Texte intégral
Richard ARZT : Bonjour Ernest-Antoine Seillière. On peut dire que pour le patronat la période ne manque pas de contrastes sur le plan politique, la cohabitation et ses complexités ont laissé la place à une majorité de droite a priori plus capable de comprendre vos préoccupations, ce qui ne veut pas dire que vous adhérez spontanément à toutes les idées de réforme du gouvernement. Sur le plan social ensuite les élections prud'hommales qui ont eu lieu cette semaine relancent le débat sur la représentativité syndicale, ce qui ne veut pas dire que tous les partenaires sociaux, aussi bien syndicaux que patronaux soient d'accord pour changer immédiatement les règles du jeu du dialogue social. Et puis il y a la situation économique, le patronat traditionnellement y est très attentif ce qui veut dire qu'il pense qu'il est plus attentif que les autres acteurs du débat public.
On va vous interroger sur tout cela avec Pierre-Luc Séguillon de LCI, Gérard COURTOIS du Monde.
On va commencer par une question, si vous le voulez bien, sur l'actualité européenne et le sommet de Copenhague qui a ouvert officiellement la perspective d'une Europe à vingt cinq. C'est selon vous un moment historique qu'il convient avant tout de saluer comme tel, éventuellement avec émotion, ou bien est-ce que vous y voyez aussi un nouvel espace qui va obliger les entreprises françaises à des adaptations difficiles ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : C'est un moment historique incontestablement surtout quand on se souvient d'où on vient, les longues années pendant lesquelles ces pays ont été séparés des démocraties de l'ouest de l'Europe et donc les entrepreneurs qui ont toujours été dans le camp de la liberté, ne l'oubliez pas, aujourd'hui saluent cette véritable victoire de la démocratie et ses perspectives nouvelles sur le plan économique.
Alors ce que nous pensons, c'est qu'il y aura dans ces pays un appétit de croissance, une volonté d'en être, extrêmement fort et donc beaucoup d'opportunité mais également ici ou là, forcément, de la concurrence.
Donc ce que nous souhaitons bien entendu c'est que cette concurrence que nous approuvons totalement s'effectue dans des conditions qui soient honnêtes et donc les règles générales du comportement européen s'appliquent à ces pays et que d'ailleurs, en plus de ça, nous le verrons on ne charge pas les entreprises françaises de trop de difficultés pour y jouer et tenir leur rôle.
Mais ce qui est essentiel également c'est que au moment où se fait cet élargissement à 25 on ait la possibilité de conduire l'ensemble européen à 25 pays d'une main institutionnelle plus ferme et plus clair et qui donne donc à cet ensemble la cohérence, la même cohérence que les grands ensembles mondiaux, et ça ça n'est pas réglé.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que vous ne craignez pas que de même que lorsque la république fédérale allemande a réunifié l'ensemble de l'Allemagne il y a plus de dix ans, elle a subi un choc économique très fort, la vieille Europe de l'Ouest ne subisse un choc très fort en assimilant les nouveaux pays qui représentent à peu près 75 millions d'habitants qui vont venir s'agréger au 380 millions existants et qui représente à peine 5 % du produit intérieur brut de l'ensemble de l'union européenne. C'est un décalage énorme.
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ces chiffres si vous voulez montrent que l'impact de l'entrée de ces pays n'a rien à voir avec celui de la moitié de l'Allemagne qui rejoignait la première. Bien entendu il y avait des différences de croissance dans ces deux pays et beaucoup de problèmes d'infrastructures.
Mais là nous avons des pays qui ont un niveau de vie qui est sensiblement inférieur au nôtre, qui aspirent à le rattraper et qui donc vont essayer de saisir toutes les opportunités données par l'Europe pour le faire.
Maintenant, il y a aussi si vous voulez, il faut voir çà sous l'angle de la compétition européenne globale dans le monde, du fait que les pays européens développés qui forment actuellement l'Europe des quinze vont trouver dans ces pays une main d'uvre qualifiée très ardente, qui a envie de travailler, qui a beaucoup envie de travailler pour pouvoir gagner beaucoup d'argent et pour pouvoir élever le niveau de vie et bien, ces opportunités là vont représenter pour la compétitivité européenne quelque chose d'important, d'ailleurs vous le savez il y a déjà des entreprises qui font mouvement dans ces pays pour bénéficier de cet ensemble de conditions nouvelles.
Il faut voir que les Etats Unis ont fait la même chose avec le Mexique au moment où ils ont fait l'ALENA ? Et ça leur a tout de même beaucoup profité en terme de croissance. Et que le Japon actuellement fait exactement la même chose avec la Chine, des millions d'emploi japonais se créent en Chine. Donc il va y avoir en terme de compétitivité globale de l'Europe avec cette nouvelle venue des plus. Bien entendu il y aura ici ou là aussi en France des moins, c'est-à-dire en fait des emplois qui auraient pu se créer en France qui ne se créeront pas là. Et c'est d'ailleurs tout le thème de la compétitivité que nous aborderons peut-être.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors vous parliez de la nécessité de coordonner ces politique et d'avoir des règles du jeu, d'avoir finalement un pouvoir économique institutionnel. Est-ce que, puisque c'est en débat aujourd'hui, de votre point de vue on voit bien où sont les tensions c'est la commission qui devrait, comme le souhaite par exemple le président de la commission, Monsieur PRODI, exercer progressivement ce véritable pouvoir économique ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Si vous voulez, nous les entrepreneurs nous ne rentrons pas dans ces débats. Ce que nous voulons c'est que cela marche. Or manifestement les institutions actuelles sont bancales, tout le monde le reconnaît et d'ailleurs on fait beaucoup d'effort pour essayer de leur redonner une meilleure silhouette.
Mais que ce soit la commission qui accentue ses pouvoirs ou au contraire le Parlement qui, bien entendu ce sont des débats importants, nous avons peut-être des opinions personnelles là dessus, mais nous nous sommes pour qu'on mette en place rapidement un pouvoir politique qui soit à la mesure des initiatives qui ont été prises toutes ces dernières années, la monnaie unique avec l'euro, le marché unique qui est en place et maintenant l'élargissement, tout cela appelle à l'évidence un ensemble politique beaucoup plus cohérent.
Gérard COURTOIS : Mais est-ce que ce gouvernement économique européen que vous appelez de vos vux, n'est pas en contradiction avec le principe même d'une vaste zone de libre échange qui est en train de se constituer autour des 25 et demain des 35 ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Nous ne sommes pas partisans d'une vaste zone de libre échange. Nous pensons que la cohérence qui a été voulue en Europe autour de politiques communes doit rester la cohérence et c'est la vision d'ailleurs qu'en ont les entreprises françaises.
Oui bien entendu à jouer sans l'ombre d'un protectionnisme à l'esprit la règle du jeu de la concurrence européenne et mondiale, mais à condition que les règles du jeu ait été posées et nous en avons besoin eu Europe et donc nous avons besoin d'un pouvoir politique pour dire les choses clairement qui existent au niveau européen et y développe la cohérence, on ne peut pas laisser les choses dans l'état, si vous voulez, cartilagineux où elles se trouvent sur le plan institutionnel.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que de votre point de vue l'adhésion un jour lointain de la Turquie dans cet ensemble risquerait de créer un dysfonctionnement, voire un changement de nature de cette union politique et économique européenne ?
Richard ARZT : Quelqu'un a osé dire que l'entrée de la Turquie pouvait être renvoyée aux calanques grecques.
Ernest-Antoine SEILLIERE : Alors, à ce moment là il faut dire également qu'il ne faut pas laisser la Turquie en carafe. Enfin, je m'excuse mais si nous faisons un saut d'humour sur ce sujet qui le mérite peut-être après tout parce que ça n'est pas un sujet triste.
Un grand pays qui aspire à rejoindre l'ensemble européen c'est tout de même fondamentalement une bonne nouvelle. Si il disait plutôt tout au monde sauf de venir, nous trouverions cela tout de même assez saumâtre.
Donc nous pensons, nous, en tant qu'entrepreneur que les raisons qui ont conduit, il y maintenant des décennies l'ensemble des pays européens à considérer la Turquie comme suffisamment européenne pour pouvoir devenir un membre, sont là et nous n'avons pas à les commenter, les raisons des uns ou des autres pour dire que ils méritent ou ils méritent pas ou ils peuvent ou ils peuvent pas être de l'ensemble politique, sociologiques, culturels européens n'est pas notre affaire.
Notre affaire à nous, ça je vous le dis, c'est que si la Turquie se rapproche de l'Europe et qu'elle en devient membre, nous essayerons d'en prendre avantage sur le plan des entreprises françaises qui sont nombreuses en Turquie, il y en a à peut près 270, Renault, Louis Schweitzer est le président d'ailleurs du comité bilatéral du MEDEF franco-turc, j'ai été avec lui à Ankara et à Istanbul, nous avons rencontré et nous essayons de profiter de ce qui est un grand marché.
Richard ARZT : Vous êtes donc plutôt pour en fait à cette entrée ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : C'est à dire sur le plan économique nous ne refusons pas les opportunités et nous ne pensons pas que la Turquie puisse porter un désavantage à l'Europe si elle devait s'en rapprocher. Donc sur le plan encore une fois qui est le nôtre, n'est-ce pas, nous sommes prêts à jouer la carte de la présence turque en Europe.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors, vous parliez tout à l'heure de la nécessité d'un pouvoir économique fort. En attendant l'existence de ce pouvoir économique fort on a le sentiment que chacun des pays mène sa propre politique économique au risque parfois de susciter des critiques. Je prends celle de Jean-Pierre RAFFARIN à l'adresse de l'Allemagne qui dit que le chancelier Gerhard SCHROEDER mène une politique économique assez brutale qui risque de fragiliser l'ensemble de la croissance européenne, il faut allusion aux relèvements d'impôt et à la différence de ce que fait la France. Quelle est la bonne politique économique et le fait que l'Allemagne et la France mènent des politiques économiques différentes ne risque pas d'handicaper la croissance de l'ensemble ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ce que le Premier ministre français a dit à son homologue allemand, le président du patronat allemand me l'a dit, c'est-à-dire que, j'étais à Berlin avec un certain membre de notre équipe il y a une quinzaine de jours, nous avons rencontré le patronat allemand et il nous dit " la politique économique allemande est en train de causer à nos entreprises, à la croissance beaucoup de préoccupations " et je dirais qu'il ose exprimer le sentiment que la politique qui était conduite ou qui allait être conduite était très inquiétante. Et bien entendu, nous, nous considérons que si notre voisin qui est à la fois le premier client et le premier fournisseur de l'économie française a une faiblesse, bien sûr il y aura des conséquences sur le plan de notre propre croissance. Et tout ceci est vrai sur le plan européen.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous craignez que dans l'avenir l'Allemagne devienne une sorte de Japon ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oh écoutez, moi je ne suis pas, comment dirais-je, aussi pessimiste mais je crois qu'il y a des problèmes structurels lourds en Allemagne, comme nous en avons d'ailleurs en France et que quand les problèmes structurels n'ont pas été traités pendant trop de temps il y a une espèce d'ossification qui fait, qui peut d'ailleurs à un moment donné aller vers la déflation donc ce sont tout de même des choses préoccupantes.
Richard ARZT : A contre point, est-ce que les perspectives fixées en France pour un budget, avec une croissance de 2 et demi % sont encore moins crédibles dans ce contexte ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Si vous voulez, en France nous avons eu par rapport à nos amis allemands, si j'ose dire, un avantage c'est que nous avons changé de gouvernement alors que du point de vue des entrepreneurs le gouvernement qui développait sa politique n'était pas à l'avantage des entreprises, de la croissance et de l'emploi. Enfin, nous l'avons suffisamment dit pour que ceci soit connu. Les Allemands, eux sont sur la continuité, c'est un peu comme si JOSPIN et AUBRY étaient restés pour prolonger leur politique. Alors on comprend qu'ils aient un peu le cafard si vous me permettez de dire ça en passant.
Cela dit, nous, nous avons changé de gouvernement et le gouvernement affiche une croissance de 2,5 % pour l'an prochain avec d'ailleurs de plus en plus de nuances dans l'expression, c'est, on entend, une ambition, de temps en temps un objectif, de temps en temps une prévision. Enfin on ne sait plus très bien, mais nous nous disons que cette vision là est trop optimiste et que nous aurons, sur l'année 2003, tout l'indique, une croissance vraiment modérée. Notre chiffre est plutôt entre 1,5 et 2 et encore nous disons, si on l'atteint, c'est plutôt qu'on aura un peu de chance, nous sommes du sentiment que l'année 2003 ne va pas être facile.
Pierre-Luc SEGUILLON : Et quand Jean-Pierre RAFFARIN dit, je soutiens à la fois la consommation par la baisse des impôts et la logique des entreprises par la baisse des charges, cette double proposition vous semble correcte, réalisée dans les faits, efficaces ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Si elle s'accompagne d'une diminution de la dépense publique et d'une diminution du déficit, de notre point de vue d'entrepreneur, c'est la bonne politique,
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais cette condition n'est pas réalisée aujourd'hui ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ecoutez, on a pas été réalisé, en effet, dans le budget 2003 mais nous avons l'espoir que en 2004 ce soit le cas. Il faut dire qu'en 2003 il y avait tout de même six mois d'une politique qui n'était pas celle du gouvernement et donc de la difficulté à corriger les choses. Nous ne sommes pas trop sévères parce qu'il faut donner en effet la possibilité aux politiques de se développer. Mais si il n'y a pas de réduction de la dépense publique, si il n'y a pas, vraiment sérieusement de volonté de restituer aux entreprises pour favoriser leurs investissements, en améliorant d'ailleurs leur trésorerie, leur cache flot, comme on dit, nous n'aurons pas l'investissement à la hauteur que nous souhaitons, or vous savez qu'il faiblit, qu'il a beaucoup faibli l'an dernier et donc nous n'aurons pas en fait la capacité du rebond que l'on attend.
Richard ARZT : Et vous êtes globalement confiant dans ce gouvernement. Il y a eu des moments, il y a deux-trois mois où vous aviez plutôt donné l'impression de tirer les sonnettes d'alarme ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Je crois que pour pouvoir m'exprimer au nom de tous les entrepreneurs français en disant que quand nous avons tous rencontré, en septembre dernier à ce qu'on appelle l'université d'été, ils sont tous venus de la France entière, d'ailleurs la plupart du temps des entreprises de très petites tailles, de moyennes tailles, ils étaient déçus, ils étaient déçus parce que le tournant politique de l'alternance ne s'était pas fait sentir dans notre domaine et on expliquait d'ailleurs que c'était pas le moment d'agir dans ce domaine là, qu'on voulait d'abord traiter des questions de sécurité, etc..
Nous, nous disons et nous l'avons dit à ce moment là que le fortissimo, en quelque sorte, que l'on entend dans le domaine sécuritaire, nous voulons l'entendre aussi dans le domaine économique et social pour la réforme urgente à laquelle il faut procéder. Or on a commencé plutôt sur, comment dit-on, du multo moderato. Alors nous avons dit à l'orchestre, faites entendre plus vivement la voix dans le domaine économique et social parce que si vous ne le faites pas, alors c'est vrai, nous allons devenir assez pessimistes.
