Texte intégral
R. Sicard.- F. Fillon, le ministre des Affaires sociales, consulte les partenaires sociaux cette semaine, pour parler des 35 heures, du Smic, de la baisse des charges sociales. Et vous avez créé la surprise parce que, si la plupart des syndicats sont sortis plutôt mécontents, en tout cas inquiets, vous, vous êtes sorti plutôt satisfait. Que se passe-t-il ? Vous êtes tombé sous le charme de F. Fillon ?
- "Il faut remettre les choses à leur place. D'abord, cet entretien avec M. Fillon était la suite d'entretiens officieux. On a discuté et nous savions ce qu'il y avait à l'ordre du jour. Et nous étions d'ailleurs demandeurs des questions qui étaient à l'ordre du jour. Mais dans le cadre de la discussion, qui a duré deux heures, à un moment donné, M. Fillon nous a remis - ou plus exactement son directeur de cabinet - une note qui était sensée représenter l'application technique de notre conversation, sans que les choix soient arrêtés définitivement. Et c'est à la suite que cette note a été expédiée aux autres organisations syndicales et au patronat, qui ont réagi par rapport à la note et qui sont arrivés, en quelque sorte, avec un a priori. Moi, je n'avais pas d'a priori. Ceci étant, je confirme bien tout ce que j'ai dit à la sortie, y compris d'ailleurs lorsque M. Fillon et ses services ont tenté de recadrer le problème."
Sur le fond, vous n'êtes donc pas sur la même ligne que d'autres syndicats, qui se disent très inquiets de ce qui est en train de se passer ?
- "Je suis, au moins, tout à fait d'accord sur une partie des choses, mais pas obligatoirement sur l'ensemble des choses. Je pense très sincèrement - mais là nous anticipons - qu'on ne peut pas remettre en cause les 35 heures et donc, qu'on ne peut pas faire un décompte qui soit annuel. Par contre, je suis suffisamment réaliste pour dire que si on ne laisse pas faire quelques heures supplémentaires par secteurs d'activité, eh bien, les patrons vont les payer la main à la main, avec la complicité des salariés. Il faut éviter ce genre de choses. J'en ai discuté avec M. FIllon et je lui ai dit qu'il n'est pas du tout question de contourner les 35 heures et qu'il n'est pas du tout question de faire une différence entre les grosses et les petites entreprises. C'est son document qui avait été préparé avant, qui renvoyait à 1.600 heures à l'année."
Vous avez été un peu pris en traître ?
- "Je n'ai pas été pris en traître. J'ai eu l'information, on m'a donné le document au moment où nous discutions. Je n'ai pas eu le temps de le lire. Je n'allais pas dire au ministre : "Attendez, on va discuter après. Je vais lire ça et je vais vous dire ma réaction". J'ai pris le document, présenté comme étant un document technique, comme étant le corollaire de nos conversations. Ensuite, quand j'ai lu le document j'ai dit : "Je suis en désaccord sur l'annualisation". Il le sait très bien. Je suis en désaccord sur la fixation de la revalorisation des heures supplémentaires."
Et sur le projet d'aménagement des 35 heures ?
- "Pour essayer de faire comprendre aux gens, ce que veut M. Fillon, c'est que nous négocions - si j'ai bien compris - par branche - et là nous sommes d'accord - un quota d'heures supplémentaires différent selon le secteur - la métallurgie, le bâtiment etc.. Mais cela ne suffit pas : il voudrait ajouter aussi qu'on négocie avec les patrons le montant des heures supplémentaires. Elles sont payées à 25 %. Dans certains secteurs, il y aurait 10 % d'autres 15 %, d'autres 8 % etc... Ce qui veut dire que la politique des salaires passerait par les heures supplémentaires. Cela n'est pas possible. Moi, je reste sur la disposition légale : les heures supplémentaires doivent être augmentées de 25 %. On n'est pas là pour encourager les gens à faire des heures supplémentaires."
Sur le fond des 35 heures, la CGT dit que ce que propose M. Fillon, c'est la fin de la loi sur les 35 heures ? Vous êtes de cet avis ?
