Déclaration de M. Jacques Godfrain, ministre délégué à la coopération, sur l'aide française et européenne au développement de l'Afrique australe, Windhoek le 10 février 1997.

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Circonstance : Conférence consultative de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADL) à Windhoek (Namibie) le 10 février 1997

Texte intégral

Permettez-moi de vous dire combien je suis heureux et honoré de m'adresser à vous, au nom de la France, et de me trouver à nouveau parmi vous, comme l'année dernière, à l'occasion de cette Conférence consultative de la Communauté de développement de l'Afrique australe.

Je tiens à exprimer, à cet égard, ma gratitude au gouvernement et au peuple namibiens, ainsi qu'aux gouvernements de la Communauté, pour leur accueil toujours aussi chaleureux.

Je suis venu ici, en Namibie, pour marquer à nouveau l'importance que le président de la République et le gouvernement français attachent à l'Afrique, et notamment à l'Afrique australe.

Je suis également venu ici, en Namibie - dernier né parmi les Etats indépendants d'Afrique - pour réaffirmer avec force l'intérêt que la France porte à l'évolution positive de l'Afrique australe et au processus de concertation et d'intégration, engagé avec détermination par les Etats-membres de la SADC.

Depuis la dernière conférence consultative de février 1996, qui était centrée sur le commerce et les investissements, vos efforts ont été constants et fructueux. Je pense tout particulièrement aux avancées significatives du Sommet de Maseru qui a vu non seulement la signature de quatre nouveaux protocoles, qui vont faire progresser sensiblement l'intégration régionale, mais aussi, et surtout, l'institution du nouvel organe de la SADC sur les questions de politique, de défense et de sécurité communes.

Cette évolution a été rendue possible par l'avènement de la démocratie dans la plupart des pays d'Afrique australe, et la fin des guerres civiles mozambicaine et angolaise.

La création, en 1996, d'une instance chargée des affaires politiques et de défense, constitue une avancée spectaculaire. Je suis convaincu qu'elle jouera un rôle fondamental pour la consolidation de la démocratie et la stabilité en Afrique australe. J'en veux pour preuve que son premier exercice ait été consacré à la difficile question de l'évaluation du processus de paix en Angola, lors du Sommet de Luanda du 2 octobre dernier.

Je tiens à souligner, à cet égard, tout comme les Etats de la SADC l'ont fait, que l'achèvement du processus de paix en Angola est une condition nécessaire pour assurer la stabilité de la région.

Par ailleurs, la signature des quatre protocoles régionaux sur l'énergie : M. Mbuende a lutte contre la drogue les trafics, les transports et les communications et, enfin, sur le commerce, aura, quant à elle, et comme le secrétaire exécutif de la SADC, , l'a souligné ici même, en décembre dernier, des effets très sensibles sur le développement des pays membres de la SADC.

Ainsi, le protocole sur le commerce, qui prévoit la réalisation d'un marché commun dans les huit ans, par l'élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires aux échanges, ouvre, dès maintenant, de nouvelles perspectives de croissance. Les protocoles sur l'énergie, les transports et les télécommunications harmonisent les politiques régionales et favorisent les projets transnationaux. Ils stimulent cet élan vers davantage de développement concerté.

La SADC connaît donc un souffle nouveau, et je m'en réjouis. Mais, aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, il s'agit d'aller encore plus loin. A l'heure où la mondialisation s'impose à tous et où il n'y a pas d'alternative à la constitution des pôles régionaux à la fois intégrés et ouverts sur le monde, les progrès réalisés par les pays d'Afrique australe sur la voie de l'intégration régionale, représentent certes un gage de succès pour leur développement, mais ils ne le garantissent pas durablement.

Vous l'avez d'ailleurs fort bien compris, puisque vous avez choisi "la productivité-clé d'un développement durable pour la région" pour thème de la conférence consultative de 1997.

Vos analyses à ce sujet sont pertinentes : étant donné l'accroissement constant de la population, l'augmentation du taux de productivité revêt un caractère crucial dans une perspective de développement durable, dont - en gage de paix sociale - chacun puisse bénéficier.

L'Afrique australe dispose de beaucoup d'atouts : une maturité politique, une population jeune, d'exceptionnelles ressources naturelles, une volonté d'aller de l'avant, vers plus de développement.

L'optimalisation de la productivité, qui est elle-même un élément moteur du développement, passe tout d'abord, vous en conviendrez, par une participation active à la négociation des instruments qui fixent les règles de la mondialisation des échanges.

L'optimalisation de la productivité procède également de la capacité à attirer les investissements extérieurs, en complément des financements nationaux.

Elle dépend enfin, de la capacité des Etats à se réformer, à innover sans cesse et à intégrer leur action dans un schéma régional.

Pour globaliser ces diverses approches, je dirais que la voie vers plus de productivité et donc plus de croissance passe notamment par l'adhésion aux préceptes de la bonne gouvernance.

Les Etats de la SADC doivent donc, en premier lieu, participer activement à la négociation des instruments qui fixent les règles de la mondialisation des échanges, telles qu'elles ont été évoquées lors de la conférence ministérielle de l'OMC réunie, en décembre dernier, à Singapour.

Les programmes de restructurations, de privatisations, de réformes économiques et d'intégration régionale auxquels ont souscrit les pays de la SADC devraient favoriser un partenariat plus étroit avec le reste du monde, pour atteindre, et je me plais ici à citer le président Nujoma, dans son discours du 5 décembre dernier, "des niveaux plus élevés de coopération économique et d'affaires".

