Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Dans cette étape libanaise de cette visite au Proche-Orient, que j'ai commencée ce matin par une très brève et rapide visite à Baalbeck, au Centre culturel français et aux ruines, j'ai eu l'occasion dans cette visite à Beyrouth d'être reçu par le président de la République, d'avoir un entretien suivi d'un déjeuner de travail avec le Premier ministre, d'être reçu par le président de la Chambre des Députés. Je vais recevoir tout à l'heure, à la Résidence des Pins, les principales personnalités qui auront bien voulu répondre à mon invitation.
Je suis revenu au Liban, c'est la troisième fois que je m'y rends en qualité de ministre des Affaires étrangères parce que , d'une part, il y a ce contexte nouveau au Proche-Orient qui est un contexte de relance du processus de paix, depuis l'arrivée au pouvoir en Israël de M. Barak, ou en tout cas, d'espérance de relance de ce processus et d'attente de cette relance. Cette relance est acquise du côté israélo-palestinien, elle ne l'est pas encore du côté israélo-syrien ni israélo-libanais. C'est le premier des sujets dont j'ai parlé avec mes interlocuteurs, et d'autre part, entre la France et le Liban, il y a une relation bilatérale forte, tellement forte qu'il n'est pas nécessaire de la rappeler, tant c'est évident.
C'est une relation ancienne, historique, politique, culturelle, économique et affective. Les contacts ont été fréquents au cours des dernières semaines. Le président Chirac et le président Lahoud se sont entretenus longuement à Moncton, le Premier ministre Jospin et le Premier ministre Libanais se sont entretenus longuement à New York et je suis là aujourd'hui.
Dans ce cadre bilatéral, nous avons été heureux d'assister à la signature de la convention d'établissement qui va permettre à l'Agence française de Développement, représentée ici par son directeur M. Pouilleute, de travailler avec le Liban. Un un texte d'ensemble a été signé et un texte très précis, une convention de 13 millions de Francs pour rétablir l'eau potable à Jezzine.
C'est un premier projet. D'autres projets sont prévus. En ce qui concerne, les questions du processus de paix, j'ai été amené à parler avec mes interlocuteurs des deux aspects qui préoccupent le plus les autorités libanaises, et je comprends leurs préoccupations ; la première, c'est la perspective d'un retrait de l'armée israélienne du Sud-Liban. Ce retrait est évidemment souhaité. Il a été demandé il y a bien longtemps par des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies (notamment la 425). Mais les autorités libanaises souhaitent que ce retrait s'effectue dans le cadre d'un accord, un accord israélo-libanais, inséparable d'un autre accord à trouver, israélo-syrien, de façon à ce que ce retrait débouche sur une situation stable et pacifique. Je dois dire que du point de vue français, c'est ce que nous souhaitons aussi, dans cette marche vers la paix, dans laquelle le Proche-Orient est maintenant engagée, il ne faut rien oublier, il faut déminer tous les terrains, pour aboutir à une situation vraiment solide. C'était un premier sujet d'échanges entre nous.
Le second sujet qui préoccupe les autorités libanaises , c'est la question des Palestiniens au Liban, qui sont nombreux, même si les chiffres varient. Les autorités libanaises ne souhaitent pas que cette question soit oubliée. Et en effet, nous pensons que cette question doit être prise en compte, on ne peut pas en faire l'impasse, à la fois parce que ça correspond aux intérêts légitimes du Liban et pour des raisons humaines, par rapport à ces Palestiniens, réfugiés ou déplacés, depuis depuis des décennies.
Il faut prendre en compte tous ces éléments et c'est aussi l'intérêt d'Israël d'arriver avec le Liban comme avec la Syrie à de vrais accords fondant une vraie paix. J'ai réaffirmé au président Lahoud et à mes autres interlocuteurs que la France ne serait pas favorable à un arrangement israélo-palestinien qui se ferait au détriment du Liban. Nous n'en sommes pas là, mais il vaut mieux dire les choses clairement, au moment où débute la négociation israélo-palestinienne, et alors que nous attendons, et que nous espérons intensément, que les obstacles qui se sont opposés à la relance des négociations israélo-syriennes, pourront être surmontés.
Q - Dans la perspective d'un retrait au Liban-Sud, la France est-elle disposée à accueillir Antoine Lahad et les officiers supérieurs de l'ALS ?
R - C'est une question qui est un peu prématurée. Nous verrons le moment venu ce qui nous sera demandé par les autorités libanaises et qui sera de nature à favoriser un arrangement. Pour le moment, je ne peux anticiper sur tel ou tel aspect très particulier de la négociation, il faut que cette négociation commence, pour que l'on sache ce que nous pouvons faire. Ce que je peux dire, c'est que nous sommes proches du Liban dans cette phase, attentive à ses préoccupations, nous l'exprimons publiquement, ce qui est très important, car nous sommes je crois, le seul pays à le faire. Je rappellerai aussi, à propos de cette question du Liban-Sud, que le président Chirac, il y a déjà un certain temps, avait exprimé la disponibilité de la France à fournir des garanties, y compris militaires, dans le cadre d'un accord, pour permettre à ce dernier de s'appliquer pleinement. D'ailleurs, la France ne sera sans doute pas la seule à le faire. Cela joue dans le cadre d'un accord et non dans le cadre d'une situation unilatérale. Les autres questions seront abordées le moment venu.
Q - Quelles sont les garanties que la France peut apporter en cas d'un accord et, en cas d'un retrait unilatéral, quel serait le rôle de la France ?
