Interview de M. Alain Richard, ministre de la défense, à France 2 le 14 juillet 2000, sur la mise en place d'une défense européenne, la fin du service national et l'engagement des jeunes dans l'armée de métier.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

PATRICK LECOQ
Le ministre de la Défense, Monsieur Alain RICHARD vient de nous rejoindre. Monsieur le Ministre, bonjour.
ALAIN RICHARD
Bonjour.
PATRICK LECOQ
L'an passé, dans votre ordre du jour, vous aviez rendu hommage aux soldats français qui étaient partis au Kosovo. Cette année, l'accent, vous le mettez sur le début, l'ébauche dirais-je d'une armée européenne. Est-ce que réellement en un an on a fait beaucoup de progrès en ce domaine ?
ALAIN RICHARD
Oui, parce que justement, cette année 99 a été l'année des décisions politiques. Les deux sommets européens en juin et décembre, ont pris les décisions majeures. Et nous, les ministres de la Défense, on a de la chance parce que, maintenant, nous avons à appliquer des décisions qui sont claires : constituer un corps de réaction rapide européen qui puisse donc tenir un an sur un théâtre avec 60000 hommes d'ici 2003.
Le compte-à-rebours est désormais commencé. Nous allons décider cet été au juste quel est le tableau d'effectifs de ce corps, c'est-à-dire quels sont les différents types d'unités, le nombre d'hommes qui sont requis. Et avant la fin de l'année, les nations vont donner leur engagement de participation pour qu'en cas de nécessité, dès les toutes prochaines années, ce corps puisse être engagé.
PATRICK LECOQ
Il y a quand même une petite chose qui surprend. Les Quinze vont donner des troupes, des forces à cette unité
ALAIN RICHARD
Oui, enfin, il faut les abonner si vous voulez. Nous ne les perdrons pas.
PATRICK LECOQ
Oui. Mais chaque pays garde quand même la liberté d'action pour ses propres forces. Est-ce qu'il n'y a pas là quand même un problème qui risque de se poser ?
ALAIN RICHARD
Oui, mais là, c'est l'Europe. Nous n'avons pas supprimé les nations, ce n'est pas au programme. Et donc, la souveraineté nationale demeure sur les forces et en même temps, les Européens sont capables d'agir ensemble. C'est une des différences qui se sont faites au cours de ces dernières années. Il y a dix, quinze ans, on n'était pas capable de décider ensemble. Le Kosovo a montré l'année dernière qu'on était capable de décider ensemble. C'est en train de changer.
On crée un Comité politique et de sécurité des Européens qui représente les quinze gouvernements et qui peut prendre les décisions par consensus dans la conduite d'une crise. On a un comité militaire représentant les quinze armées. Les rouages sont en place pour qu'on concilie correctement la souveraineté nationale et les forces combinées.
PATRICK LECOQ
Et un budget commun, c'est pour quand ?
ALAIN RICHARD
C'est pour encore quelques budgets. Mais nous avons d'ici là, c'est vrai, à rétrécir les marges, les différences entre ceux qui font assez pour leur défense comme c'est le cas de nos amis britanniques ou de nous-mêmes et d'autres pays qui apporteraient moins au pot commun. Donc, on va essayer de les persuader. Et la mise en place de la force justement sera un peu une espèce de démonstration pédagogique.
PATRICK LECOQ
Dans certains domaines, on voit qu'il y a des progrès énormes qui sont faits, par exemple pour l'aviation. On va vers un AIRBUS militaire, donc un avion commun.
ALAIN RICHARD
Absolument, des satellites aussi, des missiles communs.
PATRICK LECOQ
Est-ce que ce n'est pas la solution finalement dans les années à venir, c'est-à-dire faire l'Europe par le matériel et non plus peut-être par la politique ?
ALAIN RICHARD
Oui. Mais permettez-moi de vous dire que ce n'est pas que pour les années à venir. Au cours de deux dernières années, vous citiez deux, trois cas, mais il y a les deux séries d'hélicoptères, le TIGRE pour les hélicoptères de combat, le NH90 pour les hélicoptères de manuvre et de transport, c'est-à-dire que là, on vient de faire une série de programmes conjoints européens qui montrent que la perspective a clairement changé.
PATRICK LECOQ
On ne peut pas ne pas parler un 14 juillet du service national. On peut en parler encore pendant deux ans.
ALAIN RICHARD
J'aimerais aussi parler des personnels pour leur dire le soutien qu'on leur doit, l'écoute aussi qu'on leur doit pour les problèmes parce que c'est une sacrée réforme. C'est une grande réforme de l'Etat et ils l'assument et ils la mènent avec énormément d'efficacité. Et puis, un petit mot quand même pour les marins parce que, évidemment, on les voit un petit peu moins sur les Champs.
Il y a les terriens et il y a les aviateurs. Et je vais sur le Charles-de-Gaulle cet après-midi pour compléter. Maintenant, je souhaite qu'il y ait chaque année une manifestation navale pour le 14 juillet.
PATRICK LECOQ
Vous allez à Brest ?
ALAIN RICHARD
Oui, je vais à Brest cet après-midi.
PATRICK LECOQ
Vous allez voir les grands gréements aussi alors ?
ALAIN RICHARD
Je vais en profiter.
PATRICK LECOQ
Vous allez en profiter aussi. On ne peut pas un 14 juillet ne pas parler du service national qui est en voie de fin.
ALAIN RICHARD
Oui, on gère la transition. Mais pour l'instant, les jeunes sont encore nécessaires
PATRICK LECOQ
Est-ce que c'est gérable, réellement, ? Est-ce que vous pouvez tenir jusqu'en 2002 ?
ALAIN RICHARD
Nous le gérons. Cette question a déjà été posée l'année dernière, cette année. Nous voyons bien que, les incorporations qui se font tous les deux mois, les jeunes répondent à l'appel, que les choses se passent normalement et qu'ensuite, ils servent de façon consciencieuse et efficace.
A nous aussi notamment pour les dernières générations de valoriser le passage sous les drapeaux, d'apporter un plus en terme de préparation à la vie professionnelle.
PATRICK LECOQ
Sans doute parce que vous êtes satisfait du rythme de recrutement de l'armée de métier. Est-ce que, avec je ne dirais pas le départ de la crise économique mais le renouveau économique, est-ce que vous n'avez pas un peu plus de mal à trouver des
ALAIN RICHARD
J'ai pu vérifier avec satisfaction qu'en fait il n'y avait pas de lien chiffré entre le niveau d'emploi qui s'améliore et le niveau de recrutement. En ce qui concerne les recrutements militaires, le nombre de candidats reste fort parce que ce sont des emplois intéressants. Les gens voient le bilan charges/contraintes qui sont réelles mais aussi les perspectives de promotion, la rémunération dans l'ensemble correcte et puis une possibilité de valoriser son expérience ensuite dans une deuxième partie de carrière dans le civil. Donc, on continue à avoir et j'ai beaucoup de signes qui le confirment, un niveau de recrutement de grande qualité.
PATRICK LECOQ
Monsieur le Ministre, merci. Je vais vous laisser rejoindre le palais de l'Elysée.
ALAIN RICHARD
Merci aussi de votre couverture.
PATRICK LECOQ
Et puis, le Charles-de-Gaulle cet après-midi à Brest. J'espère que vous aurez un beau temps mais normalement, ça devrait aller. Il n'y a jamais de journée sans soleil en Bretagne.
(Source : http://www.defense.gouv.fr, le 1er août 2000)