Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, en hommage à Victor Hugo, Paris le 16 novembre 2002.

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Circonstance : Journée internationale de la tolérance instituée par l'UNESCO en clôture des célébrations du bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, au Sénat le 16 novembre 2002

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Mesdames,
Mesdemoiselles
Messieurs,
Chers amis,
Le Sénat est heureux de vous accueillir pour cette séance exceptionnelle dans son hémicycle. Séance exceptionnelle qui coïncide de plus avec la journée de la tolérance instituée par l'UNESCO. Séance exceptionnelle qui clôt le cycle des célébrations et des manifestations organisées par le Sénat pour le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, ce géant dont la proximité, l'actualité et l'universalité sont des données immédiates de nos consciences.
Le Sénat est heureux d'accueillir aujourd'hui, en présence de leur ministre, des collégiens et des lycéens, qui ont réfléchi au thème de la tolérance. Par leur présence, ces jeunes apportent un point d'orgue aux célébrations de l'année Victor Hugo.
En effet, c'est ici, en ces lieux mêmes, qu'ils peuvent le mieux saisir l'activité du Hugo politique, dans cette salle où ses pas ont résonné, où sa voix a tonné, où son génie s'est exprimé. Pair de France, Sénateur, Victor Hugo reste une des hautes figures qui ont contribué à sculpter le personnage de l'écrivain engagé.
Retour vers le passé, cette manifestation se projette vers le futur comme le Sénat, riche de son histoire et de ses traditions mais aussi force de propositions et laboratoire de prospective. A cet égard, il est significatif que ce soit avec des jeunes que s'achève cette célébration de Victor Hugo, qui, grâce à vous et au souvenir que vous en garderez, étendra ses racines loin dans ce nouveau siècle qui a à peine deux ans.
La tolérance, beau thème, relativement récent, est le thème de vos réflexions. Après la révocation de l'édit de Nantes, les intolérances religieuses, les Lumières en ont imposé l'idée. Victor Hugo lui a donné une portée universelle.
Pourtant, ce concept de tolérance est encore à réinventer. Les événements récents ont montré que l'intolérance, l'intégrisme, le fanatisme, les guerres de religion, les conflits de civilisation, les tensions raciales et ethniques sont toujours, et même plus que jamais, d'actualité.
Et toujours, il apparaît que c'est l'absence de tolérance qui fait de l'Autre, par nature différent, un ennemi. Et c'est ce qui fait le prix de la tolérance. Car, ne nous le cachons pas, la différence n'est pas facile à admettre naturellement : elle intrigue, inquiète, étonne, choque. Les peuples souvent, éprouvent le besoin de marquer leur différence et le nôtre n'y échappe pas. Comment ne pas transformer la conscience de sa différence, en mépris des autres ou en haine des autres ?
Les stoïciens avaient théorisé une forme particulière de l'indifférence, la suspension du jugement, qui les rendaient insensibles au monde extérieur. Mais ce serait une triste paix entre les hommes que celle qui viendrait de leur indifférence des uns aux autres.
La tolérance, est donc une voie plus belle qui suppose l'acceptation et le respect des différences. Concept étrange, qui ne doit pas être synonyme de dédain de ce qu'on accepte simplement de tolérer, mais de respect et de considération.
Etrange concept aussi car il peut-être victime de son succès : la tolérance universelle ne doit pas devenir synonyme d'universel relativisme. A trop dénoncer les intégrismes, ne trahit-on pas un moindre attachement à l'intégrité de la vérité ? La tolérance ne doit s'exercer que dans les limites de la vérité. Pas de tolérance pour le révisionnisme, pour les thèses qui nient l'humanité.
La tolérance n'est pas contradictoire avec notre droit de ne pas tolérer l'intolérable.
De même, la tolérance ne peut être unilatérale : elle suppose la réciprocité.
La question est : comment coexister au XXIème siècle ? Sans doute par la promotion des libertés individuelles car je veux croire que les fanatismes sont solubles dans la démocratie.
Voilà ce qui fait la modernité de ce thème : sa difficulté. La tolérance est encore un combat. Je forme le vu que la force créatrice de Victor Hugo vous arme et vous inspire.
(Source http://www.senat.fr, le 21 novembre 2002)