Déclarations de MM. Alain Juppé, Premier ministre, et Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, sur la situation au Zaïre et l'aide humanitaire aux réfugiés sous l'égide des Nations unies, Paris les 27 et 28 février 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Entretiens de MM. Juppé et de Charette avec M. Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies, Paris les 27 et 28 février 1997

Texte intégral

Propos à la presse de Hervé de Charette, le 28 février 1997
Mesdames et Messieurs, juste quelques mots avant de passer la parole à Kofi Annan. La France est très heureuse de recevoir le nouveau Secrétaire général des Nations unies à l'élection duquel elle a apporté sa contribution. C'est la première fois que M. Kofi Annan vient dans ses nouvelles fonctions à Paris, c'est pourquoi nous l'accueillons avec beaucoup de plaisir et beaucoup d'honneur.
Nous avons évoqué ensemble tous les grands sujets de l'actualité et tous les grands sujets qui intéressent la vie de l'Organisation des Nations unies. La France, comme membre permanent du Conseil de sécurité assume pleinement ses responsabilités au sein de l'ONU et attache une grande importance à la contribution et au rôle qui sont impartis aux Nations unies pour que la communauté internationale puisse faire face à ces problèmes.
Ces problèmes sont nombreux. L'organisation elle-même traverse une période de crise et nous souhaitons que l'ensemble des éléments de cette crise puissent être traités dans les meilleurs délais, qu'il s'agisse des aspects financiers, de la réforme du Conseil de sécurité ou de la réforme des organisations responsables en charge du développement au sein des Nations unies.
Nous avons bien entendu évoqué la plupart des dossiers qui sont dans l'actualité internationale et pour lesquel l'ONU exerce des responsabilités particulières. Je voudrais simplement exprimer devant vous la confiance que la France apporte à M. Kofi Annan dans l'exercice de la très importante mission qui lui est désormais confiée.
Je voudrais seulement dire un mot sur la situation au Zaïre. Comme vous le savez, le Conseil de sécurité, sur la proposition du Secrétaire général des Nations unies, a adopté un plan de paix afin de résoudre la crise que connaît la région des Grands lacs.
Mais nous sommes préoccupés et la France exprime sa grave préoccupation pour la situation humanitaire qui apparaît aujourd'hui, de plus en plus clairement hélas, comme un drame majeur. Nous avions, il y a plusieurs mois, suggéré des initiatives de la communauté internationale. Elles n'ont pas eu lieu. Le fait est qu'aujourd'hui, devant la gravité de la situation, il nous paraît nécessaire de rappeler qu'il est indispensable d'arrêter les hostilités. Il faut aussi qu'une enquête internationale soit ouverte sur les drames qui ont eu lieu et qui ont toujours lieu ; nous souhaitons que les propositions qui ont été faites par Mme Ogata concernant l'installation et la création de corridors humanitaires puissent déboucher et qu'un dispositif international puisse être mis au point, sous l'égide des Nations unies pour permettre de venir en aide aux populations réfugiées et déplacées dans l'est du Zaïre. Il y a une grande urgence. Je l'ai souligné auprès du Secrétaire général des Nations unies et je suis heureux de l'avoir entendu dire devant vous qu'il allait s'en préoccuper dès son retour à New York.
Toast de M. Hervé de Charette, le 28 février 1997
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Secrétaire général,
Nous sommes très heureux de vous accueillir pour la première fois à Paris. Votre élection a mis un terme à une période qui restera comme une page sombre de l'histoire des Nations unies. Vous avez désormais la lourde et belle responsabilité de conduire l'Organisation des Nations unies dans une période je crois particulièrement importante pour elle et pour le monde.
Nous vous connaissons de longue date. Vous savez que vous êtes apprécié en France comme d'ailleurs dans le monde, à la fois par votre longue expérience diplomatique, votre connaissance approfondie de la communauté internationale et j'ajouterai par votre talent de diplomate de haut rang et par votre ouverture personnelle aux problèmes de ce temps.
Vous pouvez donc compter sur le total appui de la France. Il ne vous sera pas ménagé, bien au contraire, et je vous exprime ici la confiance du gouvernement français dans la mission qui est désormais la vôtre. Nous partageons votre projet de porter remède à la crise sans précédent que traverse l'Organisation des Nations unies. Chacun le sait, c'est une crise à plusieurs facettes, une crise financière, une crise de ses institutions avec les projets - qu'il faut voir aboutir - de réformes du Conseil de sécurité et de modernisation. C'est aussi, me semble-t-il, une crise morale de l'Organisation des Nations unies et nous souhaitons entrer désormais dans une période où l'ONU retrouve ses repères, retrouve toute sa place dans la vie des nations et soit en quelque sorte refondée sur des bases nouvelles. Nous apprécions et soutenons, Monsieur le Secrétaire général, la méthode que vous avez choisie pour faire face à cette crise, méthode faite de réflexion, de prudence, de sagesse, ce qui est toujours recommandable, mais aussi de détermination. Je crois que ce sont cette détermination et cette sagesse qui sont pour la communauté internationale, le meilleur gage que l'ONU retrouve la fonction qui est la sienne dans un moment particulièrement important.
