Texte intégral
C'est un grand honneur et un grand plaisir qui m'est donné ce soir d'accueillir, à l'occasion de sa première visite officielle en France, le chef du gouvernement fidjien, invité de notre gouvernement.
Vous êtes en effet, monsieur le Premier ministre, ainsi que chacun le sait à Paris comme dans la grande famille du Pacifique, un ami réel de notre pays. Cette amitié est ancienne et je crois pouvoir dire qu'elle a les racines les plus fortes, celles de la fraternité d'armes, forgée avec vos camarades français, lorsqu'au début des années 1980 vous apparteniez, en qualité d'officier, au détachement fidjien de la FINUL. Vous avez alors sauvé la vie d'un officier français, le colonel Laforge, et avez été élevé pour cet acte de bravoure à la distinction de Commandeur de la Légion d'honneur.
Votre amitié pour notre pays ne s'est pas démentie au cours des années récentes.
Il y a deux ans, en effet, vous avez eu le courage d'adopter à l'égard de la France une position que nous n'oublierons jamais, face aux controverses que suscitait la dernière série de nos essais nucléaires. Cette position, qui n'était pas, nous le savons, exempte de critique, se démarquait cependant des attaques si virulentes et si dépourvues de fondement rationnel dont nous étions la cible.
L'homme d'Etat que vous êtes, a compris que l'essentiel était de sauvegarder le dialogue avec la France.
Pour cette clairvoyance et cette amitié, Monsieur le Président de la République, qui vous recevait ce midi à déjeuner à l'Elysée, a tenu à vous élever ce jour à la dignité de Grand Officier de la légion d'honneur.
Alors même que j'évoque notre amitié, certains objecteront que nos pays sont culturellement éloignés et que Fidji, qui fut un temps colonie britannique, est peut-être plus proche du monde anglo-saxon que de la France.
Pourtant, d'autres liens rapprochent Fidji et la France, et notamment notre volonté commune d'identité et d'indépendance nationales.
Grâce à votre personnalité courageuse, vous avez incarné, monsieur le Premier ministre, cette volonté dans une période délicate de l'histoire de votre pays, avec notre pleine compréhension.
Actuellement, vous conduisez une réforme constitutionnelle et, là encore, nous vous apportons notre plein soutien. Cet attachement commun à la souveraineté, à l'indépendance nationale et à la liberté nous rapproche et a marque, à plusieurs reprises, nos relations au cours de ces dernières années.
Je ne peux m'empêcher, évoquant votre attachement à l'esprit d'indépendance et de liberté, de me référer avec émotion à la mémoire, à laquelle nous sommes très attachés, du regretté Ratu Sukuna.
C'est en effet parfois avec bonheur que l'histoire se répète. Ce grand homme d'Etat fidjien, alors qu'il n'était encore qu'un brillant étudiant à Oxford, avait choisi une voie personnelle et courageuse lors du premier conflit mondial en décidant, puisque la possibilité de combattre dans les troupes britanniques lui était refusée, de gagner la France et de rejoindre notre Légion étrangère. Je vous ai remis tout à l'heure un copie de l'engagement de Ratu Sakura dans la Légion étrangère française en 1914.
Nous n'oublions pas, Monsieur le Premier ministre, que Ratu Sukuna accomplit, entre 1914 et 1918, plusieurs actions d'éclat, qui lui valurent nos plus hautes distinctions militaires, et notamment la médaille militaire, ainsi que toute notre reconnaissance. Peut-être faut-il voir dans cet épisode de la vie du fondateur de la nation fidjienne moderne, un événement symbolique et fondateur de amitié qui nous unit aujourd'hui.
Votre voyage en France, monsieur le Premier ministre, constitue, nous en sommes certains, une étape mémorable de nos relations bilatérales. Outre que ce voyage constitue votre première visite officielle en France, il doit nous permettre de donner une impulsion nouvelle à notre dialogue politique, à nos échanges et à notre coopération.
Nos deux pays ne manquent pas de raisons d'aller dans cette direction. La force du lien historique qui unit la France au Pacifique sud est un trait permanent de notre identité. Nos territoires, ainsi qu'une partie de la population du Vanuatu, représentent une communauté francophone, de 400 000 personnes,
numériquement significative dans le Pacifique insulaire. Elle continuera à jouer son rôle unique dans la région.
Persuadée de cette vérité durable, qui dépasse par sa portée tous les malentendus passagés que nous avons pu connaître encore récemment, la France est sans doute la seule puissance occidentale résolue à maintenir et à développer dans l'ensemble du Pacifique insulaire son action de coopération dont nos territoires sont, de plus en plus, les premiers acteurs.
