Texte intégral
Je suis très heureuse d'être parmi vous ce soir, dans ce superbe cadre du Palais de la Découverte, pour échanger avec vous quelques réflexions sur le thème de la vocation. Je mesure la chance que nous avons de pouvoir débattre avec des intervenants aussi prestigieux et dont les domaines de compétence sont si divers. Je crois beaucoup à la fécondité de ce type d'échanges ; c'est à mes yeux une des grandes réussites de la Fête de la Science que de rendre possible, de manière informelle, ce partage d'expériences entre chercheurs confirmés et étudiants, entre créateurs ou dirigeants d'entreprise et ceux qui aspirent à le devenir.
Je remercie les organisateurs de cette rencontre ainsi que ceux qui m'entourent à ces tables et je souhaite que nous puissions vous apporter, à vous qui êtes présents ce soir, avec vos questions, vos parcours, vos aspirations, des pistes de réponse.
Je crois pouvoir dire, sans trop m'avancer, que nous avons tous un jour entendu l'appel d'une vocation, qu'elle soit ou non scientifique. Pierre-Gilles de Gennes, raconte ainsi d'une jolie façon sa rencontre avec ce qu'il appelle " la belle science ", heureuse expression pour désigner la physique. J'espère qu'il nous fera partager tout à l'heure cette anecdote. Pour certains d'entre nous, le chemin a pu sembler sinueux : quoi de plus éloigné a priori d'Internet que la classe de khâgne, du Comité des programmes que la biologie, ou encore de l'aventure spatiale qu'un parcours de médecin rhumatologue ? Pourtant, j'ai la conviction que cette apparente sinuosité prouve au moins deux choses : l'une est que, au cours d'une vie, plusieurs carrières professionnelles sont possibles, pour peu que l'on reste ouvert aux chances qui vous sont offertes et que l'on sache à bon escient élargir son domaine de compétences ou passer d'une spécialité à une autre. L'autre est que tout parcours, même s'il peut sembler non linéaire, s'ordonne autour d'une passion qui lui donne tout son sens. La vie offre une multitude d'occasions superbes, pour peu que l'on sache les saisir avec enthousiasme et dans la sérénité d'un choix pleinement assumé.
Je crois qu'un certain nombre de traits de caractères jouent un rôle de poids dans ce choix : passion, curiosité, patience et détermination.
A l'heure où la désaffection des jeunes, filles et garçons, à l'égard des filières scientifiques, ne manque pas d'être préoccupante, il me paraît crucial d'attirer et de retenir les jeunes les plus brillants et les plus dynamiques vers les filières et les métiers scientifiques. Je m'y emploie, dans le cadre de mes attributions et avec mes collègues du gouvernement, Luc Ferry et Xavier Darcos. Beaucoup de choses, en effet, se jouent à l'école, dès les plus petites classes. Le goût marqué des touts-petits pour les expérimentations de toutes sortes, le fait qu'un petit enfant ne se lasse pas de faire l'épreuve de la gravité en jetant à terre l'objet qu'on lui tend, qu'il ne se lasse pas de faire des bulles de savon, ou de laisser filer entre ses doigts une poignée de sable, tout ceci témoigne d'un plaisir que je qualifierais d'inné, si Jean-Didier Vincent n'y voit pas d'objection de principe. Or ce goût, si présent dans les premières années de la vie d'un enfant semble peu à peu s'émousser durant les années d'école et de collège pour aboutir au lycée à un désespérant "je n'aime pas les sciences".
Comment remédier à cette évolution ? Il me semble évident que la passion des enseignants pour les disciplines qu'ils enseignent, leur conscience de la beauté d'un théorème au même titre qu'un poème est de nature à prévenir ce désamour. Pour accomplir cette tâche de transmission, les maîtres et les professeurs doivent pouvoir accéder aisément aux briques élémentaires de ce savoir, qu'il relève de la physique-chimie, de la biologie, des maths, des sciences de l'univers, ou encore des sciences humaines. A ce titre, le travail de diffusion des grandes découvertes scientifiques ou historiques et de leurs enjeux, tel que l'accomplissent Joël de Rosnay, Jean Favier ou Jean-Didier Vincent est tout à fait remarquable et mérite qu'on le salue.