R - Vous faites allusion à deux situations très différentes. Dans le cadre d'un retrait unilatéral, nous n'avons pas de rôle particulier. C'est une décision unilatérale israélienne pour retirer son armée, et dont on peut craindre que ça ne crée pas ensuite la situation stable que l'on pourrait souhaiter. M. Barak a exprimé son intention de retirer l'armée israélienne du Sud-Liban, mais il lui est arrivé à certains moments de dire qu'il préférerait que ce soit dans le cadre d'un accord. Nous n'en sommes pas là. L'intention qu'il a exprimée concerne la fin du printemps prochain. D'ici là, beaucoup de choses positives peuvent se produire, je l'espère. Mais ce n'est pas une hypothèse où nous aurions un rôle particulier à jouer et de toute façon ce n'est pas la meilleure des hypothèses , pour qui que ce soit.
Je préfère simplement redire un mot de l'autre hypothèse, qui suppose une négociation israélo-libanaise, donc aussi une négociation israélo-syrienne, car les problèmes sont liés entre eux, la première aboutissant à un retrait israélien du Sud-Liban, et ayant réglé tous les problèmes qui peuvent se poser, et que vous connaissez bien, les uns et les autres. Dans ce cadre, si les autorités libanaises, et pourquoi pas aussi, israéliennes, pensent que la présence d'un certain nombre de pays extérieurs à la région, mais de pays en qui on a confiance, à commencer par la France, si une telle demande existe, les autorités françaises l'examineront avec bienveillance pour être utiles et apporter leur contribution. Mais je ne sais pas sous quelle forme cela se présenterait , ce sont encore des hypothèses sur des hypothèses. Il est trop tôt pour en dire plus, l'important à ce stade c'est de retenir notre état d'esprit.
Q - Avez-vous entendu Monsieur le Ministre, qu'Israël est prêt à reprendre les négociations au point où elles se sont arrêtées ?
R - Quand je faisais allusion tout à l'heure aux obstacles qui n'ont pas encore été surmontés, c'est à ça que je faisais allusion. Quand M. Barak est arrivé au pouvoir les autorités syriennes ont exprimé un sentiment de satisfaction, en disant qu'elles étaient prêtes à reprendre la discussion au point où elle avait été arrêtée. Maintenant, il y a une controverse d'interprétation, à savoir, quel est le point où ces négociations se sont arrêtées. La version syrienne dit que M. Rabin se serait engagé à un moment donné à se retirer sur la ligne de 1967. La version israélienne, c'est que ce retrait avait été envisagé par M. Rabin, dans une réflexion en commun, sans que cela soit confirmé par un accord, donc ce n'est pas un engagement international qu'Israël devrait tenir et c'était lié à d'autres conditions, à savoir que toutes les questions de sécurité soient réglées... La version de M. Barak, c'est qu'il n'y a pas eu de conclusion sur cette base. On n'est est là. On observe que les Syriens ne veulent pas reprendre des négociations directes si ce point n'est pas confirmé dès avant les négociations. Les Israéliens répondent que la négociation a pour objet de traiter toutes les questions, y compris celle-là. Voilà la situation, et j'ai pu constater après mon étape à Damas que les conditions pour surmonter ce préalable n'étaient pas encore réunies, mais je pense qu'elles finiront par l'être. Nous le souhaitons. Il y a encore du travail, de la part des deux protagonistes principaux et de la part des pays qui veulent faciliter la paix dont la France fait partie au premier chef . Nous devons encore continuer nos efforts.
Q - Pensez-vous qu'en cas de retrait israélien, il y aura une situation d'instabilité au Sud-Liban ?
R - J'ai déjà répondu . De notre point de vue, le retrait de l'armée israélienne est une bonne chose en soi, pour tout le monde. Mais j'ai déjà répondu que nous pensons que ça débouchera sur une situation stable que si cela s'inscrit dans le cadre d'un accord entre Israël et le Liban et Israël et la Syrie et que, d'autre part, ces accords sont conçus de façon à être complémentaires.
Q - Y a-t-il une stratégie française et européenne visant à une intégration économique dans la région ?
R - Il y a une vraie vision française sur la paix au Proche-Orient. Sans refaire tout l'historique, je rappellerai que cela fait très longtemps que la France est le principal pays occidental à exprimer les principes à partir desquels négocient maintenant Palestiniens et Israéliens. La France a été le premier pays à parler de reconnaissance mutuelle et des droits légitimes des uns et des autres; elle a été le premier pays occidental à dire que l'Etat palestinien n'était non pas un problème mais une solution. Et cela, très longtemps avant que les uns et les autres admettent cette idée ; la France a été à l'époque très violemment prise à partie par les uns et les autres, de façon injuste me semble-t-il, car elle était simplement en avance, mais en même temps, elle a fait son travail, elle a aidé les esprits à évoluer.
Nous avons une vision d'avenir sur la paix entre les Israéliens et les Palestiniens. Nous pensons depuis longtemps que cette paix ne sera pas complète, que la région ne sera pas en paix tant qu'il n'y aura pas une paix légitime, sûre, stable entre Israël et la Syrie, Israël et le Liban. Cela forme un tout. Nous continuons à être guidés par cette idée ; toute l'activité de politique étrangère à laquelle vous assistez, qu'il s'agisse des contacts à Paris, autour des réunions européennes ou des visites sur le terrain, est animée des mêmes considérations. Votre question comportait un élément économique. Naturellement, on peut penser que l'établissement de la paix dans cette région libérerait des perspectives économiques sans précédent, pour le développement de chaque pays et de leur coopération entre eux, il y a là un potentiel à la fois économique et humain qui est tout à fait considérable. Nous pensons que le moment viendra, j'y crois tout à fait, et c'est dans ce contexte que l'apport de l'Europe sera déterminant, même si l'Europe est déjà présente, à travers ses programmes d'aide ou de coopération. Mais cette perspective économique, même si elle est encourageante à terme, ne nous fournit pas forcément de solutions immédiates aux problèmes actuels. Elle ne suffit pas à régler les problèmes du Golan, du Sud-Liban, de Jérusalem, des réfugiés, des frontières, des colonies, etc...