Richard ARZT : Alors et quelque temps après ?
Gérard COURTOIS : Est-ce que vous avez le sentiment d'influencer positivement et utilement le gouvernement en lui disant ça ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Il y a un partenariat qui s'est mis en place avec les partenaires sociaux, pas exclusivement avec nous, mais qui amène le gouvernement, le premier ministre, le président de la république, pourquoi pas, à vouloir entendre les représentants des partenaires sociaux pour les écouter et ceci comme vous le savez ne se faisait pas du temps de la cohabitation, du côté du premier ministre et de son équipe, plutôt décidé de gouverner sans s'embarrasser du point du vue de ceux qui, sur le terrain, sont confrontés aux réalités.
Alors, je pense que là il y a une modification. Nous avons un partenariat qui se met en place, on nous écoute, on ne nous donne pas forcément, bien entendu, raison sur tout et de loin.
Pierre-Luc SEGUILLON : Simplement, à l'inverse, le sentiment, le climat des patrons à travers la France. J'entendais l'autre jour Monsieur SARKOZY dire : ils ont fait preuve de beaucoup de patience, aujourd'hui ils sont impatients ". Vous sentez cette impatience ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Je sens une, comment dirais-je, confiance
Pierre-Luc SEGUILLON : Ou c'est Monsieur SARKOZY qui fait un peu de provocation.
Richard ARZT : Il s'agissait de Guillaume SARKOZY en l'occurrence.
Pierre-Luc SEGUILLON : Guillaume SARKOZY bien sûr, qui est le frère de l'autre
Ernest-Antoine SEILLIERE : Absolument, qui a des responsabilités dans notre équipe et donc il a raison de dire qu'il existe une confiance mais c'est vrai que quand vous allez sur le terrain, vous avez des entrepreneurs, des petits entrepreneurs la plupart du temps qui disent, mais alors, il s'est pas passé grand chose encore, ni sur les 35 heures, ni sur les charges, on a indiqué pour le SMIC des hausses très importantes, on a pas abrogé la loi de modération sociale et donc il y a un jugement assez sévère que nous compensons d'ailleurs dans ce dialogue en disant : mais attendez le gouvernement nous dit qu'il va le faire, qu'il va s'engager dans tout ça maintenant, qu'il a eu son rythme, il a le droit d'avoir sa manière, sa méthode, son rythme, c'est sa responsabilité politique et nous lui disons, faisons lui confiance, donnons lui le temps nécessaire.
2003 est une année qui est une année magique pour la réforme puisqu'il y a pas, il y a une majorité forte, il y a un président de la république très bien élu, il y a donc semble-t-il des projets de réforme.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais il n'y a pas d'élection ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Il y a pas d'élection. Alors si on ne le fait pas en 2003, alors fin 2003 nous donnons rendez-vous au gouvernement pour juger de ce qui aura pu être fait et bien entendu, entre temps, nous allons essayer de pousser en avant, d'aiguillonner le gouvernement pour que il s'engage dans la voie des réformes urgentes et je pense que nous les aborderons.
Richard ARZT : On va en parler effectivement mais avant ça je voudrais qu'on parle de l'actualité sociale de la semaine qui vient de s'écouler avec les élections prud'homales.
Qu'est-ce que vous en avez pensé, on a vu une très forte abstention, un ordre d'arrivée des syndicats inchangés, quelle est votre impression notamment sur le problème de la représentativité des syndicats, à partir de cette élection ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Alors, c'est une élection un tout petit peu étrange puisque finalement on mobilise le suffrage universel des salariés et des employeurs pour élire des juges qui sont plutôt des gens très impartiaux et donc sur lequel, je veux dire la différence entre un juge CFDC et un juge CGC ne saute pas aux yeux, ce sont des juges, ils appliquent le droit, etc
Enfin, bref c'est comme ça, mais ça révèle tout de même le caractère assez vétuste de nos institutions sociales.
On se compte en quelque sorte sur une élection qui devrait être totalement impartiale et je dirais ne pas appeler autrement l'attention.
Alors le résultat pour nous est très clair. D'abord nous notons en passant que les entrepreneurs ont augmenté à peu près de 30 % leur participation, nous interprétons cela comme une sorte de réponse à la mobilisation que le MEDEF a fait dans leur rang et c'est je crois assez bon, et deuxièmement, nous voyons le bloc des réformateurs confirmé dans leur attitude. Cependant que ceux qui font plutôt,
Richard ARZT : Les syndicats réformateurs ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Les syndicats réformateurs, la CFDT, la CFTC, la CGC, l'UNSA sont des syndicats qui ouvertement disent " nous souhaitons pouvoir négocier la réforme dans nos domaines "
Richard ARZT : Donc avec qui vous pouvez travailler en somme ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui, c'est avec eux que nous avons fait d'ailleurs la refondation sociale, enfin l'essentiel d'entre eux et ils étaient très très intéressés par cette démarche, ils ont voulu la pousser en avant.
Beaucoup des idées d'ailleurs que nous reprenons dans le refondation sociale sont les leurs et nous espérons et nous voulons pouvoir construire le dialogue social pour la réforme dans notre pays par cette voie.
Et donc de ce point de vue, les élections prud'homales ont été un bon résultat. Ce qui professent que il faut toucher à rien, que on doit rester comme on est, qu'après tout c'est pas si grave que ça, n'ont pas été encouragés par ce scrutin, dont il faut pas, évidemment, exagérer l'importance mais enfin,
Pierre-Luc SEGUILLON : C'est une allusion à Force Ouvrière, très clairement.
Ernest-Antoine SEILLIERE : Puisque vous le dites.
Gérard COURTOIS : Et faites vous allusion, au-delà de Force Ouvrière à la C.G.T. qui est quand même la première centrale ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Alors la C.G.T., si vous voulez, chacun le sait, et nous ne voulons pas bien entendu commenter les choses trop en détail, c'est pas notre responsabilité, mais la CGT est traversée par un courant réformateur et donc il y a un dialogue qui se terminera, je l'espère, par le fait que la CGT s'ouvrira plus à la négociation, signera les accords et sera, je crois, d'accord pour sortir d'une attitude de réserve que nous avons jugé et respecté mais que nous aimerions bien voir évoluer.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous avez souligné le caractère un peu paradoxal de cette élection, indépendamment de ses résultats, d'abord, est-ce que vous estimez que le système des juges prud'homaux qui sont des juges non professionnels qui est un peu une exception dans le pourtour européen, doit être remis en cause ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Non, je crois que c'est tout à fait inutile de remettre en cause, les prud'hommes font un bon travail, c'est une institution qui existe maintenant depuis très longtemps. Ce que nous trouvons, si vous voulez, c'est qu'on devrait se rassembler, nous l'avons fait nous les entrepreneurs, une liste commune. Il y aura des divergences avec des artisans, avec la CGPME, on se rassemble de façon à ce que dans l'intérêt général il y ait une liste, on l'a très bien compris, qui est une liste commune des syndicats pour nommer les juges.
Pierre-Luc SEGUILLON : Et alors ma deuxième question c'est pour prendre la mesure de la représentativité syndicale, est-ce que vous souhaiteriez, comme d'autres organisations syndicales, que par exemple à l'intérieur d'une branche soit élu le même jour, dans l'ensemble des entreprises, les délégués syndicaux et que l'on aboutisse dans les négociations à des accords majoritaires et non plus aux accords tels qu'ils se font aujourd'hui ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ben je crois qu'on peut nous donner le crédit d'avoir soulever tous ces problèmes dans les négociations de refondation sociale, dont on voit d'ailleurs actuellement toute la matière reprise et acceptée comme l'objet du débat, ce qui est pour nous une très grande satisfaction. Donc dans la refondation sociale nous avons avec, tout le monde sauf la CGT, nous étions donc huit signataires une position commune qui a posé toutes ces questions. On ne peut pas continuer à faire fonctionner le dialogue social en France de la manière dont il est organisé, il est bourré de travers, il faut les corriger et donc nous avons indiqué un certain nombre de voix pour le faire d'où, de façon centrale, la question de la représentativité syndicale et la question de la possibilité d'avoir des accords majoritaires. Nous l'avons proposé et discuté, c'est d'ailleurs dans cette position commune et là-dessus, si vous voulez, ce que vous indiquez c'est-à-dire l'élection par branche, le même jour, des syndicats, etc.. est une manière certainement de donner plus d'importance et d'intérêts,
Richard ARZT : Et on va vers tout ça, à votre avis avec les négociations qui commencent, encourager par le gouvernement ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ecoutez, je crois que le gouvernement et François FILLON au lendemain des élections des prud'hommes a dit tout à fait clairement, sur la base de la position commune de la refondation sociale nous sommes prêts à entendre et à consulter, bien entendu je pense que les syndicats vont être plus consultés que nous dans cette affaire parce que c'est pour eux une très grande réforme. Mais nous sommes du sentiment et je vous le dis tout à fait nettement que si on est pas capable de revoir la question de la représentativité syndicale dans notre pays dont vous savez qu'ils sont tout de même plus faibles qu'ailleurs, plus divisés qu'ailleurs, de ce fait moins crédibles qu'ailleurs, et bien le dialogue social auquel nous aspirons, ils aspirent auquel aspire le gouvernement pour essayer de construire en dehors de l'état une organisation sociale est réformé, d'ailleurs aussi les systèmes sociaux, et bien ça ne se fera que très difficilement, très lentement, et probablement de façon très insuffisante. Donc c'est une réforme centrale, nous la préconisons et ça n'est pas nouveau de notre part.
Gérard COURTOIS : Très concrètement, la position commune que vous évoquez remonte à 18 mois, l'été 2001 ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui, Juillet 2001.
Gérard COURTOIS : Est-ce que depuis les choses vous semblent avoir évoluer et notamment chez ceux qui n'avaient pas été signataires à l'époque ? Je pense à la CGT notamment.
Ernest-Antoine SEILLIERE : Je ne pense pas que les choses aient encore évoluées.
Gérard COURTOIS : Alors qu'est-ce qui pourrait aujourd'hui vous laissez espérer que ça bouge ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Si ce n'est que sur ces questions, si vous voulez, c'est un peu comme les mouvements technotiques, ça travaille et tout d'un coup " PAF ", ça y va et nous avons tout de même vu dans l'affaire des 35 heures, dont vous savez que nous avons dans l'ensemble plutôt condamnés ses différents aspects, tout de même introduire dans le système des 35 heures l'idée de l'accord majoritaire qui nous a semblé être très remarqué et entendu par la CGT et la CFDT, et que nous avons considéré également comme une bonne chose.
Nous, nous avons le sentiment que, que ce soit dans l'entreprise, que ce soit dans la branche ou que ce soit au niveau national, comme dans les autres pays, une organisation d'entrepreneurs décidé à jouer le dialogue social et je crois que personne ne peut là-dessus nous faire le moindre suspicion ou reproche, a besoin d'avoir un interlocuteur puissant, représentatif et puissant.
Or nous n'avons pas actuellement, en face de nous, et je le dis d'ailleurs en passant, sans, comment dirais-je, critiquer quiconque, nous avons tout de même des syndicats qui sont très dans la main de la fonction publique.
Chacun sait que la force syndicale dans les organisations syndicales d'origine fonctionnaire est très forte et donc nous avons cinq syndicats faibles, et qui plus est, la plupart du temps, qui répondent à des préoccupations de la fonction publique. Tout ceci mérite,
Richard ARZT : Alors que vous les aimeriez forts et dépendant plutôt du secteur privé ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Et bien écoutez, pour ne rien vous cacher oui.
Richard ARZT : On va aborder avant une pause et on y reviendra sans doute après, une négociation qui commence après demain, c'est celle sur l'UNEDIC, sur l'assurance chômage et pour retrouver un équilibre financier, qu'est-ce que vous demandez comme adaptation des prestations chômage ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Et bien écoutez nous n'avons pas encore défini le mandat de négociation officiellement, bien entendu on y travaille beaucoup, de manière bilatérale ou multilatérale avec des syndicats. Nous n'avons pas pu justement ouvrir les négociations avant les prud'hommes, pour des questions de convenance, mais c'est très urgent, nous devons arriver à un accord avant la fin de l'année, c'est écrit dans notre accord que si nous avons des problèmes financiers, or nous en avons, et de très gros on se revoit pour en discuter ensemble et parce que c'est notre responsabilité à nous partenaires sociaux dans un système dont nous sommes responsables, de mettre en place les voies et les moyens d'un redressement financier.
Gérard COURTOIS : Quel est l'ampleur du déficit aujourd'hui, tel que vous l'évaluez ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Le déficit est de l'ordre de trois milliards d'euros pour l'année 2002 ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas, comment dirais-je, des moyens de trésorerie qui nous permettent de faire face à la situation,
Gérard COURTOIS : Notamment l'emprunt que vous avez souscrit, je crois ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Enfin il y avait quelques réserves sur lesquelles on a tiré et on a du mettre en place un nouvel emprunt, on ne peut pas rester dans cet état là et donc chacun devra faire un effort, c'est tout à fait clair et un effort assez important parce que le problème est important ;
D'ailleurs, je vous le dis en passant, pourquoi en sommes nous là, parce que le PARE n'a pas fonctionné, c'est une réforme très importante, fondamentale,
Pierre-Luc SEGUILLON : Quand vous dites qu'il n'a pas fonctionné, est-ce que ce n'est pas précisément quand vous avez scellé ces accords sur le PARE, plan d'aide du retour à l'emploi, vous n'avez pas vraiment prévu le financement, c'est la critique qu'on vous faisait à l'époque ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Non c'est le moment du retournement conjoncturel d'abord, si vous voulez, ça coïncide, et puis d'ailleurs nous l'avions dit, si ça se produit il faudra se revoir et négocier des compensations financières de façon à rétablir le système. C'est également je vous le dis en passant un moment où on préconisait le plein emploi. On disait les 35 heures vont tout régler. Permettez-moi de vous dire que quand je vois ce que les militants du parti socialiste aujourd'hui pensent des 35 heures, nous n'avons pas tort de dire que cette affaire ne pouvait pas régler tout. Donc les 35 heures ne règlent pas tout,
Richard ARZT : Vous pensez qu'ils pensent comme vous ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : La conjoncture se retourne, le PARE ne fonctionne pas parce qu'il est bloqué par un gouvernement qui n'en veut pas et par une administration qui appelle à le rendre impraticable,
Pierre-Luc SEGUILLON : Et qu'il coûte plus cher que vous ne l'aviez prévu peut-être ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui, ça coûte cher, mais ça coûte cher, si vous voulez d'avoir la volonté d'individualiser de la formation et de l'enquête sur chaque demandeur d'emploi de façon à ce qu'il retrouve le plus vite possible un emploi en lui disant : vous avez des droits bien entendu mais aussi le devoir de retrouver un emploi et nous devons vous y aider. Personne ne peut remettre en cause cette réforme, elle est profondément comprise d'ailleurs par les français et d'ailleurs largement en place dans un ensemble de pays. Alors nous avons eu que des problèmes pour mettre tout ceci en place.
