Interview de M. Alain Richard, ministre de la défense, à TF1 le 14 juillet 2000, sur le caractère européen du défilé du 14 juillet 2000, la mise en place d'une défense européenne notamment dans l'achat de matériels militaires et sur la féminisation et la professionnalisation des armées.

Prononcé le

Média : Site web TF1 - Le Monde - Télévision - TF1

Texte intégral

JEAN-CLAUDE NARCY
Monsieur le ministre, bonjour. Vous venez de quitter le président de la République. On voulait avoir d'abord votre sentiment sur ce défilé 2000, sur ce 14 juillet 2000 qui est quand même assez exceptionnel à plus d'un titre. Un peu de fierté ?
ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DEFENSE
Oui. Je crois qu'ils ont été vraiment à la hauteur. Et puis, je ne suis pas un émotif, mais quand même, l'hymne européen et le défilé des drapeaux des nations partenaires, c'était sympa.
JEAN-CLAUDE NARCY
Donc, ça, c'est ce qui vous a touché le plus en émotion.
ALAIN RICHARD
Ce que nous avons gagné en un demi-siècle, c'est que les Européens se sont habitués à ce que nos guerres pendant un millénaire entre Européens sont maintenant du passé. Aujourd'hui, ce qui est en jeu, c'est que nous devenons capables d'agir par la force si c'est nécessaire à l'extérieur sans devoir toujours compter sur les autres nations.
JEAN-CLAUDE NARCY
Deuxième élément : il y a le lien de la Nation avec son armée à travers les maires.
ALAIN RICHARD
Ah oui. Moi qui exerce une telle fonction depuis 23 ans, j'ai trouvé que c'était une excellente idée de Christian PONCELET de réunir les maires aujourd'hui comme cela avait été le cas le 14 juillet 1900.
CHARLES VILLENEUVE
Monsieur le ministre, on voit le président de la République accompagné par Bernadette CHIRAC et l'un de ses aides de camp regagner l'Elysée où il va répondre aux questions des journalistes. Vous parliez du corps européen, de la construction européenne et de tout ce passé extrêmement tumultueux et sanglant qui est derrière nous. Pour symboliser ce qu'on a vu sur les Champs-Elysées ce matin, il y a aussi une question qui se pose, c'est que ce corps européen, cette armée européenne, cet outil de défense européen va prendre beaucoup de temps et beaucoup d'argent aussi.
ALAIN RICHARD
Non. Beaucoup de temps ? A la fin de cette année, nous constaterons les engagements des quinze nations européennes pour constituer le corps de réaction rapide qu'on a décidé en décembre dernier. Donc, vous voyez, c'est un délai tout à fait acceptable. Beaucoup d'argent ? Nos budgets de défense, sont naturellement divers entre pays européens. Mais en tout cas en ce qui concerne le budget français et celui de la Grande-Bretagne par exemple qui sont les nations je dirais un peu en pointe, nous avons la capacité de pouvoir mener une opération comme celle du Kosovo entre Européens d'ici deux à trois ans avec tous les équipements nécessaires.
CHARLES VILLENEUVE
Vous n'êtes pas sans savoir, Monsieur le Ministre, qu'il y a quelques inquiétudes parmi vos cadres militaires qui se posent la question : aura-t-on les moyens financiers de se doter de cet outil militaire et quel sera-t-il demain, d'ici 2015 ?
ALAIN RICHARD
Oui. Ils savent aussi que nous avons une régularité et une constance de nos crédits qui est bien meilleure que tout ce qu'on a eu au cours des deux décennies précédentes, il n'y a pas d'à coups. Et par conséquent, nous pouvons suivre nos programmes, nous pouvons réaliser les engagements qui ont été prévus. Je ne cite pas tous les équipements qui vont être mis en service cette année ou l'année prochaine mais il y en a beaucoup. Ils savent aussi que nous avons été capables au cours de ces deux dernières années de conclure beaucoup d'accords entre Européens pour acheter nos matériels en commun ce qui sera à la fois un gain industriel et un gain financier.
CHARLES VILLENEUVE
Vous savez, Monsieur le Ministre, que nous étions accompagnés de cinq femmes officiers ce matin. Et nous avons beaucoup parlé de la féminisation des armées.
ALAIN RICHARD
Les choses avancent, oui, oui
CHARLES VILLENEUVE
Vous êtes au cur du débat puisque vous avez reçu plusieurs officiers et femmes sous-officiers et que vous en avez parlé avec elles.
ALAIN RICHARD
Oui, pour pouvoir vérifier qu'à l'avenir les femmes puissent assumer toutes les fonctions au sein des armées. On a déjà fait beaucoup. Mais à la fin, je souhaite qu'elles puissent assumer aussi des postes de direction de combat. Par exemple, on commence à avoir des femmes qui commandent des bateaux.
JEAN-CLAUDE NARCY
Vous en avez 10% là.
ALAIN RICHARD
Oui, et on est dans bien des spécialités à 20% au moment du recrutement, c'est-à-dire que, quand toutes les jeunes générations seront arrivées, on sera beaucoup plus près de 20%.
JEAN-CLAUDE NARCY
Alors l'armée en pleine mutation. On parlait tout à l'heure du lien de la Nation et de son armée. Mais en fait, il n'y a plus de conscription. En fait, les anciens combattants malheureusement disparaissent au cours des années.
ALAIN RICHARD
Ils sont encore très présents.
JEAN-CLAUDE NARCY
Alors comment vous allez conserver ce lien, à travers quoi ?
ALAIN RICHARD
D'abord, les militaires eux-mêmes - et je tiens à redire vraiment le soutien et l'écoute que je veux leur apporter parce que c'est vrai que la transition est dure mais ils l'assument remarquablement - les militaires eux-mêmes sont déjà de très bons ambassadeurs de la défense auprès de la population. De plus, ils sont très insérés dans la vie de la collectivité. Il y a la journée d'appel de préparation à la défense qui est précédée par l'enseignement, l'initiation à la défense dans l'enseignement. Et puis, nous sommes maintenant une nation qui va avoir son armée professionnalisée et qui aura des réserves citoyennes et des réserves opérationnelles, donc des centaines de milliers de citoyens qui apporteront leur soutien à la défense. Tout ça fait quand même une bonne imbrication.
CHARLES VILLENEUVE
Puis-je vous poser une dernière question ?
ALAIN RICHARD
Vous êtes le bienvenu
CHARLES VILLENEUVE
Est-ce que l'ultime contingent d'appelés sera dispensé du service national ?
ALAIN RICHARD
Nous avons besoin des appelés en 2000, en 2001 et encore dans le début de l'année 2002. C'est comme ça que la transition a été programmée. C'est une loi. Elle était évidemment contraignante pour toutes les générations précédentes. Elle est encore contraignante pour ces générations-ci mais pas plus.
JEAN-CLAUDE NARCY
Mais il y a des jeunes qui ont des problèmes d'emploi quand même.
ALAIN RICHARD
Ca s'est produit dans toutes les générations antérieures.
JEAN-CLAUDE NARCY
Vous allez voir au cas par cas peut-être ?
ALAIN RICHARD
Non, mais déjà, nous avons mis en place un système de report pour ceux qui ont un emploi qui donne je crois satisfaction à la grande majorité, ce qui a conduit à ce que nous ayons un bon dialogue avec les mouvements de jeunes qui se sont formés.
JEAN-CLAUDE NARCY
Merci, Monsieur le Ministre.
CHARLES VILLENEUVE
Merci, Monsieur le Ministre.
(Source : http://www.defense.gouv.fr, le 1er août 2000)