Texte intégral
Paul Germain.- Michèle Alliot-Marie est donc notre invitée. Vous diriez " mission accomplie " pour l'opération Artémis ?
Michèle Alliot-Marie :
Oui, je crois, mission totalement accomplie. Je le rappelle, c'était une mission qui nous a été demandée par l'ONU, une mission temporaire, donc, destinée à aller jusqu'au 1er septembre, soutenir la MONUC, pour sécuriser la ville de Bunia, ses environs immédiats sur 25 kilomètres, et l'aéroport. C'était une mission extrêmement difficile, dans des conditions logistiques quasi impossibles : une piste en très mauvais état, des pluies qui empêchaient l'utilisation des pistes, un environnement hostile, très hostile puisqu'il y avait eu des massacres récemment. Aujourd'hui, que constatons-nous ? Les journalistes qui étaient avec moi au cours de cette mission l'ont bien vu, la ville de Bunia a repris son activité normale. On voit de nouveau des marchés, les gens sont revenus, on voit des gens cultiver leur terre, ce qui prouve bien que la confiance est revenue. Aujourd'hui, nous sommes en train de préparer ce que j'appellerais le " tuilage " chez les militaires, c'est-à-dire le passage de relais à la nouvelle MONUC. La nouvelle MONUC qui sera beaucoup plus importante puisque c'est un contingent de 10 800 soldats, dont 3 500 rien que sur l'Ituri, qui sera chargé de cette opération et surtout, les soldats auront beaucoup plus de pouvoirs que n'en avait la première MONUC.
Parce que, vous l'avez dit, l'opération Artémis était très localisée, elle se limitait en quelque sorte, aux alentours de Bunia. Certains disent que les combats se poursuivent ailleurs et que les réfugiés, les personnes déplacées ont toujours peur de revenir dans la région de Bunia.
Ce que vous dites est exact. Le mandat qui nous a été donné par l'ONU dans la résolution 1484 était très précis, à la fois dans son étendue géographique et également dans sa durée. Et d'ailleurs, le nombre des militaires nécessaires pour cette mission, les militaires des onze pays participants, a été établi en fonction de cela. Nous n'avions pas d'ailleurs, avec ces moyens-là, la possibilité d'aller ailleurs. Et il est vrai qu'existe encore, à l'extérieur, un certain nombre de massacres. Il y en a encore eu il y a peu de temps. La nouvelle MONUC va avoir, elle, un mandat géographique étendu à l'ensemble de l'Ituri.
Alors, revenons à la situation d'aujourd'hui. MSF par exemple a eu des mots très durs ; MSF a parlé de " semblant de protection internationale " et puis " d'aide internationale tout à fait inadéquate ". C'est d'ailleurs ce que disait Marie-Madeleine Leplomb de MSF qui était notre invitée il y a quelques jours. () Voilà, donc des propos assez alarmistes. Vous répondez quoi ?
Je dis que MSF fait certainement du très bon travail. Je ne vois pas l'intérêt pour eux, à moins que ce ne soit pour avoir davantage de moyens financiers de la part des organismes internationaux, de dénigrer ce qui se fait. En réalité, un journaliste de l'AFP qui a passé cinq jours à Bunia a attesté devant tout le monde : en ce qui concerne toute la zone qui est sous le contrôle de la force Artémis, dans toute cette zone il n'y a plus de miliciens armés dans la rue. Alors il y a des choses à l'extérieur, c'est ce que je vous disais précédemment, mais pas à l'intérieur. A l'intérieur, en revanche ce qui peut exister, ce sont des délits de droit commun, effectivement parce que les institutions nationales ont disparu complètement. Il n'y a plus de justice, il n'y a plus de police. Le résultat c'est que lorsqu'il y a effectivement des vols ou des agressions, à ce moment-là nos militaires interviennent et n'interviennent que pour les en empêcher. Ils peuvent arrêter des gens mais ils sont ensuite obligés de les relâcher car ils n'ont aucun pouvoir pour cela. J'ai donc insisté auprès du président Kabila que j'ai vu hier après-midi, en lui disant qu'il était indispensable maintenant, et cela devrait être fait à partir du 1er septembre, que la justice revienne, que la prison fonctionne de nouveau. La France va d'ailleurs aider à la remise en état de la prison, de façon à ce qu'il y ait cette sécurisation sur toute cette zone.
Alors vous avez rencontré un autre président, le président ougandais Museveni. Est-ce que ce n'est pas un pompier pyromane ? Aujourd'hui il vous aide mais d'un autre côté, on le sait, il a manipulé certains groupes armés qui ont été impliqués dans les affrontements.
