Déclaration de M. Bruno Mégret, président du Mouvement national, sur l'organisation de son nouveau parti, sa stratégie politique, ses ambitions électorales, et sur les divisions déstabilisant la droite, Beaune, le 29 août 1999.

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Circonstance : Université d'été du MN à Beaune (Côte d'Or), le 19 août

Texte intégral

Chers amis, chers camarades,
Il y a exactement un an débutait la crise au sein de l'ancien FN. Au mois de septembre dernier, à Toulon, nous vivions, rappelez-vous, avec l'affaire de la candidature de Madame Le Pen aux européennes, les prémices de cette crise très profonde.
Aujourd'hui, un an plus tard, elle est consommée. Et, je le dis très net, nous tournons la page. Nous le faisons sans regret parce que l'ancien FN, à cause de son Président, était engagé dans une impasse, il n'avait plus d'avenir et il s'apprêtait à commencer sa régression. Quels que soient les aléas de cette crise et la manière dont elle s'est déroulée, quelle que soit la façon dont elle s'est dénouée, cette crise était nécessaire pour assurer la survie et le développement de nos idées. Non seulement nous n'avons rien à regretter parce que nous avons accompli notre devoir, mais nous pouvons être fiers d'avoir pris les bonnes décisions et d'avoir assumé tous les risques qu'elles impliquaient parce que, ce faisant, nous avons préparé le renouveau de notre combat. Aujourd'hui, la crise est derrière nous. Elle aura été somme toute très rapide à l'échelle des grands phénomènes politiques mais elle aura tout de même duré une année entière car les élections européennes n'ont finalement été rien d'autre pour nous que la dernière phase de cette crise.
Aujourd'hui, très solennellement, je le répète : nous tournons la page, nous abandonnons ce qui reste de l'ancien FN à son triste sort et nous nous tournons vers l'avenir. Aujourd'hui, nous prenons un nouveau départ. Aujourd'hui, nous commençons à construire le Mouvement national, ce grand Mouvement qui doit demain permettre le redressement de la France.
Et, c'est à cette tâche exaltante que notre Université d'été a donné le coup d'envoi. Oh certes, nous n'avons pas tout arrêté, tout fixé, car nous allons prendre un minimum de temps pour définir les orientations de ce nouveau Mouvement qui est le nôtre. Et surtout, parce que nous allons le faire dans le cadre d'une vaste concertation avec l'ensemble des militants et l'ensemble des fédérations, conformément à l'esprit de Marignane. Mais déjà, nous avons fixé le cadre de cette rénovation majeure du combat national.
Et d'emblée, je voudrais préciser à ceux qui sont encore sous le coup de la crise et qui ont été déçus de la manière dont elle s'est dénouée, que la situation dans laquelle nous nous trouvons est loin d'être mauvaise.
Certes, nous aurions préféré obtenir gain de cause quant à la légalité du Congrès de Marignane pour éviter l'éclatement et les mauvais scores électoraux qui en ont résulté. Mais tout ceci n'est peut-être qu'un mal pour un bien car, cette situation nous offre paradoxalement au moins deux avantages déterminants sur le moyen terme. D'abord parce que la survie provisoire de Le Pen et du Front résiduel est pour nous en quelque sorte un atout. En ce sens, l'Etablissement, en aidant Le Pen avec les fonds publics, avec des décisions de justice favorables et une mansuétude étonnante dans les médias, nous a en réalité rendu service. En effet, la survie du FN résiduel est pour nous la meilleure configuration pour nous démarquer totalement et définitivement des erreurs du passé et du carcan de l'extrême droite, pour sortir du ghetto et engager une réelle stratégie de conquête du pouvoir. Si le courant lepéniste avait disparu, nous en aurions été les héritiers et, qu'on le veuille ou non, il nous aurait fallu en assumer toutes les tares. Alors que dans la situation actuelle, nous pouvons nous en différencier totalement et laisser toute la charge de la diabolisation s'éloigner progressivement de nous, rentrer dans la marginalité et à terme cesser quand le FN disparaîtra avec son fondateur. De la même manière, l'éclatement de l'ancien Front national et la survie d'un Front résiduel que nous n'avions pas voulus à l'origine ont permis que se produise lors des élections européennes une profonde déstabilisation du RPR, le parti le plus solide de la droite parlementaire. Or, il faut en être bien conscient, cela n'a été possible que parce que l'ancien FN est apparu lui-même divisé en deux blocs. Si nous avions réussi à reprendre l'ensemble du FN à la suite du Congrès de Marignane et si nous nous étions présentés unis aux européennes, il est probable que quelles que soient leurs difficultés, jamais les membres de l'Etablissement n'auraient pris le risque d'un tel éparpillement. Or, ils ont cru que nous étions morts et ils ont volé en éclats. La situation dans laquelle se trouve de ce fait la droite parlementaire est donc tout à fait positive pour nous car elle est totalement décomposée. Décomposée en trois blocs eux-mêmes fissurés. Car l'UDF est un conglomérat peu solide. La liste Sarkozy était, ne l'oublions pas, une alliance RPR-DL et celle de Pasqua un tandem hétéroclite Pasqua-Villiers.
