Interview de M. Philippe Douste-Blazy, secrétaire général de l'UMP, à La Chaîne info le 21 janvier 2003, sur la polémique à propos de l'enquête judiciaire sur l'accident de l'usine AZF à Toulouse, les rapports entre l'UDF et l'UMP, la réforme des retraites et le déficit budgétaire.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser-. Vous êtes secrétaire général de l'UMP mais aussi maire de Toulouse. Je voudrais tout de suite vous poser une question sur les rebondissements dont on fait état à propos de l'enquête sur la catastrophe d'AZF. Plusieurs articles font état de pistes inexplorées. Hier, le procureur a tenu une conférence de presse pour dire qu'il n'y avait pas d'élément nouveau. Quel est le sentiment du maire ?
- "2002 aura été une année de recueillement pour nous, une année de reconstruction aussi. L'année 2003, je l'espère, sera l'année de l'élucidation définitive de ce qui s'est passé à Toulouse le 21 septembre 2001. Je me suis engagé vis-à-vis des Toulousains à publier in extenso, dans le bulletin municipal, le rapport de l'enquête judiciaire ; je l'attends. Personnellement, je n'ai aucun élément supplémentaire, évidemment. Mais on leur doit la vérité."
Vous convenez que tout n'est pas élucidé ?
- "Je ne suis pas dans l'enquête judiciaire. J'ai pris un engagement vis-à-vis des Toulousains, c'est de tout leur donner in extenso, en toute transparence, car je crois que c'est la moindre des choses vis-à-vis d'eux et vis-à-vis de nous en général."
Est-ce que vous êtes vous-même bien informé de l'évolution de l'enquête ?
- "Je suis informé comme tout le monde. La question, aujourd'hui, pour moi, c'est toujours se souvenir des victimes, de leur famille, et surtout des gens qui aujourd'hui encore souffrent de désordres parfois psychologiques, souvent physiques, dans leur chair, que l'on oublie trop souvent, et en même temps, tourner la page pour regarder devant, et nous avons de très beaux projets aujourd'hui à Toulouse, qui est une ville encore plus dynamique qu'avant, et nous essayons aussi de sortir de cette période en n'oubliant rien."
Vous n'en direz pas plus ?
- "Je n'en dirais pas plus parce que je n'en sais pas plus."
J'en reviens à votre fonction de secrétaire général de l'UMP. On a assisté ce week-end à des échanges plutôt musclés entre F. Bayrou, président de l'UDF, votre ancienne formation, et A. Juppé, qui s'est un peu agacé de "l'agressivité", disait-il, du président de l'UDF. Ils ont déjeuné ensemble, hier, mais on voit bien que les questions de fond ne sont pas réglées. L'UDF n'a plus de raison d'être aujourd'hui ?
- "Lorsque je regarde cette fin de semaine, je me dis, peut-être parce que je suis, justement, aujourd'hui, maire d'une grande ville, que j'ai peut-être moi-même évolué. Pour moi, m'engager politiquement, ce n'est certainement pas faire ce que j'ai vu ce week-end. Pour moi, c'est deux choses : c'est d'abord, avant tout, faire des propositions, essayer d'infléchir les idées de mon parti, voire celles du Gouvernement, par mes propres idées, mes propres valeurs."
Cela ne peut se faire que de l'intérieur ?
- "En tout cas, c'est fait en faisant des propositions, en faisant évoluer les choses. Ce week-end, je n'ai pas vu de propositions ; j'ai vu beaucoup de tactique, j'ai vu beaucoup de pièges, j'ai vu beaucoup de crocs-en-jambe, mais je n'ai pas vu de fond, je n'ai pas vu de propositions sur les retraites par exemple, parce qu'on en parle beaucoup. Donc, c'est avant tout cela. Et d'autre part, le deuxième point, c'est de soutenir loyalement un gouvernement que l'on soutient. Moi, dans une majorité, je connais, j'accepte et je comprends la critique constructive ; j'ai du mal à concevoir la critique gratuite. Au moment du gouvernement socialiste de l'époque, à propos des communistes, on parlait du soutien sans participation ; il ne faudrait pas que ce soit la participation sans soutien maintenant."
On a l'impression que le Gouvernement n'a pas besoin de la participation, du soutien de l'UDF, puisque à vous seuls, vous avez la majorité absolue.
