Texte intégral
Richard Arzt
Bonjour Michèle ALLIOT MARIE
Mme Alliot-Marie
Bonjour.
Vous revenez d'un voyage en Afrique, en compagnie du ministre belge de la Défense, André FLAHAUT. Vous êtes allée au Nord-Est du Congo, dans une province, l'Ituri, en proie à de terribles massacres. A Bunia, le chef lieu de l'Ituri, une force européenne " Artémis " tente de rétablir l'ordre. Avec succès selon vous ?
Oui. Il y avait eu énormément de massacres dans cette région, malgré la présence de la MONUC.
La MONUC, c'est l'Union ?
La MONUC, c'est la force... des casques bleus. Ces massacres avaient entraîné une demande du Secrétaire général des Nations Unies à la France d'avoir une force intérimaire - je précise bien entre le début du mois de juin et le 1er septembre - entre cette force MONUC 1 et la nouvelle force MONUC, qui doit arriver au 1er septembre. Le mandat de la force européenne a été limité à la ville de Bunia, où il y avait eu des massacres et où les habitants avaient fui, et à l'aéroport de Bunia pour sécuriser, et à la région immédiatement périphérique.
Là, c'est les troupes européennes commandées par les Français ?
La France est Nation cadre d'une opération européenne qui regroupe 11 pays au total. C'est une opération extrêmement difficile, avec un aéroport qu'il fallait réparer après chaque posé d'avions, avec l'impossibilité de faire venir du matériel par piste, parce que l'on est en pleine saison des pluies et que tout est effondré, avec également des milices qui causaient ces massacres, milices composées de gens jeunes souvent drogués et surarmés.
Et dans le chef lieu, vous pensez que ça va finir par aboutir ?
Qu'est ce que j'ai constaté aujourd'hui ? J'ai constaté que la vie avait repris dans cette ville qui était auparavant complètement désertée où il n'y avait plus personne ni dans les rues ni sur les pistes. Ce que j'ai vu, ce sont des gens qui, selon la tradition africaine, étaient en train de marcher dans les rues où sont installés des petits marchés, des gens qui cultivaient leur terre avec une certaine confiance qui est revenue, même si, sur l'ensemble de la province, il reste évidemment encore, un certain nombre de problèmes. Ceci a été du au très grand professionnalisme des militaires présents sur place.
Cette force donc inter européenne " Artémis " c'est les prémices d'une force d'intervention rapide européenne à vos avis ?
Oui, tout à fait. Ce qui a été fantastique, c'est que dans ces conditions très difficiles, cette force s'est mise en place en quelques jours. Il y a eu une réactivité formidable et de l'Europe et des militaires. Cette opération qui est symbolique, c'est la première opération autonome de l'Union européenne. Cette opération, ce sont effectivement les prémices de la force d'intervention rapide européenne, qui doit être mise en place d'ici la fin de l'année.
C'est intéressant que l'on parle de défense européenne, après les dissensions qu'il y a pu avoir, notamment entre la France et la Grande-Bretagne, au moment de l'intervention en Irak.
L'Europe est arrivée à un moment de maturité, où elle est désormais capable d'isoler les problèmes ponctuels qui peuvent opposer certains de ses membres, pour privilégier une construction sur le long terme. Aujourd'hui, je dis moi que l'Europe de la défense existe, même si elle a besoin d'être confortée, notamment en ce qui concerne les capacités pour lesquelles il faut que l'ensemble des pays européens fassent des efforts supplémentaires. Mais aujourd'hui, nous faisons la démonstration en Macédoine, en relève de l'OTAN, et surtout en Ituri d'une façon autonome, que l'Europe de la Défense existe.
On a parlé de l'Irak, donc on connaît la position française, pas de troupes françaises en Irak s'il n'y a pas une résolution de l'ONU, mais est ce que vous la souhaitez, cette résolution ? Est ce que ça serait une bonne chose que la France intervienne là-bas ?
Nous avons toujours dit notre disponibilité pour aider à la reconstruction de l'Irak. Nous pensons que le peuple irakien a besoin que la communauté internationale lui permette de retrouver des conditions de vie, de vie quotidienne mais également de vie politique normales. Nous sommes donc prêts effectivement à participer à une opération mais cela suppose deux choses : cela suppose d'abord une nouvelle résolution de l'ONU et cela suppose également que nous ayons une demande. Pour l'instant, ces deux conditions ne sont pas réunies.
Une demande de qui vous voulez dire ?
Je veux dire une demande notamment des Etats-Unis et des Britanniques.
En quoi la France pourrait être utile, là-bas ?