Actuellement, l'ensemble de la droite est donc, de l'UDF au FN, entièrement déstructurée. Et, on peut le dire, toutes les forces de la droite de l'échiquier se retrouvent donc d'une certaine façon confrontées aux mêmes difficultés et aux mêmes exigences : il leur faut se refonder, définir leur stratégie, leur positionnement et leur programme. Et, de ce point de vue, nous, le Mouvement national, nous ne sommes pas si mal placés que cela par rapport à tous nos concurrents.
Il suffit pour s'en convaincre de passer en revue la liste des problèmes qui accablent les autres partis.
L'UDF a pris son indépendance par rapport au RPR mais, dans le même temps, elle a mesuré son influence électorale et 9 %, pour le parti de l'ancien Président Giscard d'Estaing, c'est bien peu. En tout cas pas assez pour avoir des élus par soi-même. En prenant son indépendance, l'UDF a montré qu'elle ne pourrait être qu'une force d'appoint à droite ou alors à gauche.
Le RPR, quant à lui, a de telles difficultés que son problème n'est pas actuellement le programme ou la stratégie, mais plus prosaïquement la nomination d'un nouveau Président. Or, cette question à elle seule paraît déjà quasi insurmontable. Oh certes, ils vont le résoudre et ils vont élire quelqu'un pour assumer cette fonction mais cet épisode révèle à quel point la crise est profonde chez eux et à quel point ils sont loin d'en sortir.
Du côté du RPF, c'est apparemment beaucoup plus brillant et prometteur. Et, les médias, éblouis, nous le rappellent complaisamment : un succès électoral présenté comme spectaculaire, des perspectives d'avenir grandiose avec la création d'un nouveau parti. A entendre certains, Pasqua va se substituer à la fois au RPR et au FN et restructurer toute la scène politique de droite autour de lui. Je crois que la réalité est beaucoup plus terne que cela. Le succès électoral est réel mais somme toute très limité puisque Pasqua plus Villiers font un demi-point de plus que Villiers tout seul en 1994. De là à en conclure que Pasqua a apporté un demi-point à Villiers, cela serait je pense excessif mais, en tout cas, il n'y a rien là de spectaculaire et si le RPF qui résulte du scrutin de 1999 a le même impact que le MPF qui avait suivi le vote de 1994, on peut dire que la montagne Pasqua aura une fois de plus accouché d'une souris. Mais ne nous plaçons pas dans cette perspective. C'est vrai que l'on pourrait aussi faire valoir, je l'ai déjà dit, que le tandem Pasqua-Villiers n'est pas de nature à durer et que leurs équipes comme leurs militants ne pourront pas s'entendre. Mais, là aussi, ne prenons pas ce handicap en considération. C'est vrai que les idées de Pasqua ne sont pas en réel accord avec son électorat et que son action concrète particulièrement laxiste en matière d'immigration et d'insécurité ne correspond pas à son image de soi-disant " dur ". Et que si l'on peut faire illusion et vivre sur une fausse réputation, ce genre d'imposture peut permettre de faire des coups mais pas de construire un édifice politique solide dans la durée. Mais, là encore, ne prenons pas cette faiblesse structurelle en compte. C'est vrai par ailleurs que le RPF essaye de se constituer en pompant la substance du RPR et en débauchant cadres, élus et militants de la structure gaulliste. Or, cette méthode est le signe d'une faiblesse d'abord parce qu'elle n'a pas l'air de donner des résultats très concluants et surtout parce qu'il est toujours difficile de faire du neuf avec du vieux. Une fois de plus, mettons de côté cette difficulté supplémentaire et supposons que Pasqua et Villiers construisent leur