Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur la professionnalisation des armées, la réforme du service national et le maintien du lien armée-nation, Commercy le 6 février 1998.

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Circonstance : Visite de M. Richard au 8ème régiment d'artillerie à Commercy (Meuse)

Texte intégral

Vous avez bien voulu m'inviter avec Jean Pierre MASSERET, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Défense, chargé des Anciens combattants, à présider cette cérémonie marquant l'ancrage du 8ème régiment d'artillerie dans la ville de Commercy.
La création d'un observatoire local de la condition militaire au service de la professionnalisation, démarche en cours au 8e régiment d'artillerie, est un signe tangible des relations étroites que vous avez développées les uns et les autres, et qui ne demandent plus aujourd'hui, qu'à être encore approfondies.
Je vous remercie vivement de me donner cette occasion de m'exprimer devant les commerciens, civils et militaires, entourés de leurs familles, les élus du département et les membres de votre conseil municipal, pour vous faire partager mes réflexions sur un thème auquel le gouvernement attache une importance capitale et qui sera le fil conducteur de mes responsabilités à la tête de ce ministère : il s'agit du renforcement du lien entre la nation et son armée, fondement de la cohésion nationale.
Le 22 février 1996, le Président de la République annonçait la professionnalisation des armées, confirmée lors de la déclaration de politique générale faite par le Premier ministre en juin dernier, et que le Parlement a approuvée. Ce choix justifié par un nouveau contexte géopolitique et un nouvel équilibre stratégique impose à nos forces une taille réduite mais, simultanément, une capacité de réaction et de projection immédiate et renouvelée.
Ceci justifiait donc la professionnalisation. De ce fait, l'appel sous les drapeaux sera progressivement suspendu.
La loi portant réforme du service national établit désormais un véritable " parcours citoyen " qui, comme vous le savez, repose sur un recensement dès l'âge de 16 ans, et une journée d'appel de préparation à la défense au cours de laquelle tous les jeunes citoyens recevront une information et une mise en contact avec les problèmes de la défense.
Cette loi propose en outre des choix pour les jeunes Français d'approfondir librement les liens avec les armées. Un volontariat sera ouvert à plusieurs dizaines de milliers de jeunes qui souhaitent acquérir une expérience dans le cadre des armées ou de la gendarmerie. Enfin, des préparations militaires seront offertes à ceux qui souhaitent avoir la formation militaire de base et qui pourraient servir dans la réserve.
Ce dispositif ne serait pas complet sans un appel sélectif à une réserve plus disponible, plus spécialisée, mieux intégrée dont nous sommes en train de préciser le format et le fonctionnement. Un projet de loi est en cours d'élaboration au sein du ministère. Il devrait être soumis au vote du parlement avant la fin de l'année, lorsque le gouvernement aura arrêté ses choix.
Pour répondre à vos questions sur l'inquiétude des appelés d'aujourd'hui, Monsieur le député maire, il faut comprendre que mettre fin au service national suppose une période de transition. Nos armées comptaient 235.000 appelés au moment de la décision de les professionnaliser. Et sur le plan technique, on ne saurait pas faire fonctionner la grande majorité des régiments, des bases aériennes, des bâtiments de la flotte, sans ces appelés. On ne remplacera pas ces 235.000 appelés en un ou deux ans : il est impossible de faire plus vite qu'en six ans.
Des jeunes continuent donc à faire leur service, comme leurs aînés, en application du principe de l'égalité républicaine. Nous devons tout faire pour que, d'une part, les militaires fassent toute leur place et les traitent véritablement en militaires ayant des responsabilités, d'autre part, que le service national ne soit pas pour ces appelés un obstacle à leur réinsertion professionnelle.
Le service national a le caractère d'une suspension du contrat de travail, et la sortie de ce service donne aux appelés un droit à leur réintégration. Ce service militaire est encore nécessaire, fondamental pour les unités, il faut aider à ce que les jeunes le fassent de façon efficace.
