaît également les besoins des populations qui se sont réfugiées de façon massive dans les pays limitrophes du Rwanda. Il convient d'agir rapidement pour répondre aux besoins immédiats. Mais nous risquerions de laisser subsister une grave zone de tension dans cette région si la communauté internationale ne se préoccupait pas dès aujourd'hui du retour de ces centaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées.
Parallèlement à cet effort d'aide humanitaire que la France appelle de ses voeux, le déploiement des renforts de la MINUAR doit désormais intervenir au plus vite. Les forces françaises et sénégalaises présentes au Rwanda ne sauraient en effet se substituer seules à l'opération dont le Conseil de sécurité a décidé la création ; telle n'est pas leur mission, et telle n'est pas l'intention du gouvernement français, qui a depuis le début de l'opération Turquoise indiqué son intention de retirer ses troupes à la fin du mois de juillet.
Seule la présence d'une force importante des Nations unies sur le territoire du Rwanda permettra d'engager véritablement le redressement de ce pays, en favorisant le retour à la stabilité et le développement de l'action humanitaire.
C'est pourquoi mon pays lance un appel pressant à la communauté internationale pour que tout soit mis en oeuvre en vue de permettre le déploiement rapide de la MINUAR renforcée. De nombreux pays ont fait état de leur disponibilité à mettre d'importants effectifs à la disposition de la MINUAR. Ceux-ci seraient suffisants pour remplir la tâche qui a été assignée à cette force s'ils disposaient des équipements et de la logistique nécessaire. Il est urgent que tous les efforts de la communauté internationale se mobilisent pour les leur fournir. Le Secrétaire général des Nations unies, sur le soutien duquel la France a pu compter, peut être assuré de l'appui de mon gouvernement aux efforts qu'il déploie en ce sens.
Enfin, il revient aux Nations unies, à l'OUA et aux Etats de la région des grands lacs d'user de leur influence pour qu'une solution politique stable permette à ce pays déchiré et divisé de se réconcilier avec lui-même et de retrouver, dans l'esprit des accords d'Arusha, le consensus social et politique sans lequel rien de solide ne pourra être construit dans l'avenir. Je sais les efforts qui sont faits dans ce sens par le Secrétaire général et son représentant spécial, et le Conseil de sécurité tout entier les appuie. Il convient également que les instances des Nations unies compétentes dans le domaine des Droits de l'Homme puissent mener à bien les procédures engagées. La France a été coauteur de la résolution 935 du Conseil de sécurité qui a créé une commission d'enquête sur les massacres au Rwanda. Elle tiendra à la disposition de cette commission toutes les informations qu'elle aura pu recueillir. Les auteurs des massacres devront assumer la responsabilité de leurs actes devant la communauté internationale.
Monsieur le Président,
Le sort d'un peuple et d'un pays dépend de notre capacité à agir pour que la mission de paix des Nations unies puisse être menée à bien.
Telle est la raison de ma présence aujourd'hui ; la France, que lient à l'Afrique des liens anciens d'amitié et de solidarité devait mobiliser son énergie au service d'un peuple martyr.
Il est aujourd'hui essentiel que son effort soit relayé par l'ensemble de la communauté internationale. Le Président Senghor se faisait, il y a quelques années, l'avocat de "la civilisation de l'Universel". C'est cette civilisation qui doit inspirer notre Organisation et nous amener à agir en faveur de tel ou tel pays non point en fonction de sa taille, de sa richesse ou de sa culture, mais tout simplement parce qu'il est égal en droit à tous les autres et parce qu'il est dans le besoin. Tel est le cas du Rwanda aujourd'hui, un pays dévasté, une population déchirée et déracinée. Si nous savons répondre à l'appel à la justice et à la solidarité qu'il nous lance, notre communauté internationale aura franchi un nouveau pas vers une société internationale où le droit soit mieux respecté, une société plus juste.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
La France a toujours souhaité que la société internationale s'organise mieux et qu'elle dispose des moyens nécessaires pour faire respecter les principes dont elle souhaite s'inspirer : égalité des droits et des devoirs des Etats ; respect de leur souveraineté ; respect des Droits de l'Homme ; règlement pacifique des différends.
La contribution des grands juristes français a été essentielle lors de la naissance de la S.D.N. et de l'O.N.U. Chaque fois, mon pays a souhaité que les organisations internationales se dotent des moyens nécessaires, y compris militaires, pour permettre au droit de l'emporter. Ordonner la vie internationale autour de quelques principes et chercher à introduire un état de droit, dans une société internationale qui, malgré les apparences, reste encore si diverse et tellement inégale, demande de la part de chacun des Etats qui la composent et en particulier des pays auxquels la Charte a confié des responsabilités particulières, une ferme volonté politique. Je tiens à dire aujourd'hui qu'en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la France entend poursuivre, dans ses déclarations comme dans ses actes, son engagement constant en faveur d'une société internationale plus solidaire et plus ordonnée.