parti ailleurs que dans la tête des journalistes. Ils vont alors se retrouver très vite devant une difficulté majeure. Car, de deux choses l'une. Ou ils s'intègrent au système en place ou ils cherchent à le changer. S'ils se placent dans une stratégie de rupture avec le système actuel RPR-UDF, cela veut dire qu'ils doivent présenter des candidats partout et notamment dès les élections municipales. Ils ne pourront plus dès lors espérer débaucher ceux qu'ils combattront, ils devront donc trouver partout des cadres nouveaux et surtout ils se trouveront en conflit avec le RPR et l'UDF qui ne leur feront aucun cadeau. Dans ces conditions et sauf cas d'exception, leurs résultats seront médiocres. Quant à Pasqua et Villiers, ils perdront la présidence de leurs conseils généraux respectifs. Le RPF commencera une longue traversée du désert que ni Pasqua ni Villiers ne sont prêts à assumer. Il y a donc fort à parier qu'ils choisiront l'autre attitude, celle de l'intégration au système. Dès lors, ils deviendront, dans le meilleur des cas, une troisième ou une quatrième composante de la droite parlementaire UDF, DL, RPR, RPF. Mais, il leur faudra alors négocier des places avec leurs partenaires lors des investitures. Or, dans ce contexte, ils n'auront pratiquement pas de sortants et donc très peu de poids pour défendre leurs poulains. Dès lors, à quoi pourra bien servir le RPF ? D'autant que sur le terrain des idées, leur axe principal est celui de la souveraineté qui, certes, est important. Qui, on l'a vu, est mobilisateur lors d'une élection européenne mais qui est loin de répondre à l'ensemble des problèmes qui se posent aux Français. A vrai dire, le RPF paraît être une très bonne machine à casser le RPR mais un outil très médiocre pour le supplanter ou pour le rénover.
Enfin, du côté du Front national, là aussi la situation est difficile et les perspectives sont sombres. Après ce scrutin, le FN va maintenant commencer à se marginaliser totalement. En interne, les mêmes causes vont produire les mêmes effets et les querelles internes vont miner et stériliser le peu d'appareil qui subsiste encore. Comme il n'existe aucune relève capable de prendre la suite du chef, le peu de substance qui survit va s'agglutiner autour de sa personne et le FN va cesser d'être un mouvement pour ne plus être qu'un comité de supporters de Le Pen. Or, celui-ci est en fin de parcours politique et avec la saignée qu'il a connu, il vient de faire un bond de quinze ans en arrière tant sur le plan des hommes que de l'appareil. Quant à son score de 5 %, il est pour lui le début de la fin. Car on comprend pourquoi nos anciens électeurs n'ont pas voté pour notre liste mais on ne voit pas pourquoi ceux qui n'ont pas voté Le Pen en juin dernier voteraient pour lui aux prochaines échéances. Il avait en effet lors des européennes tous les atouts pour lui. La notoriété, l'étiquette, la légitimité apparente, la légalité et l'argent. Sans compter l'habitude qu'avaient nos électeurs de voter sur son nom depuis quinze ans. Et, malgré cela, il ne réalise que 5 % : c'est dire si son aura a terni et si son organisation va maintenant se cantonner à une représentation marginale de l'extrême droite.
Nous nous retrouvons donc sur une scène politique en pleine gestation où nos concurrents paraissent considérablement affaiblis ou handicapés. On me répondra que tout ceci est exact mais que dans ce tableau le MN est sans doute le Mouvement qui se porte le plus mal. A entendre certains, c'est à peine si nous existons encore. Notre équipée n'aurait été qu'un échec et nous serions en pleine déroute.