Richard ARZT : Quand est ce qu'on aura le bilan du PARE, il a été repoussé ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui il est repoussé, je pense que nous l'aurons, j'espère beaucoup que nous l'aurons au début de l'année et c'est pour nous essentiel parce que le dysfonctionnement du PARE, si il doit remettre en cause une réforme fondamentale va poser à nouveau le problème de l'organisation de l'assurance chômage dans notre pays dont chacun sait que le principe administratif aveugle est le pire de tous parce qu'il permet à des gens d'en profiter mais il empêche ceux qui devraient retrouver un emploi de le retrouver dans de bonnes conditions et rapidement.
Richard ARZT : Ernest-Antoine Seillière on va parler des quelques dossiers sociaux d'actualité en revenant un petit peu sur l'UNEDIC, sur les licenciements et bien sûr sur les retraites, mais tout de suite sur l'UNEDIC. Une question de Gérard COURTOIS.
Gérard COURTOIS : Sur l'UNEDIC vous avez évoqué le déficit 2002 prévu, trois milliards d'euros, comment faites-vous pour régler la question de manière un peu structurelle. Au mois de juillet il y avait eu un partage de l'effort entre les salariés et les chefs d'entreprise, est-ce que c'est la démarche, à quelle hauteur faut-il augmenter les cotisations et de combien ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ecoutez, là vous ne vous étonnerez pas que je ne réponde pas à votre question précisément.
- Mais quelle est la philosophie dans laquelle vous vous engagez sur ce dossier ?
La négociation va s'ouvrir là-dessus, il y a des contacts déjà encore une fois avec les partenaires sociaux pour essayer de calibrer l'ampleur de l'effort, pour essayer de voir comment chacun pourra y contribuer sans pour autant, bien entendu, aller trop loin et tout ceci va se négocier j'insiste sur le fait que je crois que c'est à l'honneur des partenaires sociaux quand ils rencontrent un problème de déficit de se dire nous allons le traiter, d'ailleurs en fait si on ne le traite pas qu'est-ce qui se passe, nous n'avons pas nous la facilité du contribuable, on peut bien entendu le négocier, certaines facilités de l'Etat qui comprend l'ampleur des problèmes, mais je crois que nous devons d'ici le 31 décembre, avoir trouvé, ça sera pas sur les quelques mois qui suivra qu'on pourra, bien entendu, redresser la barre, je pense que ce sera probablement sur le temps d'une convention, une convention ça . Quelques années, donc il faut s'entendre là-dessus et nous avons beaucoup d'espoir.
Gérard COURTOIS : Mais sans en fixer l'ampleur, est-ce que l'augmentation des cotisations est quand même le point de passage inévitable pour sortir de l'ornière ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Moi je crois que si l'on dit très honnêtement que chacun devra faire son effort, je ne vois pas comment l'entreprise fait un effort sans augmenter les cotisations.
Pierre-Luc SEGUILLON : Le gouvernement, ou plus exactement l'Assemblée nationale a voté la suspension de neuf mesures qui appartenaient au volet anti-licenciement de la loi de modernisation sociale, cette mesure demandée par le gouvernement, à quoi se sont ajoutées de l'initiative des députés deux autres mesures, notamment la disparition de l'amendement Michelin, l'amendement Michelin, il faut le rappeler, qui obligeait l'entreprise à négocier les 35 heures en cas de plan de licenciement, et puis un autre amendement suspendant une mesure obligeant à prévenir ou à avertir en premier lieu le comité d'entreprise d'un plan de licenciement avant de le rendre public. Alors plusieurs questions, la première : est-ce que la suspension pour dix-huit mois de ces mesures va déclencher chez les chefs d'entreprise des licenciements dès lors qu'ils n'ont plus ces contraintes et qu'il y a une mauvaise conjoncture économique des licenciements en chaîne ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Nullement, d'abord parce que personne aujourd'hui n'est capable de dire ce que ça signifie une suspension de loi, c'est très rare. D'habitude on abroge une loi et puis ensuite on la remplace le cas échéant par quelque chose d'autre qu'on juge plus adapté. La suspension d'une loi a été, et nous l'avons beaucoup critiqué et nous le critiquons encore, une manière pour le gouvernement de dire je fais sans faire, tout en faisant et nous pensons que dans le domaine social lorsqu'on a mis en place des dispositifs dans la passion d'un moment alors que les partenaires sociaux eux-mêmes les considéraient comme inadaptées et excessives il était tout à fait normal d'avoir l'abrogation, on n'a pas voulu le faire là pour des raisons qui sont proprement politiques et ça mène donc à une situation confuse
- Un peu timorée cette attitude du gouvernement ?
Le mot est de vous, mais nous disons précautionneux.
Pierre-Luc SEGUILLON : François Fillon dit cette suspension doit être utilisée, ces dix-huit mois pour ouvrir des négociations, précisément, un dialogue social entre les partenaires que vous êtes et les représentants des salariés pour voir comment l'on pourrait revoir la loi. Alors on a l'impression à vous entendre qu'au fond quand la loi ne va pas dans votre sens, vous prenez le dialogue social, quand elle va dans votre sens vous n'êtes pas très chaud pour le dialogue social.
Ernest-Antoine SEILLIERE : Non mais quand la loi a fixé dans le . De la législation quelque chose, il est totalement normal de demander à ce qu'on le retire de cette état marmoréen, c'est normal, et il n'y a pas de refus de dialogue social à demander à un gouvernement de revenir sur des dispositions légales, je ne peux pas par la négociation abroger une des dispositions légales, c'est d'ailleurs la raison pour lequel on suspend. Mais tout ceci si vous voulez ne nous donne pas en réalité le fond de l'affaire.
Mais vous pouvez quand même le mettre autour d'une table avec les partenaires sociaux pour voir comment.
Richard ARZT : Vous pensez que vous aboutirez ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Non nous pensons que nous avons très peu de chance d'aboutir parce que c'est un sujet extrêmement difficile sur lequel les syndicats eux, si ils ne font rien, les mesures suspendues, elles reviennent, donc quelle incitation y a-t-il de la part de ceux qui estiment que ces mesures ne sont pas trop désavantageuses ou désagréables
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais vous savez que les organisations syndicales, elles mêmes, n'étaient pas très, certaines d'entre elles très chaudes
Ernest-Antoine SEILLIERE : Pour aller dans le sens de ce que souhaiteraient les employeurs pour corriger ces excès. Donc nous trouvons que ça n'est pas rendre service au dialogue social par manque de courage politique de l'abrogation qui était nécessaire de leur renvoyer un sujet difficile. Je crois que c'est pas ça, je crois qu'il faut donner aux partenaires sociaux des sujets sur lequel ils pensent qu'ils veulent pouvoir progresser, comme par exemple la formation professionnelle, ou même d'ailleurs la solution du problème d'assurance chômage qu'ils reconnaissent comme étant leurs. Mais là vous m'avez dit vous même l'amendement Michelin obligeait à négocier les 35 heures avant de pouvoir s'engager dans une restructuration. Tout le monde reconnaît aujourd'hui que les 35 heures n'apportent pas de solution, c'est devenu quelque chose reconnue nationalement.
- Vous l'avez déjà dit d'ailleurs.
Oui je le redis très volontiers. Les 35 heures croyez-vous que les syndicats vont dire mais non mais non ne passons pas par les 35 heures avant une restructuration. Ils le voient inscrit dans la loi, ils ne vont pas avoir beaucoup de tentation pour aller dans notre sens. Donc c'est un sujet difficile sur lequel je ne crois pas. Le médiateur, par exemple, vous croyez qu'on va négocier sur le retour du médiateur dans la négociation de restructuration, tout çà n'a pas beaucoup de sens pour nous et nous l'avons dit assez clairement. On ne sait pas un sujet de négociation sur lequel on peut progresser et de ce fait comme nous croyons au dialogue social c'est un peu embarrassant de coller celui-ci comme un premier sujet test.
- Mais vous allez quand même le faire formellement ?
Nous allons le faire formellement et nous nous sommes déjà entendus dans des dialogues bilatéraux avec certains syndicats, comment on peut le faire utilement parce que nous pensons qu'il y a des exemples qui ont été produits par des entreprises qui ont su adapter mieux des procédures de restructuration pour prendre les choses je dirais à temps pour faire de la formation sur les salariés qui devaient peut-être quitter leur emploi, tout ça est intéressant et sur lequel nous pouvons donc espérer. D'ailleurs je ne désespère pas que nous arrivions à quelque chose, mais ce sera plutôt sur le plan formation, sur le plan information, mais pas sur le plan du développement de la procédure, elle est suspendue, il fallait l'abroger.
Richard ARZT : Autre sujet sur lequel il n'y a pas vraiment de dialogue, puisque vous vous êtes retirés des caisses d'assurance maladie, c'est ça à quoi je faisais allusion, et il se trouve que Jean-François Mattéi, qui est le ministre de la Santé, vient de déclarer sur Europe 1 que la question de la légitimité des syndicats dans la gestion des caisses d'assurance maladie se pose à partir du moment où il n'y a plus les patrons, qu'est-ce que vous en pensez ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Je pense qu'il a raison, je pense d'ailleurs que nous sommes sortis de la sécurité sociale et de sa gestion pour des raisons que je crois on avait trouvé justifiées à l'époque, je vous rappelle que c'est le moment où on a pris dans les caisses de la sécurité sociale pour financer les 35 heures sans consulter les partenaires sociaux, et que donc sur un paritarisme qui ne fonctionnait pas nous avons dit nous ne renommons pas nos administrateurs, nous en sortons.
- Et alors maintenant ?
Nous disons que le problème qui est créé par le fait que nous n'y sommes pas, a justement été créé pour que l'on réforme et donc il faut, selon nous, réformer et quand on nous dit ça ne peut plus marcher maintenant que vous n'y êtes pas, et bien voilà vraiment une raison de s'engager dans la réforme. C'est le résultat que nous voulions obtenir. D'ailleurs le paritarisme, n'est-ce pas, nous en sommes toujours très partisans mais dans le domaine qui est proche du contrat de travail, l'assurance chômage concerne bien entendu le contrat de travail, la formation est proche du contrat de travail, l'accident du travail est également quelque chose que nous pouvons justifier, la formation, mais la politique de santé, la politique de famille, c'est un sujet aujourd'hui national, chacun, chaque Française et chaque Français bénéficie de garanties de ces risques dans ce domaine avec des financements qui ont largement dépassé les cotisations d'entreprise, qu'ont débordé sur la solidarité nationale, partout. Nous considérons donc qu'il y a un sujet différent du paritarisme dans ces domaines famille et santé et que donc le gouvernement doit proposer. Et s'il propose, s'il souhaite que nous lui proposions nous l'avons fait nous avons présenté une nouvelle architecture de l'assurance maladie très intéressante selon nous et qui pourrait inspirer une réforme, mais on ne peut pas, bien entendu, juger que nous avons toujours raison, donc en fait discutons en avec le gouvernement mais surtout qu'il nous dise ce qu'il veut faire.
Gérard COURTOIS : Juste un mot sur ce point, vous avez rencontré je crois Jean-François Mattei cette semaine, la semaine dernière, il y a quelques jours, est-ce que sur l'architecture que vous proposée vous avez eu le sentiment d'être entendu et de pouvoir être un peu inspirateur de ce que pourrait faire le gouvernement ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : En tout cas nous en avons l'ambition, je ne peux pas vous dire bien entendu ah écoutez un ministre qui reçoit maintenant le président du Medef sur l'assurance maladie, auquel il n'appartient plus et qui se présente en disant nous avons des idées fortes et croyons nous solide, d'ailleurs largement inspiré de ce qui se passe à l'étranger pour leur construction, bien entendu le ministre est attentif et il écoute. Vous dire qu'il n'en écoute pas d'autre et qu'au final il ne proposera pas quelque chose de différent que ce que nous proposons, ça c'est bien évident et c'est possible et d'ailleurs nous ne prétendons pas, vous le savez, faire autre chose que d'alimenter le débat pour provoquer la réforme. Le pire pour nous ce sont les choses dont on ne parle pas, le non dit dans l'immobilisme.
Pierre-Luc SEGUILLON : Sans entrer dans le détail technique de vos propositions est-ce que votre philosophie générale c'est grand risque sécurité sociale, petit risque sécurité privée ? Assurance privée, pardon.
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oh écoutez d'abord je crois, je vais vous dire une chose tout à fait honnête les entrepreneurs ne connaissent pas grand chose au problème de santé et donc prétendent qu'avec les syndicats c'est eux qui ont dicter ce qu'est grand risque, un petit risque ou à la limite comment ça se passe, ça me paraît aujourd'hui tout de même relativement éloigné de la réalité et donc nous nous avons, comment dirais-je, des responsabilités pour assumer des financements, nous souhaitons bien entendu une politique de santé, mais nous aimerions que les prestataires de santé soient mis, en quelque sorte, c'est vrai, en concurrence, pas forcément avec le privé, entre eux, entre les mutuelles, la sécurité sociale, bref nous avons beaucoup de choses à dire, mais nous n'avons pas un avis sur ce que c'est que le petit risque et d'ailleurs quand un médecin en parle où il est d'habitude en désaccord avec un autre médecin qui dit que c'est pas ça.
Richard ARZT : Vous devez avoir un avis en revanche sur ce qui va être la grande question de 2003, la réforme des retraites, alors justement est-ce qu'à votre avis la priorité c'est de rapprocher le secteur public et le secteur privé, autrement dit que la durée de cotisations dans les deux secteurs soit la même, tout doit commencer par là ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Dans la réforme des retraites, enfin il a mis un calendrier en avant pour cela, il affirmé comme sa grande et première réforme sociale et nous avions, vous vous en souvenez, nous lancé tout ceci y'a maintenant pratiquement un an et demi dans le domaine qu'est la retraite complémentaire en indiquant ce qu'il fallait faire et ça ressuscitait d'ailleurs beaucoup de commentaires et de polémiques et de manifestations d'ailleurs. Mais nous voyons aujourd'hui que toutes ces idées ont fait leur chemin. Chaque reconnaît que le problème de la retraite doit maintenant être traité et c'est très urgent. Je ne vais pas vous agonir de chiffres mais simplement en 1960 quatre actifs pour un retraité, en 2000 deux actifs pour un retraité, en 2040 un actif pour un retraité et ce sont des réalités angoissantes si on veut maintenir la retraite des Français à leur niveau.
- Donc il va y avoir une négociation sur tout ça?
Nous, nous disons c'est au gouvernement de s'engager maintenant dans la réforme sur le régime général qu'est le socle de l'ensemble de la retraite de tous les Français, le régime des fonctionnaires et les régimes spéciaux. Il va donc dire ce qu'il veut faire et c'est ça son problème
- Le gouvernement, c'est à dire le ministre des Affaires sociales ou le Premier ministre qui doit lancer ?
C'est un peu leur affaire, c'est à eux de déterminer comment ils le font ça c'est à faire et c'est urgent et nous ferons, nous, bien entendu sur la base de ce qui aura été indiqué la réforme dans les régimes complémentaires dont nous avons la responsabilité.