Simplement cela permet aux dirigeants politiques qui exercent leurs responsabilités avec une vision d'avenir à long terme, de prendre de la hauteur, d'avoir du courage, quant les choses paraissent bloquées, et de repartir à l'assaut des difficultés pour qu'elles soient surmontées. Ce que vous dites s'applique à la question de l'eau. Aujourd'hui c'est un sujet de négociation, ce sera peut-être un sujet de blocage jusqu'au jour où cela sera surmonté et cela deviendra un domaine de coopération. Il viendra un jour au Proche-Orient, où l'on se demandera comment cette question de l'eau n'a pas fait l'objet plus tôt d'une gestion commune et coopérative. Ce moment viendra, mais on n'en est pas encore là.
Q - Aujourd'hui, il y a eu un bombardement israélien au Sud-Liban, vous croyez qu'il y a un message ou un rapport avec votre visite ?
R - Non, je pense qu'il n'y a aucun rapport. D'ailleurs, cela arrive souvent même quant il n'y a pas de visite.
Q - La France apporte-t-elle sa garantie aux frontières internationales de 1943, celles qu'elle a elle-même définies avec les Britanniques ?
R - Il n'y a pas de garantie directe à propos des différentes décisions des divers pays occidentaux prises dans les années vingt ou trente ou avant. En droit international, les choses ne se présentent pas comme ça aujourd'hui.
Q - Le rôle français est-il complémentaire du rôle américain. Agissez-vous au nom de la France ou au nom de l'Europe ?
R - C'est aujourd'hui une visite au nom de la France, en tant que ministre français des Affaires étrangères. La complémentarité avec les Etats-Unis existe réellement. Nous avons le même objectif sur la paix au Proche-Orient, nous n'avons pas la même relation avec les divers partenaires de la région que les Etats-Unis ; mais nous avons des relations avec tout le monde. Il n'y a pas de compétition , de concurrence ou de conflit entre les démarches américaines et françaises; mais chaque diplomatie a son style, sa façon de procéder. En tout cas, nous sommes animés par l'idée de faire converger les efforts entre les uns et les autres.
Quand je dis que mes visites se font au nom de la France et non de l'Europe, c'est parce qu'il y a une présidence tournante, c'est la finlandaise aujourd'hui, le semestre prochain, ce sera la portugaise, au 2ème semestre de l'an 2000, ce sera la présidence française, et là, je vous dirai , c'est au nom de l'Europe. Mais, aujourd'hui ma visite se fait au nom de la France, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas coordination. Avant cette visite, j'ai pris l'avis de tous mes collègues européens. Après cette visite, j'informe mes collègues européens pour leur expliquer où nous en sommes, les conclusions que je tire de cette visite. Aussi chacun d'entre nous tire profit des contacts des autres. C'est comme cela que nous travaillons, c'est très informel, très pragmatique, cela marche très bien et c'est comme cela que l'Europe petit à petit, élabore une vision politique, alors qu'il y a quelques années encore, à part la France et un tout petit nombre de pays en Europe, les autres n'avaient pas en réalité une vision très précise sur ce qu'il fallait faire au Proche-Orient . Grâce à cette méthode, les choses progressent petit à petit.
Q - Y-a-t-il une menace d'escalade au Sud-Liban en cas de retrait israélien unilatéral ? Se trouve-t-on dans une impasse ?
R - Je n'ai pas exactement parlé d'impasse. J'ai rappelé simplement que les obstacles n'ont pas encore été surmontés. Mais comme je l'ai dit tout à l'heure, je pense que ces obstacles seront surmontés. Quant on est dans une impasse, il n'y a plus de perspective, sauf de reculer, mais ce n'est pas le cas, je ne dirai pas cela aujourd'hui; je pense qu'il y a une volonté du côté israélien de trouver une solution ; il y a une volonté du côté syrien de participer à ce processus. La vision que se font les Syriens, les Israéliens, les Palestiniens et les Libanais n'est pas la même. Mais c'est normal, avant des négociations. L'important à ce stade c'est de surmonter les éléments préalables.
Sur la question du retrait, il me semble que mes interlocuteurs syriens et libanais, avaient du mal à croire que le retrait unilatéral puisse avoir lieu, mais qu'ils ne pouvaient pas écarter complètement cette hypothèse qui les préoccupe.
Q - Avez-vous transmis des propositions au président Lahoud sur les réfugiés au Liban ?
R - La France n'est pas un négociateur ni un protagoniste du conflit du Proche-Orient. La France ne peut se substituer aux autres. Tout ce que nous faisons, nous le faisons dans le respect des compétences et des attributions des uns et des autres. On le fait comme ami, facilitateur, partenaire. Nous avons des idées, on réfléchit ensemble. Le président Lahoud m'a fait part de ses soucis et je lui ai dit que nous étions le pays qui affirme publiquement qu'il y a un problème concernant les Palestiniens au Liban. Il a jugé que c'était extrêmement important que la France dise, à ce stade, à ses partenaires occidentaux, qu'on ne peut faire une paix complète, stable et durable au Proche-Orient, si on fait l'impasse sur ce problème. Même sur le plan humain, par rapport aux Palestiniens, il faut traiter ce problème. Je crois que cela correspond aux attentes des Libanais, après il faut que les négociations s'engagent pour que l'on voit si on peut apporter telle ou telle idée de solution.
La deuxième chose que nous pouvons faire, nous Français, par rapport à cette question des Palestiniens au Liban, c'est de réfléchir à une concertation internationale, que nous pourrions mettre en oeuvre plus tard, quand la négociation aura commencé, tout simplement parce que c'est une question qui concerne les Israéliens, les Syriens, les Libanais, les Palestiniens, les Jordaniens, les autres pays où il y a des Palestiniens, et tous les pays qui peuvent être amenés à apporter une aide. C'est une question transversale. C'est dans l'intérêt de tous d'élargir cette discussion. Il n'y a pas aujourd'hui d'enceinte pour en parler, sans doute parce que c'est trop tôt, mais le moment va venir. Nous allons y réfléchir pour faire des propositions plus précises dés qu'il le faudra.