La France a montré son savoir-faire en matière de reconstruction. Elle y participe d'ailleurs en Afghanistan. Je vous rappelle qu'en Afghanistan, nous formons la nouvelle armée nationale afghane. Il y a également une participation européenne pour la reconstruction d'une police afghane. De la même façon, dans les Balkans, nous participons avec les autorités locales à la restauration d'un Etat de droit et à la remise en fonction de l'ensemble des institutions essentielles d'un Etat.
Je reviens sur les troupes françaises, elles-mêmes, avec un détour par l'Amérique Latine, quelle leçon vous tirez de cette expédition française au Brésil à la suite de laquelle, Ingrid BETTENCOURT n'a pas été récupérée ?
Ce que je peux vous dire simplement, c'est qu'une fois par mois environ, le ministère de la défense envoie un avion militaire pour faire des opérations humanitaires. Le tout dernier, c'était pour l'un de vos collègues qui avait été blessé à Monrovia et pour lequel nous avons envoyé un avion, comme c'était donc le cas au Brésil, un avion sanitaire avec un médecin à bord sur la base de confidences qui avaient été faites à la famille, et qui laissaient penser que Madame BETTENCOURT était susceptible d'être libérée. Malheureusement, cela n'a pas été le cas.
Et le Brésil n'a pas compris tout cela ?
Il faut croire que l'incident est clos si j'ai bien lu vos confrères.
Les budgets en France, enfin pour l'année prochaine, les arbitrages sont terminés, les lettres cadre, envoyées pour la Défense, vous êtes satisfaite ?
Le président de la République a dit que le redressement de notre défense était une priorité. Le budget 2004 continue cet effort de redressement, et est parfaitement conforme à la loi de programmation militaire qui a été votée au début de cette année.
On entend dire que les crédits de l'équipement sont en hausse, en revanche sur les crédits de fonctionnement, notamment les dépenses en personnels, là il faudra faire des économies ?
Non, pas du tout. En ce qui concerne la loi de programmation militaire, j'ai veillé à ce qu'elle soit intégralement respectée. Ceci dit, le ministère de la Défense fera des efforts comme tous les ministères, puisqu'on nous l'a demandé, mais je dirais sur la partie civile du ministère Défense.
C'est-à-dire, concrètement ?
C'est-à-dire sur le fonctionnement administratif du ministère de la Défense, sans que cela puisse toucher en quoi que ce soit sur le redressement de nos forces armées.
Il va y avoir une réforme du statut des militaires, est-ce que vous avez une idée générale de ce que vous voudriez transformer ?
Oui. Il s'agit simplement de s'adapter. S'adapter, parce que le statut des militaires date d'il y a 30 ans. 30 ans, c'était avant la professionnalisation. C'était au temps où il y avait encore une armée de conscrits. 30 ans, c'est également une évolution de notre société. Aujourd'hui, ce que je souhaite, c'est que l'on garde le cur de ce qui fait le statut militaire. Parce qu'être militaire, ce n'est pas un métier comme les autres. On a une responsabilité formidable, c'est celle de la protection de l'ensemble de nos citoyens et de la protection du pays. Cela exige une contrainte qu'acceptent les militaires.
Et qu'est ce que l'on peut ne pas garder, alors ?
Il y a un certain nombre de choses qui peuvent et qui méritent d'être modernisées. Nous sommes en train de mettre en place ce statut dans une large concertation. La décision sera prise vers la fin de cette année, après la réunion du Conseil supérieur de la fonction militaire.
Dialogue qui est demandé, qui est prôné par le président de la République pour entamer toute réforme, il va jouer aussi dans la réforme de ce statut ?
Exactement. Comme nous l'avons déjà fait au moment de la discussion sur les retraites et où, là aussi, ma préoccupation c'était de conserver ce qui était indispensable au fonctionnement des armées. Conserver la spécificité des armées, tout en participant aussi à l'effort général qui était demandé aux Français, c'est la même idée en ce qui concerne le statut.
Le dialogue est donc à l'honneur dans un corps où en principe on doit obéir, ça aussi c'est un changement ?
Les armées fonctionnent d'une façon qui m'a beaucoup intéressé lorsque je l'ai découvert. Ce fonctionnement repose sur deux choses, qui sont d'une part la confiance et l'estime et d'autre part, les relations hiérarchiques qui sont très différentes de celles que l'on trouve dans le civil, parce qu'il y a cette vraie prise en compte des hommes et des femmes de la Défense. Cela permet effectivement beaucoup de franchise. Il faut en même temps beaucoup d'explications car il faut que les militaires soient persuadés qu'ils sont compris et soutenus par l'ensemble de la société.