- Je voulais dire sur le lancement, on a même entendu dire que la droite et la gauche pourraient être consultées pour lancer cette négociation. On a même parlé de référendum.
Oui tout ça ce sont des affaires évidemment de gouvernement, qui ne sont pas de notre responsabilité, nous ce que nous demandons c'est qu'il y ait l'égalité des Français devant la retraite, c'est à dire que là où il y a un salarié du privé il ne se trouve pas dans une situation moins avantagée que celle du fonctionnaire, c'est à dire qu'à salaire égal, retraite égale et il n'y a pas de justification à voir aujourd'hui une série, une catégorie de Français très importants, des fonctionnaires, dans une situation beaucoup plus favorable et qui d'ailleurs est financée assez largement par les contribuables. C'est l'égalité devant la retraite, c'est la liberté des Français de prendre la retraite au moment où ils le jugent nécessaire et possible et bien entendu l'efficacité c'est à dire la réforme des retraites de façon à ce que on ne diminue pas le montant de celle-ci dans les années qui viennent et on n'augmente pas la cotisation c'est à dire la contribution de la population active à la population retraitée qui atteint déjà vous le savez 25 % du salaire brut et donc nous disons, et vous le savez, l'allongement raisonnable de la durée de cotisation est la seule manière que nous ayons de pouvoir .. tout ces problèmes.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que je peux vous poser une question sur l'allongement raisonnable, parce que lorsque Guillaume Sarkozy, je dis bien Guillaume Sarkozy, votre vice président dit il faudrait au fond un allongement de la durée de cotisations de six à sept ans, si on imagine aujourd'hui que l'entrée dans la vie active est de plus en plus tardive, qu'un cadre, par exemple, Bac plus cinq, six ou sept, rentré dans la vie active à 25-26 ans il va falloir qu'il travaille jusqu'à 72-73 ans ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Je crois que la manière dont vous faites le calcul indique bien que Guillaume Sarkozy a dans ce domaine, à l'évidence, donné une formule, une indication un peu personnelle sur un sujet qui n'a pas été quantifié par le Medef, mais c'est donc je crois tout à fait clair que on doit s'engager dans l'allongement de durée de cotisations, mais si nous disons par exemple que pendant quatre ans on allonge d'un trimestre par an la durée de cotisations de telle manière que vers 2008 on travaille un an de plus pour avoir la cotisation pleine, ça fait partie de l'ordre des choses qui doit pouvoir en effet être accepté et d'ailleurs dans tous les pays qui nous entourent, comme vous le savez, on s'est engagé et même bien au-delà dans ces voies-là et c'est parce que nous ne l'avons pas fait qu'il y a actuellement une urgence angoissante à traiter le sujet. Donc allongement de la durée de cotisations oui dans les conditions que vous l'indiquez et qui ont été encore une fois tout à fait indicatives et personnelles non.
Gérard COURTOIS : Juste pour bien comprendre le gouvernement pour l'instant parle d'aligner la durée de cotisations des fonctionnaires sur celle du privé, c'est à dire passé 37 ans et demi progressivement et dans des conditions à déterminer à 40 ans, comme dans le privé. Cette seule mesure, si je comprends bien, ne vous paraît pas suffisante pour l'avenir, il faut également augmenter l'ensemble des durées de cotisations une fois ajustées ou alignées au-delà de quarante ans ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui le rattrapage
- Le rattrapage ne suffit pas.
Par la fonction publique de la mesure décidée en 1993 et qui s'applique d'ailleurs avec le déroulement année par année aujourd'hui pleinement au privé qui est en effet à quarante ans de cotisations après avoir été à 37 ans et demi en 93, on a rattrapé. Il faut bien entendu que la fonction publique s'engage dans cette voie. Tout le monde le sait alors les conditions de la négociation sont elles pas très faciles, mais en tout cas c'est évident. Que l'on dise une fois qu'on a fait ça le problème est réglé, nous nous sommes convaincus qu'il ne l'est pas. On a simplement je dirais réglé une partie du problème, celui de la fonction publique vers la solution. Mais nous avons à regarder à l'évidence un allongement de la durée de travail, de cotisations, de l'ensemble des Français encore une fois si on veut garantir une retraite à son niveau. L'allongement de la durée de la vie est une évidence, on gagne actuellement un trimestre de vie par an et je crois que cette statistique ne va pas aller indéfiniment mais c'est le rythme et donc nous avons une population qui reste plus longtemps à la retraite avec évidemment une population qui pour des raisons démographiques active qui diminue et donc vous ne pouvez pas régler le problème en disant en France, par miracle, on va rester comme ça dans le monde entier la durée de cotisations pour la retraite augmente pour ceux qui veulent la retraite pleine, ceux qui veulent évidemment faire un sacrifice ou qui bénéficie d'un régime de capitalisation qui leur permet d'organiser un complément de retraite à leur initiative, or vous savez que nous sommes des partisans du système de la répartition que nous ne mettons nullement en cause, mais que nous disons que le système de capitalisation doit venir en plus, ça existe dans le monde entier, ça existe d'ailleurs, comme vous le savez, dans la fonction publique, il faut admettre que cela puisse exister également pour les salariés du privé.
- Il y a une autre évidence française et une autre particularité française c'est la faiblesse du taux d'emploi des gens qui sont entre 55 et 64 ans, 30% seulement, la responsabilité des chefs d'entreprise est en première ligne si je puis dire puisqu'au fond tous les systèmes de départs en retraite anticipée vous facilitent si je puis dire la vie quand il s'agit de réorganiser ou de restructurer.
Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction là entre
Ernest-Antoine SEILLIERE : Y'a pas de contradiction parce que si vous voulez le refus dans lequel on s'est installé en France de traiter le problème des retraites n'a pas permis à l'ensemble des acteurs économiques de se mettre devant les faits et donc on a en effet généralisé dans notre pays, d'ailleurs avec l'aide de la puissance publique qui finance une partie des mesures
- Ca vous arrange bien quand même
Non je ne peux pas vous dire que ça nous arrange bien, je dis simplement que nous au Medef nous disons que certaines professions qui s'engagent dans cette voie-là et qu'est-ce qu'elles font, elles mutualisent en quelque sorte le coût du rétablissement de leur pyramide des âges spécifiques dans leur entreprise.
- Souvenez-vous de l'industrie automobile.
Je ne veux pas faire bien entendu d'allusion précise à quiconque, mais nous le savons bien et nous disons nous que en même temps que l'on devra allonger la durée de cotisations, on devra aménager le travail des salariés séniors dans l'entreprise et il y a des tas de négociations à faire à ce propos, il est certain que pour ce qui est de la formation, de la transmission du savoir dans l'entreprise des formes d'organisation d'ailleurs de travail de temps partiel pour des salariés de plus en plus âgés, tout ça n'a pas été envisagés et donc voilà des sujets de négociation passionnants.
- Richard ARZT : Autre sujet
Pierre-Luc SEGUILLON : La vente par le gouvernement des parts qu'il avait dans le Crédit Lyonnais a déclenché un mouvement de restructuration dont on ne sait pas très bien encore comment il va se produire. Apparemment il semble que des rapprochements se fassent contre le Crédit Lyonnais et le Crédit Agricole, est-ce que de votre point de vue ça vous semble quelque chose de souhaitable, d'opportun, comment est-ce que vous voyez la redistribution du paysage bancaire telle qu'elle se fait et telle que vous la souhaiteriez ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : D'abord j'ai été obligé de quitter la Société Générale à cause de la loi dite NRE ( ?) qui limite le nombre des mandats dont je ne suis pas à ce jour devant vous administrateur de la Société Générale, ça donne peut-être à mon propos encore plus de liberté. Ce que je voulais vous dire à ce propos c'est que quand j'ai appris brutalement, un week-end, mise en vente des 10 % du Crédit Lyonnais appartenant à l'Etat, résultat des courses dimanche soir, c'était le samedi matin, dimanche soir je me suis dit enfin on gouverne, c'est à dire que l'on sort de cette espèce de série de paralysie successive de relations personnelles, d'ambiguïté sur les on gouverne, on dit c'est à vendre. Et c'est à vendre et ça a été vendu 2 milliards deux cent millions d'euros, c'est à dire peu près le quart de ce qu'a coûté à la France l'aventure sinistre du Crédit Lyonnais et de ses immenses déficits.
Richard ARZT : Donc vous approuvez totalement ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Nous, entrepreneurs, nous disons voilà un gouvernement qui règle une question de son point de vue, qui se sort de son actionnariat minoritaire, qui vend au mieux sa participation et qui rend ensuite, je dirais, au marché et aux relations bancaires européennes ou françaises la liberté de régler la question sans avoir cette espèce de présence, de puissance publique dans une entreprise privée dont chacun sait, voire France Télécom, qu'elle ne conduit pas à des résultats éclatants. Donc nous sommes partisans de ce que le Crédit Lyonnais aille demain là où le partenariat apparaîtra aux uns et aux autres du monde bancaire comme le meilleur.
Gérard COURTOIS : Vous venez d'évoquer France Télécom, est-ce que sur l'affaire France Télécom et le renflouement de cette entreprise, vous vous êtes dit enfin on gouverne ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui, là aussi, si vous voulez, la situation qui a été créée dans cette espèce de situation d'économie mixte dans laquelle on s'est attardé, qu'a conduit pour des raisons multiples à l'immenses problèmes financiers, on pouvait avoir un gouvernement qui dise je n'ose pas prendre les mesures nécessaires ou bien je me mets devant les faits et je les règle. Il les a réglés, il a nommé une nouvelle équipe dirigeante, il a mis en place des moyens financiers et mon dieu cette entreprise a aujourd'hui probablement encore des problèmes, mais elle n'est pas dans la détresse.
Gérard COURTOIS : Mais est-ce que vous êtes d'accord sur le fait que d'une part on parle de privatisation à venir, mais que dans le même temps immédiatement c'est l'Etat qui va garantir le prêt qui est fait à France Télécom de neuf milliards, donc si par hasard le redressement ne fonctionne pas, ce sont les contribuables qui assumeront ce prêt ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ben écoutez malheureusement, en effet, le gouvernement a indiqué ces dernières années qu'il ne souhaitait pas privatiser France Télécom complètement, mais y garder cette position d'actionnaire majoritaire, et donc quand arrivent je dirais les grosses difficultés on le sait, l'actionnaire majoritaire doit faire face à ses responsabilités.
Richard ARZT : Ernest-Antoine SEILLIERE vous êtes candidat à votre propre succession à la tête du MEDEF, ça devrait se passer en janvier. En principe vous devriez être élu sans difficulté puisqu'il n'y a pas d'autre concurrent ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Non, je le regrette un peu parce que avec tous les efforts que nous avons faits pour réformer le MEDEF il eut été normal que beaucoup aient envie de le présider, mais enfin il se trouve en effet, me semble-t-il, on verra ça le jour de l'élection, le 14 janvier, il me semble que l'on a souhaité que je poursuive mon mandat. Je le fais pourquoi, je le fais parce que je crois que nous avons beaucoup affirmé ces dernières années la nécessité et l'urgence de la réforme, la voie du dialogue sociale, et la nécessité de l'action. Et donc dans les années qui viennent
- Et comment vous renouvelez ça, comment vous présentez vos priorités pour un nouveau mandat ?
Eh bien écoutez nous avons en fait un référant que nous avons beaucoup développé tous ces derniers mois, notamment pendant la campagne électorale pour y figurer que les entrepreneurs soient dans le débat, et donc nous sommes à peu près à l'aise sur les solutions que nous préconisons dans tous les sujets. Notre rôle sera au nom du terrain auquel nous appartenons, nous avons 700.000 entreprises membres de nos organisations, nous avons un ancrage sur le terrain qui est profond, nous sommes à l'écoute, nous sommes d'ailleurs de ce fait pour la décentralisation à condition qu'elle ne coûte pas plus cher et qu'elle ne mène pas à plus de complexité, c'est un autre sujet, mais enfin nous sommes entièrement du terrain pour l'action, la réforme, le dialogue et se sont ces thèmes-là si vous voulez nous allons pousser et pousser fort dans les trois années qui viennent en espérant mettre rapidement notre pays, dont on doit débrider la puissance économique, elle est là, nous avons confiance dans les atouts de notre pays, d'ailleurs si nous n'avions pas confiance, nous ne nous donnerions pas ce mal. Les entrepreneurs français sont bons, sont efficaces, les salariés français quand ils ont pas trop écouté la voix et la sirène des 35 heures sont restés très actifs et très qualifiés et très puissants dans le travail, débridons la puissance économique française, rétablissons la démocratie sociale, moderne à laquelle nous appelons, et le MEDEF sera content et le président du MEDEF fera ses trois ans avec bonheur.
Gérard COURTOIS : Alors qu'est-ce qui a déjà changé dans votre organisation jadis il y avait un numéro deux, qui était M. Kessler, y'avais Kessler le sabreur et Seillière le fédérateur, aujourd'hui y'a plus de numéro deux entre M. Sarkozy, Guillaume Sarkozy, et Gauthier Sauvagnac, Denis-Gauthier Sauvagnac, c'est deux personnes. Ce sont deux numéros deux, comment ça fonctionne ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Nous n'allons pas sombrer dans ces questions internes au MEDEF pour terminer. Ce que je vous dis c'est que nous avons été une équipe
- Il y a peut -être une signification ?
Non il n'y a aucune signification à tout ça, vous savez chacun vit sa vie, les institutions doivent pouvoir perdurer sans les hommes qui les ont animées, il en faut d'autres et Denis Kessler et moi nous avons mené je crois avec beaucoup d'énergie, cinq années de réforme de notre organisation pour compter dans le débat eh bien je reste seul pour poursuivre à moi de me mettre une double dimension, pourquoi pas, j'allais dire par boutade quand on m'a appris qu'il partait j'ai dit enfin seul, c'est à dire ce qui va se passer va m'être attribué en propre, mais nous en parlons.
Richard ARZT : Au MEDEF ça n'a pas la complexité de ce qui se passe par exemple chez les Verts, on l'a vu ce week-end, des élections une majorité très à gauche
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ne m'accablez pas par cette comparaison.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais est-ce que çà signifie que jusqu'à présent vous étiez, vis à vis du gouvernement Jospin en situation un peu de croisade, de combat permanent et qu'avec le nouveau gouvernement vous n'avez plus besoin de sabreur et que vous êtes plutôt en situation de dialogue compréhensif ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui nous avons inspiré d'ailleurs l'équipe qui va passer la main pour se reformer autour de moi, nous avons inspiré au partenariat au dialogue, nous avons expliqué comment il fallait faire, et nous pensons qu'aujourd'hui un certain nombre de Françaises et de Français parce que nous avons souvent parlé à l'opinion comprennent d'ailleurs que l'entreprise est indispensable pour la réussite de notre pays, et que donc nous devons unir nos efforts pour que l'entreprise française réussisse avec ses salariés, avec ses entrepreneurs, avec ses actionnaires et avec la puissance publique en appui de ceux qui produisent, ceux qui gouvernent avec ceux qui produisent, voilà à notre avis comment on va réussir le 21ème siècle.