Q - Etiez-vous porteur d'un message de Barak pour le président syrien ?
R - Non, je ne suis pas porteur de message. J''avais un message du président Chirac pour le président syrien, mais cela c'est autre chose. Nous n'avons pas de message au sens propre du terme. Mais nous sommes régulièrement en contact avec tous les protagonistes. Chaques gouvernement de la région est très intéressé par nos analyses, les informations que nous avons, nos impressions, nos idées et suggestions. Voilà comment nous procédons.
Q - Quelle est la position française par rapport à la résistance libanaise ?
R - C'est une réalité très liée à la situation du Sud-Liban et à l'absence de solution, à la présence de l'armée israélienne au Sud-Liban, donc c'est un sujet qui doit être traité avec le paquet d'ensemble. On ne peut extraire ce problème sans avoir une idée d'ensemble de la solution.
La solution c'est que l'armée israélienne évacue le Sud-Liban, dans des conditions qui garantissent une stabilité, que le Liban retrouve sa souveraineté, pleine et entière, et que ce soit dans un cadre de coopération régionale et non d'affrontement. Il faut remettre la question du Hezbollah dans ce contexte plus général. On ne peut trouver une solution séparée pour la question du Hezbollah.
Q - Etes-vous pessimiste sur la relance du processus de paix ?
R - Non, je ne suis pas pessimiste. Il y a quand même un élément nouveau. La situation n'est pas la même avec M. Barak qu'avec M. Netanyahou. Donc il y a un élément fondamentalement nouveau. M. Barak cherche une solution, à notre avis, aussi bien en ce qui concerne les relations avec les Palestiniens qu'en ce qui concerne la Syrie et le Liban. Comme je le disais tout à l'heure, la solution qu'il a à l'esprit, en tout cas à ce stade, n'est pas la même que la solution que veulent les Palestiniens, les Syriens et les Libanais, cela ne peut surprendre personne. Mais nous pensons qu'il cherche une solution, ce qui fait une différence fondamentale avec son prédécesseur qui ne cherchait pas de solution. C'est un élément à partir duquel il faut travailler. Et c'est un élément qui me rend relativement optimiste. Mais en même temps, il faut être très conscient de l'extraordinaire difficulté des problèmes qui sont encore à résoudre. Mais ils ne se présentent pas de la même façon.
Comme je l'ai déjà dit, du côté israélo-palestinien, c'était assez facile de reprendre la négociation et cela sera difficile de la conclure. Cela saute aux yeux quand on regarde les questions qui peuvent être traitées dans ce que l'on appelle, le statut final : ce sont des questions particulièrement complexes. Du côté israélo-syrien, je pense que le plus difficile, c'est de redémarrer et une fois que la négociation aura repris, on aperçoit des solutions sur tous les points. Je pense que c'est la même chose du côté israélo-libanais. Je suis, pour résumer, raisonnablement optimiste. Mais il faut que tout le monde y mette du sien.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez dit que vous croyez à une vraie volonté pour faire la paix dans la région. Est-ce que vous faites confiance aux autorités israéliennes qui veulent faire une paix juste dans la région, car jusqu'à présent, nous avons uniquement entendu des mots ?
R - La question de la confiance par rapport aux dirigeants d'un pays étranger, surtout quand on est dans le cadre d'un conflit aussi ancien que celui-ci, est une question qui se pose naturellement. Il ne faut pas donner à cette question un sens purement psychologique. Est-ce que les Israéliens aujourd'hui recherchent la paix ? Nous le pensons en France. Nous pensons que le vote des Israéliens quand ils ont choisi M. Barak plutôt que M. Netanyahou, traduit cette aspiration à la paix.
Naturellement après cela, il y a un très long chemin, car la paix souhaitée par les Israéliens est une paix fondée sur la satisfaction des intérêts israéliens. La paix souhaitée par les Palestiniens est une paix fondée sur la satisfaction des Palestiniens etc...
Mais encore une fois, c'est toute la différence entre chercher la paix ou non. Je crois que la réponse est oui. Je crois que c'est vrai pour M. Barak, je crois que c'est vrai pour l'opinion israélienne, pour le corps électoral israélien qui a mis M. Barak au pouvoir en tant que Premier ministre. Les Israéliens se posent le même question d'ailleurs, à propos du désir de paix des Palestiniens, ou des Syriens, ou des Libanais. La question de la confiance se ramène au fait de savoir si l'autre a un intérêt à la paix. Je crois que dans le Proche-Orient d'aujourd'hui, tous les peuples ont intérêt à la paix, et tous les peuples concernés, les uns après les autres en sont arrivés à un désir de paix. Le problème des hommes d'Etat, le rôle des dirigeants politiques, c'est maintenant de transformer ce désir de paix, qui comporte des éléments encore très contradictoires, apparemment inconciliables dans certains cas, mais rien n'est inconciliable, à force de ténacité, et de volonté ; il faut transformer ces désirs de paix qui ne coïncident pas encore, en une solution globale. Nous sommes dans cette phase, c'est assez encourageant, mais il faut être armé de ténacité et d'endurance.
J'ai eu également l'occasion avec le président et mes autres interlocuteurs de dire à quel point en France, nous nous réjouissons que le Liban ait été choisi pour accueillir le prochain sommet de la Francophonie. Nous nous réjouissons de ce qui est déjà prévu, de ce qui est déjà entamé pour cette préparation. J'ai vu que les dirigeants libanais étaient heureux que le Liban ait été choisi, et qu'ils étaient tout à fait conscient des responsabilités que cela leur donne sur le plan culturel, sur le plan linguistique, sur un certain nombre de domaines concrets, audiovisuel ou autre, pour être à la hauteur de cette grande échéance qui sera certainement un grand moment pour le Liban, et naturellement, nous espérons tous que cela sera un grand sommet de la francophonie dans un Proche-Orient en paix.