Rien n'est plus faux et votre présence ce week-end est là pour le prouver. Nous sommes près de 400 cadres réunis cet après-midi et je n'ai pas l'impression d'avoir en face de moi des gens anéantis, découragés ou déboussolés. Alors, c'est vrai, nous traversons des difficultés et, plus précisément, nous avons je crois deux handicaps : notre score et nos dettes.
Notre score aux européennes, il faut bien s'en convaincre, est un faux handicap. D'abord parce que comme le dit M. Jospin lui-même, les élections européennes ne sont pas l'alpha et l'oméga de la vie politique française. Ensuite, et surtout, parce que ce score de 3,5 % n'est pas le nôtre. Ce score ne mesure pas en effet le poids électoral du Mouvement national car, lors de l'élection, les Français ne connaissaient pas le Mouvement national. Les élections européennes sont venues tellement vite après le Congrès de Marignane que nous n'avons pas eu le temps de faire comprendre aux électeurs ce qui s'était passé et ce que nous étions. Et cela d'autant plus que la campagne a été occultée médiatiquement par la guerre du Kosovo et par la crise du RPR. Notre campagne a été, je crois, excellente. Et je remercie à nouveau tous les cadres, élus et militants du Mouvement qui l'ont menée et animée. Mais, bien qu'elle ait été en tous points positive, les circonstances et le calendrier ne lui ont pas permis de toucher sa cible. Et cela d'autant plus que parmi les Français concernés par l'ancien FN, ceux qui ont compris ce que nous étions n'ont pas non plus voté pour ou contre le Mouvement national, ils ont voté contre la crise et contre la scission, pour la plupart en s'abstenant. Cette campagne a donc été la dernière phase de la crise, celle qui a porté nos problèmes devant les électeurs et ceux-ci ont voulu sanctionner ce qui s'était passé. Le score qu'a obtenu notre liste, je dirais presque, ne nous concerne pas. En tout cas, il n'a rien à voir avec ce que nous sommes et ce que nous allons devenir. Le handicap de ce score est donc des plus minimes d'autant que son impact est des plus limités dans la population. Je vous invite à en faire l'expérience en interrogeant directement les gens autour de vous : une écrasante majorité de nos compatriotes a déjà oublié quelle était l'élection du mois de juin et quels ont été les résultats des différents partis. Pour les Français, nous existons indépendamment de ce score. Et vous devez vous en abstraire car ce score n'est pas celui du Mouvement qui est le nôtre aujourd'hui. Il porte sur une période qui est désormais révolue.
Le deuxième handicap est lui, c'est vrai, beaucoup plus tangible. C'est celui de nos dettes. Mais, de ce point de vue, les choses ont déjà bien évolué. Puisque, vous le savez, nous avons déposé un compte de campagne en équilibre, avec des recettes qui compensent les dépenses à hauteur de 12,8 millions de francs. Ce qui correspond à une campagne très raisonnable car le maximum autorisé est de 60 millions de francs et la plupart des partis ont dépensé plus de 30 millions de francs. Pour autant, hélas, nous n'avons pas encore soldé toutes nos dettes car, sur les 7 millions de francs de factures impayées, notre souscription nous a seulement permis d'en éponger 4. Il reste donc encore 3 millions de francs à trouver pour payer les dernières factures correspondant à des dépenses n'entrant pas dans le compte de campagne. Nous lançons donc une deuxième souscription dont je ne doute pas qu'elle va nous permettre d'ici à fin septembre de solder définitivement l'ensemble de nos dettes. Et je voudrais remercier, très vivement, tous ceux qui nous ont déjà aidé, en soulignant combien la puissance de l'effort qui a été ainsi consenti constitue en réalité une démonstration de force politique car, au total, cela aura été de l'ordre de 20 millions de francs que nous aurons pu mobiliser sur les seuls moyens de nos élus, de nos adhérents et de nos sympathisants. Je crois qu'il n'y a pas un seul parti politique capable d'en faire autant. Cela est donc très révélateur de notre vitalité politique. Ce handicap financier est donc en fait le signe d'une grande force politique.
Ainsi, les difficultés qui sont les nôtres ne sont-elles pas structurelles et peuvent donc être parfaitement surmontées. En revanche, les atouts dont nous disposons sont ceux qui permettent les grandes victoires !
Je pense aux deux conditions qui assurent le succès d'un mouvement politique : les hommes et les idées.
