Texte intégral
Je vous remercie d'être venus ce soir. Je suis heureux d'être présent à cette conférence de presse, lors de mon escale au Caire avant de me rendre à Doha, pour rencontrer les ministres des Affaires étrangères du Golfe afin d'examiner un certain nombre de questions relatives à la coopération entre les pays de cette région et l'Union européenne.
Pendant cette journée au Caire, j'ai eu un long entretien avec le ministre des Affaires étrangères, M. Moussa. J'ai également eu un déjeuner de travail avec M. Gowcily, ministre du Commerce et de l'Approvisionnement. J'ai eu également des entretiens avec M. Bayoumi, le négociateur de l'Egypte avec l'Union européenne.
L'Egypte est pour la France un interlocuteur privilégié. Cela se traduit en particulier par la chaleur, la cordialité et la qualité des relations entre le président Moubarak et le président Jacques Chirac. Le président Chirac est venu à trois reprises, je crois, l'année dernière en Egypte. Le président Moubarak a eu aussi de nombreux contacts avec la France. Nous ne serons pas d'ailleurs étonnés que dans les semaines et les mois qui viennent, d'autres contacts du plus haut niveau aient lieu. Le président Chirac est également très soucieux qu'au delà ou à côté de ces relations amicales avec le président Moubarak, il y ait une multiplication de ces contacts. C'est aussi dans cet esprit là que le ministre des Affaires européennes est venu travailler aujourd'hui au Caire.
Du côté des entretiens, nous avons parlé des sujets principaux, les plus graves et les plus importants étant pour nous tous le processus de paix. J'ai tenu à redire que nous saluons et soulignons le rôle de l'Egypte dans l'ensemble de ce processus de paix. Le rôle de l'Egypte et son influence sont notamment traduits par la part prise par ce pays au règlement tant attendu des accords d'Hébron. Nous l'avons constaté dans cette circonstance là et dans d'autres. C'est pourquoi j'ai été très intéressé par le fait que le président Moubarak ait eu des entretiens très récents avec le chef de la diplomatie syrienne, M. Chareh. Je rapporterai à Paris ce qui m'a été dit de ces entretiens.
En ce qui concerne la France, qui a des intérêts, mais d'abord des amis dans cette région, nous souhaitons dire sa disponibilité pour favoriser le bon déroulement de ce processus de paix et la reprise des négociations sur l'ensemble des chapitres et des volets qui sont actuellement en suspens.
La France fait partie de l'Union européenne. Je suis aussi venu parler du travail en commun et du partenariat entre l'Union européenne et l'Egypte. Il y a ce que fait, ce que veut faire l'Union européenne pour favoriser le processus de paix, l'aboutissement et le développement de ce processus de paix. L'Union européenne n'est pas en concurrence avec les Etats-Unis. Elle veut être un partenaire économique et politique dans le développement de ce processus de paix. C'est ainsi que vous devez comprendre le travail que fait actuellement, en notre nom, M. Moratinos. L'Union européenne ne veut pas être seulement le premier contributeur financier et économique des projets de reconstruction des territoires. Elle veut jouer, comme c'est légitime, avec les Américains, un rôle politique. Nous nous concertons avec les Etats-Unis régulièrement sur l'évolution de ce processus. M. Moratinos a rencontré récemment M. Dennis Ross.
Je viens d'évoquer le partenariat économique et politique. Dans ce cadre, il y a le projet, très important pour l'Egypte et pour nous, de contrat d'association qui est en cours de négociation avec l'Union européenne. J'ai évoqué avec les deux ministres qui m'ont reçu aujourd'hui les difficultés et les conditions de ces négociations. La France fera tout ce qu'elle peut, au sein de l'Union européenne, pour favoriser dans les meilleurs délais, l'aboutissement de ce contrat d'association. Mais il y a actuellement des difficultés liées en particulier aux échanges agricoles. Nous allons prendre notre part pour favoriser le bon aboutissement de cet accord d'association, très important pour l'Egypte bien sûr, mais aussi pour l'Union européenne.
