Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Recteur,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,
C'est pour moi un grand honneur et une joie de m'associer, avec vous tous, au lancement de la Fête de la Science en Ile-de-France.
J'adresse mes plus vifs remerciements à tous ceux qui participent à l'organisation de cette manifestation, en particulier aux responsables du Palais de la Découverte qui remplit pleinement sa vocation de pôle d'animation de la culture scientifique.
Je trouve particulièrement approprié à la dimension festive que nous souhaitons donner à la science que le lancement officiel de la Fête de la Science en Ile de France intervienne à l'occasion d'un banquet, occasion conviviale s'il en est. Et je me réjouis de pouvoir partager avec vous, non seulement les expériences culinaires préparées par les lycées hôteliers de la région sous la houlette bienveillante d'Hervé This et de nombreux chefs, parmi lesquels Pierre Gagnaire, mais également quelques réflexions sur cette Fête de la Science qui s'est ouverte hier dans toute la France.
Vous savez toute l'importance que j'attache à cette Fête dont les missions, maintenant bien connues, sont de permettre la diffusion auprès du grand public d'une information de qualité sur la science et ses développements technologiques ainsi que de susciter chez nos concitoyens, en particulier chez les plus jeunes d'entre eux, des vocations pour les carrières scientifiques. Tout est ici, et sans jeu de mots, affaire de goût, goût de la transmission chez les chercheurs, goût de la découverte et de l'expérimentation chez les plus jeunes.
A ce titre, l'initiative qui nous réunit aujourd'hui est tout à fait exemplaire puisqu'un des objectifs de la "gastronomie moléculaire", telle qu'elle s'illustre en particulier à l'INRA, est de revisiter certaines idées reçues à la fois scientifiques et culinaires. Hervé This rappelle certains de ces dogmes dans ses ouvrages ; je n'en évoquerai que quelques-uns : "l'eau salée bout plus vite que l'eau pure", "le jaune d'uf est plus dense que le blanc", "la viande rôtie au four caramélise".
Tout l'intérêt à mes yeux de cette démarche consiste dans cet esprit de critique qui s'astreint à passer au crible de l'expérimentation les évidences et les idées reçues. Cette démarche proprement philosophique s'inscrit dans une pensée critique qui, de Descartes à Kant, de Newton à Galilée ne craint pas de soumettre notre monde, soit à l'épreuve du raisonnement, soit à l'épreuve de l'expérience.
Or il me semble que c'est, pour une large part, à travers l'expérimentation que les plus jeunes peuvent prendre goût aux sciences. Bien sûr, il ne s'agit pas pour autant de minimiser plus que de raison la difficulté intrinsèque de certaines disciplines ou raisonnements, pas plus qu'il ne faut dénigrer le goût de l'effort et de la réussite ou encore le sens inné de la prise de risque. Mais j'ai la conviction, que, dans le domaine de la cuisine, qui touche par certains aspects à l'art et par d'autres à la science, comme dans le champ de la science, il n'est pas de recette qui vaille : seul le travail, la découverte, le courage de faire et défaire les hypothèses, parfois à tâtons, parfois sous le coup d'une inspiration de génie permettent d'atteindre un résultat satisfaisant. Le plus important n'est parfois pas de trouver mais bien de chercher.
Nous savons tous, pour en avoir fait un jour le constat émerveillé, à quel point les enfants et les jeunes sont fascinés par tout ce qui touche à la préparation des repas ; nous avons des souvenirs d'enfance ou des images d'enfants affairés avec une cuillère en bois découvrant, de manière à la fois simple et ludique, certains des principes élémentaires de la matière. La démarche de la cuisine scientifique paraît alors s'imposer elle-même en ce qu'elle permet de transmettre aux plus jeunes ces briques élémentaires d'une culture générale scientifique.
En cette matière nous sommes tous également appelés à redevenir des enfants, le temps de nous étonner qu'on puisse préparer une mousse au chocolat sans uf ou une mayonnaise sans moutarde. Les émulsions, mousses, aspics et soufflés voient ainsi leur sens enrichi d'une dimension physico-chimique qui comblent en nous le curieux qui s'ignore. Sans oublier le plaisir gastronomique que ne peuvent manquer de produire ces réalisations audacieuses
Je crois d'ailleurs qu'il n'est pas excessif de voir dans cette discipline à mi-chemin entre art et science, entre cuisine et chimie, une illustration de cet esprit d'audace que je souhaite voir porté par cette Fête de la Science, d'y trouver un certain nombre de qualités fondatrices : goût de la nouveauté, de la prise de risque, de la découverte.
A cet esprit d'audace vient s'ajouter une soif d'échanges et de partages : rien ne remplace en effet le contact direct entre les chercheurs, férus de transmission et le grand public, avide de découvertes, rien ne remplace la rencontre entre les scientifiques confirmés et ceux qui aspirent à le redevenir, comme l'illustrent ce matin la réunion de chefs étoilés, de chercheurs reconnus et de lycéens des établissements hôteliers de la région.