Il me semble particulièrement important que la mission de transmission du savoir soit reconnue comme partie intégrante du métier de chercheur ; parallèlement, la formation des chercheurs à la communication, que ce soit celle faite dans des publications scientifiques obéissant à des règles strictes, ou celle destinée aux étudiants, voire au grand public, est sans doute appelée à être mieux encadrée.
On ne peut manquer également de saluer les réalisations d' Institutions comme la Cité des Sciences et de l'Industrie ou le Palais de la Découverte, qui, depuis de nombreuses années, et dans un esprit toujours renouvelé, accompagnent et nourrissent la curiosité de tous, petits et grands.
Je crois également que la généralisation, de manière d'abord expérimentale dans le premier cycle universitaire, comme le propose Luc Ferry, d'enseignements de culture générale dans les filières scientifiques et d'histoire des sciences dans les filières de sciences humaines et sociales peut contribuer à constituer ce socle de culture scientifique indispensable à la constitution d'un jugement éclairé.
Attirer les jeunes vers les métiers de la recherche suppose également de leur proposer des modèles auxquels ils puissent s'identifier. C'est un peu l'esprit de cette rencontre ce soir ; c'est le cas également au Village des Sciences du Ministère chargé de la Recherche où se dérouleront à partir de vendredi des conférences sur le métier de chercheur.
Il importe aussi, et je suis bien consciente de vos attentes sur ce point, de rendre les carrières de la recherche plus attractives. C'est une des priorités de mon Ministère : il paraît capital de proposer aux chercheurs des conditions de travail, d'encadrement et d'équipement comparables à celles des meilleures institutions internationales. La revalorisation de 5,5% des allocations de recherche est, avec la possibilité offerte aux organismes de recruter de manière souple 400 post-doctorants, une première mesure de ce dispositif incitatif. Parallèlement, un important travail d'information sur les filières et les débouchés doit être mené avec l'Education Nationale, afin de permettre aux étudiants des filières générales et technologiques de s'orienter plus efficacement au moment de l'entrée à l'université ou en classes préparatoires.
Mais je vois que le temps passe, et je ne voudrais pas, par un trop long discours, vous priver, me priver de questionner ceux que nous avons la chance et l'honneur de compter parmi nous. Vous permettrez que je vous livre, pour finir, quelques réflexions sur le sens que je souhaite donner à cette idée de vocation scientifique.
Je suis très frappée de constater qu'outre la passion qui les anime pour une discipline, voire plusieurs, les chercheurs, ingénieurs ou entrepreneurs qui sont ici ce soir portent tous certaines valeurs qu'il me semble bon de partager avec vous. Ces valeurs sont, pour en citer quelques-unes, le goût de l'effort et de la réussite, le sens du service de l'Etat, qu'illustre à merveille Madame Lauvergeon, l'esprit d'entreprise, d'innovation et de création.
Vous savez que, dans le cadre de mes attributions, j'attache la plus grande importance à la valorisation de l'innovation et du transfert technologique. Parmi les axes sur lesquels, avec le Ministère de l'Industrie et le Secrétariat d'Etat aux PME, nous travaillons actuellement afin de présenter en Conseil des Ministres avant la fin de l'année un plan national de mobilisation en faveur de l'innovation, figurent notamment, outre le renforcement de la recherche, qu'elle soit publique ou privée, l'augmentation de la propriété industrielle, pilier de l'innovation, ainsi qu'une meilleure gestion et une meilleure valorisation des brevets ; un renforcement des mesures pour la création des jeunes entreprises innovantes et leur accompagnement dans les premières années. Nous souhaitons également tout mettre en oeuvre pour répandre le goût de l'entreprise et l'esprit d'entreprendre, autant chez les chercheurs que chez les lycéens. Pourquoi ne pas chercher à réconcilier science et création, à montrer que la prise de risque n'est pas moins présente dans les métiers scientifiques que dans les métiers économiques ou financiers ? Je crois que vous devez être bien conscients qu'avec une formation d'ingénieur on peut se mettre au service de l'innovation et de la créativité.
Je songe aussi au goût de la pluridisciplinarité qui permet des passerelles entre recherche académique et recherche industrielle, des mélanges entre disciplines, au sens de la transmission et de la diffusion des savoirs. Je pense enfin à la prise en compte des grands enjeux éthiques qui permet l'émergence d'un sens de la science.