Les hommes, nous les avons. Je veux parler des militants, des cadres et des élus, organisés en un appareil territorial, cohérent et déterminé. Cet appareil, il faut bien sûr le renforcer, mais il est d'ores et déjà le plus performant de ceux des partis avec lesquels nous sommes en concurrence, que ce soit le FN, le RPF voire le RPR et l'UDF. Nous ne nous contenterons pas cependant d'en rester là et nous allons le développer considérablement. C'est la raison pour laquelle, nous allons lancer dès le début du mois de septembre une grande campagne d'adhésions. En même temps, nous allons réorganiser entièrement notre Mouvement sur des modes de fonctionnement plus modernes et plus efficaces, tant au plan national qu'au plan local, pour en faire une redoutable machine de combat politique. Je souhaite dans cet esprit revoir la structure de notre Etat major national qui, encore calquée sur l'ancien FN en avait conservé certains défauts. L'équipe dirigeante n'aura plus rien de bureaucratique et devra être toute entière tendue vers l'action politique. Quant à l'appareil territorial, il sera renforcé par la volonté qui est la mienne de donner plus de poids aux cadres locaux. Je pense bien sûr aux secrétaires départementaux mais aussi aux secrétaires de circonscription. Le coeur du Mouvement ne devra plus être l'Etat major national mais battre au niveau des sections.
Le second atout qui est le nôtre est celui de nos idées. Les valeurs et les principes qui sont les nôtres, et dont nous n'avons nullement l'intention de changer, correspondent fondamentalement à l'opinion réelle d'une large fraction de nos compatriotes, sans doute 30 % des électeurs. Ces idées sont de surcroît celles qui peuvent assurer le renouveau de notre pays. Elles constituent donc un patrimoine essentiel dans le combat qui est le nôtre et notre objectif est de les faire triompher. Pour cela, nous voulons désormais les faire connaître pour ce qu'elles sont en les libérant de la gangue des erreurs du FN et des dérapages de Le Pen. Nous voulons les dégager de la filiation d'extrême droite qui les marquait à l'époque du Front national. De ce point de vue, nous entendons les inscrire dans le cadre de la République, c'est-à-dire, je le précise, non pas dans la référence à la philosophie des Lumières, à l'idéologie des droits de l'homme ou à la Révolution française, mais dans le cadre des institutions démocratiques de notre pays et des droits fondamentaux et naturels qui s'attachent aux personnes. C'est cette démarche à la fois nationale et républicaine qui va donner toute leur force et toute leur actualité à nos idées. D'autant que nous voulons les mettre en prise sur la réalité d'aujourd'hui. Notre propos n'a rien à voir avec la démarche par trop passéiste ou réactionnaire de l'ancien FN. Nous entendons, nous, faire la synthèse des valeurs fondamentales que nous voulons réhabiliter avec les données incontournables du monde dans lequel nous vivons. Pour nous, le renouveau de la nation n'est pas incompatible avec une certaine organisation de l'Europe. L'affirmation de nos identités n'est pas contradictoire avec une certaine réalité de la mondialisation. Le rétablissement des frontières n'est pas contraire à la poursuite des échanges, ni le contrôle de l'immigration avec le respect du droit des personnes. En ce sens, nous entendons ouvrir une troisième voie entre les conceptions extrémistes dans lesquelles on veut enfermer nos compatriotes. Et, c'est pourquoi nous nous différencions du FN. Nous ne sommes pas des nostalgiques d'un âge d'or à jamais inaccessible. Nous ne sommes pas des réactionnaires au sens où nous ne rêvons pas du retour pur et simple à un passé désormais révolu. Nous ne sommes pas une fédération de groupuscules survivants des combats perdus. Nous sommes des réalistes, enracinés dans notre époque, qui entendons ancrer nos valeurs dans notre temps pour agir sur la réalité. Nous voulons faire la synthèse des traditions et de la modernité. Nous savons qu'il n'y a pas d'antagonisme entre l'attachement aux terroirs et la communication par Internet. Nous savons que le développement des échanges exige et exigera de plus en plus le retour aux identités, car à quoi servirait-il demain de continuer à échanger si tout est devenu pareil partout ? Notre stratégie est donc plus que jamais celle de la conquête des responsabilités du pouvoir. Et, nos idées peuvent nous y conduire. Car ce sont celles des majorités, des majorités silencieuses peut-être, mais des majorités tout de même. Quand nos adversaires eux ne se préoccupent que du sort des minorités, qu'elles soient ethniques, sexuelles, sociales ou religieuses. Nous allons donc remettre en forme les idées qui sont les nôtres et réécrire notre programme pour répondre à cet objectif de réalisme et de victoire qui nous anime. Nous allons mener ce travail en y associant l'ensemble du Mouvement par une consultation des militants, la contribution des fédérations et la constitution de commissions spécialisées. Ce travail sera entrepris dès demain avec l'objectif d'aboutir dans le courant du mois de janvier.