Avec cette nouvelle organisation des forces armées, le renforcement du lien qui unit la nation à son armée doit être élaboré avec un soin particulier. Dans la loi relative au service national que dans le projet de loi sur les réserves, cette préoccupation est permanente et nous souhaitons l'asseoir sur un programme d'enseignement sur la défense, qui sera progressivement aménagé par le ministère de l'éducation nationale en étroite concertation avec nos services .
Ceci peut constituer, Monsieur le député maire, quelques éléments de réponse à vos réflexions.
Quant à la prochaine loi sur les réserves, elle est élaborée avec le souci constant de répondre simultanément aux besoins opérationnels des forces armées et aux aspirations légitimes de ceux qui, étant civils, éprouvent le besoin de servir, en certaines circonstances particulières, leur pays sous l'uniforme. Les réservistes doivent savoir que la réserve aura un rôle plus important du fait qu'une armée réduite aura besoin de leur complément.
Dans le cadre de la professionnalisation, le dispositif s'adapte progressivement pour se rapprocher des jeunes volontaires à l'engagement en irriguant mieux le territoire national ; simultanément, la reconversion vers le secteur civil de tous ceux qui auront fait ce choix est l'objet d'une attention toute particulière, puisque nous devons réussir. Et j'ai pu constater que le 8ème régiment d'artillerie, bien que n'étant pas directement concerné aujourd'hui puisqu'il ne possède que de très jeunes engagés volontaires, s'est déjà doté d'un nouvel outil : le bureau recrutement et condition militaire.
D'autres initiatives de relations entre la nation et son armée fleurissent sur le territoire comme par exemple les sessions de l'IHEDN destinées aux jeunes de 18 à 25 ans ou encore la participation active des cadres à la vie associative locale à travers notamment les clubs sportifs, d'autres actions non moins déterminantes sont également développées par les collectivités locales, qui doivent s'affirmer plus encore comme des acteurs privilégiés du maintien de ce lien armée-nation.
L'exemple que vous donnez aujourd'hui en constitue une très bonne illustration. L'installation d'un observatoire de la condition militaire permettra l'édification d'un véritable partenariat entre la ville et son régiment. Ce dernier est désormais un partenaire économique majeur au moment où sa professionnalisation et son adaptation au plan de l'infrastructure entraînent des retombées économiques importantes.
En Lorraine, lorsqu'un régiment est professionnalisé et maintenu dans une ville, cela représente un " plus " économique important, même s'il y a des problèmes d'infrastructures : c'est globalement un gain.
Cette convention signifie très clairement l'attachement profond que lui porte la municipalité, engagée résolument à ses côtés pour lui apporter des solutions concrètes en matière de scolarisation, de logement, de loisirs, d'emplois des épouses ou de la future reconversion de ses militaires du rang et de ses cadres.
L'habitat, vous l'avez souligné, est une de vos préoccupations majeures ; c'est un sujet important pour le ministère de la Défense. Nous avons travaillé sur ce dossier avec mon collègue Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, et avons décidé de la nécessité d'allouer, à ce titre exceptionnel, un contingent supplémentaire de prêts locatifs aidés aux communes qui abritent un régiment en cours de professionnalisation. Commercy et le pays de Commercy en font partie et j'ai bon espoir de voir cette demande se concrétiser. Mais je laisse à mon collègue Louis Besson le soin de vous l'annoncer lorsque ses travaux de programmation seront terminés.
Ce que vous faites à Commercy est particulièrement encourageant : d'abord au cours de ma visite au 8ème régiment d'artillerie où j'ai pu mesurer à la fois les efforts consentis pour relever le défi de la professionnalisation, comme la considération apportée aux militaires du rang accomplissant leur service national, à qui, ce soir, je veux rendre hommage pour leur sérieux et leur dévouement; ensuite, ici même, à la mairie où l'ensemble des représentants de la collectivité locale est rassemblée pour donner à ce projet d'observatoire une entière et totale reconnaissance.
Je peux donc dire que ce que nous avons vu à Commercy nous rend optimistes sur le lien armée-nation. Je vous remercie de l'accueil chaleureux qui m'a été réservé cet après-midi en vous appelant une fois de plus à faire vivre, au quotidien, le dynamisme au service du lien entre l'armée et la nation.
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 17 septembre 2001)