Merci Michèle Alliot-Marie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 août 2003)
Bonjour Michèle ALLIOT MARIE
Mme Alliot-Marie
Bonjour.
Vous revenez d'un voyage en Afrique, en compagnie du ministre belge de la Défense, André FLAHAUT. Vous êtes allée au Nord-Est du Congo, dans une province, l'Ituri, en proie à de terribles massacres. A Bunia, le chef lieu de l'Ituri, une force européenne " Artémis " tente de rétablir l'ordre. Avec succès selon vous ?
Oui. Il y avait eu énormément de massacres dans cette région, malgré la présence de la MONUC.
La MONUC, c'est l'Union ?
La MONUC, c'est la force... des casques bleus. Ces massacres avaient entraîné une demande du Secrétaire général des Nations Unies à la France d'avoir une force intérimaire - je précise bien entre le début du mois de juin et le 1er septembre - entre cette force MONUC 1 et la nouvelle force MONUC, qui doit arriver au 1er septembre. Le mandat de la force européenne a été limité à la ville de Bunia, où il y avait eu des massacres et où les habitants avaient fui, et à l'aéroport de Bunia pour sécuriser, et à la région immédiatement périphérique.
Là, c'est les troupes européennes commandées par les Français ?
La France est Nation cadre d'une opération européenne qui regroupe 11 pays au total. C'est une opération extrêmement difficile, avec un aéroport qu'il fallait réparer après chaque posé d'avions, avec l'impossibilité de faire venir du matériel par piste, parce que l'on est en pleine saison des pluies et que tout est effondré, avec également des milices qui causaient ces massacres, milices composées de gens jeunes souvent drogués et surarmés.
Et dans le chef lieu, vous pensez que ça va finir par aboutir ?
Qu'est ce que j'ai constaté aujourd'hui ? J'ai constaté que la vie avait repris dans cette ville qui était auparavant complètement désertée où il n'y avait plus personne ni dans les rues ni sur les pistes. Ce que j'ai vu, ce sont des gens qui, selon la tradition africaine, étaient en train de marcher dans les rues où sont installés des petits marchés, des gens qui cultivaient leur terre avec une certaine confiance qui est revenue, même si, sur l'ensemble de la province, il reste évidemment encore, un certain nombre de problèmes. Ceci a été du au très grand professionnalisme des militaires présents sur place.
Cette force donc inter européenne " Artémis " c'est les prémices d'une force d'intervention rapide européenne à vos avis ?
Oui, tout à fait. Ce qui a été fantastique, c'est que dans ces conditions très difficiles, cette force s'est mise en place en quelques jours. Il y a eu une réactivité formidable et de l'Europe et des militaires. Cette opération qui est symbolique, c'est la première opération autonome de l'Union européenne. Cette opération, ce sont effectivement les prémices de la force d'intervention rapide européenne, qui doit être mise en place d'ici la fin de l'année.
C'est intéressant que l'on parle de défense européenne, après les dissensions qu'il y a pu avoir, notamment entre la France et la Grande-Bretagne, au moment de l'intervention en Irak.
L'Europe est arrivée à un moment de maturité, où elle est désormais capable d'isoler les problèmes ponctuels qui peuvent opposer certains de ses membres, pour privilégier une construction sur le long terme. Aujourd'hui, je dis moi que l'Europe de la défense existe, même si elle a besoin d'être confortée, notamment en ce qui concerne les capacités pour lesquelles il faut que l'ensemble des pays européens fassent des efforts supplémentaires. Mais aujourd'hui, nous faisons la démonstration en Macédoine, en relève de l'OTAN, et surtout en Ituri d'une façon autonome, que l'Europe de la Défense existe.
On a parlé de l'Irak, donc on connaît la position française, pas de troupes françaises en Irak s'il n'y a pas une résolution de l'ONU, mais est ce que vous la souhaitez, cette résolution ? Est ce que ça serait une bonne chose que la France intervienne là-bas ?
Nous avons toujours dit notre disponibilité pour aider à la reconstruction de l'Irak. Nous pensons que le peuple irakien a besoin que la communauté internationale lui permette de retrouver des conditions de vie, de vie quotidienne mais également de vie politique normales. Nous sommes donc prêts effectivement à participer à une opération mais cela suppose deux choses : cela suppose d'abord une nouvelle résolution de l'ONU et cela suppose également que nous ayons une demande. Pour l'instant, ces deux conditions ne sont pas réunies.
Une demande de qui vous voulez dire ?
Je veux dire une demande notamment des Etats-Unis et des Britanniques.
En quoi la France pourrait être utile, là-bas ?