La France est en effet un ardent défenseur des intérêts fidjiens au sein de l'Union européenne, union dont vous n'ignorez pas qu'elle est, et de très loin, le premier donneur d'aide au développement à votre pays, en particulier grâce au F.E.D. et au Protocole sucre.
Comme la France est en outre le pays qui respecte, plus que tout autre, l'indépendance de vos choix politiques, nous sommes convaincus que Fidji peut trouver dans un partenariat renforcé avec nous l'occasion de diversifier ses relations extérieures et donc, de gagner une autre liberté.
Permettez-moi enfin, Monsieur le Premier ministre, de clore ce propos en évoquant brièvement les questions culturelles. Fidji n'est pas seulement un pays magnifique, propice au développement du tourisme, et où il fait bon vivre.
C'est aussi l'un des pays d'Océanie ou l'art a connu quelques unes de ses plus belles réalisations et nous avons d'ailleurs eu l'occasion d'admirer de belles pièces de son artisanat dans une vitrine de la salle à côté.
Vous savez, Monsieur le Premier ministre, que le président de la République porte un intérêt profond aux Arts premiers et je suis heureux de rappeler ici sa décision de faire en sorte que Fidji soit bien représente dans le futur musée parisien qui leur sera consacré.
De même, nous vous apporterons, si vous le souhaitez, notre soutien et notre expertise pour réaménager la muséographie et la présentation du très beau musée de Suva, en témoignage de ce que la compréhension des cultures est la clé de l'amitié et de la paix entre les peuples.
Permettez-moi, monsieur le Premier ministre, Madame, de vous dire combien nous sommes heureux de vous recevoir en France pour votre première visite officielle dans notre pays. Nous vous souhaitons beaucoup de bonheur et de santé, ce qui se dit, je crois, en fidjien : "ni boulla !"
Au moment de lever mon verre à la prospérité et au bonheur du peuple fidjien, j'espère que vous me pardonnerez de vous servir du champagne et non du traditionnel "kava", cette boisson nationale qui est, dans votre pays, la marque même de l'hospitalité et que j'ai eu, en plusieurs occasions, le plaisir de boire dans le Pacifique.
Je lève mon verre à la santé de son excellence Sir Ratu Kamisese Mara, président de la République de Fidji, et de son excellence M. Jacques Chirac, président de la République française, ainsi qu'au renforcement de l'amitié franco-fidjienne.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)
Vous êtes en effet, monsieur le Premier ministre, ainsi que chacun le sait à Paris comme dans la grande famille du Pacifique, un ami réel de notre pays. Cette amitié est ancienne et je crois pouvoir dire qu'elle a les racines les plus fortes, celles de la fraternité d'armes, forgée avec vos camarades français, lorsqu'au début des années 1980 vous apparteniez, en qualité d'officier, au détachement fidjien de la FINUL. Vous avez alors sauvé la vie d'un officier français, le colonel Laforge, et avez été élevé pour cet acte de bravoure à la distinction de Commandeur de la Légion d'honneur.
Votre amitié pour notre pays ne s'est pas démentie au cours des années récentes.
Il y a deux ans, en effet, vous avez eu le courage d'adopter à l'égard de la France une position que nous n'oublierons jamais, face aux controverses que suscitait la dernière série de nos essais nucléaires. Cette position, qui n'était pas, nous le savons, exempte de critique, se démarquait cependant des attaques si virulentes et si dépourvues de fondement rationnel dont nous étions la cible.
L'homme d'Etat que vous êtes, a compris que l'essentiel était de sauvegarder le dialogue avec la France.
Pour cette clairvoyance et cette amitié, Monsieur le Président de la République, qui vous recevait ce midi à déjeuner à l'Elysée, a tenu à vous élever ce jour à la dignité de Grand Officier de la légion d'honneur.
Alors même que j'évoque notre amitié, certains objecteront que nos pays sont culturellement éloignés et que Fidji, qui fut un temps colonie britannique, est peut-être plus proche du monde anglo-saxon que de la France.
Pourtant, d'autres liens rapprochent Fidji et la France, et notamment notre volonté commune d'identité et d'indépendance nationales.
Grâce à votre personnalité courageuse, vous avez incarné, monsieur le Premier ministre, cette volonté dans une période délicate de l'histoire de votre pays, avec notre pleine compréhension.
Actuellement, vous conduisez une réforme constitutionnelle et, là encore, nous vous apportons notre plein soutien. Cet attachement commun à la souveraineté, à l'indépendance nationale et à la liberté nous rapproche et a marque, à plusieurs reprises, nos relations au cours de ces dernières années.