- "Si le Gouvernement n'a pas besoin et si l'UMP a la majorité absolue, comme tout le monde le dit, cela veut dire qu'on n'a absolument aucune envie d'être hégémonique. Pourquoi voulez-vous qu'on soit encore plus hégémonique si justement... ?"
Tout le monde pense à la législative partielle des Yvelines, vous le savez bien !
- "Qu'avons-nous fait ? Nous avons fait exactement ce que font les grands pays européens : en Allemagne avec la CDU-CSU ; en Espagne avec le Parti populaire espagnol. Tous les pays européens ont un grand parti de centre-droit et de droite, nous l'avons fait. Qu'il y ait à la marge, des partis d'un côté comme de l'autre, qui puissent s'exprimer, très bien, il n'y a aucun problème. Mais il n'y a besoin d'aucune agressivité. C'est très bien qu'ils existent, mais surtout, parlons du fond, c'est cela qui est important. Les Français nous écoutent, nous regardent. Est-ce que ces retraites, on va les réussir ? Est-ce que l'Europe demain, va aller plutôt vers quelque chose de fédératif ?"
Vous parliez des propositions, mais je vous ferais observer qu'on entend assez peu l'UMP sur ces propositions... Vous avez créé le parti, et puis là, en ce moment, il y a un grand silence.
- "Cela tombe bien : nous sommes le 21 et le 24, dans trois jours, dans tous les départements de France, il y aura une réunion départementale de l'UMP, avec tous les députés qui seront justement mobilisés, mais aussi tous les élus locaux - les conseillers généraux, les conseillers régionaux, les maires de communes petites, moyennes ou grandes -, qui expliqueront justement quelle est notre vision des retraites, de l'Europe, ce qu'est l'UMP, pourquoi adhérer, pourquoi ce parti veut donner envie de prendre parti, que c'est un parti de débat... Le 24, évidemment, ce ne sera pas une grande messe médiatique parisienne, mais ce sera dans tous les départements de France, parce qu'on veut être justement ce parti citoyen qui a envie d'écouter, y compris ceux qui ne pensent pas comme nous, car notre vision aujourd'hui de la modernité en politique, c'est d'écouter tout le monde, ne pas être une chapelle homogène et fermée."
C'est lourd à mettre en place ?
- "Le 24, je vous invite en Haute-Garonne, vous verrez, on est prêts - mais vous pouvez aussi aller dans un autre département."
Vous parliez de la retraite : vous êtes favorable à la retraite après quarante annuités pour tous ?
- "Ce qui est important, c'est qu'il y ait une phase d'explication qui, me semble-t-il, est en train de fonctionner dans ce pays. L'inégalité est de règle aujourd'hui en France en matière de retraites : inégalité, on le sait tous, sur la durée de cotisation ; inégalité sur l'assurance d'avoir une pension ou pas ; inégalité sur l'âge de départ à la retraite ; inégalité sur la possibilité de faire un compte épargne retraite. Il faut changer cela. Cela veut dire beaucoup plus aujourd'hui d'équité, y compris sur les petites retraites, parce qu'il y a aujourd'hui des agriculteurs, des commerçants, des artisans qui ont de toutes petites retraites ; il faudra faire un effort. A l'inverse, il faudra quand même que le public et le privé aillent ensemble vers une solution commune. Deuxièmement, plus de souplesse, pas de retraite-couperet, et en particulier, regardons la pénibilité de ceux qui ont travaillé toute leur vie très tôt. S'ils ont fait déjà quarante ans, pourquoi ne pas partir à ce moment-là ? Il y a enfin la solidarité : surtout, sauver le système par répartition."
La France dit à Bruxelles qu'elle ne tient pas compte des observations, qu'elle ne réduit pas ses déficits. C'est bien ?
- "Ce n'est pas ce qui a été dit. La France réduira son déficit, c'est très important. Il y a des dépenses qui sont des dépenses de fonctionnement et celles-là, il faut les baisser, c'est la seule solution pour que ce pays puisse être en concordance avec le Pacte de stabilité européen. Pour le budget français qui fait partie du budget européen, pour tout ce qui est non seulement les frais de fonctionnement mais aussi d'équipement et qui servent à l'Europe - par exemple, la défense européenne -, pourquoi ne pas le mettre dans le budget européen, pourquoi le compter dans le déficit français ? C'est le seul débat que le Premier ministre a voulu faire partir."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 janvier 2003