La France a montré son savoir-faire en matière de reconstruction. Elle y participe d'ailleurs en Afghanistan. Je vous rappelle qu'en Afghanistan, nous formons la nouvelle armée nationale afghane. Il y a également une participation européenne pour la reconstruction d'une police afghane. De la même façon, dans les Balkans, nous participons avec les autorités locales à la restauration d'un Etat de droit et à la remise en fonction de l'ensemble des institutions essentielles d'un Etat.
Je reviens sur les troupes françaises, elles-mêmes, avec un détour par l'Amérique Latine, quelle leçon vous tirez de cette expédition française au Brésil à la suite de laquelle, Ingrid BETTENCOURT n'a pas été récupérée ?
Ce que je peux vous dire simplement, c'est qu'une fois par mois environ, le ministère de la défense envoie un avion militaire pour faire des opérations humanitaires. Le tout dernier, c'était pour l'un de vos collègues qui avait été blessé à Monrovia et pour lequel nous avons envoyé un avion, comme c'était donc le cas au Brésil, un avion sanitaire avec un médecin à bord sur la base de confidences qui avaient été faites à la famille, et qui laissaient penser que Madame BETTENCOURT était susceptible d'être libérée. Malheureusement, cela n'a pas été le cas.
Et le Brésil n'a pas compris tout cela ?
Il faut croire que l'incident est clos si j'ai bien lu vos confrères.
Les budgets en France, enfin pour l'année prochaine, les arbitrages sont terminés, les lettres cadre, envoyées pour la Défense, vous êtes satisfaite ?
Le président de la République a dit que le redressement de notre défense était une priorité. Le budget 2004 continue cet effort de redressement, et est parfaitement conforme à la loi de programmation militaire qui a été votée au début de cette année.
On entend dire que les crédits de l'équipement sont en hausse, en revanche sur les crédits de fonctionnement, notamment les dépenses en personnels, là il faudra faire des économies ?
Non, pas du tout. En ce qui concerne la loi de programmation militaire, j'ai veillé à ce qu'elle soit intégralement respectée. Ceci dit, le ministère de la Défense fera des efforts comme tous les ministères, puisqu'on nous l'a demandé, mais je dirais sur la partie civile du ministère Défense.
C'est-à-dire, concrètement ?
C'est-à-dire sur le fonctionnement administratif du ministère de la Défense, sans que cela puisse toucher en quoi que ce soit sur le redressement de nos forces armées.
Il va y avoir une réforme du statut des militaires, est-ce que vous avez une idée générale de ce que vous voudriez transformer ?
Oui. Il s'agit simplement de s'adapter. S'adapter, parce que le statut des militaires date d'il y a 30 ans. 30 ans, c'était avant la professionnalisation. C'était au temps où il y avait encore une armée de conscrits. 30 ans, c'est également une évolution de notre société. Aujourd'hui, ce que je souhaite, c'est que l'on garde le cur de ce qui fait le statut militaire. Parce qu'être militaire, ce n'est pas un métier comme les autres. On a une responsabilité formidable, c'est celle de la protection de l'ensemble de nos citoyens et de la protection du pays. Cela exige une contrainte qu'acceptent les militaires.
Et qu'est ce que l'on peut ne pas garder, alors ?
Il y a un certain nombre de choses qui peuvent et qui méritent d'être modernisées. Nous sommes en train de mettre en place ce statut dans une large concertation. La décision sera prise vers la fin de cette année, après la réunion du Conseil supérieur de la fonction militaire.
Dialogue qui est demandé, qui est prôné par le président de la République pour entamer toute réforme, il va jouer aussi dans la réforme de ce statut ?
Exactement. Comme nous l'avons déjà fait au moment de la discussion sur les retraites et où, là aussi, ma préoccupation c'était de conserver ce qui était indispensable au fonctionnement des armées. Conserver la spécificité des armées, tout en participant aussi à l'effort général qui était demandé aux Français, c'est la même idée en ce qui concerne le statut.
Le dialogue est donc à l'honneur dans un corps où en principe on doit obéir, ça aussi c'est un changement ?
Les armées fonctionnent d'une façon qui m'a beaucoup intéressé lorsque je l'ai découvert. Ce fonctionnement repose sur deux choses, qui sont d'une part la confiance et l'estime et d'autre part, les relations hiérarchiques qui sont très différentes de celles que l'on trouve dans le civil, parce qu'il y a cette vraie prise en compte des hommes et des femmes de la Défense. Cela permet effectivement beaucoup de franchise. Il faut en même temps beaucoup d'explications car il faut que les militaires soient persuadés qu'ils sont compris et soutenus par l'ensemble de la société.
Merci Michèle Alliot-Marie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 août 2003)