Richard ARZT : Merci Ernest-Antoine SEILLIERE, le prochain invité du Grand Jury sera Jean-Marc AYRAULT, le président du groupe socialiste à l'Assemblée.
(Source http://www.medef.fr, le 18 décembre 2002)
On va vous interroger sur tout cela avec Pierre-Luc Séguillon de LCI, Gérard COURTOIS du Monde.
On va commencer par une question, si vous le voulez bien, sur l'actualité européenne et le sommet de Copenhague qui a ouvert officiellement la perspective d'une Europe à vingt cinq. C'est selon vous un moment historique qu'il convient avant tout de saluer comme tel, éventuellement avec émotion, ou bien est-ce que vous y voyez aussi un nouvel espace qui va obliger les entreprises françaises à des adaptations difficiles ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : C'est un moment historique incontestablement surtout quand on se souvient d'où on vient, les longues années pendant lesquelles ces pays ont été séparés des démocraties de l'ouest de l'Europe et donc les entrepreneurs qui ont toujours été dans le camp de la liberté, ne l'oubliez pas, aujourd'hui saluent cette véritable victoire de la démocratie et ses perspectives nouvelles sur le plan économique.
Alors ce que nous pensons, c'est qu'il y aura dans ces pays un appétit de croissance, une volonté d'en être, extrêmement fort et donc beaucoup d'opportunité mais également ici ou là, forcément, de la concurrence.
Donc ce que nous souhaitons bien entendu c'est que cette concurrence que nous approuvons totalement s'effectue dans des conditions qui soient honnêtes et donc les règles générales du comportement européen s'appliquent à ces pays et que d'ailleurs, en plus de ça, nous le verrons on ne charge pas les entreprises françaises de trop de difficultés pour y jouer et tenir leur rôle.
Mais ce qui est essentiel également c'est que au moment où se fait cet élargissement à 25 on ait la possibilité de conduire l'ensemble européen à 25 pays d'une main institutionnelle plus ferme et plus clair et qui donne donc à cet ensemble la cohérence, la même cohérence que les grands ensembles mondiaux, et ça ça n'est pas réglé.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que vous ne craignez pas que de même que lorsque la république fédérale allemande a réunifié l'ensemble de l'Allemagne il y a plus de dix ans, elle a subi un choc économique très fort, la vieille Europe de l'Ouest ne subisse un choc très fort en assimilant les nouveaux pays qui représentent à peu près 75 millions d'habitants qui vont venir s'agréger au 380 millions existants et qui représente à peine 5 % du produit intérieur brut de l'ensemble de l'union européenne. C'est un décalage énorme.
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ces chiffres si vous voulez montrent que l'impact de l'entrée de ces pays n'a rien à voir avec celui de la moitié de l'Allemagne qui rejoignait la première. Bien entendu il y avait des différences de croissance dans ces deux pays et beaucoup de problèmes d'infrastructures.
Mais là nous avons des pays qui ont un niveau de vie qui est sensiblement inférieur au nôtre, qui aspirent à le rattraper et qui donc vont essayer de saisir toutes les opportunités données par l'Europe pour le faire.
Maintenant, il y a aussi si vous voulez, il faut voir çà sous l'angle de la compétition européenne globale dans le monde, du fait que les pays européens développés qui forment actuellement l'Europe des quinze vont trouver dans ces pays une main d'uvre qualifiée très ardente, qui a envie de travailler, qui a beaucoup envie de travailler pour pouvoir gagner beaucoup d'argent et pour pouvoir élever le niveau de vie et bien, ces opportunités là vont représenter pour la compétitivité européenne quelque chose d'important, d'ailleurs vous le savez il y a déjà des entreprises qui font mouvement dans ces pays pour bénéficier de cet ensemble de conditions nouvelles.
Il faut voir que les Etats Unis ont fait la même chose avec le Mexique au moment où ils ont fait l'ALENA ? Et ça leur a tout de même beaucoup profité en terme de croissance. Et que le Japon actuellement fait exactement la même chose avec la Chine, des millions d'emploi japonais se créent en Chine. Donc il va y avoir en terme de compétitivité globale de l'Europe avec cette nouvelle venue des plus. Bien entendu il y aura ici ou là aussi en France des moins, c'est-à-dire en fait des emplois qui auraient pu se créer en France qui ne se créeront pas là. Et c'est d'ailleurs tout le thème de la compétitivité que nous aborderons peut-être.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors vous parliez de la nécessité de coordonner ces politique et d'avoir des règles du jeu, d'avoir finalement un pouvoir économique institutionnel. Est-ce que, puisque c'est en débat aujourd'hui, de votre point de vue on voit bien où sont les tensions c'est la commission qui devrait, comme le souhaite par exemple le président de la commission, Monsieur PRODI, exercer progressivement ce véritable pouvoir économique ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Si vous voulez, nous les entrepreneurs nous ne rentrons pas dans ces débats. Ce que nous voulons c'est que cela marche. Or manifestement les institutions actuelles sont bancales, tout le monde le reconnaît et d'ailleurs on fait beaucoup d'effort pour essayer de leur redonner une meilleure silhouette.
Mais que ce soit la commission qui accentue ses pouvoirs ou au contraire le Parlement qui, bien entendu ce sont des débats importants, nous avons peut-être des opinions personnelles là dessus, mais nous nous sommes pour qu'on mette en place rapidement un pouvoir politique qui soit à la mesure des initiatives qui ont été prises toutes ces dernières années, la monnaie unique avec l'euro, le marché unique qui est en place et maintenant l'élargissement, tout cela appelle à l'évidence un ensemble politique beaucoup plus cohérent.
Gérard COURTOIS : Mais est-ce que ce gouvernement économique européen que vous appelez de vos vux, n'est pas en contradiction avec le principe même d'une vaste zone de libre échange qui est en train de se constituer autour des 25 et demain des 35 ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Nous ne sommes pas partisans d'une vaste zone de libre échange. Nous pensons que la cohérence qui a été voulue en Europe autour de politiques communes doit rester la cohérence et c'est la vision d'ailleurs qu'en ont les entreprises françaises.
Oui bien entendu à jouer sans l'ombre d'un protectionnisme à l'esprit la règle du jeu de la concurrence européenne et mondiale, mais à condition que les règles du jeu ait été posées et nous en avons besoin eu Europe et donc nous avons besoin d'un pouvoir politique pour dire les choses clairement qui existent au niveau européen et y développe la cohérence, on ne peut pas laisser les choses dans l'état, si vous voulez, cartilagineux où elles se trouvent sur le plan institutionnel.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que de votre point de vue l'adhésion un jour lointain de la Turquie dans cet ensemble risquerait de créer un dysfonctionnement, voire un changement de nature de cette union politique et économique européenne ?
Richard ARZT : Quelqu'un a osé dire que l'entrée de la Turquie pouvait être renvoyée aux calanques grecques.
Ernest-Antoine SEILLIERE : Alors, à ce moment là il faut dire également qu'il ne faut pas laisser la Turquie en carafe. Enfin, je m'excuse mais si nous faisons un saut d'humour sur ce sujet qui le mérite peut-être après tout parce que ça n'est pas un sujet triste.
Un grand pays qui aspire à rejoindre l'ensemble européen c'est tout de même fondamentalement une bonne nouvelle. Si il disait plutôt tout au monde sauf de venir, nous trouverions cela tout de même assez saumâtre.
Donc nous pensons, nous, en tant qu'entrepreneur que les raisons qui ont conduit, il y maintenant des décennies l'ensemble des pays européens à considérer la Turquie comme suffisamment européenne pour pouvoir devenir un membre, sont là et nous n'avons pas à les commenter, les raisons des uns ou des autres pour dire que ils méritent ou ils méritent pas ou ils peuvent ou ils peuvent pas être de l'ensemble politique, sociologiques, culturels européens n'est pas notre affaire.
Notre affaire à nous, ça je vous le dis, c'est que si la Turquie se rapproche de l'Europe et qu'elle en devient membre, nous essayerons d'en prendre avantage sur le plan des entreprises françaises qui sont nombreuses en Turquie, il y en a à peut près 270, Renault, Louis Schweitzer est le président d'ailleurs du comité bilatéral du MEDEF franco-turc, j'ai été avec lui à Ankara et à Istanbul, nous avons rencontré et nous essayons de profiter de ce qui est un grand marché.
Richard ARZT : Vous êtes donc plutôt pour en fait à cette entrée ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : C'est à dire sur le plan économique nous ne refusons pas les opportunités et nous ne pensons pas que la Turquie puisse porter un désavantage à l'Europe si elle devait s'en rapprocher. Donc sur le plan encore une fois qui est le nôtre, n'est-ce pas, nous sommes prêts à jouer la carte de la présence turque en Europe.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors, vous parliez tout à l'heure de la nécessité d'un pouvoir économique fort. En attendant l'existence de ce pouvoir économique fort on a le sentiment que chacun des pays mène sa propre politique économique au risque parfois de susciter des critiques. Je prends celle de Jean-Pierre RAFFARIN à l'adresse de l'Allemagne qui dit que le chancelier Gerhard SCHROEDER mène une politique économique assez brutale qui risque de fragiliser l'ensemble de la croissance européenne, il faut allusion aux relèvements d'impôt et à la différence de ce que fait la France. Quelle est la bonne politique économique et le fait que l'Allemagne et la France mènent des politiques économiques différentes ne risque pas d'handicaper la croissance de l'ensemble ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ce que le Premier ministre français a dit à son homologue allemand, le président du patronat allemand me l'a dit, c'est-à-dire que, j'étais à Berlin avec un certain membre de notre équipe il y a une quinzaine de jours, nous avons rencontré le patronat allemand et il nous dit " la politique économique allemande est en train de causer à nos entreprises, à la croissance beaucoup de préoccupations " et je dirais qu'il ose exprimer le sentiment que la politique qui était conduite ou qui allait être conduite était très inquiétante. Et bien entendu, nous, nous considérons que si notre voisin qui est à la fois le premier client et le premier fournisseur de l'économie française a une faiblesse, bien sûr il y aura des conséquences sur le plan de notre propre croissance. Et tout ceci est vrai sur le plan européen.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous craignez que dans l'avenir l'Allemagne devienne une sorte de Japon ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oh écoutez, moi je ne suis pas, comment dirais-je, aussi pessimiste mais je crois qu'il y a des problèmes structurels lourds en Allemagne, comme nous en avons d'ailleurs en France et que quand les problèmes structurels n'ont pas été traités pendant trop de temps il y a une espèce d'ossification qui fait, qui peut d'ailleurs à un moment donné aller vers la déflation donc ce sont tout de même des choses préoccupantes.
Richard ARZT : A contre point, est-ce que les perspectives fixées en France pour un budget, avec une croissance de 2 et demi % sont encore moins crédibles dans ce contexte ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Si vous voulez, en France nous avons eu par rapport à nos amis allemands, si j'ose dire, un avantage c'est que nous avons changé de gouvernement alors que du point de vue des entrepreneurs le gouvernement qui développait sa politique n'était pas à l'avantage des entreprises, de la croissance et de l'emploi. Enfin, nous l'avons suffisamment dit pour que ceci soit connu. Les Allemands, eux sont sur la continuité, c'est un peu comme si JOSPIN et AUBRY étaient restés pour prolonger leur politique. Alors on comprend qu'ils aient un peu le cafard si vous me permettez de dire ça en passant.
Cela dit, nous, nous avons changé de gouvernement et le gouvernement affiche une croissance de 2,5 % pour l'an prochain avec d'ailleurs de plus en plus de nuances dans l'expression, c'est, on entend, une ambition, de temps en temps un objectif, de temps en temps une prévision. Enfin on ne sait plus très bien, mais nous nous disons que cette vision là est trop optimiste et que nous aurons, sur l'année 2003, tout l'indique, une croissance vraiment modérée. Notre chiffre est plutôt entre 1,5 et 2 et encore nous disons, si on l'atteint, c'est plutôt qu'on aura un peu de chance, nous sommes du sentiment que l'année 2003 ne va pas être facile.
Pierre-Luc SEGUILLON : Et quand Jean-Pierre RAFFARIN dit, je soutiens à la fois la consommation par la baisse des impôts et la logique des entreprises par la baisse des charges, cette double proposition vous semble correcte, réalisée dans les faits, efficaces ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Si elle s'accompagne d'une diminution de la dépense publique et d'une diminution du déficit, de notre point de vue d'entrepreneur, c'est la bonne politique,
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais cette condition n'est pas réalisée aujourd'hui ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ecoutez, on a pas été réalisé, en effet, dans le budget 2003 mais nous avons l'espoir que en 2004 ce soit le cas. Il faut dire qu'en 2003 il y avait tout de même six mois d'une politique qui n'était pas celle du gouvernement et donc de la difficulté à corriger les choses. Nous ne sommes pas trop sévères parce qu'il faut donner en effet la possibilité aux politiques de se développer. Mais si il n'y a pas de réduction de la dépense publique, si il n'y a pas, vraiment sérieusement de volonté de restituer aux entreprises pour favoriser leurs investissements, en améliorant d'ailleurs leur trésorerie, leur cache flot, comme on dit, nous n'aurons pas l'investissement à la hauteur que nous souhaitons, or vous savez qu'il faiblit, qu'il a beaucoup faibli l'an dernier et donc nous n'aurons pas en fait la capacité du rebond que l'on attend.
Richard ARZT : Et vous êtes globalement confiant dans ce gouvernement. Il y a eu des moments, il y a deux-trois mois où vous aviez plutôt donné l'impression de tirer les sonnettes d'alarme ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Je crois que pour pouvoir m'exprimer au nom de tous les entrepreneurs français en disant que quand nous avons tous rencontré, en septembre dernier à ce qu'on appelle l'université d'été, ils sont tous venus de la France entière, d'ailleurs la plupart du temps des entreprises de très petites tailles, de moyennes tailles, ils étaient déçus, ils étaient déçus parce que le tournant politique de l'alternance ne s'était pas fait sentir dans notre domaine et on expliquait d'ailleurs que c'était pas le moment d'agir dans ce domaine là, qu'on voulait d'abord traiter des questions de sécurité, etc..
Nous, nous disons et nous l'avons dit à ce moment là que le fortissimo, en quelque sorte, que l'on entend dans le domaine sécuritaire, nous voulons l'entendre aussi dans le domaine économique et social pour la réforme urgente à laquelle il faut procéder. Or on a commencé plutôt sur, comment dit-on, du multo moderato. Alors nous avons dit à l'orchestre, faites entendre plus vivement la voix dans le domaine économique et social parce que si vous ne le faites pas, alors c'est vrai, nous allons devenir assez pessimistes.
Richard ARZT : Alors et quelque temps après ?
