Texte intégral
Le gouvernement se penche actuellement sur la restructuration des industries de défense. Le dossier est délicat car il a plusieurs dimensions : sociale, industrielle, stratégique, internationale. Alain Richard, vous êtes ministre de la défense, alors, récemment, le gouvernement a décidé d'ouvrir le capital d'Aerospatiale ; pourquoi une simple ouverture du capital et non pas une privatisation ?
Alain RICHARD : Vous dites que " récemment " on s'occupe de ce dossier ? On s'en occupe depuis l'entrée en fonction du gouvernement ! Et vous avez pu observer qu'en quelques mois, nous avons établi un accord renforçant un des principaux piliers de l'industrie de défense française, qui est Thomson-CSF, en rassemblant autour de Thomson-CSF d'autres capacités industrielles françaises. Et cela est fait en partenariat entre l'Etat actionnaire et de grands actionnaires privés. Nous démontrons qu'il y a une capacité d'évolution d'alliances pour avoir les meilleures bases de travail du côté français pour entrer dans des alliances européennes qui sont nécessaires du fait que les marchés sont moins importants - plutôt pour de bonnes raisons, quand même - et que la compétition, maintenant, en tous cas dans les hautes technologies, est concentrée sur Etats-Unis d'un côté, Europe de l'autre, et qu'il faut se rassembler.
Vous privatisez Thomson-CSF mais pas Aerospatiale. Pourquoi cette différence de traitement ?
Alain RICHARD : Je crois que vous avez tort d'entrer uniquement dans une question d'étiquette juridique. Avant l'opération Thomson, l'Etat avait 57% dans cette entreprise, il en a désormais 43 %. Et il travaille avec des grands partenaires privés qui y trouvent parfaitement leur compte. Les entreprises publiques françaises de ce secteur ont montré depuis longtemps qu'elles avaient des rapports de confiance avec de grandes entreprises européennes qui ne sont pas trop dérangées par leur statut public lorsqu'il y a des affaires importantes et d'avenir à faire ensemble. Dans le cas d'Aerospatiale, il faut ajouter que ce que nous prévoyons est une étape. Nous souhaitons que, puisqu'il y a eu du retard de pris sur ce sujet, Aerospatiale puisse regrouper ses forces avec les autres partenaires français qui sont dans les mêmes métiers, qui fabriquent des avions et qui inventent des avions, et qui élaborent des avions de combat et il y a des rapprochements nécessaires avec l'aéronautique civile. Donc une étape substantielle a été franchie. Elle a été franchie par accord. Personne n'a rien imposé à personne et Dassault a accepté d'avoir un partenariat avec Aerospatiale, Aerospatiale restant public.
Est-ce qu'il faut une fusion entre Dassault et Aerospatiale, à votre avis ?
Alain RICHARD : Je pense que la coopération sera suffisante en attendant les étapes suivantes qui sont le rassemblement européen. Pour bien insister sur cette question à mon avis un peu factice de public, plus ou moins public ou privatisé, je rappelle que sans les efforts importants qu'a faits l'Etat actionnaire dans Aerospatiale au cours des années 70 et 80, il n'y aurait pas Airbus. Donc il n'y aurait pas tellement à discuter d'une aéronautique européenne. Je crois qu'il ne faut pas avoir d'approche dogmatique. Nous souhaitons, parce qu'aujourd'hui l'Etat actionnaire joue un rôle dynamique et prospectif dans Aerospatiale, que l'Etat garde un rôle important dans Aerospatiale.
Vous parlez de problème factice. Mais nos partenaires européens, les Allemands, les Anglais, ne pensent pas que c'est un problème factice. Ils souhaiteraient bien, eux le disent, qu'Aerospatiale soit privatisée.
Alain RICHARD : Ils le disent, et vous le croyez : c'est autre chose. Mais c'est une négociation avec des intérêts énormes dans laquelle, en effet, le pouvoir dans cette entreprise future, le grand groupe aéronautique et spatial européen, se discutera, et personne n'est disposé à concéder tout le pouvoir à ces partenaires. Il y aura une négociation dure. Nos partenaires britanniques et allemands - enfin, les entreprises - choisissent ce thème de la privatisation. Excusez-moi de vous dire que dans les médias il est un peu à la mode, et que ça sert un peu de rideau de fumée pour d'autres enjeux de pouvoir. Je ne vais pas en discuter ici puisqu'il s'agit d'une grosse négociation et qu'il faut la traiter sérieusement. Mais ce que je veux dire, c'est : ne vous laissez pas trop leurrer par cet élément qui, je crois, est d'apparence.