Sur le fond, je le précise, nous resterons plus que jamais fidèles à nos convictions avec notamment trois mots d'ordre : identité, sécurité, social.
Nous nous battrons contre la dissolution de notre peuple par une immigration massive et incontrôlée et pour la défense de notre civilisation menacée par l'islamisation de notre pays.
Nous nous battrons pour le retour à la sécurité sans laquelle il n'y a pas de société civilisée et sans laquelle tout renouveau est impossible.
Nous serons les défenseurs des Français en donnant à l'impératif social toute sa place car, pour nous, le social ne débouche pas sur le socialisme mais va de pair avec le dynamisme économique, à condition que celui-ci serve notre peuple et notre pays.
Tout cela, nous allons le mettre en forme en montrant la nécessité de rétablir les indispensables protections du peuple et de la nation.
Mais, la rénovation du Mouvement national ne va pas se limiter à la réorganisation de l'appareil et à la refonte de l'esprit et de la lettre de notre programme. Nous allons aussi réfléchir à notre stratégie et adopter une démarche et un positionnement nouveaux. Notre réflexion de l'automne prochain va donc porter également sur cet aspect essentiel de notre combat politique. Et, d'ores et déjà, je puis affirmer ici que notre ambition n'est pas de refaire le FN sans Le Pen et d'essayer de faire un FN en mieux. Le FN avec tous ses défauts et aussi tous ses mérites correspond à une étape dépassée. Il va disparaître avec son fondateur et, je le répète, nous tournons la page.
Nous n'avons donc pas l'intention de nous situer sur le centre de gravité de l'électorat de l'ancien FN mais au coeur de l'ensemble de l'électorat national et républicain que nous avons l'ambition de conquérir. Nous affirmons donc notre volonté de rassembler tous ceux qui veulent le triomphe des idées et des valeurs nationales dans le respect des institutions de notre pays et en rupture avec une extrême-droite vouée à la marginalité. Nous nous situons donc, pour être plus concret, à mi-chemin entre le FN et le RPF, avec la volonté d'étreindre demain l'ensemble de l'électorat qui se reconnaît dans ce vaste espace politique. Nous ne changeons pas en cela le discours que j'ai tenu pendant la campagne électorale. Et, pour clarifier notre position, nous serons amenés dans les semaines à venir à prendre des initiatives d'envergure pour que désormais les Français comprennent clairement qui nous sommes, où nous nous situons et où nous allons.
Voilà, chers amis, chers camarades du Mouvement national, quel est le programme de construction qui nous attend : réorganisation de l'appareil du Mouvement, refonte de notre programme, redéfinition de notre positionnement et de notre stratégie. Et tout cela doit être achevé pour le mois de janvier. La tâche est vaste mais bien sûr nous n'allons pas mener ce travail dans le désordre car le cadre de tout cela est d'ores et déjà fixé par l'idéal et l'objectif qui sont les nôtres et que nous avons solennellement adoptés lors du Congrès de Marignane. Je veux parler de la Charte des valeurs, du code de bonne conduite et de l'engagement de Marignane.