Vous ne m'en voudrez pas, je l'espère, de quitter un instant le domaine délicieux et fascinant de la gastronomie moléculaire pour aborder avec vous un aspect de cette Fête qui me tient particulièrement à cur.
Vous savez toute l'importance que j'attache à la diffusion d'une authentique culture scientifique ; j'ajouterais que cette culture scientifique, à mes yeux, ne se conçoit pas indépendamment de ce que j'appelle le sens de la science. Il me semble, en effet, tout à fait crucial, qu'à l'heure où la science et ses développements technologiques font l'objet dans nos sociétés, d'un mélange de fascination et de soupçon, les politiques, les chercheurs, les philosophes, historiens, sociologues, les journalistes scientifiques mènent ensemble une réflexion sur les grands enjeux éthiques nés du progrès dans les sciences. La recherche a tout son rôle à jouer dans la réflexion sur les risques potentiels : mais si nous voulons assurer l'objectivité de l'information du décideur politique, il importe de fonder la décision sur une pensée éthique comprise à la fois comme morale de l'action et pensée du risque. Seule cette pensée éthique nous permettra de peser en conscience le risque de faire et de ne pas faire. Il me paraît tout à fait frappant de constater, comme le soulignent certains historiens des sciences, que nos sociétés, en l'absence d'un humanisme véritable, sont de plus en plus amenées à faire ce qu'elles peuvent faire. Or la science est justement ce qui permet de reculer les frontières de l'impossible. Nos sociétés ont tendance à faire ce que la science rend possible, en l'absence de tout garde-fou. Il est donc vital que nous menions une réflexion approfondie sur ces grands enjeux et que nous favorisions l'émergence d'un sens de la science à côté de la culture scientifique.
Mais je vois qu'en coulisses s'affairent les marmitons, chefs de rang et artistes culinaires et je ne veux pas retarder trop la découverte que nous allons faire de saveurs inattendues, de textures innovantes et de cuissons millimétrées Je vais donc laisser le soin à Hervé This de nous mettre l'eau à la bouche en nous présentant certaines de ces innovations.
Recevez donc mes plus chaleureuses félicitations pour le travail accompli, au service de la science et de la société et tous mes vux de succès pour cette Fête de la Science ! Puisse-t-elle cette année témoigner de la vitalité de nos organismes et centres de recherche, du dynamisme de nos chercheurs, de l'enthousiasme des jeunes !
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 17 octobre 2002)
Monsieur le Recteur,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,
C'est pour moi un grand honneur et une joie de m'associer, avec vous tous, au lancement de la Fête de la Science en Ile-de-France.
J'adresse mes plus vifs remerciements à tous ceux qui participent à l'organisation de cette manifestation, en particulier aux responsables du Palais de la Découverte qui remplit pleinement sa vocation de pôle d'animation de la culture scientifique.
Je trouve particulièrement approprié à la dimension festive que nous souhaitons donner à la science que le lancement officiel de la Fête de la Science en Ile de France intervienne à l'occasion d'un banquet, occasion conviviale s'il en est. Et je me réjouis de pouvoir partager avec vous, non seulement les expériences culinaires préparées par les lycées hôteliers de la région sous la houlette bienveillante d'Hervé This et de nombreux chefs, parmi lesquels Pierre Gagnaire, mais également quelques réflexions sur cette Fête de la Science qui s'est ouverte hier dans toute la France.
Vous savez toute l'importance que j'attache à cette Fête dont les missions, maintenant bien connues, sont de permettre la diffusion auprès du grand public d'une information de qualité sur la science et ses développements technologiques ainsi que de susciter chez nos concitoyens, en particulier chez les plus jeunes d'entre eux, des vocations pour les carrières scientifiques. Tout est ici, et sans jeu de mots, affaire de goût, goût de la transmission chez les chercheurs, goût de la découverte et de l'expérimentation chez les plus jeunes.
A ce titre, l'initiative qui nous réunit aujourd'hui est tout à fait exemplaire puisqu'un des objectifs de la "gastronomie moléculaire", telle qu'elle s'illustre en particulier à l'INRA, est de revisiter certaines idées reçues à la fois scientifiques et culinaires. Hervé This rappelle certains de ces dogmes dans ses ouvrages ; je n'en évoquerai que quelques-uns : "l'eau salée bout plus vite que l'eau pure", "le jaune d'uf est plus dense que le blanc", "la viande rôtie au four caramélise".
Tout l'intérêt à mes yeux de cette démarche consiste dans cet esprit de critique qui s'astreint à passer au crible de l'expérimentation les évidences et les idées reçues. Cette démarche proprement philosophique s'inscrit dans une pensée critique qui, de Descartes à Kant, de Newton à Galilée ne craint pas de soumettre notre monde, soit à l'épreuve du raisonnement, soit à l'épreuve de l'expérience.