J'aimerais vous dire à tous, pour conclure, de saisir l'occasion de cette soirée pour poser à tous ces grands scientifiques, à ces deux chefs d'entreprise, les questions qui vous sont chères. N'ayez pas peur d'être audacieux et curieux, n'ayez pas peur d'être les chercheurs ou les créateurs de demain !
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 18 octobre 2002)
Je remercie les organisateurs de cette rencontre ainsi que ceux qui m'entourent à ces tables et je souhaite que nous puissions vous apporter, à vous qui êtes présents ce soir, avec vos questions, vos parcours, vos aspirations, des pistes de réponse.
Je crois pouvoir dire, sans trop m'avancer, que nous avons tous un jour entendu l'appel d'une vocation, qu'elle soit ou non scientifique. Pierre-Gilles de Gennes, raconte ainsi d'une jolie façon sa rencontre avec ce qu'il appelle " la belle science ", heureuse expression pour désigner la physique. J'espère qu'il nous fera partager tout à l'heure cette anecdote. Pour certains d'entre nous, le chemin a pu sembler sinueux : quoi de plus éloigné a priori d'Internet que la classe de khâgne, du Comité des programmes que la biologie, ou encore de l'aventure spatiale qu'un parcours de médecin rhumatologue ? Pourtant, j'ai la conviction que cette apparente sinuosité prouve au moins deux choses : l'une est que, au cours d'une vie, plusieurs carrières professionnelles sont possibles, pour peu que l'on reste ouvert aux chances qui vous sont offertes et que l'on sache à bon escient élargir son domaine de compétences ou passer d'une spécialité à une autre. L'autre est que tout parcours, même s'il peut sembler non linéaire, s'ordonne autour d'une passion qui lui donne tout son sens. La vie offre une multitude d'occasions superbes, pour peu que l'on sache les saisir avec enthousiasme et dans la sérénité d'un choix pleinement assumé.
Je crois qu'un certain nombre de traits de caractères jouent un rôle de poids dans ce choix : passion, curiosité, patience et détermination.
A l'heure où la désaffection des jeunes, filles et garçons, à l'égard des filières scientifiques, ne manque pas d'être préoccupante, il me paraît crucial d'attirer et de retenir les jeunes les plus brillants et les plus dynamiques vers les filières et les métiers scientifiques. Je m'y emploie, dans le cadre de mes attributions et avec mes collègues du gouvernement, Luc Ferry et Xavier Darcos. Beaucoup de choses, en effet, se jouent à l'école, dès les plus petites classes. Le goût marqué des touts-petits pour les expérimentations de toutes sortes, le fait qu'un petit enfant ne se lasse pas de faire l'épreuve de la gravité en jetant à terre l'objet qu'on lui tend, qu'il ne se lasse pas de faire des bulles de savon, ou de laisser filer entre ses doigts une poignée de sable, tout ceci témoigne d'un plaisir que je qualifierais d'inné, si Jean-Didier Vincent n'y voit pas d'objection de principe. Or ce goût, si présent dans les premières années de la vie d'un enfant semble peu à peu s'émousser durant les années d'école et de collège pour aboutir au lycée à un désespérant "je n'aime pas les sciences".
Comment remédier à cette évolution ? Il me semble évident que la passion des enseignants pour les disciplines qu'ils enseignent, leur conscience de la beauté d'un théorème au même titre qu'un poème est de nature à prévenir ce désamour. Pour accomplir cette tâche de transmission, les maîtres et les professeurs doivent pouvoir accéder aisément aux briques élémentaires de ce savoir, qu'il relève de la physique-chimie, de la biologie, des maths, des sciences de l'univers, ou encore des sciences humaines. A ce titre, le travail de diffusion des grandes découvertes scientifiques ou historiques et de leurs enjeux, tel que l'accomplissent Joël de Rosnay, Jean Favier ou Jean-Didier Vincent est tout à fait remarquable et mérite qu'on le salue.
Il me semble particulièrement important que la mission de transmission du savoir soit reconnue comme partie intégrante du métier de chercheur ; parallèlement, la formation des chercheurs à la communication, que ce soit celle faite dans des publications scientifiques obéissant à des règles strictes, ou celle destinée aux étudiants, voire au grand public, est sans doute appelée à être mieux encadrée.