La hausse de la productivité passe par l'augmentation des investissements étrangers dans la région. Ils sont un complément indispensable aux investissements locaux pour vitaliser un processus d'industrialisation et de développement et accroître la compétitivité des productions nationales. Il faut pour cela pouvoir s'appuyer sur le secteur privé, tout en tirant profit des différents avantages comparatifs offerts par les économies régionales.

La promotion de l'investissement constitue d'ailleurs l'un des objectifs principaux du dialogue entre l'Union européenne et la SADC. La déclaration de Berlin - acte fondateur et référence de ce dialogue - soulignait, dès 1994, notre détermination commune à "promouvoir et faciliter en Afrique australe les investissements intérieurs et étrangers dans les secteurs productifs, et notamment dans les industries de transformation et de fabrication".

La France a favorisé l'essor des investissements européens en Afrique australe, et ses propres investissements ont plus que doublé depuis 1992. C'est dans cet esprit que la France a organisé, en novembre dernier, à Johannesburg, un séminaire de haut niveau sur les privatisations, présidé par M. Kaïre Mbuende, avec pour ambition de permettre un échange entre les opérateurs français des privatisations menées depuis les années 80, et ceux des pays de la SADC.

Enfin, c'est forte de son expérience africaine et soucieuse de contribuer à créer un environnement favorable à l'investissement, que la France est prête à participer à une initiative européenne en vue de créer un fonds de garantie régional pour le secteur privé en Afrique australe.

Mais, Mesdames et Messieurs, si l'accroissement des investissements est une condition indiscutablement nécessaire pour améliorer la productivité dans la région, elle n'est pas suffisante.

Permettez-moi d'évoquer, à cet égard, les paroles du président de la République française, prononcées lors du dernier Sommet franco-africain à Ouagadougou, auquel certains d'entre vous ont participé.

M. Jacques Chirac insistait sur les liens entre le développement et ce qu'il qualifiait de bonne gouvernance.

"Le développement, disait-il, ce sont sans doute les chiffres, les flux financiers, la bonne application de théories macro-économiques pertinentes... Mais le développement, c'est bien davantage. Or, la bonne gouvernance suscite naturellement la solidarité internationale et encourage un engagement accru des bailleurs de fonds de l'aide publique au développement.

Elle permet à l'initiative de s'épanouir et attire, par des conditions d'accueil favorables, les entrepreneurs et les investisseurs étrangers.

Bref, elle inspire la confiance sans laquelle il n'y a pas de développement possible. Elle est aujourd'hui la clé de tout financement et de tout investissement".

Permettez-moi encore de citer le président lorsqu'il rappelait que "le développement, ce sont, avant tout, des hommes et des femmes incités à innover, à travailler, à consommer, à épargner et à investir. Ce sont des volontés à solliciter, des hésitations à vaincre et des décisions à emporter". "Le rassemblement et l'adhésion de tous s'obtiennent aussi par le dialogue social qui nécessite une concertation étroite avec l'ensemble des citoyens. C'est pour cela que la bonne gouvernance et la confiance qu'elle inspire sont indispensables à l'épanouissement des hommes et le succès des entreprises".

Vous avez fait la preuve que ces préceptes vous ont convaincus. Le chemin parcouru est prometteur et même impressionnant. Soyez assurés que la France, qui aime l'Afrique et la connaît, se tient à vos côtés dans l'entreprise difficile que vous menez.

Ainsi pour ne citer que les échéances les plus rapprochées, nous comptons mettre à la disposition de la SADC des experts français, en particulier un expert dans le domaine de la gestion des ressources en eau, et nous organiserons, en 1997, un séminaire panafricain sur les bases de données géologiques, hydrologiques et minières.

Enfin, les engagements de la Caisse française de développement dans les douze pays de la SADC se sont maintenus à 484 millions de francs 1996, soit le niveau moyen d'engagement constaté depuis trois ans.

La France continuera de promouvoir les actions de soutien à la coopération régionale, répondra aux attentes de la SADC et de ses pays membres. A cet égard, permettez-moi de vous dire que je reste convaincu de la nécessité du maintien de l'aide publique internationale au développement en faveur des pays africains, orientée vers un partenariat accru et intensifié.

Forte du soutien européen, la France s'emploie sans relâche, à mobiliser la communauté internationale en faveur des pays les plus pauvres. Elle en a fait la preuve maintes fois à l'occasion de la reconstruction du VIIIème Fonds européen pour le développement, dont la France est d'ailleurs le premier contributeur à hauteur de 25 % lors du dernier Sommet du G7, ainsi que lors des assemblées des institutions de Bretton Woods, à l'automne dernier.


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de me réjouir, une fois encore, de voir la SADC avancer, résolument et avec ambition, dans une voie certes difficile mais prometteuse.

Pour résister aux nouveaux défis créés par la mondialisation des échanges, une politique axée sur un développement durable doit s'appuyer sur une optimalisation de la productivité.

Celle-ci doit, à son tour, procéder d'une implication dans une définition des instruments qui en fixent les règles et s'appuyer sur un rôle novateur de l'Etat, intégré dans une perspective régionale.

Ce rôle, essentiel, doit s'inspirer du concept global de la bonne gouvernance. Je vous souhaite plein succès dans la poursuite de cette démarche, et soyez assurés du soutien de la France, car mon pays croit en l'Afrique que vous contribuez magnifiquement à bâtir
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 octobre 2001)