Nous pourrons donc j'en suis convaincu mener tout ce travail avec diligence. C'est d'ailleurs nécessaire car, dans le même temps, je dis bien dans le même temps, nous allons préparer les prochaines échéances électorales, je veux parler des municipales. Pour beaucoup, ces élections sont secondaires car il ne s'agit que de gérer les plus petites de nos collectivités. Pour nous, elles sont essentielles à plus d'un titre. Car, si nous avons été gravement pénalisés par le calendrier des européennes, élections qui sont venues beaucoup trop tôt, les élections municipales qui vont intervenir dans un an et demi tombent à point. Elles pourront constituer pour nous des élections fondatrices de notre Mouvement et révéler en cela très clairement ce que nous sommes et ce que nous voulons. Les communes ont en effet à nos yeux une importance particulière car il s'agit des collectivités les plus enracinées, les plus décentralisées, les plus proches de notre peuple et donc, pour cette raison, celles auxquelles nous sommes les plus attachés. Et, nous considérons de surcroît que les mouvements qui réussissent sont ceux qui sont capables de s'enraciner dans les communautés intermédiaires pour faire leurs preuves et servir concrètement nos compatriotes. Pour nous, la conquête du pouvoir passe par la conquête des collectivités. Nous allons donc nous mobiliser pour être présents massivement lors des prochaines municipales, plus massivement que ne l'était l'ancien FN lors des élections de 1995. Notre objectif est d'être présent dans chaque commune de plus de 10 000 habitants. Et notre ambition est de conquérir de nouvelles villes, de démultiplier notre présence dans les conseils municipaux et d'augmenter massivement le nombre de nos élus. Pour cela, il est clair que nous entendons pouvoir passer des accords électoraux partout où cela sera utile à nos compatriotes et à notre Mouvement. Nous allons en effet à cette occasion commencer à développer une mobilité tactique qui était impossible avec Le Pen. Nous entendons en effet sortir du ghetto et être en mesure de nouer des alliances ponctuelles et limitées. Tout cela, je le précise, ne se fera pas dans l'improvisation et à la tête du client. Et, là encore, nous allons consacrer l'automne à définir notre doctrine à ce sujet. Mais, chacun a pu voir lors de l'élection des Présidents de conseils régionaux, combien une démarche d'ouverture peut être bénéfique aux Français d'abord et à notre Mouvement ensuite. Cela nous permet d'obtenir des élus et des responsabilités, cela engage notre dédiabolisation et cela crée une fracture dans les partis de droite. Nous devons être systématiquement prêts à des manoeuvres de ce type, ce qui n'était pas possible à l'époque de Le Pen. En fait, nous allons cesser la guerre de tranchées où nous passions l'essentiel de notre temps à subir les bombardements de nos adversaires pour engager une guerre de mouvement qui nous verra prendre l'initiative, mener des incursions chez nos adversaires et retourner leurs armes contre eux.
Pour cela, il nous faudra être forts, conserver la confiance en nous-mêmes et en notre destin. Il ne faudra pas avoir d'états d'âme et se demander à tout moment si nous sommes dans la ligne, si nous sommes fidèles, si nous ne dévions pas. Car c'est le propre des mouvements et des responsables politiques complexés que d'avoir toujours besoin d'être rassurés, que d'avoir toujours besoin de gages. Et, ceux qui se comportent ainsi n'agissent plus dès lors pour conquérir de nouveaux électeurs mais seulement pour rassurer leurs militants et pour se faire bien voir d'eux. Vous êtes tous ici des cadres et j'entends que vous ne cédiez pas à cette démagogie. Je vous le rappelle, un chef politique n'est pas celui qui suit ses adhérents, c'est celui qui ouvre la voie. Et, parce que nous ne voulions plus de cette attitude de Le Pen qui transformait les boulevards en impasses, nous devons ouvrir des voies nouvelles pour nous frayer un passage vers le pouvoir pour faire triompher nos idées. En le faisant, je le sais, nous serons attaqués de toute part, sur notre gauche comme sur notre droite. On nous reprochera, comme on nous l'a déjà fait, de trahir nos idées, on nous accusera encore d'être xénophobe ou que sais-je. Alors je le dis tout net, je n'ai pas l'intention de me justifier en permanence comme je vous demande de ne pas le faire vous-même ni d'un côté ni de l'autre. Je ne mènerai pas une politique pour tenter vainement de complaire aux inquiets du MN, aux frileux du FN ou aux torturés du RPR. Nous n'agissons pas, nous ne parlons pas pour ceux des partis de quelques bords qu'ils soient mais pour les Français. C'est eux qu'il faut convaincre et non ceux qui auront toujours une raison de douter et de ne pas nous rallier. Il nous faudra donc être animés d'une confiance inébranlable dans ce que nous faisons et dans le destin qui est le nôtre. Il nous faudra aussi de la patience car tout ce que nous allons construire maintenant va prendre un certain temps avant de produire ses fruits. Certes, nous allons aller très vite. Au début de l'année prochaine, nous serons totalement en ordre de bataille. Mais, il faudra un certain temps avant que les Français ne perçoivent notre message et nous découvrent tels que nous sommes. Et mon but et mon espoir sont que les premiers fruits d'envergure viennent lors des élections municipales. A cette occasion, nous pourrons être massivement présents, dotés d'une image rénovée capable de séduire notre ancien électorat et celui que nous n'avions encore jamais pu capter. D'autant qu'à ce moment là, parions que le FN aura montré son impéritie et le RPF ses contradictions et son impuissance.