Longtemps, nos efforts communs furent limités par l'ambition brutale de certains pays ou par la division du monde en deux blocs. Depuis quatre ans, la communauté internationale est à un tournant de son histoire. Pour la première fois, les Nations unies sont en mesure d'agir lorsque la paix et la stabilité du monde sont menacées ou lorsque des populations civiles sont affectées par la guerre. La période récente a certes montré les limites de cette action, qui tiennent au fait que l'ONU ne peut se substituer à des Etats ou à des parties à un conflit lorsque la volonté politique de faire appel à elle leur fait défaut ; mais, pour ne prendre que quelques exemples, qui pourrait nier le rôle de notre organisation dans le rétablissement de la paix au Cambodge, au Salvador, ou dans le sauvetage de tant de vies humaines en Somalie et en Bosnie ?
Qui ne mesure le chemin parcouru par notre Organisation pour aider à résoudre des crises humanitaires dans lesquelles une interprétation restrictive des principes de la Charte et surtout des blocages politiques ne lui permettaient pas d'intervenir ? Là encore, la France a apporté une contribution majeure à une évolution qui permet aujourd'hui, dans le principe essentiel de la souveraineté des Etats, d'apporter une réponse à des crises humanitaires qui représentent manifestement une menace contre la paix.
La France croit dans les Nations unies et dans leur mission ; elle l'a montré ici, au Conseil de sécurité, en prenant de nombreuses initiatives - je pense notamment à la situation en Bosnie ou au Cambodge - ; elle le montre sur les différents théâtres d'intervention où 7000 soldats français servent sous les couleurs de l'ONU, où, selon les années, elles forment le premier ou le second contingent. Leur dévouement et leur courage témoignent de l'engagement de mon pays aux côtés des Nations unies pour que s'affirment toujours davantage dans la vie internationale les principes de la Charte de San Francisco.
C'est dans cet esprit que le gouvernement français a décidé de réagir au drame vécu par le Rwanda, et qu'il s'est tourné vers le Conseil de sécurité, vers vous, pour qu'il autorise une intervention humanitaire d'urgence dans ce pays, seule à même d'arrêter des massacres et des exodes de populations d'une ampleur jamais atteinte sur le continent africain.
Faut-il rappeler les circonstances qui ont conduit à cette décision ? Des centaines de milliers de morts, plus de deux millions de personnes déplacées et terrorisées, un désastre humanitaire sans précédent, susceptible de déstabiliser l'ensemble de la région des grands lacs. La communauté internationale tout entière devait-elle observer impuissante le déroulement d'un tel drame ? La France en a jugé autrement et elle a estimé qu'il était de son devoir moral d'agir sans délai pour mettre fin au génocide et porter une assistance immédiate aux populations menacées.
Elle s'est résolue à intervenir pour éviter qu'il ne soit trop tard lorsque les renforts de la MINUAR pourraient être déployés au Rwanda ; chacun a mesuré que, faute d'une action rapide, c'est un pays tout entier dont la survie était menacée et une région dont la stabilité était gravement compromise. La France est reconnaissante au Conseil de sécurité de l'avoir suivi dans son appréciation de la situation et le remercie d'avoir voté la résolution 929. Mon gouvernement tient également à remercier le Secrétaire général pour tous les efforts qu'il a déployés dans l'exercice de ses fonctions afin de permettre le lancement de cette opération humanitaire.
Fallait-il s'abstenir, puisque aucun enjeu économique ou stratégique ne paraissait justifier une telle intervention, et donner ainsi raison à ceux qui reprochent à la société internationale de n'agir que lorsque de puissants intérêts sont en cause ? La France, et le Conseil de sécurité qui a soutenu son initiative, ont rejeté la voie de la résignation. Il en a été de même pour nos partenaires de l'Union de l'Europe occidentale et pour de très nombreux pays africains, qui ont exprimé leur appui à l'action du gouvernement français.
Celui-ci a tenu à fixer des principes très clairs à son action. Je les ai précisés le 22 juin dernier devant l'Assemblée nationale française. L'opération devait être placée sous le mandat du Conseil de sécurité ; elle devait avoir un but strictement humanitaire ; elle devait se dérouler avec d'autres participants ; elle devait enfin avoir une durée limitée à la fin juillet.
Quel bilan peut-on tirer, trois semaines après l'adoption de la résolution 929, de l'opération engagée par la France ?
Son but humanitaire a été largement atteint : près d'un million de réfugiés se trouvent à présent rassemblés sous la protection des forces françaises et sénégalaises dans une zone où, pour l'essentiel, les massacres ont été arrêtés et où les réfugiés se trouvent en sécurité, du moins est-ce la situation à l'heure où je m'adresse à vous. Depuis le début de l'opération, près de 1.300 personnes dont la vie était directement menacée ont été évacuées dans des zones sûres, soit par hélicoptère, soit par convoi routier protégé.
Au milieu de cette semaine, plus de 400 tonnes d'aide humanitaire auront été acheminées. Dans le domaine médical, un hôpital d'urgence fonctionne à Cyangugu, dans le sud-ouest du pays.