Merci./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 novembre 1999)
Dans cette étape libanaise de cette visite au Proche-Orient, que j'ai commencée ce matin par une très brève et rapide visite à Baalbeck, au Centre culturel français et aux ruines, j'ai eu l'occasion dans cette visite à Beyrouth d'être reçu par le président de la République, d'avoir un entretien suivi d'un déjeuner de travail avec le Premier ministre, d'être reçu par le président de la Chambre des Députés. Je vais recevoir tout à l'heure, à la Résidence des Pins, les principales personnalités qui auront bien voulu répondre à mon invitation.
Je suis revenu au Liban, c'est la troisième fois que je m'y rends en qualité de ministre des Affaires étrangères parce que , d'une part, il y a ce contexte nouveau au Proche-Orient qui est un contexte de relance du processus de paix, depuis l'arrivée au pouvoir en Israël de M. Barak, ou en tout cas, d'espérance de relance de ce processus et d'attente de cette relance. Cette relance est acquise du côté israélo-palestinien, elle ne l'est pas encore du côté israélo-syrien ni israélo-libanais. C'est le premier des sujets dont j'ai parlé avec mes interlocuteurs, et d'autre part, entre la France et le Liban, il y a une relation bilatérale forte, tellement forte qu'il n'est pas nécessaire de la rappeler, tant c'est évident.
C'est une relation ancienne, historique, politique, culturelle, économique et affective. Les contacts ont été fréquents au cours des dernières semaines. Le président Chirac et le président Lahoud se sont entretenus longuement à Moncton, le Premier ministre Jospin et le Premier ministre Libanais se sont entretenus longuement à New York et je suis là aujourd'hui.
Dans ce cadre bilatéral, nous avons été heureux d'assister à la signature de la convention d'établissement qui va permettre à l'Agence française de Développement, représentée ici par son directeur M. Pouilleute, de travailler avec le Liban. Un un texte d'ensemble a été signé et un texte très précis, une convention de 13 millions de Francs pour rétablir l'eau potable à Jezzine.
C'est un premier projet. D'autres projets sont prévus. En ce qui concerne, les questions du processus de paix, j'ai été amené à parler avec mes interlocuteurs des deux aspects qui préoccupent le plus les autorités libanaises, et je comprends leurs préoccupations ; la première, c'est la perspective d'un retrait de l'armée israélienne du Sud-Liban. Ce retrait est évidemment souhaité. Il a été demandé il y a bien longtemps par des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies (notamment la 425). Mais les autorités libanaises souhaitent que ce retrait s'effectue dans le cadre d'un accord, un accord israélo-libanais, inséparable d'un autre accord à trouver, israélo-syrien, de façon à ce que ce retrait débouche sur une situation stable et pacifique. Je dois dire que du point de vue français, c'est ce que nous souhaitons aussi, dans cette marche vers la paix, dans laquelle le Proche-Orient est maintenant engagée, il ne faut rien oublier, il faut déminer tous les terrains, pour aboutir à une situation vraiment solide. C'était un premier sujet d'échanges entre nous.
Le second sujet qui préoccupe les autorités libanaises , c'est la question des Palestiniens au Liban, qui sont nombreux, même si les chiffres varient. Les autorités libanaises ne souhaitent pas que cette question soit oubliée. Et en effet, nous pensons que cette question doit être prise en compte, on ne peut pas en faire l'impasse, à la fois parce que ça correspond aux intérêts légitimes du Liban et pour des raisons humaines, par rapport à ces Palestiniens, réfugiés ou déplacés, depuis depuis des décennies.
Il faut prendre en compte tous ces éléments et c'est aussi l'intérêt d'Israël d'arriver avec le Liban comme avec la Syrie à de vrais accords fondant une vraie paix. J'ai réaffirmé au président Lahoud et à mes autres interlocuteurs que la France ne serait pas favorable à un arrangement israélo-palestinien qui se ferait au détriment du Liban. Nous n'en sommes pas là, mais il vaut mieux dire les choses clairement, au moment où débute la négociation israélo-palestinienne, et alors que nous attendons, et que nous espérons intensément, que les obstacles qui se sont opposés à la relance des négociations israélo-syriennes, pourront être surmontés.
Q - Dans la perspective d'un retrait au Liban-Sud, la France est-elle disposée à accueillir Antoine Lahad et les officiers supérieurs de l'ALS ?
R - C'est une question qui est un peu prématurée. Nous verrons le moment venu ce qui nous sera demandé par les autorités libanaises et qui sera de nature à favoriser un arrangement. Pour le moment, je ne peux anticiper sur tel ou tel aspect très particulier de la négociation, il faut que cette négociation commence, pour que l'on sache ce que nous pouvons faire. Ce que je peux dire, c'est que nous sommes proches du Liban dans cette phase, attentive à ses préoccupations, nous l'exprimons publiquement, ce qui est très important, car nous sommes je crois, le seul pays à le faire. Je rappellerai aussi, à propos de cette question du Liban-Sud, que le président Chirac, il y a déjà un certain temps, avait exprimé la disponibilité de la France à fournir des garanties, y compris militaires, dans le cadre d'un accord, pour permettre à ce dernier de s'appliquer pleinement. D'ailleurs, la France ne sera sans doute pas la seule à le faire. Cela joue dans le cadre d'un accord et non dans le cadre d'une situation unilatérale. Les autres questions seront abordées le moment venu.
Q - Quelles sont les garanties que la France peut apporter en cas d'un accord et, en cas d'un retrait unilatéral, quel serait le rôle de la France ?