Si nous réussissons aux municipales, alors nous pourrons aborder en position de force les échéances de 2002. Et ma conviction est que pourra alors se produire un basculement politique de grande envergure. Car nous aurons, comme dans le jeu de go, occupé les bonnes cases du damier et nous nous retrouverons au bon endroit au bon moment. Au bon endroit au bon moment pour rassembler l'ensemble de l'électorat potentiel qui est le nôtre et qui peut nous placer aux portes du pouvoir. Je suis convaincu que ce grand corps de la droite nationale et républicaine a vocation à se cristalliser en une force cohérente et efficace. Ceux qui pourront la structurer et l'incarner ne sont pas ceux qui sont dans le système. Ce ne sont pas ceux qui se sont marginalisés par rapport au système. Ceux qui pourront l'organiser ne sont pas ceux qui se réveilleront au dernier moment pour la récupérer à des fins politiciennes. Ce sont ceux qui, patiemment et méthodiquement, dans la durée, auront occupé exactement l'espace politique qui lui correspond. Ce sont ceux qui auront su exprimer au quotidien ce qu'elle est et ce qu'elle ressent. C'est ce rôle qui doit être le nôtre et c'est cette stratégie que nous allons développer. Et si nous le faisons, nous nous retrouverons au cur du jeu en 2002 pour incarner, face au socialisme et au mondialisme, les chances d'une renaissance française au début du XXIe siècle.
Je vous demande donc de ne pas céder aux apparences, de ne pas vous laisser impressionner par les sarcasmes, de ne pas regarder de côté, mais de rester droit et solide plein de confiance et de détermination. Il ne faut pas se replier sur nous-mêmes mais adopter une demarche conquérante. Il ne faut pas se radicaliser mais trouver la modération qui rassure. Il ne faut pas se faire plaisir avec l'idéologie mais tout consacrer à l'offensive politique. Il ne faut pas se balkaniser en chapelles mais agir comme un grand corps uni. Il ne faut pas chercher à reconstituer le passé mais construire l'avenir.
N'oubliez pas que face à la gauche il n'y a plus rien de solide. N'oubliez pas qu'à droite tout est déliquescent et incertain. N'oubliez pas que nous incarnons le seul espoir de renaissance de la nation. N'oubliez pas qui nous sommes. Nous sommes de ceux qui en chaque occasion ont fait passer leurs idées avant leurs intérêts. Nous sommes de ceux qui savent prendre tous les risques et les assumer. Nous sommes de ceux qui savent surmonter toutes les épreuves.
Songez d'ailleurs un seul instant à la situation qui serait celle des cadres d'autres partis s'ils se trouvaient à notre place, s'ils avaient subi toutes les attaques, toutes les déceptions, tous les chocs et pris tous les risques qui ont été les nôtres. Ils se seraient déjà disloqués, querellé, ils auraient perdu confiance et tout aurait volé en éclat.
Vous, vous êtes là, solides, confiants, déterminés et enthousiastes.
Et, parce que vous êtes ce que nous voulons être, parce que vous voulez ce que nous allons faire, le chemin va s'ouvrir devant nous et nous allons accomplir notre mission : la renaissance française et européenne !
(source http://www.m-n.com, le 7 février 2001)