Cette ouverture du capital d'Aerospatiale, vous la voyez à quelle hauteur ?
Alain RICHARD : Peu importe. La question clé, c'est pourquoi. L'objectif est d'abord de faire avancer la transformation, qui est aujourd'hui un simple accord entre entreprises, en une véritable entreprise.
alors que le 1er janvier 1999, Airbus deviendra une société intégrée. Est-ce que vous pensez qu'on pourra respecter les délais ?
Alain RICHARD : Ca ne sera sans doute pas prêt pour le 1er janvier 99, mais raison de plus pour que le gouvernement dise à Aerospatiale : " Faites de votre mieux pour que cette négociation débouche ". Naturellement, nous le disons en tant qu'actionnaire ; les actionnaires des deux autres partenaires (Dasa et British Aerospace) ont aussi à faire des efforts. Simplement nous pensons qu'Airbus est aujourd'hui une entreprise qui a beaucoup de potentiel, qui a une croissance importante devant elle, qui doit se moderniser. Il faut que tout le monde y mette du sien. Je crois que l'Aerospatiale y mettra du sien.
donc il faut renforcer Aerospatiale avec de nouveaux partenaires. On a parlé de Dassault déjà ; est-ce qu'on peu parler de Lagardère, par exemple ?
Alain RICHARD : Deuxième sujet, il y a les missiles qui sont une activité à très fort niveau technologique, qui fait beaucoup de recherches et dans laquelle les capacités françaises sont très importantes. C'est évidemment notre intérêt, avant de mettre tout sur la table avec nos partenaires européens, de rassembler et de rendre cohérentes les capacités industrielles françaises. Il y a celles de Matra-Lagardère, il y a aussi celles de Thomson, et nous mandatons Aerospatiale pour mener des accords qui sont, je crois, en bonne voie sur ce terrain-là. Il est normal alors que les partenaires puissent prendre des parts. Il est normal aussi que l'action Aerospatiale ait une valeur, donc il est normal qu'elle aille dans le public, qu'elle aille à la Bourse. Et puis comme Airbus a des grands projets, il va falloir aller chercher de l'argent. Donc il est important qu'Aerospatiale puisse faire une augmentation de capital. Vous voyez bien que cette ouverture du capital n'a pas pour objectif de satisfaire un caprice idéologique, que je crois momentané, mais elle a pour objectif d'en faire un levier industriel pour réussir des choses qui donneront à cette grande industrie de notre pays sa place dans l'Europe.
Alain Richard, merci.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 10 janvier 2002)
Alain RICHARD : Vous dites que " récemment " on s'occupe de ce dossier ? On s'en occupe depuis l'entrée en fonction du gouvernement ! Et vous avez pu observer qu'en quelques mois, nous avons établi un accord renforçant un des principaux piliers de l'industrie de défense française, qui est Thomson-CSF, en rassemblant autour de Thomson-CSF d'autres capacités industrielles françaises. Et cela est fait en partenariat entre l'Etat actionnaire et de grands actionnaires privés. Nous démontrons qu'il y a une capacité d'évolution d'alliances pour avoir les meilleures bases de travail du côté français pour entrer dans des alliances européennes qui sont nécessaires du fait que les marchés sont moins importants - plutôt pour de bonnes raisons, quand même - et que la compétition, maintenant, en tous cas dans les hautes technologies, est concentrée sur Etats-Unis d'un côté, Europe de l'autre, et qu'il faut se rassembler.
Vous privatisez Thomson-CSF mais pas Aerospatiale. Pourquoi cette différence de traitement ?
Alain RICHARD : Je crois que vous avez tort d'entrer uniquement dans une question d'étiquette juridique. Avant l'opération Thomson, l'Etat avait 57% dans cette entreprise, il en a désormais 43 %. Et il travaille avec des grands partenaires privés qui y trouvent parfaitement leur compte. Les entreprises publiques françaises de ce secteur ont montré depuis longtemps qu'elles avaient des rapports de confiance avec de grandes entreprises européennes qui ne sont pas trop dérangées par leur statut public lorsqu'il y a des affaires importantes et d'avenir à faire ensemble. Dans le cas d'Aerospatiale, il faut ajouter que ce que nous prévoyons est une étape. Nous souhaitons que, puisqu'il y a eu du retard de pris sur ce sujet, Aerospatiale puisse regrouper ses forces avec les autres partenaires français qui sont dans les mêmes métiers, qui fabriquent des avions et qui inventent des avions, et qui élaborent des avions de combat et il y a des rapprochements nécessaires avec l'aéronautique civile. Donc une étape substantielle a été franchie. Elle a été franchie par accord. Personne n'a rien imposé à personne et Dassault a accepté d'avoir un partenariat avec Aerospatiale, Aerospatiale restant public.