R - Vous faites allusion à deux situations très différentes. Dans le cadre d'un retrait unilatéral, nous n'avons pas de rôle particulier. C'est une décision unilatérale israélienne pour retirer son armée, et dont on peut craindre que ça ne crée pas ensuite la situation stable que l'on pourrait souhaiter. M. Barak a exprimé son intention de retirer l'armée israélienne du Sud-Liban, mais il lui est arrivé à certains moments de dire qu'il préférerait que ce soit dans le cadre d'un accord. Nous n'en sommes pas là. L'intention qu'il a exprimée concerne la fin du printemps prochain. D'ici là, beaucoup de choses positives peuvent se produire, je l'espère. Mais ce n'est pas une hypothèse où nous aurions un rôle particulier à jouer et de toute façon ce n'est pas la meilleure des hypothèses , pour qui que ce soit.
Je préfère simplement redire un mot de l'autre hypothèse, qui suppose une négociation israélo-libanaise, donc aussi une négociation israélo-syrienne, car les problèmes sont liés entre eux, la première aboutissant à un retrait israélien du Sud-Liban, et ayant réglé tous les problèmes qui peuvent se poser, et que vous connaissez bien, les uns et les autres. Dans ce cadre, si les autorités libanaises, et pourquoi pas aussi, israéliennes, pensent que la présence d'un certain nombre de pays extérieurs à la région, mais de pays en qui on a confiance, à commencer par la France, si une telle demande existe, les autorités françaises l'examineront avec bienveillance pour être utiles et apporter leur contribution. Mais je ne sais pas sous quelle forme cela se présenterait , ce sont encore des hypothèses sur des hypothèses. Il est trop tôt pour en dire plus, l'important à ce stade c'est de retenir notre état d'esprit.
Q - Avez-vous entendu Monsieur le Ministre, qu'Israël est prêt à reprendre les négociations au point où elles se sont arrêtées ?
R - Quand je faisais allusion tout à l'heure aux obstacles qui n'ont pas encore été surmontés, c'est à ça que je faisais allusion. Quand M. Barak est arrivé au pouvoir les autorités syriennes ont exprimé un sentiment de satisfaction, en disant qu'elles étaient prêtes à reprendre la discussion au point où elle avait été arrêtée. Maintenant, il y a une controverse d'interprétation, à savoir, quel est le point où ces négociations se sont arrêtées. La version syrienne dit que M. Rabin se serait engagé à un moment donné à se retirer sur la ligne de 1967. La version israélienne, c'est que ce retrait avait été envisagé par M. Rabin, dans une réflexion en commun, sans que cela soit confirmé par un accord, donc ce n'est pas un engagement international qu'Israël devrait tenir et c'était lié à d'autres conditions, à savoir que toutes les questions de sécurité soient réglées... La version de M. Barak, c'est qu'il n'y a pas eu de conclusion sur cette base. On n'est est là. On observe que les Syriens ne veulent pas reprendre des négociations directes si ce point n'est pas confirmé dès avant les négociations. Les Israéliens répondent que la négociation a pour objet de traiter toutes les questions, y compris celle-là. Voilà la situation, et j'ai pu constater après mon étape à Damas que les conditions pour surmonter ce préalable n'étaient pas encore réunies, mais je pense qu'elles finiront par l'être. Nous le souhaitons. Il y a encore du travail, de la part des deux protagonistes principaux et de la part des pays qui veulent faciliter la paix dont la France fait partie au premier chef . Nous devons encore continuer nos efforts.
Q - Pensez-vous qu'en cas de retrait israélien, il y aura une situation d'instabilité au Sud-Liban ?
R - J'ai déjà répondu . De notre point de vue, le retrait de l'armée israélienne est une bonne chose en soi, pour tout le monde. Mais j'ai déjà répondu que nous pensons que ça débouchera sur une situation stable que si cela s'inscrit dans le cadre d'un accord entre Israël et le Liban et Israël et la Syrie et que, d'autre part, ces accords sont conçus de façon à être complémentaires.
Q - Y a-t-il une stratégie française et européenne visant à une intégration économique dans la région ?
R - Il y a une vraie vision française sur la paix au Proche-Orient. Sans refaire tout l'historique, je rappellerai que cela fait très longtemps que la France est le principal pays occidental à exprimer les principes à partir desquels négocient maintenant Palestiniens et Israéliens. La France a été le premier pays à parler de reconnaissance mutuelle et des droits légitimes des uns et des autres; elle a été le premier pays occidental à dire que l'Etat palestinien n'était non pas un problème mais une solution. Et cela, très longtemps avant que les uns et les autres admettent cette idée ; la France a été à l'époque très violemment prise à partie par les uns et les autres, de façon injuste me semble-t-il, car elle était simplement en avance, mais en même temps, elle a fait son travail, elle a aidé les esprits à évoluer.
Nous avons une vision d'avenir sur la paix entre les Israéliens et les Palestiniens. Nous pensons depuis longtemps que cette paix ne sera pas complète, que la région ne sera pas en paix tant qu'il n'y aura pas une paix légitime, sûre, stable entre Israël et la Syrie, Israël et le Liban. Cela forme un tout. Nous continuons à être guidés par cette idée ; toute l'activité de politique étrangère à laquelle vous assistez, qu'il s'agisse des contacts à Paris, autour des réunions européennes ou des visites sur le terrain, est animée des mêmes considérations. Votre question comportait un élément économique. Naturellement, on peut penser que l'établissement de la paix dans cette région libérerait des perspectives économiques sans précédent, pour le développement de chaque pays et de leur coopération entre eux, il y a là un potentiel à la fois économique et humain qui est tout à fait considérable. Nous pensons que le moment viendra, j'y crois tout à fait, et c'est dans ce contexte que l'apport de l'Europe sera déterminant, même si l'Europe est déjà présente, à travers ses programmes d'aide ou de coopération. Mais cette perspective économique, même si elle est encourageante à terme, ne nous fournit pas forcément de solutions immédiates aux problèmes actuels. Elle ne suffit pas à régler les problèmes du Golan, du Sud-Liban, de Jérusalem, des réfugiés, des frontières, des colonies, etc...