- "Non, je crois que la CGT a tort et on le verra d'ici quelques temps, quand cela s'appliquera. Le problème est clair : il y a des entreprises - c'est vrai - qui, dans certains secteurs d'activité, ont une surcharge de travail temporaire. Est-ce que oui ou non on va leur dire "refusez le travail et allez vous installer au Maroc ou en Pologne" ? Ou est-ce que l'on dit : "On va satisfaire ce genre de choses" et le cas échéant, est-ce qu'il faut mieux que la loi soit contrôlée plutôt que la loi, tout simplement, soit contournée en permanence et que les patrons payent de la main à la main les heures supplémentaires ? Je pense, moi, qu'il faut mieux être réaliste et dire qu'on va donner des heures supplémentaires, des quotas différents selon les secteurs d'activité sous le contrôle de l'inspecteur du travail. Etant entendu qu'il faut que tout le monde arrive aux 35 heures, parce qu'il n'est pas question qu'il y ait une différence entre les grandes entreprises et les petites. Permettez moi de vous faire remarquer quelque chose : le patronat crie beaucoup, M. Seillière crie beaucoup et lève les bras aux cieux : "Lundi, on va voir ce qu'on va voir !". Je ferais remarquer que l'ensemble des entreprises que représente M. Seillière appliquent les 35 heures. Il aboie, mais ça y est, la caravane est passée. Je suis navré : les grosses entreprises généralement ont adopté les 35 heures. Le problème est pour les PME et PMI. C'est vrai que plus l'entreprise est petite, plus cela pose un problème. Dans une entreprise de 3 personnes, comment fait-on pour appliquer les 35 heures ? Peut-on embaucher une quatrième personne ? Ce n'est pas sûr. Cela pose un problème. C'est à cette question qu'il nous fallait répondre."
Il y a un domaine dans lequel vous êtes très offensif, c'est celui des salaires. Vous dites qu'il faut augmenter les salaires. Cela ne va pas être facile, parce que justement, M. Seillière et le Medef disent qu'il n'y a plus d'argent dans les caisses des entreprises ?
- "Sauf qu'il y a quelque argent pour le financement des actionnaires. Vous savez qu'il y a des patrons qui gagent 400 fois le Smic par mois ? Alors, de temps en temps, un peu de modestie ! J'ai entendu que M. Kessler disait que le temps n'était pas à la revendication. Si, le temps est à la revendication ! On a vu les bilans consolidés des entreprises et on a très bien vu que les actionnaires ne sont jamais satisfaits et qu'ils en exigent de plus en plus."
Vous allez demander au Gouvernement d'intervenir ?
- "Il y a plusieurs choses. Il y a le problème du Smic : on ne peut pas l'oublier. C'est la raison pour laquelle M. Fillon nous a convoqués et avec qui nous avons discuté. Je rappelle que c'est ce que nous avions demandé à M. Raffarin quand il a été désigné comme Premier ministre. Il y avait six valeurs du Smic."
Cela va être harmonisé...
- "En trois ans quand même. Encore que les patrons vont pousser pour que ce soit en cinq ans."
Vous êtes d'accord ?
- "Oui, mais j'aimerais que cela se fasse tout de suite."
Parlons des salaires.
- "Tout s'emboîte. Il y a d'abord le Smic, qui n'est pas la négociation des salaires. Le Smic, c'est la référence sous laquelle on ne peut pas être payé. C'est ça le problème. Donc, la valeur la plus base va être augmentée de 11,44 %, mais en trois ans. Que les Smicards ne croient pas qu'il vont faire fortune d'un seul coup. A partir de ce moment-là, cela conduit à un deuxième constat : dans les grilles de salaires, dans les professions, maintenant, la hiérarchie est bouffée. C'est-à-dire que maintenant le Smic a bouffé les salaires les plus bas. Il faut négocier et il faut dire à M. Fillon de convoquer les commissions mixtes pour négocier les grilles de salaires. C'étaient les grilles de salaire conventionnelles par secteurs d'activité."
Vous voulez que le Gouvernement fasse pression sur le patronat ?