On ne peut manquer également de saluer les réalisations d' Institutions comme la Cité des Sciences et de l'Industrie ou le Palais de la Découverte, qui, depuis de nombreuses années, et dans un esprit toujours renouvelé, accompagnent et nourrissent la curiosité de tous, petits et grands.
Je crois également que la généralisation, de manière d'abord expérimentale dans le premier cycle universitaire, comme le propose Luc Ferry, d'enseignements de culture générale dans les filières scientifiques et d'histoire des sciences dans les filières de sciences humaines et sociales peut contribuer à constituer ce socle de culture scientifique indispensable à la constitution d'un jugement éclairé.
Attirer les jeunes vers les métiers de la recherche suppose également de leur proposer des modèles auxquels ils puissent s'identifier. C'est un peu l'esprit de cette rencontre ce soir ; c'est le cas également au Village des Sciences du Ministère chargé de la Recherche où se dérouleront à partir de vendredi des conférences sur le métier de chercheur.
Il importe aussi, et je suis bien consciente de vos attentes sur ce point, de rendre les carrières de la recherche plus attractives. C'est une des priorités de mon Ministère : il paraît capital de proposer aux chercheurs des conditions de travail, d'encadrement et d'équipement comparables à celles des meilleures institutions internationales. La revalorisation de 5,5% des allocations de recherche est, avec la possibilité offerte aux organismes de recruter de manière souple 400 post-doctorants, une première mesure de ce dispositif incitatif. Parallèlement, un important travail d'information sur les filières et les débouchés doit être mené avec l'Education Nationale, afin de permettre aux étudiants des filières générales et technologiques de s'orienter plus efficacement au moment de l'entrée à l'université ou en classes préparatoires.
Mais je vois que le temps passe, et je ne voudrais pas, par un trop long discours, vous priver, me priver de questionner ceux que nous avons la chance et l'honneur de compter parmi nous. Vous permettrez que je vous livre, pour finir, quelques réflexions sur le sens que je souhaite donner à cette idée de vocation scientifique.
Je suis très frappée de constater qu'outre la passion qui les anime pour une discipline, voire plusieurs, les chercheurs, ingénieurs ou entrepreneurs qui sont ici ce soir portent tous certaines valeurs qu'il me semble bon de partager avec vous. Ces valeurs sont, pour en citer quelques-unes, le goût de l'effort et de la réussite, le sens du service de l'Etat, qu'illustre à merveille Madame Lauvergeon, l'esprit d'entreprise, d'innovation et de création.
Vous savez que, dans le cadre de mes attributions, j'attache la plus grande importance à la valorisation de l'innovation et du transfert technologique. Parmi les axes sur lesquels, avec le Ministère de l'Industrie et le Secrétariat d'Etat aux PME, nous travaillons actuellement afin de présenter en Conseil des Ministres avant la fin de l'année un plan national de mobilisation en faveur de l'innovation, figurent notamment, outre le renforcement de la recherche, qu'elle soit publique ou privée, l'augmentation de la propriété industrielle, pilier de l'innovation, ainsi qu'une meilleure gestion et une meilleure valorisation des brevets ; un renforcement des mesures pour la création des jeunes entreprises innovantes et leur accompagnement dans les premières années. Nous souhaitons également tout mettre en oeuvre pour répandre le goût de l'entreprise et l'esprit d'entreprendre, autant chez les chercheurs que chez les lycéens. Pourquoi ne pas chercher à réconcilier science et création, à montrer que la prise de risque n'est pas moins présente dans les métiers scientifiques que dans les métiers économiques ou financiers ? Je crois que vous devez être bien conscients qu'avec une formation d'ingénieur on peut se mettre au service de l'innovation et de la créativité.
Je songe aussi au goût de la pluridisciplinarité qui permet des passerelles entre recherche académique et recherche industrielle, des mélanges entre disciplines, au sens de la transmission et de la diffusion des savoirs. Je pense enfin à la prise en compte des grands enjeux éthiques qui permet l'émergence d'un sens de la science.
J'aimerais vous dire à tous, pour conclure, de saisir l'occasion de cette soirée pour poser à tous ces grands scientifiques, à ces deux chefs d'entreprise, les questions qui vous sont chères. N'ayez pas peur d'être audacieux et curieux, n'ayez pas peur d'être les chercheurs ou les créateurs de demain !
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 18 octobre 2002)