Simplement cela permet aux dirigeants politiques qui exercent leurs responsabilités avec une vision d'avenir à long terme, de prendre de la hauteur, d'avoir du courage, quant les choses paraissent bloquées, et de repartir à l'assaut des difficultés pour qu'elles soient surmontées. Ce que vous dites s'applique à la question de l'eau. Aujourd'hui c'est un sujet de négociation, ce sera peut-être un sujet de blocage jusqu'au jour où cela sera surmonté et cela deviendra un domaine de coopération. Il viendra un jour au Proche-Orient, où l'on se demandera comment cette question de l'eau n'a pas fait l'objet plus tôt d'une gestion commune et coopérative. Ce moment viendra, mais on n'en est pas encore là.
Q - Aujourd'hui, il y a eu un bombardement israélien au Sud-Liban, vous croyez qu'il y a un message ou un rapport avec votre visite ?
R - Non, je pense qu'il n'y a aucun rapport. D'ailleurs, cela arrive souvent même quant il n'y a pas de visite.
Q - La France apporte-t-elle sa garantie aux frontières internationales de 1943, celles qu'elle a elle-même définies avec les Britanniques ?
R - Il n'y a pas de garantie directe à propos des différentes décisions des divers pays occidentaux prises dans les années vingt ou trente ou avant. En droit international, les choses ne se présentent pas comme ça aujourd'hui.
Q - Le rôle français est-il complémentaire du rôle américain. Agissez-vous au nom de la France ou au nom de l'Europe ?
R - C'est aujourd'hui une visite au nom de la France, en tant que ministre français des Affaires étrangères. La complémentarité avec les Etats-Unis existe réellement. Nous avons le même objectif sur la paix au Proche-Orient, nous n'avons pas la même relation avec les divers partenaires de la région que les Etats-Unis ; mais nous avons des relations avec tout le monde. Il n'y a pas de compétition , de concurrence ou de conflit entre les démarches américaines et françaises; mais chaque diplomatie a son style, sa façon de procéder. En tout cas, nous sommes animés par l'idée de faire converger les efforts entre les uns et les autres.
Quand je dis que mes visites se font au nom de la France et non de l'Europe, c'est parce qu'il y a une présidence tournante, c'est la finlandaise aujourd'hui, le semestre prochain, ce sera la portugaise, au 2ème semestre de l'an 2000, ce sera la présidence française, et là, je vous dirai , c'est au nom de l'Europe. Mais, aujourd'hui ma visite se fait au nom de la France, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas coordination. Avant cette visite, j'ai pris l'avis de tous mes collègues européens. Après cette visite, j'informe mes collègues européens pour leur expliquer où nous en sommes, les conclusions que je tire de cette visite. Aussi chacun d'entre nous tire profit des contacts des autres. C'est comme cela que nous travaillons, c'est très informel, très pragmatique, cela marche très bien et c'est comme cela que l'Europe petit à petit, élabore une vision politique, alors qu'il y a quelques années encore, à part la France et un tout petit nombre de pays en Europe, les autres n'avaient pas en réalité une vision très précise sur ce qu'il fallait faire au Proche-Orient . Grâce à cette méthode, les choses progressent petit à petit.
Q - Y-a-t-il une menace d'escalade au Sud-Liban en cas de retrait israélien unilatéral ? Se trouve-t-on dans une impasse ?
R - Je n'ai pas exactement parlé d'impasse. J'ai rappelé simplement que les obstacles n'ont pas encore été surmontés. Mais comme je l'ai dit tout à l'heure, je pense que ces obstacles seront surmontés. Quant on est dans une impasse, il n'y a plus de perspective, sauf de reculer, mais ce n'est pas le cas, je ne dirai pas cela aujourd'hui; je pense qu'il y a une volonté du côté israélien de trouver une solution ; il y a une volonté du côté syrien de participer à ce processus. La vision que se font les Syriens, les Israéliens, les Palestiniens et les Libanais n'est pas la même. Mais c'est normal, avant des négociations. L'important à ce stade c'est de surmonter les éléments préalables.
Sur la question du retrait, il me semble que mes interlocuteurs syriens et libanais, avaient du mal à croire que le retrait unilatéral puisse avoir lieu, mais qu'ils ne pouvaient pas écarter complètement cette hypothèse qui les préoccupe.
Q - Avez-vous transmis des propositions au président Lahoud sur les réfugiés au Liban ?
R - La France n'est pas un négociateur ni un protagoniste du conflit du Proche-Orient. La France ne peut se substituer aux autres. Tout ce que nous faisons, nous le faisons dans le respect des compétences et des attributions des uns et des autres. On le fait comme ami, facilitateur, partenaire. Nous avons des idées, on réfléchit ensemble. Le président Lahoud m'a fait part de ses soucis et je lui ai dit que nous étions le pays qui affirme publiquement qu'il y a un problème concernant les Palestiniens au Liban. Il a jugé que c'était extrêmement important que la France dise, à ce stade, à ses partenaires occidentaux, qu'on ne peut faire une paix complète, stable et durable au Proche-Orient, si on fait l'impasse sur ce problème. Même sur le plan humain, par rapport aux Palestiniens, il faut traiter ce problème. Je crois que cela correspond aux attentes des Libanais, après il faut que les négociations s'engagent pour que l'on voit si on peut apporter telle ou telle idée de solution.
La deuxième chose que nous pouvons faire, nous Français, par rapport à cette question des Palestiniens au Liban, c'est de réfléchir à une concertation internationale, que nous pourrions mettre en oeuvre plus tard, quand la négociation aura commencé, tout simplement parce que c'est une question qui concerne les Israéliens, les Syriens, les Libanais, les Palestiniens, les Jordaniens, les autres pays où il y a des Palestiniens, et tous les pays qui peuvent être amenés à apporter une aide. C'est une question transversale. C'est dans l'intérêt de tous d'élargir cette discussion. Il n'y a pas aujourd'hui d'enceinte pour en parler, sans doute parce que c'est trop tôt, mais le moment va venir. Nous allons y réfléchir pour faire des propositions plus précises dés qu'il le faudra.