Ce premier bilan dans le domaine strictement humanitaire qui était celui de l'opération montre qu'un résultat essentiel a été atteint : l'arrêt presque complet des massacres là où la France est présente et l'acheminement d'une aide humanitaire très importante. Mais l'on voit aussitôt l'immensité des besoins qui croissent chaque jour à mesure notamment du nombre des personnes déplacées. Ce nombre dépasse les seules capacités de la France et des quelques pays qui l'ont accompagnée dans cette opération. Les experts indiquent par exemple qu'ils estiment à environ 500 tonnes de nourriture par jour les besoins des populations dans la seule zone de protection humanitaire.
Aujourd'hui, c'est dans trois directions que l'action de la communauté internationale tout entière doit continuer à s'exercer :
En premier lieu dans le domaine humanitaire. Face à l'afflux des réfugiés dans la zone de protection humanitaire du Sud-ouest du Rwanda et à la situation dramatique du pays dans son ensemble, une action résolue des Etats, des organismes humanitaires des Nations unies et des organisations non-gouvernementales évitera seule que la faim et la maladie ne succèdent aux massacres. Chacun connaît également les besoins des populations qui se sont réfugiées de façon massive dans les pays limitrophes du Rwanda. Il convient d'agir rapidement pour répondre aux besoins immédiats. Mais nous risquerions de laisser subsister une grave zone de tension dans cette région si la communauté internationale ne se préoccupait pas dès aujourd'hui du retour de ces centaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées.
Parallèlement à cet effort d'aide humanitaire que la France appelle de ses voeux, le déploiement des renforts de la MINUAR doit désormais intervenir au plus vite. Les forces françaises et sénégalaises présentes au Rwanda ne sauraient en effet se substituer seules à l'opération dont le Conseil de sécurité a décidé la création ; telle n'est pas leur mission, et telle n'est pas l'intention du gouvernement français, qui a depuis le début de l'opération Turquoise indiqué son intention de retirer ses troupes à la fin du mois de juillet.
Seule la présence d'une force importante des Nations unies sur le territoire du Rwanda permettra d'engager véritablement le redressement de ce pays, en favorisant le retour à la stabilité et le développement de l'action humanitaire.
C'est pourquoi mon pays lance un appel pressant à la communauté internationale pour que tout soit mis en oeuvre en vue de permettre le déploiement rapide de la MINUAR renforcée. De nombreux pays ont fait état de leur disponibilité à mettre d'importants effectifs à la disposition de la MINUAR. Ceux-ci seraient suffisants pour remplir la tâche qui a été assignée à cette force s'ils disposaient des équipements et de la logistique nécessaire. Il est urgent que tous les efforts de la communauté internationale se mobilisent pour les leur fournir. Le Secrétaire général des Nations unies, sur le soutien duquel la France a pu compter, peut être assuré de l'appui de mon gouvernement aux efforts qu'il déploie en ce sens.
Enfin, il revient aux Nations unies, à l'OUA et aux Etats de la région des grands lacs d'user de leur influence pour qu'une solution politique stable permette à ce pays déchiré et divisé de se réconcilier avec lui-même et de retrouver, dans l'esprit des accords d'Arusha, le consensus social et politique sans lequel rien de solide ne pourra être construit dans l'avenir. Je sais les efforts qui sont faits dans ce sens par le Secrétaire général et son représentant spécial, et le Conseil de sécurité tout entier les appuie. Il convient également que les instances des Nations unies compétentes dans le domaine des Droits de l'Homme puissent mener à bien les procédures engagées. La France a été coauteur de la résolution 935 du Conseil de sécurité qui a créé une commission d'enquête sur les massacres au Rwanda. Elle tiendra à la disposition de cette commission toutes les informations qu'elle aura pu recueillir. Les auteurs des massacres devront assumer la responsabilité de leurs actes devant la communauté internationale.
Monsieur le Président,
Le sort d'un peuple et d'un pays dépend de notre capacité à agir pour que la mission de paix des Nations unies puisse être menée à bien.
Telle est la raison de ma présence aujourd'hui ; la France, que lient à l'Afrique des liens anciens d'amitié et de solidarité devait mobiliser son énergie au service d'un peuple martyr.
Il est aujourd'hui essentiel que son effort soit relayé par l'ensemble de la communauté internationale. Le Président Senghor se faisait, il y a quelques années, l'avocat de "la civilisation de l'Universel". C'est cette civilisation qui doit inspirer notre Organisation et nous amener à agir en faveur de tel ou tel pays non point en fonction de sa taille, de sa richesse ou de sa culture, mais tout simplement parce qu'il est égal en droit à tous les autres et parce qu'il est dans le besoin. Tel est le cas du Rwanda aujourd'hui, un pays dévasté, une population déchirée et déracinée. Si nous savons répondre à l'appel à la justice et à la solidarité qu'il nous lance, notre communauté internationale aura franchi un nouveau pas vers une société internationale où le droit soit mieux respecté, une société plus juste.
Je vous remercie, Monsieur le Président.