Il est évident que cette zone est extrêmement sensible. D'abord, parce qu'elle est très riche et d'autre part, parce que l'imbrication des ethnies qui ont des prolongements dans plusieurs pays, rend les choses extrêmement difficiles. Ce que je constate simplement, c'est que l'Ouganda a répondu immédiatement, positivement lorsqu'il s'est agi d'installer la force Artémis. Nous avions absolument besoin d'avoir une base logistique qui soit à proximité, parce que sinon nous n'avions pas la possibilité de déployer nos militaires. Il a répondu tout de suite. Nous avions demandé que les militaires ougandais qui étaient dans la région, se retirent. Cela a également été fait. Et de l'entretien que j'ai eu avec mon collègue, André Flahaut, le ministre belge de la Défense et le président ougandais, nous avons effectivement constaté ses déclarations et sa préoccupation d'avancer. Ce qui n'a pas été dit dans votre reportage et qui est important, c'est que, au moment même où nous étions à Bunia sont arrivés quatre ministres du gouvernement intérimaire ainsi que la présidente de l'Assemblée de Réconciliation. Je crois que cela a été là un moment très fort où, ensemble, autour de la table, se trouvaient également les responsables des différentes milices, et notamment le ministre de l'Intérieur qui était l'une des parties prenantes en quelque sorte, a effectivement lui aussi, comme la présidente, appelé à la Paix et appelé à la réconciliation.
Alors je reviens à la force du maintien de la paix. Est-ce que pour vous, c'est l'ébauche d'une force d'action européenne ?
Oui, je dois dire que cela a effectivement été une très grande satisfaction d'entendre les réactions des militaires présents et de voir comment cela a fonctionné. Dans des conditions très difficiles, les différents intervenants, et à Bunia principalement, la France, la Belgique, mais également la Suède et l'Afrique du Sud, ont travaillé tout de suite ensemble. Et ce que me disaient les soldats avec lesquels j'en ai parlé, c'est que finalement, ils n'avaient plus l'impression d'appartenir à des pays différents, ils travaillaient ensemble. Je crois que cette première, toute première opération totalement autonome de l'Union Européenne est effectivement un moment historique. Et d'autre part, c'est certainement un modèle pour la force d'intervention rapide européenne que nous devons construire d'ici la fin de l'année.
Une toute dernière question sur un autre dossier, le dossier irakien. Si aujourd'hui, les Nations Unies vous permettaient d'intervenir aux côtés des Américains, d'épauler les Américains, vous seriez prêts à le faire ?
Ecoutez, aujourd'hui la question ne se pose pas puisqu'il n'y a pas de nouvelle résolution des Nations Unies.
Mais si une résolution était votée ?
Il n'y a pas non plus de demande officielle de la part des Etats-Unis. Alors s'il y a une résolution qui, effectivement, porte sur l'ensemble des problèmes à traiter, nous avons toujours dit que nous étions prêts à participer à la reconstruction de l'Irak et nous y participerons.
Merci beaucoup d'avoir été notre invitée
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 02 septembre 2003)
Michèle Alliot-Marie :
Oui, je crois, mission totalement accomplie. Je le rappelle, c'était une mission qui nous a été demandée par l'ONU, une mission temporaire, donc, destinée à aller jusqu'au 1er septembre, soutenir la MONUC, pour sécuriser la ville de Bunia, ses environs immédiats sur 25 kilomètres, et l'aéroport. C'était une mission extrêmement difficile, dans des conditions logistiques quasi impossibles : une piste en très mauvais état, des pluies qui empêchaient l'utilisation des pistes, un environnement hostile, très hostile puisqu'il y avait eu des massacres récemment. Aujourd'hui, que constatons-nous ? Les journalistes qui étaient avec moi au cours de cette mission l'ont bien vu, la ville de Bunia a repris son activité normale. On voit de nouveau des marchés, les gens sont revenus, on voit des gens cultiver leur terre, ce qui prouve bien que la confiance est revenue. Aujourd'hui, nous sommes en train de préparer ce que j'appellerais le " tuilage " chez les militaires, c'est-à-dire le passage de relais à la nouvelle MONUC. La nouvelle MONUC qui sera beaucoup plus importante puisque c'est un contingent de 10 800 soldats, dont 3 500 rien que sur l'Ituri, qui sera chargé de cette opération et surtout, les soldats auront beaucoup plus de pouvoirs que n'en avait la première MONUC.
Parce que, vous l'avez dit, l'opération Artémis était très localisée, elle se limitait en quelque sorte, aux alentours de Bunia. Certains disent que les combats se poursuivent ailleurs et que les réfugiés, les personnes déplacées ont toujours peur de revenir dans la région de Bunia.
Ce que vous dites est exact. Le mandat qui nous a été donné par l'ONU dans la résolution 1484 était très précis, à la fois dans son étendue géographique et également dans sa durée. Et d'ailleurs, le nombre des militaires nécessaires pour cette mission, les militaires des onze pays participants, a été établi en fonction de cela. Nous n'avions pas d'ailleurs, avec ces moyens-là, la possibilité d'aller ailleurs. Et il est vrai qu'existe encore, à l'extérieur, un certain nombre de massacres. Il y en a encore eu il y a peu de temps. La nouvelle MONUC va avoir, elle, un mandat géographique étendu à l'ensemble de l'Ituri.