- "Je veux que le Gouvernement, au besoin, convoque les commissions en question. Je ne dis pas qu'il y aura des résultats, mais il faut les convoquer pour que nous nous mettions autour de la table pour discuter. Ensuite, il y a le problème des salaires. J'ai dit à M. Fillon : "Le code du travail prévoit que dans toutes les entreprises il doit y avoir une négociation annuelle. Faites le bilan et demandez au directeur départementaux du travail où il y a eu une négociation." Compte tenu des effets des 35 heures et de la modération salariale, il y a de nombreux secteurs d'activité qui n'ont pas négocié les salaires. Il y a de nombreuses entreprises qui n'ont pas négocié les salaires. Il y a eu la modération salariale. Il faut maintenant redonner du pouvoir d'achat, tout simplement parce que les prix ont augmenté et les prix des produits de première nécessité. Il faut donc réouvrir les négociations et au besoin, je ferai la même demande auprès de M. Fillon, après lui avoir dit sur les salaires conventionnels : "Sur les salaires réels, exigez des patrons qu'ils appliquent le code du travail", c'est-à-dire que les négociations aient lieu. Je croyais que le Medef était pour la refondation sociale, pour réinstaurer le dialogue. Le dialogue passe par les salaires. On ne peut pas parler simplement sur ce qui devrait nous mettre d'accord. On peut parler parfois aussi de ce qui nous met en désaccord."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 août 2002)
- "Il faut remettre les choses à leur place. D'abord, cet entretien avec M. Fillon était la suite d'entretiens officieux. On a discuté et nous savions ce qu'il y avait à l'ordre du jour. Et nous étions d'ailleurs demandeurs des questions qui étaient à l'ordre du jour. Mais dans le cadre de la discussion, qui a duré deux heures, à un moment donné, M. Fillon nous a remis - ou plus exactement son directeur de cabinet - une note qui était sensée représenter l'application technique de notre conversation, sans que les choix soient arrêtés définitivement. Et c'est à la suite que cette note a été expédiée aux autres organisations syndicales et au patronat, qui ont réagi par rapport à la note et qui sont arrivés, en quelque sorte, avec un a priori. Moi, je n'avais pas d'a priori. Ceci étant, je confirme bien tout ce que j'ai dit à la sortie, y compris d'ailleurs lorsque M. Fillon et ses services ont tenté de recadrer le problème."
Sur le fond, vous n'êtes donc pas sur la même ligne que d'autres syndicats, qui se disent très inquiets de ce qui est en train de se passer ?
- "Je suis, au moins, tout à fait d'accord sur une partie des choses, mais pas obligatoirement sur l'ensemble des choses. Je pense très sincèrement - mais là nous anticipons - qu'on ne peut pas remettre en cause les 35 heures et donc, qu'on ne peut pas faire un décompte qui soit annuel. Par contre, je suis suffisamment réaliste pour dire que si on ne laisse pas faire quelques heures supplémentaires par secteurs d'activité, eh bien, les patrons vont les payer la main à la main, avec la complicité des salariés. Il faut éviter ce genre de choses. J'en ai discuté avec M. FIllon et je lui ai dit qu'il n'est pas du tout question de contourner les 35 heures et qu'il n'est pas du tout question de faire une différence entre les grosses et les petites entreprises. C'est son document qui avait été préparé avant, qui renvoyait à 1.600 heures à l'année."
Vous avez été un peu pris en traître ?
- "Je n'ai pas été pris en traître. J'ai eu l'information, on m'a donné le document au moment où nous discutions. Je n'ai pas eu le temps de le lire. Je n'allais pas dire au ministre : "Attendez, on va discuter après. Je vais lire ça et je vais vous dire ma réaction". J'ai pris le document, présenté comme étant un document technique, comme étant le corollaire de nos conversations. Ensuite, quand j'ai lu le document j'ai dit : "Je suis en désaccord sur l'annualisation". Il le sait très bien. Je suis en désaccord sur la fixation de la revalorisation des heures supplémentaires."
Et sur le projet d'aménagement des 35 heures ?
- "Pour essayer de faire comprendre aux gens, ce que veut M. Fillon, c'est que nous négocions - si j'ai bien compris - par branche - et là nous sommes d'accord - un quota d'heures supplémentaires différent selon le secteur - la métallurgie, le bâtiment etc.. Mais cela ne suffit pas : il voudrait ajouter aussi qu'on négocie avec les patrons le montant des heures supplémentaires. Elles sont payées à 25 %. Dans certains secteurs, il y aurait 10 % d'autres 15 %, d'autres 8 % etc... Ce qui veut dire que la politique des salaires passerait par les heures supplémentaires. Cela n'est pas possible. Moi, je reste sur la disposition légale : les heures supplémentaires doivent être augmentées de 25 %. On n'est pas là pour encourager les gens à faire des heures supplémentaires."
Sur le fond des 35 heures, la CGT dit que ce que propose M. Fillon, c'est la fin de la loi sur les 35 heures ? Vous êtes de cet avis ?