Q - Etiez-vous porteur d'un message de Barak pour le président syrien ?
R - Non, je ne suis pas porteur de message. J''avais un message du président Chirac pour le président syrien, mais cela c'est autre chose. Nous n'avons pas de message au sens propre du terme. Mais nous sommes régulièrement en contact avec tous les protagonistes. Chaques gouvernement de la région est très intéressé par nos analyses, les informations que nous avons, nos impressions, nos idées et suggestions. Voilà comment nous procédons.
Q - Quelle est la position française par rapport à la résistance libanaise ?
R - C'est une réalité très liée à la situation du Sud-Liban et à l'absence de solution, à la présence de l'armée israélienne au Sud-Liban, donc c'est un sujet qui doit être traité avec le paquet d'ensemble. On ne peut extraire ce problème sans avoir une idée d'ensemble de la solution.
La solution c'est que l'armée israélienne évacue le Sud-Liban, dans des conditions qui garantissent une stabilité, que le Liban retrouve sa souveraineté, pleine et entière, et que ce soit dans un cadre de coopération régionale et non d'affrontement. Il faut remettre la question du Hezbollah dans ce contexte plus général. On ne peut trouver une solution séparée pour la question du Hezbollah.
Q - Etes-vous pessimiste sur la relance du processus de paix ?
R - Non, je ne suis pas pessimiste. Il y a quand même un élément nouveau. La situation n'est pas la même avec M. Barak qu'avec M. Netanyahou. Donc il y a un élément fondamentalement nouveau. M. Barak cherche une solution, à notre avis, aussi bien en ce qui concerne les relations avec les Palestiniens qu'en ce qui concerne la Syrie et le Liban. Comme je le disais tout à l'heure, la solution qu'il a à l'esprit, en tout cas à ce stade, n'est pas la même que la solution que veulent les Palestiniens, les Syriens et les Libanais, cela ne peut surprendre personne. Mais nous pensons qu'il cherche une solution, ce qui fait une différence fondamentale avec son prédécesseur qui ne cherchait pas de solution. C'est un élément à partir duquel il faut travailler. Et c'est un élément qui me rend relativement optimiste. Mais en même temps, il faut être très conscient de l'extraordinaire difficulté des problèmes qui sont encore à résoudre. Mais ils ne se présentent pas de la même façon.
Comme je l'ai déjà dit, du côté israélo-palestinien, c'était assez facile de reprendre la négociation et cela sera difficile de la conclure. Cela saute aux yeux quand on regarde les questions qui peuvent être traitées dans ce que l'on appelle, le statut final : ce sont des questions particulièrement complexes. Du côté israélo-syrien, je pense que le plus difficile, c'est de redémarrer et une fois que la négociation aura repris, on aperçoit des solutions sur tous les points. Je pense que c'est la même chose du côté israélo-libanais. Je suis, pour résumer, raisonnablement optimiste. Mais il faut que tout le monde y mette du sien.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez dit que vous croyez à une vraie volonté pour faire la paix dans la région. Est-ce que vous faites confiance aux autorités israéliennes qui veulent faire une paix juste dans la région, car jusqu'à présent, nous avons uniquement entendu des mots ?
R - La question de la confiance par rapport aux dirigeants d'un pays étranger, surtout quand on est dans le cadre d'un conflit aussi ancien que celui-ci, est une question qui se pose naturellement. Il ne faut pas donner à cette question un sens purement psychologique. Est-ce que les Israéliens aujourd'hui recherchent la paix ? Nous le pensons en France. Nous pensons que le vote des Israéliens quand ils ont choisi M. Barak plutôt que M. Netanyahou, traduit cette aspiration à la paix.
Naturellement après cela, il y a un très long chemin, car la paix souhaitée par les Israéliens est une paix fondée sur la satisfaction des intérêts israéliens. La paix souhaitée par les Palestiniens est une paix fondée sur la satisfaction des Palestiniens etc...
Mais encore une fois, c'est toute la différence entre chercher la paix ou non. Je crois que la réponse est oui. Je crois que c'est vrai pour M. Barak, je crois que c'est vrai pour l'opinion israélienne, pour le corps électoral israélien qui a mis M. Barak au pouvoir en tant que Premier ministre. Les Israéliens se posent le même question d'ailleurs, à propos du désir de paix des Palestiniens, ou des Syriens, ou des Libanais. La question de la confiance se ramène au fait de savoir si l'autre a un intérêt à la paix. Je crois que dans le Proche-Orient d'aujourd'hui, tous les peuples ont intérêt à la paix, et tous les peuples concernés, les uns après les autres en sont arrivés à un désir de paix. Le problème des hommes d'Etat, le rôle des dirigeants politiques, c'est maintenant de transformer ce désir de paix, qui comporte des éléments encore très contradictoires, apparemment inconciliables dans certains cas, mais rien n'est inconciliable, à force de ténacité, et de volonté ; il faut transformer ces désirs de paix qui ne coïncident pas encore, en une solution globale. Nous sommes dans cette phase, c'est assez encourageant, mais il faut être armé de ténacité et d'endurance.
J'ai eu également l'occasion avec le président et mes autres interlocuteurs de dire à quel point en France, nous nous réjouissons que le Liban ait été choisi pour accueillir le prochain sommet de la Francophonie. Nous nous réjouissons de ce qui est déjà prévu, de ce qui est déjà entamé pour cette préparation. J'ai vu que les dirigeants libanais étaient heureux que le Liban ait été choisi, et qu'ils étaient tout à fait conscient des responsabilités que cela leur donne sur le plan culturel, sur le plan linguistique, sur un certain nombre de domaines concrets, audiovisuel ou autre, pour être à la hauteur de cette grande échéance qui sera certainement un grand moment pour le Liban, et naturellement, nous espérons tous que cela sera un grand sommet de la francophonie dans un Proche-Orient en paix.
Merci./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 novembre 1999)