Alors, revenons à la situation d'aujourd'hui. MSF par exemple a eu des mots très durs ; MSF a parlé de " semblant de protection internationale " et puis " d'aide internationale tout à fait inadéquate ". C'est d'ailleurs ce que disait Marie-Madeleine Leplomb de MSF qui était notre invitée il y a quelques jours. () Voilà, donc des propos assez alarmistes. Vous répondez quoi ?
Je dis que MSF fait certainement du très bon travail. Je ne vois pas l'intérêt pour eux, à moins que ce ne soit pour avoir davantage de moyens financiers de la part des organismes internationaux, de dénigrer ce qui se fait. En réalité, un journaliste de l'AFP qui a passé cinq jours à Bunia a attesté devant tout le monde : en ce qui concerne toute la zone qui est sous le contrôle de la force Artémis, dans toute cette zone il n'y a plus de miliciens armés dans la rue. Alors il y a des choses à l'extérieur, c'est ce que je vous disais précédemment, mais pas à l'intérieur. A l'intérieur, en revanche ce qui peut exister, ce sont des délits de droit commun, effectivement parce que les institutions nationales ont disparu complètement. Il n'y a plus de justice, il n'y a plus de police. Le résultat c'est que lorsqu'il y a effectivement des vols ou des agressions, à ce moment-là nos militaires interviennent et n'interviennent que pour les en empêcher. Ils peuvent arrêter des gens mais ils sont ensuite obligés de les relâcher car ils n'ont aucun pouvoir pour cela. J'ai donc insisté auprès du président Kabila que j'ai vu hier après-midi, en lui disant qu'il était indispensable maintenant, et cela devrait être fait à partir du 1er septembre, que la justice revienne, que la prison fonctionne de nouveau. La France va d'ailleurs aider à la remise en état de la prison, de façon à ce qu'il y ait cette sécurisation sur toute cette zone.
Alors vous avez rencontré un autre président, le président ougandais Museveni. Est-ce que ce n'est pas un pompier pyromane ? Aujourd'hui il vous aide mais d'un autre côté, on le sait, il a manipulé certains groupes armés qui ont été impliqués dans les affrontements.
Il est évident que cette zone est extrêmement sensible. D'abord, parce qu'elle est très riche et d'autre part, parce que l'imbrication des ethnies qui ont des prolongements dans plusieurs pays, rend les choses extrêmement difficiles. Ce que je constate simplement, c'est que l'Ouganda a répondu immédiatement, positivement lorsqu'il s'est agi d'installer la force Artémis. Nous avions absolument besoin d'avoir une base logistique qui soit à proximité, parce que sinon nous n'avions pas la possibilité de déployer nos militaires. Il a répondu tout de suite. Nous avions demandé que les militaires ougandais qui étaient dans la région, se retirent. Cela a également été fait. Et de l'entretien que j'ai eu avec mon collègue, André Flahaut, le ministre belge de la Défense et le président ougandais, nous avons effectivement constaté ses déclarations et sa préoccupation d'avancer. Ce qui n'a pas été dit dans votre reportage et qui est important, c'est que, au moment même où nous étions à Bunia sont arrivés quatre ministres du gouvernement intérimaire ainsi que la présidente de l'Assemblée de Réconciliation. Je crois que cela a été là un moment très fort où, ensemble, autour de la table, se trouvaient également les responsables des différentes milices, et notamment le ministre de l'Intérieur qui était l'une des parties prenantes en quelque sorte, a effectivement lui aussi, comme la présidente, appelé à la Paix et appelé à la réconciliation.
Alors je reviens à la force du maintien de la paix. Est-ce que pour vous, c'est l'ébauche d'une force d'action européenne ?
Oui, je dois dire que cela a effectivement été une très grande satisfaction d'entendre les réactions des militaires présents et de voir comment cela a fonctionné. Dans des conditions très difficiles, les différents intervenants, et à Bunia principalement, la France, la Belgique, mais également la Suède et l'Afrique du Sud, ont travaillé tout de suite ensemble. Et ce que me disaient les soldats avec lesquels j'en ai parlé, c'est que finalement, ils n'avaient plus l'impression d'appartenir à des pays différents, ils travaillaient ensemble. Je crois que cette première, toute première opération totalement autonome de l'Union Européenne est effectivement un moment historique. Et d'autre part, c'est certainement un modèle pour la force d'intervention rapide européenne que nous devons construire d'ici la fin de l'année.
Une toute dernière question sur un autre dossier, le dossier irakien. Si aujourd'hui, les Nations Unies vous permettaient d'intervenir aux côtés des Américains, d'épauler les Américains, vous seriez prêts à le faire ?
Ecoutez, aujourd'hui la question ne se pose pas puisqu'il n'y a pas de nouvelle résolution des Nations Unies.
Mais si une résolution était votée ?
Il n'y a pas non plus de demande officielle de la part des Etats-Unis. Alors s'il y a une résolution qui, effectivement, porte sur l'ensemble des problèmes à traiter, nous avons toujours dit que nous étions prêts à participer à la reconstruction de l'Irak et nous y participerons.
Merci beaucoup d'avoir été notre invitée
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 02 septembre 2003)