Interview de M. Jacques Barrot, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à RTL le 5 mai 2003, sur l'anniversaire de l'élection de J. Chirac, les prochaines manifestations et la réforme des retraites.

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R. Elkrief-. " Le moins dur est fait, le plus dur reste à faire " : c'est un petit peu le ton des "unes" ce matin, un an après l'élection de Jacques Chirac. C'est votre avis ?
- " Mais oui, mais c'est normal. La France doit s'adapter comme l'ensemble des pays de notre Europe, à une donne mondiale, qui recèle des chances. "
C'est la faute à la conjoncture ?
- " Non, non. Ca veut dire que nous comblons une partie du retard que nous avons accumulé. La France doit être un pays d'excellence. Il faut que nous donnions le meilleur de nous mêmes. Or, cette politique un peu malthusienne et rabougrie du gouvernement Jospin a retardé certaines adaptations. Or, ce que nous voyons depuis un an, c'est que l'efficacité politique est de retour. Mais les chantiers sont lourds. il faut de la patience, il faut du temps. L'essentiel c'est que nous ayons encore quatre années de gouvernement cohérent et courageux. "
L'efficacité politique est de retour, la situation quand même, économique, donc : vous le dites et vous le reconnaissez, est très fragile. Il y a des hésitations sur de nombreuses questions : l'éducation nationale est en grève demain. Le 13 mai prochain grande journée de manifestations. Jacques Chirac élu il y a un an n'est plus vraiment sur la scène intérieure. Est-ce qu'il va rester sur les cimes de la diplomatie, ou est-ce qu'il va y revenir un petite peu ?
- " Non. Je crois qu'il y a une très bonne répartition des rôles, entre un président de la République qui oriente - et on ne peut pas dire par exemple en se souvenant des voeux qu'il a fait au début de cette année, qu'il était éloigné des préoccupations majeures de ce pays : la réforme de l'état, la nécessité d'aller jusqu'au bout pour adapter notre système de retraite, et le sauver dans l'avenir. Jacques Chirac a donné des orientations, et il est vrai que sous la Veme république, le premier ministre les met en application tous les jours. Alors, je crois en effet que le président de la République doit être très attentif à un effort de pédagogie soutenue. Car ce qui me frappe, c'est cette habitude un petit peu des frnaçais, à regarder un peu leurs problèmes en s'isolant par rapport au monde. J'insiste un peu : la France est un pays formidable à condition que les français veuillent bien donner le meilleur d'eux-mêmes. "
Vous souhaitez que le président se prononce clairement sur les retraites ? Soutienne Jean-PIerre Raffarin ? Enfin, aille un peu au -delà des orientations, notamment sur les retraites ?
Mais tout ça a été fait. Il a donné les orientations.
Mais aujourd'hui, demain ? Là maintenant que c'est un peu difficile, qu'on approche.
Quand le travail parlementaire aura été fait. Quand les partenaires sociaux auront - car le gouvernement a l'intelligence de leur laisser le temps de donner encore un certain nombre d'impulsions. Eh bien quand tout ça, que le paysage sera à peu près stabilisé, il est vrai que le président de la République, le premier ministre engageront toute leur responsabilité. Il faut que ce soir clair : il y aura de la détermination à tous les niveaux. D'ailleurs, ce soir, nous allons nous réunir, sénateurs et députés UMP. Et à la détermination du gouvernement correspondra la détermination des parlementaires, qui savent bien que penser à l'avenir de ce pays, c'est en effet donner à notre régime de répartition - on nous avait tellement dit qu'on ferait beaucoup de choses.
On va revenir là dessus justement.
La solidité nécessaire.
Vous savez que cette réunion intéresse évidemment. Et on se demande si les groupes UMP du Sénat et de l'Assemblée vont vouloir durcir le projet de loi sur les retraites.