Est-ce qu'il faut une fusion entre Dassault et Aerospatiale, à votre avis ?
Alain RICHARD : Je pense que la coopération sera suffisante en attendant les étapes suivantes qui sont le rassemblement européen. Pour bien insister sur cette question à mon avis un peu factice de public, plus ou moins public ou privatisé, je rappelle que sans les efforts importants qu'a faits l'Etat actionnaire dans Aerospatiale au cours des années 70 et 80, il n'y aurait pas Airbus. Donc il n'y aurait pas tellement à discuter d'une aéronautique européenne. Je crois qu'il ne faut pas avoir d'approche dogmatique. Nous souhaitons, parce qu'aujourd'hui l'Etat actionnaire joue un rôle dynamique et prospectif dans Aerospatiale, que l'Etat garde un rôle important dans Aerospatiale.
Vous parlez de problème factice. Mais nos partenaires européens, les Allemands, les Anglais, ne pensent pas que c'est un problème factice. Ils souhaiteraient bien, eux le disent, qu'Aerospatiale soit privatisée.
Alain RICHARD : Ils le disent, et vous le croyez : c'est autre chose. Mais c'est une négociation avec des intérêts énormes dans laquelle, en effet, le pouvoir dans cette entreprise future, le grand groupe aéronautique et spatial européen, se discutera, et personne n'est disposé à concéder tout le pouvoir à ces partenaires. Il y aura une négociation dure. Nos partenaires britanniques et allemands - enfin, les entreprises - choisissent ce thème de la privatisation. Excusez-moi de vous dire que dans les médias il est un peu à la mode, et que ça sert un peu de rideau de fumée pour d'autres enjeux de pouvoir. Je ne vais pas en discuter ici puisqu'il s'agit d'une grosse négociation et qu'il faut la traiter sérieusement. Mais ce que je veux dire, c'est : ne vous laissez pas trop leurrer par cet élément qui, je crois, est d'apparence.
Cette ouverture du capital d'Aerospatiale, vous la voyez à quelle hauteur ?
Alain RICHARD : Peu importe. La question clé, c'est pourquoi. L'objectif est d'abord de faire avancer la transformation, qui est aujourd'hui un simple accord entre entreprises, en une véritable entreprise.
alors que le 1er janvier 1999, Airbus deviendra une société intégrée. Est-ce que vous pensez qu'on pourra respecter les délais ?
Alain RICHARD : Ca ne sera sans doute pas prêt pour le 1er janvier 99, mais raison de plus pour que le gouvernement dise à Aerospatiale : " Faites de votre mieux pour que cette négociation débouche ". Naturellement, nous le disons en tant qu'actionnaire ; les actionnaires des deux autres partenaires (Dasa et British Aerospace) ont aussi à faire des efforts. Simplement nous pensons qu'Airbus est aujourd'hui une entreprise qui a beaucoup de potentiel, qui a une croissance importante devant elle, qui doit se moderniser. Il faut que tout le monde y mette du sien. Je crois que l'Aerospatiale y mettra du sien.
donc il faut renforcer Aerospatiale avec de nouveaux partenaires. On a parlé de Dassault déjà ; est-ce qu'on peu parler de Lagardère, par exemple ?
Alain RICHARD : Deuxième sujet, il y a les missiles qui sont une activité à très fort niveau technologique, qui fait beaucoup de recherches et dans laquelle les capacités françaises sont très importantes. C'est évidemment notre intérêt, avant de mettre tout sur la table avec nos partenaires européens, de rassembler et de rendre cohérentes les capacités industrielles françaises. Il y a celles de Matra-Lagardère, il y a aussi celles de Thomson, et nous mandatons Aerospatiale pour mener des accords qui sont, je crois, en bonne voie sur ce terrain-là. Il est normal alors que les partenaires puissent prendre des parts. Il est normal aussi que l'action Aerospatiale ait une valeur, donc il est normal qu'elle aille dans le public, qu'elle aille à la Bourse. Et puis comme Airbus a des grands projets, il va falloir aller chercher de l'argent. Donc il est important qu'Aerospatiale puisse faire une augmentation de capital. Vous voyez bien que cette ouverture du capital n'a pas pour objectif de satisfaire un caprice idéologique, que je crois momentané, mais elle a pour objectif d'en faire un levier industriel pour réussir des choses qui donneront à cette grande industrie de notre pays sa place dans l'Europe.
Alain Richard, merci.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 10 janvier 2002)