Or il me semble que c'est, pour une large part, à travers l'expérimentation que les plus jeunes peuvent prendre goût aux sciences. Bien sûr, il ne s'agit pas pour autant de minimiser plus que de raison la difficulté intrinsèque de certaines disciplines ou raisonnements, pas plus qu'il ne faut dénigrer le goût de l'effort et de la réussite ou encore le sens inné de la prise de risque. Mais j'ai la conviction, que, dans le domaine de la cuisine, qui touche par certains aspects à l'art et par d'autres à la science, comme dans le champ de la science, il n'est pas de recette qui vaille : seul le travail, la découverte, le courage de faire et défaire les hypothèses, parfois à tâtons, parfois sous le coup d'une inspiration de génie permettent d'atteindre un résultat satisfaisant. Le plus important n'est parfois pas de trouver mais bien de chercher.
Nous savons tous, pour en avoir fait un jour le constat émerveillé, à quel point les enfants et les jeunes sont fascinés par tout ce qui touche à la préparation des repas ; nous avons des souvenirs d'enfance ou des images d'enfants affairés avec une cuillère en bois découvrant, de manière à la fois simple et ludique, certains des principes élémentaires de la matière. La démarche de la cuisine scientifique paraît alors s'imposer elle-même en ce qu'elle permet de transmettre aux plus jeunes ces briques élémentaires d'une culture générale scientifique.
En cette matière nous sommes tous également appelés à redevenir des enfants, le temps de nous étonner qu'on puisse préparer une mousse au chocolat sans uf ou une mayonnaise sans moutarde. Les émulsions, mousses, aspics et soufflés voient ainsi leur sens enrichi d'une dimension physico-chimique qui comblent en nous le curieux qui s'ignore. Sans oublier le plaisir gastronomique que ne peuvent manquer de produire ces réalisations audacieuses
Je crois d'ailleurs qu'il n'est pas excessif de voir dans cette discipline à mi-chemin entre art et science, entre cuisine et chimie, une illustration de cet esprit d'audace que je souhaite voir porté par cette Fête de la Science, d'y trouver un certain nombre de qualités fondatrices : goût de la nouveauté, de la prise de risque, de la découverte.
A cet esprit d'audace vient s'ajouter une soif d'échanges et de partages : rien ne remplace en effet le contact direct entre les chercheurs, férus de transmission et le grand public, avide de découvertes, rien ne remplace la rencontre entre les scientifiques confirmés et ceux qui aspirent à le redevenir, comme l'illustrent ce matin la réunion de chefs étoilés, de chercheurs reconnus et de lycéens des établissements hôteliers de la région.
Vous ne m'en voudrez pas, je l'espère, de quitter un instant le domaine délicieux et fascinant de la gastronomie moléculaire pour aborder avec vous un aspect de cette Fête qui me tient particulièrement à cur.
Vous savez toute l'importance que j'attache à la diffusion d'une authentique culture scientifique ; j'ajouterais que cette culture scientifique, à mes yeux, ne se conçoit pas indépendamment de ce que j'appelle le sens de la science. Il me semble, en effet, tout à fait crucial, qu'à l'heure où la science et ses développements technologiques font l'objet dans nos sociétés, d'un mélange de fascination et de soupçon, les politiques, les chercheurs, les philosophes, historiens, sociologues, les journalistes scientifiques mènent ensemble une réflexion sur les grands enjeux éthiques nés du progrès dans les sciences. La recherche a tout son rôle à jouer dans la réflexion sur les risques potentiels : mais si nous voulons assurer l'objectivité de l'information du décideur politique, il importe de fonder la décision sur une pensée éthique comprise à la fois comme morale de l'action et pensée du risque. Seule cette pensée éthique nous permettra de peser en conscience le risque de faire et de ne pas faire. Il me paraît tout à fait frappant de constater, comme le soulignent certains historiens des sciences, que nos sociétés, en l'absence d'un humanisme véritable, sont de plus en plus amenées à faire ce qu'elles peuvent faire. Or la science est justement ce qui permet de reculer les frontières de l'impossible. Nos sociétés ont tendance à faire ce que la science rend possible, en l'absence de tout garde-fou. Il est donc vital que nous menions une réflexion approfondie sur ces grands enjeux et que nous favorisions l'émergence d'un sens de la science à côté de la culture scientifique.
Mais je vois qu'en coulisses s'affairent les marmitons, chefs de rang et artistes culinaires et je ne veux pas retarder trop la découverte que nous allons faire de saveurs inattendues, de textures innovantes et de cuissons millimétrées Je vais donc laisser le soin à Hervé This de nous mettre l'eau à la bouche en nous présentant certaines de ces innovations.
Recevez donc mes plus chaleureuses félicitations pour le travail accompli, au service de la science et de la société et tous mes vux de succès pour cette Fête de la Science ! Puisse-t-elle cette année témoigner de la vitalité de nos organismes et centres de recherche, du dynamisme de nos chercheurs, de l'enthousiasme des jeunes !
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 17 octobre 2002)