Je ne peux m'empêcher, évoquant votre attachement à l'esprit d'indépendance et de liberté, de me référer avec émotion à la mémoire, à laquelle nous sommes très attachés, du regretté Ratu Sukuna.
C'est en effet parfois avec bonheur que l'histoire se répète. Ce grand homme d'Etat fidjien, alors qu'il n'était encore qu'un brillant étudiant à Oxford, avait choisi une voie personnelle et courageuse lors du premier conflit mondial en décidant, puisque la possibilité de combattre dans les troupes britanniques lui était refusée, de gagner la France et de rejoindre notre Légion étrangère. Je vous ai remis tout à l'heure un copie de l'engagement de Ratu Sakura dans la Légion étrangère française en 1914.
Nous n'oublions pas, Monsieur le Premier ministre, que Ratu Sukuna accomplit, entre 1914 et 1918, plusieurs actions d'éclat, qui lui valurent nos plus hautes distinctions militaires, et notamment la médaille militaire, ainsi que toute notre reconnaissance. Peut-être faut-il voir dans cet épisode de la vie du fondateur de la nation fidjienne moderne, un événement symbolique et fondateur de amitié qui nous unit aujourd'hui.
Votre voyage en France, monsieur le Premier ministre, constitue, nous en sommes certains, une étape mémorable de nos relations bilatérales. Outre que ce voyage constitue votre première visite officielle en France, il doit nous permettre de donner une impulsion nouvelle à notre dialogue politique, à nos échanges et à notre coopération.
Nos deux pays ne manquent pas de raisons d'aller dans cette direction. La force du lien historique qui unit la France au Pacifique sud est un trait permanent de notre identité. Nos territoires, ainsi qu'une partie de la population du Vanuatu, représentent une communauté francophone, de 400 000 personnes,
numériquement significative dans le Pacifique insulaire. Elle continuera à jouer son rôle unique dans la région.
Persuadée de cette vérité durable, qui dépasse par sa portée tous les malentendus passagés que nous avons pu connaître encore récemment, la France est sans doute la seule puissance occidentale résolue à maintenir et à développer dans l'ensemble du Pacifique insulaire son action de coopération dont nos territoires sont, de plus en plus, les premiers acteurs.
La France est en effet un ardent défenseur des intérêts fidjiens au sein de l'Union européenne, union dont vous n'ignorez pas qu'elle est, et de très loin, le premier donneur d'aide au développement à votre pays, en particulier grâce au F.E.D. et au Protocole sucre.
Comme la France est en outre le pays qui respecte, plus que tout autre, l'indépendance de vos choix politiques, nous sommes convaincus que Fidji peut trouver dans un partenariat renforcé avec nous l'occasion de diversifier ses relations extérieures et donc, de gagner une autre liberté.
Permettez-moi enfin, Monsieur le Premier ministre, de clore ce propos en évoquant brièvement les questions culturelles. Fidji n'est pas seulement un pays magnifique, propice au développement du tourisme, et où il fait bon vivre.
C'est aussi l'un des pays d'Océanie ou l'art a connu quelques unes de ses plus belles réalisations et nous avons d'ailleurs eu l'occasion d'admirer de belles pièces de son artisanat dans une vitrine de la salle à côté.
Vous savez, Monsieur le Premier ministre, que le président de la République porte un intérêt profond aux Arts premiers et je suis heureux de rappeler ici sa décision de faire en sorte que Fidji soit bien représente dans le futur musée parisien qui leur sera consacré.
De même, nous vous apporterons, si vous le souhaitez, notre soutien et notre expertise pour réaménager la muséographie et la présentation du très beau musée de Suva, en témoignage de ce que la compréhension des cultures est la clé de l'amitié et de la paix entre les peuples.
Permettez-moi, monsieur le Premier ministre, Madame, de vous dire combien nous sommes heureux de vous recevoir en France pour votre première visite officielle dans notre pays. Nous vous souhaitons beaucoup de bonheur et de santé, ce qui se dit, je crois, en fidjien : "ni boulla !"
Au moment de lever mon verre à la prospérité et au bonheur du peuple fidjien, j'espère que vous me pardonnerez de vous servir du champagne et non du traditionnel "kava", cette boisson nationale qui est, dans votre pays, la marque même de l'hospitalité et que j'ai eu, en plusieurs occasions, le plaisir de boire dans le Pacifique.
Je lève mon verre à la santé de son excellence Sir Ratu Kamisese Mara, président de la République de Fidji, et de son excellence M. Jacques Chirac, président de la République française, ainsi qu'au renforcement de l'amitié franco-fidjienne.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)