Enfin, il y a un processus de partenariat auquel le président Chirac est personnellement et particulièrement attaché : le partenariat euro-méditerranéen qui va franchir une nouvelle étape, nous l'espérons, à Malte, à l'occasion de la deuxième plénière du suivi de Barcelone. C'est un processus très important en ce moment, compte-tenu de l'équilibre que la France souhaite dans les relations de l'Union européenne avec, d'un côté, les pays qui se trouvent à son Est et au Nord, et d'un autre, avec les pays qui se trouvent autour de la Méditerranée, au Sud de l'Union européenne. Tout à l'heure, j'ai parlé du rôle de l'Egypte dans le processus de paix. Je pourrais dire aussi de la même manière que l'Egypte a un rôle central, particulier et important en ce moment pour la réussite du processus de partenariat euro-méditerranéen. Je suis à votre disposition pour répondre à quelques questions.
Q1 - Monsieur le Ministre, c'est la deuxième chaîne de la télévision égyptienne, le journal en français. Le président Chirac a accordé une importance particulière lors de son dernier passage ici en Egypte au dialogue euro-méditerranéen. Vous venez de souligner dans votre adresse à cette conférence de presse le rôle important de ce dialogue. Vous avez eu des entretiens concernant ce dialogue. Pouvez-vous nous dire, en tant que ministre français et ministre chargé des Affaires européennes, si vous avez avancé de nouvelles idées concernant le dialogue euro-méditerranéen ? En même temps ce que pourrait faire l'Egypte, à votre opinion, concernant ce dialogue ? Si vous le permettez, il y a ma collègue qui va poser une autre question de façon à ce que la réponse soit une seule réponse pour la chaîne 2.
Q2 - Sur les volets israélo-syrien et israélo-libanais, qu'est-ce que l'Europe propose après les dernières déclarations de Netanyahou ?
R - Pour la première question, la réussite du processus engagé à Barcelone va trouver un nouveau point d'appui avec la réunion de Malte dans quelques semaines. Vous savez que c'est une dimension très importante de l'action extérieure de la France et de l'Union européenne, que c'est une dimension méditerranéenne prioritaire. Au point même que nous avons, lorsque la France présidait l'Union européenne en 1995, souhaité auprès de nos partenaires et obtenu un rééquilibrage progressif des crédits apportés, au titre de la coopération, par l'Union européenne aux pays du bassin méditerranéen par rapport aux pays d'Europe centrale, orientale ou baltique ou de l'ancienne CEE.
Il faut être très attentif. C'est aussi pourquoi nous avons parlé aujourd'hui à la réussite de ce dialogue euro-méditerranéen : l'Union européenne est engagée en même temps dans une négociation politique et stratégique à l'égard de l'Europe centrale qui va voir une dizaine de pays de l'Europe centrale rejoindre l'Union européenne dans les premières années du 21ème siècle. C'est un dialogue politique et un processus politique qui est engagé. Donc, le centre de gravité de l'Union européenne probablement va se déplacer vers l'Est, et c'est ce qui explique le souci et la préoccupation du président de la République française, partagés avec l'Espagne, l'Italie et la Grèce pour qu'en même temps on réussisse le dialogue euro-méditerranéen, même si nous savons bien qu'il est complexe, ou parce que nous savons qu'il est complexe.
A Malte, nous allons tout faire ensemble et nous en avons parlé aujourd'hui avec M. Moussa pour qu'il y ait une déclaration politique substantielle, puisque la question politique de la solidarité politique et du partenariat est un des grands volets du dialogue euro-méditerranéen, à côté du volet économique et qui se traduit par des négociations dans certains cas déjà terminées, d'autres en cours. Il s'agit de négociations de contrats d'association, aujourd'hui, avec l'Egypte, après qu'on ait abouti déjà avec d'autres pays du bassin méditerranéen. Il y a aussi l'aspect culturel et écologique de ce partenariat.
Nous comptons beaucoup, je le redis ici au Caire, sur la position particulière, le rôle central que peut tenir l'Egypte et son président pour nous permettre de franchir cette étape de Malte avec succès.
S'agissant du processus de paix, la France est prête à favoriser un accord entre Israël, d'une part, la Syrie et le Liban, d'autre part. Mon pays considère qu'il ne peut y avoir de paix que globale. Il n'est ni réaliste, ni raisonnable de vouloir traiter ces deux volets indépendamment l'un de l'autre. Il devra donc y avoir deux accords de paix Israël-Syrie, Israël-Liban dans un cadre global.