L'ONU en effet, doit désormais, plus que jamais sans doute, s'engager à fond dans ses missions qui ont une actualité forte. Il s'agit d'abord de donner corps et vie à la communauté internationale. Le temps de la domination est clos. Vient celui de la coopération de nations égales entre elles. Vient aussi le temps de la mondialisation, c'est-à-dire celui où toutes les nations du monde prennent leur place autour de la même table et souhaitent toutes être respectées et entendues avec leurs valeurs, avec leur Histoire, avec leurs traditions qui sont toutes également respectables et qui demandent désormais d'être considérées comme telles, dans leur dignité et leur diversité.
Il s'agit aussi de maîtriser des conflits ; la tâche, la responsabilité de l'ONU est, en cette matière, considérable. Nous avons parlé ensemble, Monsieur le Secrétaire général, de la situation en Afrique centrale, et nous l'avons évoqué à la lumière des informations qui viennent aujourd'hui sur la gravité extrême de la situation humanitaire que connaît en particulier l'est du Zaïre. Il y a 4 mois, la France avait plaidé en vain pour que la communauté internationale assume toutes ses responsabilités pour venir au secours de ces malheureux réfugiés et de ces villageois chassés de leur village. Aujourd'hui, l'actualité de cette plainte française est plus grande que jamais. Les informations qui nous viennent du Zaïre démontrent que ce que nous avions dit à l'époque s'est hélas poursuivi et maintenu en dépit du retour d'un grand nombre de réfugiés vers leur pays d'origine, le Rwanda. Ensemble, Monsieur le Secrétaire général, nous avons évoqué ces sujets avec le souhait qu'exprime la France que la communauté internationale, c'est-à-dire les Nations unies prennent toutes leurs responsabilités pour qu'il soit porté remède à la situation tragique de ces populations.
Je vous remercie d'avoir accueilli positivement la démarche française que j'ai exprimée auprès de vous. Il appartient aussi aux Nations unies d'assumer la plénitude de leurs responsabilités dans le domaine du développement. Comme vous le savez, le président de la République a pris, tout au long de l'année 1996, un grand nombre d'initiatives pour convaincre la communauté internationale que l'aide au développement, non seulement n'était pas passée de mode mais qu'elle était encore une grande priorité de l'action internationale. Je sais que c'est aussi votre sensibilité et votre préoccupation. Je vous en remercie.
Enfin, il appartient à l'ONU d'être présente sur tous les grands sujets de l'actualité mondiale et dans tous les grands débats de la communauté internationale. Il s'agit de la lutte contre le terrorisme, ou contre les trafics de drogue qui font tant de mal aux peuples d'aujourd'hui et qui sont les nouvelles plaies du monde moderne. Il s'agit aussi des grands sujets qui viennent dans le débat mondial, la place des femmes dans la société, la défense et la promotion des valeurs de l'environnement, de l'incessant combat des Droits de l'Homme où la communauté internationale doit se préoccuper, à la fois d'être déterminée dans ses convictions et efficace dans ces moyens. Enfin, Monsieur le Secrétaire général, soyez assuré qu'en vous accueillant ici aujourd'hui, avec plaisir et avec honneur, en accueillant Mme Kofi Annan à vos côtés avec une très grande joie, la France vous assure de son plein soutien. Elle assumera ses responsabilités comme membre permanent du Conseil de sécurité. Vous le savez, nous n'avons jamais ménagé nos efforts. Il y a ici aujourd'hui présents, quelques représentants symboliques de tous ceux qui ont porté le casque bleu de l'ONU. Parmi eux, de très nombreux Français. Hélas, un certain nombre de nos compatriotes ont été tués ou blessés dans des missions confiées par la communauté internationale. Nous y avons pris plus que notre part et nous continuerons de le faire parce que nous avons le sentiment des responsabilités qui incombent à la France, membre permanent du Conseil de sécurité et porteur, dans la communauté internationale de valeurs qui sont désormais partagées par tous.
Je ne veux pas terminer sur une note triste, bien au contraire, je vais vous remettre, si vous me le permettez, un petit livret qui s'appelle : "Raconte-moi les Nations unies". Nous ne sommes pas ici les auteurs de ce texte mais c'est un petit livre qui vient d'être édité et qui a pour objet d'expliquer aux enfants, à la jeunesse ce que sont les Nations unies. Vous verrez que ce petit livre, dont nous avons revu le texte ici pour nous assurer qu'il soit en pleine conformité avec la réalité des Nations unies, est très bien fait. Il est un témoignage de plus qu'ici, en France, nous attachons une grande importance à la mission des Nations unies pour faire vivre la communauté internationale et que nous souhaitons que notre jeunesse en soit pleinement consciente. C'est pourquoi j'ai plaisir à vous remettre aujourd'hui cet ouvrage.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 avril 2004)