Gérard COURTOIS : Est-ce que vous avez le sentiment d'influencer positivement et utilement le gouvernement en lui disant ça ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Il y a un partenariat qui s'est mis en place avec les partenaires sociaux, pas exclusivement avec nous, mais qui amène le gouvernement, le premier ministre, le président de la république, pourquoi pas, à vouloir entendre les représentants des partenaires sociaux pour les écouter et ceci comme vous le savez ne se faisait pas du temps de la cohabitation, du côté du premier ministre et de son équipe, plutôt décidé de gouverner sans s'embarrasser du point du vue de ceux qui, sur le terrain, sont confrontés aux réalités.
Alors, je pense que là il y a une modification. Nous avons un partenariat qui se met en place, on nous écoute, on ne nous donne pas forcément, bien entendu, raison sur tout et de loin.
Pierre-Luc SEGUILLON : Simplement, à l'inverse, le sentiment, le climat des patrons à travers la France. J'entendais l'autre jour Monsieur SARKOZY dire : ils ont fait preuve de beaucoup de patience, aujourd'hui ils sont impatients ". Vous sentez cette impatience ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Je sens une, comment dirais-je, confiance
Pierre-Luc SEGUILLON : Ou c'est Monsieur SARKOZY qui fait un peu de provocation.
Richard ARZT : Il s'agissait de Guillaume SARKOZY en l'occurrence.
Pierre-Luc SEGUILLON : Guillaume SARKOZY bien sûr, qui est le frère de l'autre
Ernest-Antoine SEILLIERE : Absolument, qui a des responsabilités dans notre équipe et donc il a raison de dire qu'il existe une confiance mais c'est vrai que quand vous allez sur le terrain, vous avez des entrepreneurs, des petits entrepreneurs la plupart du temps qui disent, mais alors, il s'est pas passé grand chose encore, ni sur les 35 heures, ni sur les charges, on a indiqué pour le SMIC des hausses très importantes, on a pas abrogé la loi de modération sociale et donc il y a un jugement assez sévère que nous compensons d'ailleurs dans ce dialogue en disant : mais attendez le gouvernement nous dit qu'il va le faire, qu'il va s'engager dans tout ça maintenant, qu'il a eu son rythme, il a le droit d'avoir sa manière, sa méthode, son rythme, c'est sa responsabilité politique et nous lui disons, faisons lui confiance, donnons lui le temps nécessaire.
2003 est une année qui est une année magique pour la réforme puisqu'il y a pas, il y a une majorité forte, il y a un président de la république très bien élu, il y a donc semble-t-il des projets de réforme.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais il n'y a pas d'élection ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Il y a pas d'élection. Alors si on ne le fait pas en 2003, alors fin 2003 nous donnons rendez-vous au gouvernement pour juger de ce qui aura pu être fait et bien entendu, entre temps, nous allons essayer de pousser en avant, d'aiguillonner le gouvernement pour que il s'engage dans la voie des réformes urgentes et je pense que nous les aborderons.
Richard ARZT : On va en parler effectivement mais avant ça je voudrais qu'on parle de l'actualité sociale de la semaine qui vient de s'écouler avec les élections prud'homales.
Qu'est-ce que vous en avez pensé, on a vu une très forte abstention, un ordre d'arrivée des syndicats inchangés, quelle est votre impression notamment sur le problème de la représentativité des syndicats, à partir de cette élection ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Alors, c'est une élection un tout petit peu étrange puisque finalement on mobilise le suffrage universel des salariés et des employeurs pour élire des juges qui sont plutôt des gens très impartiaux et donc sur lequel, je veux dire la différence entre un juge CFDC et un juge CGC ne saute pas aux yeux, ce sont des juges, ils appliquent le droit, etc
Enfin, bref c'est comme ça, mais ça révèle tout de même le caractère assez vétuste de nos institutions sociales.
On se compte en quelque sorte sur une élection qui devrait être totalement impartiale et je dirais ne pas appeler autrement l'attention.
Alors le résultat pour nous est très clair. D'abord nous notons en passant que les entrepreneurs ont augmenté à peu près de 30 % leur participation, nous interprétons cela comme une sorte de réponse à la mobilisation que le MEDEF a fait dans leur rang et c'est je crois assez bon, et deuxièmement, nous voyons le bloc des réformateurs confirmé dans leur attitude. Cependant que ceux qui font plutôt,
Richard ARZT : Les syndicats réformateurs ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Les syndicats réformateurs, la CFDT, la CFTC, la CGC, l'UNSA sont des syndicats qui ouvertement disent " nous souhaitons pouvoir négocier la réforme dans nos domaines "
Richard ARZT : Donc avec qui vous pouvez travailler en somme ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui, c'est avec eux que nous avons fait d'ailleurs la refondation sociale, enfin l'essentiel d'entre eux et ils étaient très très intéressés par cette démarche, ils ont voulu la pousser en avant.
Beaucoup des idées d'ailleurs que nous reprenons dans le refondation sociale sont les leurs et nous espérons et nous voulons pouvoir construire le dialogue social pour la réforme dans notre pays par cette voie.
Et donc de ce point de vue, les élections prud'homales ont été un bon résultat. Ce qui professent que il faut toucher à rien, que on doit rester comme on est, qu'après tout c'est pas si grave que ça, n'ont pas été encouragés par ce scrutin, dont il faut pas, évidemment, exagérer l'importance mais enfin,
Pierre-Luc SEGUILLON : C'est une allusion à Force Ouvrière, très clairement.
Ernest-Antoine SEILLIERE : Puisque vous le dites.
Gérard COURTOIS : Et faites vous allusion, au-delà de Force Ouvrière à la C.G.T. qui est quand même la première centrale ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Alors la C.G.T., si vous voulez, chacun le sait, et nous ne voulons pas bien entendu commenter les choses trop en détail, c'est pas notre responsabilité, mais la CGT est traversée par un courant réformateur et donc il y a un dialogue qui se terminera, je l'espère, par le fait que la CGT s'ouvrira plus à la négociation, signera les accords et sera, je crois, d'accord pour sortir d'une attitude de réserve que nous avons jugé et respecté mais que nous aimerions bien voir évoluer.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous avez souligné le caractère un peu paradoxal de cette élection, indépendamment de ses résultats, d'abord, est-ce que vous estimez que le système des juges prud'homaux qui sont des juges non professionnels qui est un peu une exception dans le pourtour européen, doit être remis en cause ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Non, je crois que c'est tout à fait inutile de remettre en cause, les prud'hommes font un bon travail, c'est une institution qui existe maintenant depuis très longtemps. Ce que nous trouvons, si vous voulez, c'est qu'on devrait se rassembler, nous l'avons fait nous les entrepreneurs, une liste commune. Il y aura des divergences avec des artisans, avec la CGPME, on se rassemble de façon à ce que dans l'intérêt général il y ait une liste, on l'a très bien compris, qui est une liste commune des syndicats pour nommer les juges.
Pierre-Luc SEGUILLON : Et alors ma deuxième question c'est pour prendre la mesure de la représentativité syndicale, est-ce que vous souhaiteriez, comme d'autres organisations syndicales, que par exemple à l'intérieur d'une branche soit élu le même jour, dans l'ensemble des entreprises, les délégués syndicaux et que l'on aboutisse dans les négociations à des accords majoritaires et non plus aux accords tels qu'ils se font aujourd'hui ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ben je crois qu'on peut nous donner le crédit d'avoir soulever tous ces problèmes dans les négociations de refondation sociale, dont on voit d'ailleurs actuellement toute la matière reprise et acceptée comme l'objet du débat, ce qui est pour nous une très grande satisfaction. Donc dans la refondation sociale nous avons avec, tout le monde sauf la CGT, nous étions donc huit signataires une position commune qui a posé toutes ces questions. On ne peut pas continuer à faire fonctionner le dialogue social en France de la manière dont il est organisé, il est bourré de travers, il faut les corriger et donc nous avons indiqué un certain nombre de voix pour le faire d'où, de façon centrale, la question de la représentativité syndicale et la question de la possibilité d'avoir des accords majoritaires. Nous l'avons proposé et discuté, c'est d'ailleurs dans cette position commune et là-dessus, si vous voulez, ce que vous indiquez c'est-à-dire l'élection par branche, le même jour, des syndicats, etc.. est une manière certainement de donner plus d'importance et d'intérêts,
Richard ARZT : Et on va vers tout ça, à votre avis avec les négociations qui commencent, encourager par le gouvernement ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ecoutez, je crois que le gouvernement et François FILLON au lendemain des élections des prud'hommes a dit tout à fait clairement, sur la base de la position commune de la refondation sociale nous sommes prêts à entendre et à consulter, bien entendu je pense que les syndicats vont être plus consultés que nous dans cette affaire parce que c'est pour eux une très grande réforme. Mais nous sommes du sentiment et je vous le dis tout à fait nettement que si on est pas capable de revoir la question de la représentativité syndicale dans notre pays dont vous savez qu'ils sont tout de même plus faibles qu'ailleurs, plus divisés qu'ailleurs, de ce fait moins crédibles qu'ailleurs, et bien le dialogue social auquel nous aspirons, ils aspirent auquel aspire le gouvernement pour essayer de construire en dehors de l'état une organisation sociale est réformé, d'ailleurs aussi les systèmes sociaux, et bien ça ne se fera que très difficilement, très lentement, et probablement de façon très insuffisante. Donc c'est une réforme centrale, nous la préconisons et ça n'est pas nouveau de notre part.
Gérard COURTOIS : Très concrètement, la position commune que vous évoquez remonte à 18 mois, l'été 2001 ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui, Juillet 2001.
Gérard COURTOIS : Est-ce que depuis les choses vous semblent avoir évoluer et notamment chez ceux qui n'avaient pas été signataires à l'époque ? Je pense à la CGT notamment.
Ernest-Antoine SEILLIERE : Je ne pense pas que les choses aient encore évoluées.
Gérard COURTOIS : Alors qu'est-ce qui pourrait aujourd'hui vous laissez espérer que ça bouge ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Si ce n'est que sur ces questions, si vous voulez, c'est un peu comme les mouvements technotiques, ça travaille et tout d'un coup " PAF ", ça y va et nous avons tout de même vu dans l'affaire des 35 heures, dont vous savez que nous avons dans l'ensemble plutôt condamnés ses différents aspects, tout de même introduire dans le système des 35 heures l'idée de l'accord majoritaire qui nous a semblé être très remarqué et entendu par la CGT et la CFDT, et que nous avons considéré également comme une bonne chose.
Nous, nous avons le sentiment que, que ce soit dans l'entreprise, que ce soit dans la branche ou que ce soit au niveau national, comme dans les autres pays, une organisation d'entrepreneurs décidé à jouer le dialogue social et je crois que personne ne peut là-dessus nous faire le moindre suspicion ou reproche, a besoin d'avoir un interlocuteur puissant, représentatif et puissant.
Or nous n'avons pas actuellement, en face de nous, et je le dis d'ailleurs en passant, sans, comment dirais-je, critiquer quiconque, nous avons tout de même des syndicats qui sont très dans la main de la fonction publique.
Chacun sait que la force syndicale dans les organisations syndicales d'origine fonctionnaire est très forte et donc nous avons cinq syndicats faibles, et qui plus est, la plupart du temps, qui répondent à des préoccupations de la fonction publique. Tout ceci mérite,
Richard ARZT : Alors que vous les aimeriez forts et dépendant plutôt du secteur privé ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Et bien écoutez, pour ne rien vous cacher oui.
Richard ARZT : On va aborder avant une pause et on y reviendra sans doute après, une négociation qui commence après demain, c'est celle sur l'UNEDIC, sur l'assurance chômage et pour retrouver un équilibre financier, qu'est-ce que vous demandez comme adaptation des prestations chômage ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Et bien écoutez nous n'avons pas encore défini le mandat de négociation officiellement, bien entendu on y travaille beaucoup, de manière bilatérale ou multilatérale avec des syndicats. Nous n'avons pas pu justement ouvrir les négociations avant les prud'hommes, pour des questions de convenance, mais c'est très urgent, nous devons arriver à un accord avant la fin de l'année, c'est écrit dans notre accord que si nous avons des problèmes financiers, or nous en avons, et de très gros on se revoit pour en discuter ensemble et parce que c'est notre responsabilité à nous partenaires sociaux dans un système dont nous sommes responsables, de mettre en place les voies et les moyens d'un redressement financier.
Gérard COURTOIS : Quel est l'ampleur du déficit aujourd'hui, tel que vous l'évaluez ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Le déficit est de l'ordre de trois milliards d'euros pour l'année 2002 ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas, comment dirais-je, des moyens de trésorerie qui nous permettent de faire face à la situation,
Gérard COURTOIS : Notamment l'emprunt que vous avez souscrit, je crois ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Enfin il y avait quelques réserves sur lesquelles on a tiré et on a du mettre en place un nouvel emprunt, on ne peut pas rester dans cet état là et donc chacun devra faire un effort, c'est tout à fait clair et un effort assez important parce que le problème est important ;
D'ailleurs, je vous le dis en passant, pourquoi en sommes nous là, parce que le PARE n'a pas fonctionné, c'est une réforme très importante, fondamentale,
Pierre-Luc SEGUILLON : Quand vous dites qu'il n'a pas fonctionné, est-ce que ce n'est pas précisément quand vous avez scellé ces accords sur le PARE, plan d'aide du retour à l'emploi, vous n'avez pas vraiment prévu le financement, c'est la critique qu'on vous faisait à l'époque ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Non c'est le moment du retournement conjoncturel d'abord, si vous voulez, ça coïncide, et puis d'ailleurs nous l'avions dit, si ça se produit il faudra se revoir et négocier des compensations financières de façon à rétablir le système. C'est également je vous le dis en passant un moment où on préconisait le plein emploi. On disait les 35 heures vont tout régler. Permettez-moi de vous dire que quand je vois ce que les militants du parti socialiste aujourd'hui pensent des 35 heures, nous n'avons pas tort de dire que cette affaire ne pouvait pas régler tout. Donc les 35 heures ne règlent pas tout,
Richard ARZT : Vous pensez qu'ils pensent comme vous ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : La conjoncture se retourne, le PARE ne fonctionne pas parce qu'il est bloqué par un gouvernement qui n'en veut pas et par une administration qui appelle à le rendre impraticable,
Pierre-Luc SEGUILLON : Et qu'il coûte plus cher que vous ne l'aviez prévu peut-être ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui, ça coûte cher, mais ça coûte cher, si vous voulez d'avoir la volonté d'individualiser de la formation et de l'enquête sur chaque demandeur d'emploi de façon à ce qu'il retrouve le plus vite possible un emploi en lui disant : vous avez des droits bien entendu mais aussi le devoir de retrouver un emploi et nous devons vous y aider. Personne ne peut remettre en cause cette réforme, elle est profondément comprise d'ailleurs par les français et d'ailleurs largement en place dans un ensemble de pays. Alors nous avons eu que des problèmes pour mettre tout ceci en place.
Richard ARZT : Quand est ce qu'on aura le bilan du PARE, il a été repoussé ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui il est repoussé, je pense que nous l'aurons, j'espère beaucoup que nous l'aurons au début de l'année et c'est pour nous essentiel parce que le dysfonctionnement du PARE, si il doit remettre en cause une réforme fondamentale va poser à nouveau le problème de l'organisation de l'assurance chômage dans notre pays dont chacun sait que le principe administratif aveugle est le pire de tous parce qu'il permet à des gens d'en profiter mais il empêche ceux qui devraient retrouver un emploi de le retrouver dans de bonnes conditions et rapidement.