Non. Nous allons être vigilants sur d'abord l'équité. Pour bien que, par exemple, nous allions le plus loin possible. Mais il faut voir ce qui est possible et ce qui est souhaitable, pour les petites retraites. Car tout en consolidant notre régime de répartition, nous avons l'ambition de remédier à des injustices. C'est vrai aujourd'hui qu'il faut aller vers cette retraite minimum garantie, pour ceux qui ont eux, pendant toute leur vie de travail, eh bien des salaires au plancher : SMIC, et c'est là que nous espérons - mais il faut, on voit bien les enjeux financiers - aller peut être un peu au-delà de ce que le gouvernement avait d'abord annoncé.
Le gouvernement propose 75 % du taux de remplacement des salaires. Vous pensez, vous souhaiteriez obtenir combien ? 90 % ? 100 % ?
Nous espérons qu'on puisse aller un peu plus vite, je ne vais pas improviser un seuil.
Non, mais par exemple.
C'est vrai que si on peut se rapprocher par exemple de 80 %, en regardant bien les enjeux financiers dans une première étape et puis ensuite nous verrons. Mais il faut effectivement être sérieux, ne pas promettre plus qu'on ne peut tenir. Par contre, je crois qu'il faut que, dans ce pays, on comprenne qu'on ne fera pas la réforme des retraites sans corriger des injustices que l'on trouve dans ce système, qui se sont un peu focalisées, figées pendant des années.
Alors, les retraites par capitalisation. Vous l'évoquiez en disant finalement on nous accusait de vouloir sacrifier les retraites par répartition. Mais vous allez y revenir ce soir ? Il y aura peut être des libéraux dans cette majorité qui vont dire : eh, on avait demandé des fonds de pensions, il faut qu'il y en ait.
Non, ce qui est très intéressant c'est qu'après les nombreux débats que nous avons eus, et je dois dire les audiences syndicales, parce que à l'UMP, l'avantage que je trouve dans ce groupe très très vaste, mais très ouvert, nous avons des débats. Eh bien, je crois qu'on est arrivé tous ensemble à trouver un accord sur l'architecture générale. Et c'est vrai.
Il n'y aura pas de surenchères ?
Non. Et c'est vrai que l'épargne-retraite, elle viendra en complément avec d'ailleurs des dispositifs qui existent déjà : le plan Fabius, la Préfond...
C'est la retraite complémentaire des fonctionnaires.
C'est la retraite complémentaire. Et il faut étendre à tous un accès possible à la retraite complémentaire. Mais notre soucis aussi, c'est que l'allongement de la cotisation, la durée de cotisations - ça je voudrais bien le dire ce matin.
Quarante ans pour tous, et peut être plus : 41, 42 ans dans quelques années.
Oui, mais alors il faut bien expliquer : c'est un allongement qui sera d'une certaine manière individualisé. Parce que cela permettra à chacun un petit peu, de voir comment il se situe face à sa retraite. Pour ceux qui voudront prolonger un peu leur vie de travail, il y aura un bonus. Pour ceux qui voudront partir un peu plus tot, il y aura éventuellement un petit abattement. Mais chacun pourra un petit peu aussi organiser sa vie professionnelle. Et ce qui nous intéresse dans cette réforme des retraites, c'est qu'elle s'ouvre sur la revalorisation du travail. La vie professionnelle ne doit pas être une contraite que l'on traine toute la vie. C'est aussi une chance.
Dernière question, Jacques Barrot : on revient à Jacques Chirac une seconde. Alain Juppé dans le Figaro ce matin, n'exclut pas une candidature de Chirac en 2007. Vous le souhaiteriez, en un mot ?
Moi je trouve qu'après un premier anniversaire, c'est assez sympathique d'imaginer cette perspective tout en sachant que nous n'en sommes pas là. Et que pour le moment, ce serait vraiment se détourner des grands chantiers du pays, que déjà d'imaginer les futures échéances présidentielles
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 mai 2003)