- "Non, je crois que la CGT a tort et on le verra d'ici quelques temps, quand cela s'appliquera. Le problème est clair : il y a des entreprises - c'est vrai - qui, dans certains secteurs d'activité, ont une surcharge de travail temporaire. Est-ce que oui ou non on va leur dire "refusez le travail et allez vous installer au Maroc ou en Pologne" ? Ou est-ce que l'on dit : "On va satisfaire ce genre de choses" et le cas échéant, est-ce qu'il faut mieux que la loi soit contrôlée plutôt que la loi, tout simplement, soit contournée en permanence et que les patrons payent de la main à la main les heures supplémentaires ? Je pense, moi, qu'il faut mieux être réaliste et dire qu'on va donner des heures supplémentaires, des quotas différents selon les secteurs d'activité sous le contrôle de l'inspecteur du travail. Etant entendu qu'il faut que tout le monde arrive aux 35 heures, parce qu'il n'est pas question qu'il y ait une différence entre les grandes entreprises et les petites. Permettez moi de vous faire remarquer quelque chose : le patronat crie beaucoup, M. Seillière crie beaucoup et lève les bras aux cieux : "Lundi, on va voir ce qu'on va voir !". Je ferais remarquer que l'ensemble des entreprises que représente M. Seillière appliquent les 35 heures. Il aboie, mais ça y est, la caravane est passée. Je suis navré : les grosses entreprises généralement ont adopté les 35 heures. Le problème est pour les PME et PMI. C'est vrai que plus l'entreprise est petite, plus cela pose un problème. Dans une entreprise de 3 personnes, comment fait-on pour appliquer les 35 heures ? Peut-on embaucher une quatrième personne ? Ce n'est pas sûr. Cela pose un problème. C'est à cette question qu'il nous fallait répondre."
Il y a un domaine dans lequel vous êtes très offensif, c'est celui des salaires. Vous dites qu'il faut augmenter les salaires. Cela ne va pas être facile, parce que justement, M. Seillière et le Medef disent qu'il n'y a plus d'argent dans les caisses des entreprises ?
- "Sauf qu'il y a quelque argent pour le financement des actionnaires. Vous savez qu'il y a des patrons qui gagent 400 fois le Smic par mois ? Alors, de temps en temps, un peu de modestie ! J'ai entendu que M. Kessler disait que le temps n'était pas à la revendication. Si, le temps est à la revendication ! On a vu les bilans consolidés des entreprises et on a très bien vu que les actionnaires ne sont jamais satisfaits et qu'ils en exigent de plus en plus."
Vous allez demander au Gouvernement d'intervenir ?
- "Il y a plusieurs choses. Il y a le problème du Smic : on ne peut pas l'oublier. C'est la raison pour laquelle M. Fillon nous a convoqués et avec qui nous avons discuté. Je rappelle que c'est ce que nous avions demandé à M. Raffarin quand il a été désigné comme Premier ministre. Il y avait six valeurs du Smic."
Cela va être harmonisé...
- "En trois ans quand même. Encore que les patrons vont pousser pour que ce soit en cinq ans."
Vous êtes d'accord ?
- "Oui, mais j'aimerais que cela se fasse tout de suite."
Parlons des salaires.
- "Tout s'emboîte. Il y a d'abord le Smic, qui n'est pas la négociation des salaires. Le Smic, c'est la référence sous laquelle on ne peut pas être payé. C'est ça le problème. Donc, la valeur la plus base va être augmentée de 11,44 %, mais en trois ans. Que les Smicards ne croient pas qu'il vont faire fortune d'un seul coup. A partir de ce moment-là, cela conduit à un deuxième constat : dans les grilles de salaires, dans les professions, maintenant, la hiérarchie est bouffée. C'est-à-dire que maintenant le Smic a bouffé les salaires les plus bas. Il faut négocier et il faut dire à M. Fillon de convoquer les commissions mixtes pour négocier les grilles de salaires. C'étaient les grilles de salaire conventionnelles par secteurs d'activité."
Vous voulez que le Gouvernement fasse pression sur le patronat ?
- "Je veux que le Gouvernement, au besoin, convoque les commissions en question. Je ne dis pas qu'il y aura des résultats, mais il faut les convoquer pour que nous nous mettions autour de la table pour discuter. Ensuite, il y a le problème des salaires. J'ai dit à M. Fillon : "Le code du travail prévoit que dans toutes les entreprises il doit y avoir une négociation annuelle. Faites le bilan et demandez au directeur départementaux du travail où il y a eu une négociation." Compte tenu des effets des 35 heures et de la modération salariale, il y a de nombreux secteurs d'activité qui n'ont pas négocié les salaires. Il y a de nombreuses entreprises qui n'ont pas négocié les salaires. Il y a eu la modération salariale. Il faut maintenant redonner du pouvoir d'achat, tout simplement parce que les prix ont augmenté et les prix des produits de première nécessité. Il faut donc réouvrir les négociations et au besoin, je ferai la même demande auprès de M. Fillon, après lui avoir dit sur les salaires conventionnels : "Sur les salaires réels, exigez des patrons qu'ils appliquent le code du travail", c'est-à-dire que les négociations aient lieu. Je croyais que le Medef était pour la refondation sociale, pour réinstaurer le dialogue. Le dialogue passe par les salaires. On ne peut pas parler simplement sur ce qui devrait nous mettre d'accord. On peut parler parfois aussi de ce qui nous met en désaccord."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 août 2002)