Richard ARZT : Ernest-Antoine Seillière on va parler des quelques dossiers sociaux d'actualité en revenant un petit peu sur l'UNEDIC, sur les licenciements et bien sûr sur les retraites, mais tout de suite sur l'UNEDIC. Une question de Gérard COURTOIS.
Gérard COURTOIS : Sur l'UNEDIC vous avez évoqué le déficit 2002 prévu, trois milliards d'euros, comment faites-vous pour régler la question de manière un peu structurelle. Au mois de juillet il y avait eu un partage de l'effort entre les salariés et les chefs d'entreprise, est-ce que c'est la démarche, à quelle hauteur faut-il augmenter les cotisations et de combien ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ecoutez, là vous ne vous étonnerez pas que je ne réponde pas à votre question précisément.
- Mais quelle est la philosophie dans laquelle vous vous engagez sur ce dossier ?
La négociation va s'ouvrir là-dessus, il y a des contacts déjà encore une fois avec les partenaires sociaux pour essayer de calibrer l'ampleur de l'effort, pour essayer de voir comment chacun pourra y contribuer sans pour autant, bien entendu, aller trop loin et tout ceci va se négocier j'insiste sur le fait que je crois que c'est à l'honneur des partenaires sociaux quand ils rencontrent un problème de déficit de se dire nous allons le traiter, d'ailleurs en fait si on ne le traite pas qu'est-ce qui se passe, nous n'avons pas nous la facilité du contribuable, on peut bien entendu le négocier, certaines facilités de l'Etat qui comprend l'ampleur des problèmes, mais je crois que nous devons d'ici le 31 décembre, avoir trouvé, ça sera pas sur les quelques mois qui suivra qu'on pourra, bien entendu, redresser la barre, je pense que ce sera probablement sur le temps d'une convention, une convention ça . Quelques années, donc il faut s'entendre là-dessus et nous avons beaucoup d'espoir.
Gérard COURTOIS : Mais sans en fixer l'ampleur, est-ce que l'augmentation des cotisations est quand même le point de passage inévitable pour sortir de l'ornière ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Moi je crois que si l'on dit très honnêtement que chacun devra faire son effort, je ne vois pas comment l'entreprise fait un effort sans augmenter les cotisations.
Pierre-Luc SEGUILLON : Le gouvernement, ou plus exactement l'Assemblée nationale a voté la suspension de neuf mesures qui appartenaient au volet anti-licenciement de la loi de modernisation sociale, cette mesure demandée par le gouvernement, à quoi se sont ajoutées de l'initiative des députés deux autres mesures, notamment la disparition de l'amendement Michelin, l'amendement Michelin, il faut le rappeler, qui obligeait l'entreprise à négocier les 35 heures en cas de plan de licenciement, et puis un autre amendement suspendant une mesure obligeant à prévenir ou à avertir en premier lieu le comité d'entreprise d'un plan de licenciement avant de le rendre public. Alors plusieurs questions, la première : est-ce que la suspension pour dix-huit mois de ces mesures va déclencher chez les chefs d'entreprise des licenciements dès lors qu'ils n'ont plus ces contraintes et qu'il y a une mauvaise conjoncture économique des licenciements en chaîne ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Nullement, d'abord parce que personne aujourd'hui n'est capable de dire ce que ça signifie une suspension de loi, c'est très rare. D'habitude on abroge une loi et puis ensuite on la remplace le cas échéant par quelque chose d'autre qu'on juge plus adapté. La suspension d'une loi a été, et nous l'avons beaucoup critiqué et nous le critiquons encore, une manière pour le gouvernement de dire je fais sans faire, tout en faisant et nous pensons que dans le domaine social lorsqu'on a mis en place des dispositifs dans la passion d'un moment alors que les partenaires sociaux eux-mêmes les considéraient comme inadaptées et excessives il était tout à fait normal d'avoir l'abrogation, on n'a pas voulu le faire là pour des raisons qui sont proprement politiques et ça mène donc à une situation confuse
- Un peu timorée cette attitude du gouvernement ?
Le mot est de vous, mais nous disons précautionneux.
Pierre-Luc SEGUILLON : François Fillon dit cette suspension doit être utilisée, ces dix-huit mois pour ouvrir des négociations, précisément, un dialogue social entre les partenaires que vous êtes et les représentants des salariés pour voir comment l'on pourrait revoir la loi. Alors on a l'impression à vous entendre qu'au fond quand la loi ne va pas dans votre sens, vous prenez le dialogue social, quand elle va dans votre sens vous n'êtes pas très chaud pour le dialogue social.
Ernest-Antoine SEILLIERE : Non mais quand la loi a fixé dans le . De la législation quelque chose, il est totalement normal de demander à ce qu'on le retire de cette état marmoréen, c'est normal, et il n'y a pas de refus de dialogue social à demander à un gouvernement de revenir sur des dispositions légales, je ne peux pas par la négociation abroger une des dispositions légales, c'est d'ailleurs la raison pour lequel on suspend. Mais tout ceci si vous voulez ne nous donne pas en réalité le fond de l'affaire.
Mais vous pouvez quand même le mettre autour d'une table avec les partenaires sociaux pour voir comment.
Richard ARZT : Vous pensez que vous aboutirez ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Non nous pensons que nous avons très peu de chance d'aboutir parce que c'est un sujet extrêmement difficile sur lequel les syndicats eux, si ils ne font rien, les mesures suspendues, elles reviennent, donc quelle incitation y a-t-il de la part de ceux qui estiment que ces mesures ne sont pas trop désavantageuses ou désagréables
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais vous savez que les organisations syndicales, elles mêmes, n'étaient pas très, certaines d'entre elles très chaudes
Ernest-Antoine SEILLIERE : Pour aller dans le sens de ce que souhaiteraient les employeurs pour corriger ces excès. Donc nous trouvons que ça n'est pas rendre service au dialogue social par manque de courage politique de l'abrogation qui était nécessaire de leur renvoyer un sujet difficile. Je crois que c'est pas ça, je crois qu'il faut donner aux partenaires sociaux des sujets sur lequel ils pensent qu'ils veulent pouvoir progresser, comme par exemple la formation professionnelle, ou même d'ailleurs la solution du problème d'assurance chômage qu'ils reconnaissent comme étant leurs. Mais là vous m'avez dit vous même l'amendement Michelin obligeait à négocier les 35 heures avant de pouvoir s'engager dans une restructuration. Tout le monde reconnaît aujourd'hui que les 35 heures n'apportent pas de solution, c'est devenu quelque chose reconnue nationalement.
- Vous l'avez déjà dit d'ailleurs.
Oui je le redis très volontiers. Les 35 heures croyez-vous que les syndicats vont dire mais non mais non ne passons pas par les 35 heures avant une restructuration. Ils le voient inscrit dans la loi, ils ne vont pas avoir beaucoup de tentation pour aller dans notre sens. Donc c'est un sujet difficile sur lequel je ne crois pas. Le médiateur, par exemple, vous croyez qu'on va négocier sur le retour du médiateur dans la négociation de restructuration, tout çà n'a pas beaucoup de sens pour nous et nous l'avons dit assez clairement. On ne sait pas un sujet de négociation sur lequel on peut progresser et de ce fait comme nous croyons au dialogue social c'est un peu embarrassant de coller celui-ci comme un premier sujet test.
- Mais vous allez quand même le faire formellement ?
Nous allons le faire formellement et nous nous sommes déjà entendus dans des dialogues bilatéraux avec certains syndicats, comment on peut le faire utilement parce que nous pensons qu'il y a des exemples qui ont été produits par des entreprises qui ont su adapter mieux des procédures de restructuration pour prendre les choses je dirais à temps pour faire de la formation sur les salariés qui devaient peut-être quitter leur emploi, tout ça est intéressant et sur lequel nous pouvons donc espérer. D'ailleurs je ne désespère pas que nous arrivions à quelque chose, mais ce sera plutôt sur le plan formation, sur le plan information, mais pas sur le plan du développement de la procédure, elle est suspendue, il fallait l'abroger.
Richard ARZT : Autre sujet sur lequel il n'y a pas vraiment de dialogue, puisque vous vous êtes retirés des caisses d'assurance maladie, c'est ça à quoi je faisais allusion, et il se trouve que Jean-François Mattéi, qui est le ministre de la Santé, vient de déclarer sur Europe 1 que la question de la légitimité des syndicats dans la gestion des caisses d'assurance maladie se pose à partir du moment où il n'y a plus les patrons, qu'est-ce que vous en pensez ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Je pense qu'il a raison, je pense d'ailleurs que nous sommes sortis de la sécurité sociale et de sa gestion pour des raisons que je crois on avait trouvé justifiées à l'époque, je vous rappelle que c'est le moment où on a pris dans les caisses de la sécurité sociale pour financer les 35 heures sans consulter les partenaires sociaux, et que donc sur un paritarisme qui ne fonctionnait pas nous avons dit nous ne renommons pas nos administrateurs, nous en sortons.
- Et alors maintenant ?
Nous disons que le problème qui est créé par le fait que nous n'y sommes pas, a justement été créé pour que l'on réforme et donc il faut, selon nous, réformer et quand on nous dit ça ne peut plus marcher maintenant que vous n'y êtes pas, et bien voilà vraiment une raison de s'engager dans la réforme. C'est le résultat que nous voulions obtenir. D'ailleurs le paritarisme, n'est-ce pas, nous en sommes toujours très partisans mais dans le domaine qui est proche du contrat de travail, l'assurance chômage concerne bien entendu le contrat de travail, la formation est proche du contrat de travail, l'accident du travail est également quelque chose que nous pouvons justifier, la formation, mais la politique de santé, la politique de famille, c'est un sujet aujourd'hui national, chacun, chaque Française et chaque Français bénéficie de garanties de ces risques dans ce domaine avec des financements qui ont largement dépassé les cotisations d'entreprise, qu'ont débordé sur la solidarité nationale, partout. Nous considérons donc qu'il y a un sujet différent du paritarisme dans ces domaines famille et santé et que donc le gouvernement doit proposer. Et s'il propose, s'il souhaite que nous lui proposions nous l'avons fait nous avons présenté une nouvelle architecture de l'assurance maladie très intéressante selon nous et qui pourrait inspirer une réforme, mais on ne peut pas, bien entendu, juger que nous avons toujours raison, donc en fait discutons en avec le gouvernement mais surtout qu'il nous dise ce qu'il veut faire.
Gérard COURTOIS : Juste un mot sur ce point, vous avez rencontré je crois Jean-François Mattei cette semaine, la semaine dernière, il y a quelques jours, est-ce que sur l'architecture que vous proposée vous avez eu le sentiment d'être entendu et de pouvoir être un peu inspirateur de ce que pourrait faire le gouvernement ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : En tout cas nous en avons l'ambition, je ne peux pas vous dire bien entendu ah écoutez un ministre qui reçoit maintenant le président du Medef sur l'assurance maladie, auquel il n'appartient plus et qui se présente en disant nous avons des idées fortes et croyons nous solide, d'ailleurs largement inspiré de ce qui se passe à l'étranger pour leur construction, bien entendu le ministre est attentif et il écoute. Vous dire qu'il n'en écoute pas d'autre et qu'au final il ne proposera pas quelque chose de différent que ce que nous proposons, ça c'est bien évident et c'est possible et d'ailleurs nous ne prétendons pas, vous le savez, faire autre chose que d'alimenter le débat pour provoquer la réforme. Le pire pour nous ce sont les choses dont on ne parle pas, le non dit dans l'immobilisme.
Pierre-Luc SEGUILLON : Sans entrer dans le détail technique de vos propositions est-ce que votre philosophie générale c'est grand risque sécurité sociale, petit risque sécurité privée ? Assurance privée, pardon.
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oh écoutez d'abord je crois, je vais vous dire une chose tout à fait honnête les entrepreneurs ne connaissent pas grand chose au problème de santé et donc prétendent qu'avec les syndicats c'est eux qui ont dicter ce qu'est grand risque, un petit risque ou à la limite comment ça se passe, ça me paraît aujourd'hui tout de même relativement éloigné de la réalité et donc nous nous avons, comment dirais-je, des responsabilités pour assumer des financements, nous souhaitons bien entendu une politique de santé, mais nous aimerions que les prestataires de santé soient mis, en quelque sorte, c'est vrai, en concurrence, pas forcément avec le privé, entre eux, entre les mutuelles, la sécurité sociale, bref nous avons beaucoup de choses à dire, mais nous n'avons pas un avis sur ce que c'est que le petit risque et d'ailleurs quand un médecin en parle où il est d'habitude en désaccord avec un autre médecin qui dit que c'est pas ça.
Richard ARZT : Vous devez avoir un avis en revanche sur ce qui va être la grande question de 2003, la réforme des retraites, alors justement est-ce qu'à votre avis la priorité c'est de rapprocher le secteur public et le secteur privé, autrement dit que la durée de cotisations dans les deux secteurs soit la même, tout doit commencer par là ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Dans la réforme des retraites, enfin il a mis un calendrier en avant pour cela, il affirmé comme sa grande et première réforme sociale et nous avions, vous vous en souvenez, nous lancé tout ceci y'a maintenant pratiquement un an et demi dans le domaine qu'est la retraite complémentaire en indiquant ce qu'il fallait faire et ça ressuscitait d'ailleurs beaucoup de commentaires et de polémiques et de manifestations d'ailleurs. Mais nous voyons aujourd'hui que toutes ces idées ont fait leur chemin. Chaque reconnaît que le problème de la retraite doit maintenant être traité et c'est très urgent. Je ne vais pas vous agonir de chiffres mais simplement en 1960 quatre actifs pour un retraité, en 2000 deux actifs pour un retraité, en 2040 un actif pour un retraité et ce sont des réalités angoissantes si on veut maintenir la retraite des Français à leur niveau.
- Donc il va y avoir une négociation sur tout ça?
Nous, nous disons c'est au gouvernement de s'engager maintenant dans la réforme sur le régime général qu'est le socle de l'ensemble de la retraite de tous les Français, le régime des fonctionnaires et les régimes spéciaux. Il va donc dire ce qu'il veut faire et c'est ça son problème
- Le gouvernement, c'est à dire le ministre des Affaires sociales ou le Premier ministre qui doit lancer ?
C'est un peu leur affaire, c'est à eux de déterminer comment ils le font ça c'est à faire et c'est urgent et nous ferons, nous, bien entendu sur la base de ce qui aura été indiqué la réforme dans les régimes complémentaires dont nous avons la responsabilité.
- Je voulais dire sur le lancement, on a même entendu dire que la droite et la gauche pourraient être consultées pour lancer cette négociation. On a même parlé de référendum.