Notre ministre de la Défense, Charles Millon, s'est rendu, vous le savez, en Israël mercredi. Il a confirmé à cette occasion que la France est prête à contribuer sur le terrain, avec d'autres partenaires naturellement, à des arrangements au Sud du Liban et au Golan si les parties le souhaitent. Si les parties le lui demandent, la France est disposée à participer à titre intérimaire à des garanties des frontières.
S'agissant du retrait et de l'application de la résolution 425 du Conseil de sécurité, nous avons toujours eu une position permanente et constante que je veux bien redire ici. Nous pensons que cette résolution 425 doit être appliquée. De manière générale, nous sommes partisans d'un retrait de toutes les troupes étrangères du Liban.
Q - La décision de la création d'une force d'intervention au Sud de la Méditerranée a fait face à l'opposition de plusieurs pays dans la région surtout de l'Egypte. Est-ce que vous avez discuté de cette affaire avec M. Moussa et est-ce que vous ne voyez pas que les questions vitales concernant la sécurité ne doivent pas être prises unilatéralement par une seule partie ?
R - Nous n'avons pas discuté, Madame, sur le fond de cette question. Je connais les craintes qui existent sur cette idée. Pour ce qui nous concerne, nous avons donné un certain nombre d'apaisements sur les conditions dans lesquelles cette idée pourrait être mise en oeuvre, mais nous n'avons pas parlé dans le détail.
Q - Il y a eu dernièrement en République arabe d'Egypte une conférence grandiose à laquelle ont participé plus de 100 sociétés françaises. Le thème principal était l'euro, une monnaie unique pour les pays européens. Pourriez-vous nous donner quelques informations en détail sur cette monnaie nouvelle ? Est-ce que cette monnaie va détruire les autres monnaies de l'Europe ? Est-ce que cette nouvelle monnaie va faire face au dollar ?
R - La monnaie unique est la prochaine grande étape de la construction européenne. Elle sera créée le 1er janvier 1999. Et auparavant, je vous l'indique pour votre information, nous espérons aboutir au Conseil européen d'Amsterdam à une réforme du traité de l'Union européenne pour mieux préparer l'Union à son élargissement aux pays de l'Europe centrale, orientale, baltique et à Chypre.
Cette réforme est faite pour que l'Union européenne ne soit pas au 21ème siècle seulement un supermarché, mais qu'elle soit aussi une puissance politique. Ce qui est intéressant avec la monnaie unique c'est qu'elle est un peu à cheval entre ces deux ambitions. C'est un instrument économique et monétaire. C'est aussi, je le crois, un instrument d'unité politique. Je ne peux pas reprendre votre mot : les autres monnaies ne seront pas détruites. Les actuelles monnaies nationales des pays qui vont entrer dans la monnaie unique seront fusionnées. C'est vrai qu'en voulant la monnaie unique nous avons accepté le principe de partager notre souveraineté nationale sur la question monétaire. Mais nous le faisons pour ne pas ou ne plus subir la souveraineté d'autres grandes monnaies du monde. Un jour, un secrétaire d'Etat américain a dit : "Le dollar, c'est notre monnaie et c'est votre problème". Et bien les Européens pourront dire en 1999 : "L'euro c'est notre monnaie et peut-être pas seulement le problèmes des Européens".
Il faut bien dire aussi que la première raison de la monnaie unique, c'est d'éviter à l'intérieur du marché unique, la concurrence des monnaies nationales les unes contre les autres. La dévaluation de telle ou telle monnaie a provoqué, il y a 4 ou 5 ans, beaucoup de dégâts dans le même marché. On ne peut pas vivre dans le même marché unique avec des produits qui circulent librement et des monnaies différentes. C'est la première raison. La France et l'Allemagne sont décidées, avec d'autres pays, à créer en 1999 la monnaie unique. Je pense qu'à travers votre question sur cette conférence qui a eu lieu ici en Egypte, je comprends un besoin que nous avons peut-être mal pris en compte du côté européen, qui est celui de l'explication, de ce qui va se passer avec la monnaie unique chez tous nos partenaires, notamment les partenaires du bassin méditerranéen. Je vais noter cela et le redire à Paris en revenant.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2001)