Oui tout ça ce sont des affaires évidemment de gouvernement, qui ne sont pas de notre responsabilité, nous ce que nous demandons c'est qu'il y ait l'égalité des Français devant la retraite, c'est à dire que là où il y a un salarié du privé il ne se trouve pas dans une situation moins avantagée que celle du fonctionnaire, c'est à dire qu'à salaire égal, retraite égale et il n'y a pas de justification à voir aujourd'hui une série, une catégorie de Français très importants, des fonctionnaires, dans une situation beaucoup plus favorable et qui d'ailleurs est financée assez largement par les contribuables. C'est l'égalité devant la retraite, c'est la liberté des Français de prendre la retraite au moment où ils le jugent nécessaire et possible et bien entendu l'efficacité c'est à dire la réforme des retraites de façon à ce que on ne diminue pas le montant de celle-ci dans les années qui viennent et on n'augmente pas la cotisation c'est à dire la contribution de la population active à la population retraitée qui atteint déjà vous le savez 25 % du salaire brut et donc nous disons, et vous le savez, l'allongement raisonnable de la durée de cotisation est la seule manière que nous ayons de pouvoir .. tout ces problèmes.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que je peux vous poser une question sur l'allongement raisonnable, parce que lorsque Guillaume Sarkozy, je dis bien Guillaume Sarkozy, votre vice président dit il faudrait au fond un allongement de la durée de cotisations de six à sept ans, si on imagine aujourd'hui que l'entrée dans la vie active est de plus en plus tardive, qu'un cadre, par exemple, Bac plus cinq, six ou sept, rentré dans la vie active à 25-26 ans il va falloir qu'il travaille jusqu'à 72-73 ans ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Je crois que la manière dont vous faites le calcul indique bien que Guillaume Sarkozy a dans ce domaine, à l'évidence, donné une formule, une indication un peu personnelle sur un sujet qui n'a pas été quantifié par le Medef, mais c'est donc je crois tout à fait clair que on doit s'engager dans l'allongement de durée de cotisations, mais si nous disons par exemple que pendant quatre ans on allonge d'un trimestre par an la durée de cotisations de telle manière que vers 2008 on travaille un an de plus pour avoir la cotisation pleine, ça fait partie de l'ordre des choses qui doit pouvoir en effet être accepté et d'ailleurs dans tous les pays qui nous entourent, comme vous le savez, on s'est engagé et même bien au-delà dans ces voies-là et c'est parce que nous ne l'avons pas fait qu'il y a actuellement une urgence angoissante à traiter le sujet. Donc allongement de la durée de cotisations oui dans les conditions que vous l'indiquez et qui ont été encore une fois tout à fait indicatives et personnelles non.
Gérard COURTOIS : Juste pour bien comprendre le gouvernement pour l'instant parle d'aligner la durée de cotisations des fonctionnaires sur celle du privé, c'est à dire passé 37 ans et demi progressivement et dans des conditions à déterminer à 40 ans, comme dans le privé. Cette seule mesure, si je comprends bien, ne vous paraît pas suffisante pour l'avenir, il faut également augmenter l'ensemble des durées de cotisations une fois ajustées ou alignées au-delà de quarante ans ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui le rattrapage
- Le rattrapage ne suffit pas.
Par la fonction publique de la mesure décidée en 1993 et qui s'applique d'ailleurs avec le déroulement année par année aujourd'hui pleinement au privé qui est en effet à quarante ans de cotisations après avoir été à 37 ans et demi en 93, on a rattrapé. Il faut bien entendu que la fonction publique s'engage dans cette voie. Tout le monde le sait alors les conditions de la négociation sont elles pas très faciles, mais en tout cas c'est évident. Que l'on dise une fois qu'on a fait ça le problème est réglé, nous nous sommes convaincus qu'il ne l'est pas. On a simplement je dirais réglé une partie du problème, celui de la fonction publique vers la solution. Mais nous avons à regarder à l'évidence un allongement de la durée de travail, de cotisations, de l'ensemble des Français encore une fois si on veut garantir une retraite à son niveau. L'allongement de la durée de la vie est une évidence, on gagne actuellement un trimestre de vie par an et je crois que cette statistique ne va pas aller indéfiniment mais c'est le rythme et donc nous avons une population qui reste plus longtemps à la retraite avec évidemment une population qui pour des raisons démographiques active qui diminue et donc vous ne pouvez pas régler le problème en disant en France, par miracle, on va rester comme ça dans le monde entier la durée de cotisations pour la retraite augmente pour ceux qui veulent la retraite pleine, ceux qui veulent évidemment faire un sacrifice ou qui bénéficie d'un régime de capitalisation qui leur permet d'organiser un complément de retraite à leur initiative, or vous savez que nous sommes des partisans du système de la répartition que nous ne mettons nullement en cause, mais que nous disons que le système de capitalisation doit venir en plus, ça existe dans le monde entier, ça existe d'ailleurs, comme vous le savez, dans la fonction publique, il faut admettre que cela puisse exister également pour les salariés du privé.
- Il y a une autre évidence française et une autre particularité française c'est la faiblesse du taux d'emploi des gens qui sont entre 55 et 64 ans, 30% seulement, la responsabilité des chefs d'entreprise est en première ligne si je puis dire puisqu'au fond tous les systèmes de départs en retraite anticipée vous facilitent si je puis dire la vie quand il s'agit de réorganiser ou de restructurer.
Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction là entre
Ernest-Antoine SEILLIERE : Y'a pas de contradiction parce que si vous voulez le refus dans lequel on s'est installé en France de traiter le problème des retraites n'a pas permis à l'ensemble des acteurs économiques de se mettre devant les faits et donc on a en effet généralisé dans notre pays, d'ailleurs avec l'aide de la puissance publique qui finance une partie des mesures
- Ca vous arrange bien quand même
Non je ne peux pas vous dire que ça nous arrange bien, je dis simplement que nous au Medef nous disons que certaines professions qui s'engagent dans cette voie-là et qu'est-ce qu'elles font, elles mutualisent en quelque sorte le coût du rétablissement de leur pyramide des âges spécifiques dans leur entreprise.
- Souvenez-vous de l'industrie automobile.
Je ne veux pas faire bien entendu d'allusion précise à quiconque, mais nous le savons bien et nous disons nous que en même temps que l'on devra allonger la durée de cotisations, on devra aménager le travail des salariés séniors dans l'entreprise et il y a des tas de négociations à faire à ce propos, il est certain que pour ce qui est de la formation, de la transmission du savoir dans l'entreprise des formes d'organisation d'ailleurs de travail de temps partiel pour des salariés de plus en plus âgés, tout ça n'a pas été envisagés et donc voilà des sujets de négociation passionnants.
- Richard ARZT : Autre sujet
Pierre-Luc SEGUILLON : La vente par le gouvernement des parts qu'il avait dans le Crédit Lyonnais a déclenché un mouvement de restructuration dont on ne sait pas très bien encore comment il va se produire. Apparemment il semble que des rapprochements se fassent contre le Crédit Lyonnais et le Crédit Agricole, est-ce que de votre point de vue ça vous semble quelque chose de souhaitable, d'opportun, comment est-ce que vous voyez la redistribution du paysage bancaire telle qu'elle se fait et telle que vous la souhaiteriez ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : D'abord j'ai été obligé de quitter la Société Générale à cause de la loi dite NRE ( ?) qui limite le nombre des mandats dont je ne suis pas à ce jour devant vous administrateur de la Société Générale, ça donne peut-être à mon propos encore plus de liberté. Ce que je voulais vous dire à ce propos c'est que quand j'ai appris brutalement, un week-end, mise en vente des 10 % du Crédit Lyonnais appartenant à l'Etat, résultat des courses dimanche soir, c'était le samedi matin, dimanche soir je me suis dit enfin on gouverne, c'est à dire que l'on sort de cette espèce de série de paralysie successive de relations personnelles, d'ambiguïté sur les on gouverne, on dit c'est à vendre. Et c'est à vendre et ça a été vendu 2 milliards deux cent millions d'euros, c'est à dire peu près le quart de ce qu'a coûté à la France l'aventure sinistre du Crédit Lyonnais et de ses immenses déficits.
Richard ARZT : Donc vous approuvez totalement ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Nous, entrepreneurs, nous disons voilà un gouvernement qui règle une question de son point de vue, qui se sort de son actionnariat minoritaire, qui vend au mieux sa participation et qui rend ensuite, je dirais, au marché et aux relations bancaires européennes ou françaises la liberté de régler la question sans avoir cette espèce de présence, de puissance publique dans une entreprise privée dont chacun sait, voire France Télécom, qu'elle ne conduit pas à des résultats éclatants. Donc nous sommes partisans de ce que le Crédit Lyonnais aille demain là où le partenariat apparaîtra aux uns et aux autres du monde bancaire comme le meilleur.
Gérard COURTOIS : Vous venez d'évoquer France Télécom, est-ce que sur l'affaire France Télécom et le renflouement de cette entreprise, vous vous êtes dit enfin on gouverne ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui, là aussi, si vous voulez, la situation qui a été créée dans cette espèce de situation d'économie mixte dans laquelle on s'est attardé, qu'a conduit pour des raisons multiples à l'immenses problèmes financiers, on pouvait avoir un gouvernement qui dise je n'ose pas prendre les mesures nécessaires ou bien je me mets devant les faits et je les règle. Il les a réglés, il a nommé une nouvelle équipe dirigeante, il a mis en place des moyens financiers et mon dieu cette entreprise a aujourd'hui probablement encore des problèmes, mais elle n'est pas dans la détresse.
Gérard COURTOIS : Mais est-ce que vous êtes d'accord sur le fait que d'une part on parle de privatisation à venir, mais que dans le même temps immédiatement c'est l'Etat qui va garantir le prêt qui est fait à France Télécom de neuf milliards, donc si par hasard le redressement ne fonctionne pas, ce sont les contribuables qui assumeront ce prêt ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ben écoutez malheureusement, en effet, le gouvernement a indiqué ces dernières années qu'il ne souhaitait pas privatiser France Télécom complètement, mais y garder cette position d'actionnaire majoritaire, et donc quand arrivent je dirais les grosses difficultés on le sait, l'actionnaire majoritaire doit faire face à ses responsabilités.
Richard ARZT : Ernest-Antoine SEILLIERE vous êtes candidat à votre propre succession à la tête du MEDEF, ça devrait se passer en janvier. En principe vous devriez être élu sans difficulté puisqu'il n'y a pas d'autre concurrent ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Non, je le regrette un peu parce que avec tous les efforts que nous avons faits pour réformer le MEDEF il eut été normal que beaucoup aient envie de le présider, mais enfin il se trouve en effet, me semble-t-il, on verra ça le jour de l'élection, le 14 janvier, il me semble que l'on a souhaité que je poursuive mon mandat. Je le fais pourquoi, je le fais parce que je crois que nous avons beaucoup affirmé ces dernières années la nécessité et l'urgence de la réforme, la voie du dialogue sociale, et la nécessité de l'action. Et donc dans les années qui viennent
- Et comment vous renouvelez ça, comment vous présentez vos priorités pour un nouveau mandat ?
Eh bien écoutez nous avons en fait un référant que nous avons beaucoup développé tous ces derniers mois, notamment pendant la campagne électorale pour y figurer que les entrepreneurs soient dans le débat, et donc nous sommes à peu près à l'aise sur les solutions que nous préconisons dans tous les sujets. Notre rôle sera au nom du terrain auquel nous appartenons, nous avons 700.000 entreprises membres de nos organisations, nous avons un ancrage sur le terrain qui est profond, nous sommes à l'écoute, nous sommes d'ailleurs de ce fait pour la décentralisation à condition qu'elle ne coûte pas plus cher et qu'elle ne mène pas à plus de complexité, c'est un autre sujet, mais enfin nous sommes entièrement du terrain pour l'action, la réforme, le dialogue et se sont ces thèmes-là si vous voulez nous allons pousser et pousser fort dans les trois années qui viennent en espérant mettre rapidement notre pays, dont on doit débrider la puissance économique, elle est là, nous avons confiance dans les atouts de notre pays, d'ailleurs si nous n'avions pas confiance, nous ne nous donnerions pas ce mal. Les entrepreneurs français sont bons, sont efficaces, les salariés français quand ils ont pas trop écouté la voix et la sirène des 35 heures sont restés très actifs et très qualifiés et très puissants dans le travail, débridons la puissance économique française, rétablissons la démocratie sociale, moderne à laquelle nous appelons, et le MEDEF sera content et le président du MEDEF fera ses trois ans avec bonheur.
Gérard COURTOIS : Alors qu'est-ce qui a déjà changé dans votre organisation jadis il y avait un numéro deux, qui était M. Kessler, y'avais Kessler le sabreur et Seillière le fédérateur, aujourd'hui y'a plus de numéro deux entre M. Sarkozy, Guillaume Sarkozy, et Gauthier Sauvagnac, Denis-Gauthier Sauvagnac, c'est deux personnes. Ce sont deux numéros deux, comment ça fonctionne ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Nous n'allons pas sombrer dans ces questions internes au MEDEF pour terminer. Ce que je vous dis c'est que nous avons été une équipe
- Il y a peut -être une signification ?
Non il n'y a aucune signification à tout ça, vous savez chacun vit sa vie, les institutions doivent pouvoir perdurer sans les hommes qui les ont animées, il en faut d'autres et Denis Kessler et moi nous avons mené je crois avec beaucoup d'énergie, cinq années de réforme de notre organisation pour compter dans le débat eh bien je reste seul pour poursuivre à moi de me mettre une double dimension, pourquoi pas, j'allais dire par boutade quand on m'a appris qu'il partait j'ai dit enfin seul, c'est à dire ce qui va se passer va m'être attribué en propre, mais nous en parlons.
Richard ARZT : Au MEDEF ça n'a pas la complexité de ce qui se passe par exemple chez les Verts, on l'a vu ce week-end, des élections une majorité très à gauche
Ernest-Antoine SEILLIERE : Ne m'accablez pas par cette comparaison.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais est-ce que çà signifie que jusqu'à présent vous étiez, vis à vis du gouvernement Jospin en situation un peu de croisade, de combat permanent et qu'avec le nouveau gouvernement vous n'avez plus besoin de sabreur et que vous êtes plutôt en situation de dialogue compréhensif ?
Ernest-Antoine SEILLIERE : Oui nous avons inspiré d'ailleurs l'équipe qui va passer la main pour se reformer autour de moi, nous avons inspiré au partenariat au dialogue, nous avons expliqué comment il fallait faire, et nous pensons qu'aujourd'hui un certain nombre de Françaises et de Français parce que nous avons souvent parlé à l'opinion comprennent d'ailleurs que l'entreprise est indispensable pour la réussite de notre pays, et que donc nous devons unir nos efforts pour que l'entreprise française réussisse avec ses salariés, avec ses entrepreneurs, avec ses actionnaires et avec la puissance publique en appui de ceux qui produisent, ceux qui gouvernent avec ceux qui produisent, voilà à notre avis comment on va réussir le 21ème siècle.
Richard ARZT : Merci Ernest-Antoine SEILLIERE, le prochain invité du Grand Jury sera Jean-Marc AYRAULT, le président du groupe socialiste à l'Assemblée.
(Source http://www.medef.fr, le 18 décembre 2002)