Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur les rencontres "Sciences sociales et défense" et sur la recherche sociale appliquées aux réalités militaires, notamment l'armée professionnelle, Paris le 16 mars 2000.

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Circonstance : Clôture des premières rencontres "Sciences sociales et défense" à Paris le 16 mars 2000

Texte intégral

Mesdames, messieurs,
Ces premières rencontres " sciences sociales et défense " représentent un moment d'un grand intérêt et c'est pour moi une réelle satisfaction que d'y assister à l'occasion de leur clôture.
Je tiens avant tout à remercier le Centre d'études en sciences sociales de la défense : il a organisé ces rencontres en partenariat avec les organismes du ministère de la défense, qui exercent une compétence particulière en matière d'études et de recherche. Je ne peux tous les citer ici mais je suis conscient de leur apport.
Je salue à cette occasion l'esprit de concertation et de coopération qui a présidé ces rencontres. J'y attache, vous le savez, une grande importance, car il manifeste la modernisation et l'ouverture accrue de notre institution sur la société, et en particulier sur le monde universitaire. Ces rencontres en sont une nouvelle illustration et votre assistance, par sa diversité (universitaires, chercheurs, étudiants, militaires), me confirme que nous sommes dans la bonne voie
Outre l'intérêt de dresser un état des sciences sociales de la défense en France, ces premières rencontres présentent à mon sens trois qualités : elles sont à la fois inédites, originales et enrichissantes.
Inédites car c'est la première rencontre d'importance qui présente les résultats d'enquêtes de terrain menées sur la société militaire et la place des armées dans la société. A mi-parcours de la professionnalisation des armées, ce dialogue nouveau est nécessaire car il permet, dans une période de changement, de mieux appréhender les réalités sociales du monde de la défense et d'en avoir une meilleure conscience, notamment pour ce qui concerne les effets des réformes actuelles.
Originales aussi car les huit tables rondes réunissant 26 intervenants, universitaires, chercheurs civils ou militaires, ont été complétées par une présentation de chaque organisme partenaire sous la forme de stands. Cela répond à la volonté de mieux faire connaître le travail accompli par les organismes de recherche dans ce domaine.
Enfin, ces rencontres, par la diversité et la qualité des intervenants, ont été l'occasion de travaux d'une grande richesse. Les enquêtes de terrain qui ont été présentées portaient sur des thèmes aussi divers et importants que les opérations extérieures, l'évolution du métier de militaire, la formation, les nouveaux enjeux de l'armée professionnelle et sa place dans la société. Elles illustrent la diversité des recherches menées sur la société militaire et la diffusion des résultats enrichira, j'en suis convaincu, les réflexions en cours au sein du ministère de précieuses contributions.

Ces journées présentent tout d'abord l'utilité de valoriser le travail de recherche accompli sur le monde de la défense, aussi bien en interne, par les organismes d'étude de la défense, qu'en externe, par les chercheurs civils du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et des universités. Ces travaux sont en France, encore trop méconnus.
Il faut saisir l'occasion de ces rencontres pour diffuser l'existant mais aussi pour encourager de nouvelles explorations. En vue de ces deux objectifs, la méthode choisie a privilégié la présentation des travaux, leur explication, l'argumentation et le débat, méthode finalement très scientifique. De telles journées constituent en effet le lieu d'un dialogue ouvert, qui doit permettre de convaincre à la fois les acteurs de la défense et la communauté scientifique en sciences sociales, de la richesse et de l'intérêt des travaux.
Ce dialogue entre chercheurs civils et militaires sur les observations, les savoirs, les méthodes mises en uvre, est source d'un enrichissement mutuel. Cet échange permet également de confronter les résultats et surtout de renouveler les approches : il participe ainsi au rapprochement de champs disciplinaires et à leur dynamisme. En effet, en favorisant le renouvellement des approches dans chaque secteur, ce dialogue renforce la synergie entre leurs travaux et leurs efforts et est ainsi à l'origine de véritables progrès scientifiques.
De notre point de vue, celui du monde de la défense, ces échanges contribuent à la mise en place d'un débat rigoureux et serein sur la chose militaire et au développement d'un regard critique sur les réalités militaires. Comme le disait le sociologue français Jean STOEZEL, " les sciences sociales sont chargées en premier lieu de la critique des idées reçues ". Elles favorisent en effet, par l'apport de faits et de données issus de l'observation sur le terrain, l'interrogation et la prise de distance par rapport aux préjugés. Cet apport scientifique participe à l'ouverture de la communauté de défense sur la société et, en son sein, la communauté scientifique.
Au titre de vos travaux, je voudrais souligner l'importante contribution des chercheurs qui travaillent sur les différents aspects de la société militaire et la reconnaissance des armées au sein de la société. En effet, il est essentiel, en même temps que de profonds changements sont engagés pour moderniser les forces armées, de porter en permanence un regard réflexif sur les évolutions en cours.
C'est pourquoi je regarde avec un grand intérêt les travaux qui concernent les nouveaux enjeux de l'armée professionnelle et du métier de militaire. Ils abordent en effet des questions aussi fondamentales que :
- la féminisation, dont un récent séminaire au sein de la défense a montré l'intérêt que nous portions à cette question ;
- le renouvellement des méthodes de commandement et le développement d'un nouveau style de management ;
- la gestion des personnels, à travers notamment la reconversion des engagés volontaires de l'armée de terre ou les nouveaux modes de recrutement des officiers ;
- la formation des militaires ;
- ou encore, la place des forces armées dans la société, aussi bien au niveau local que national.
Ces enjeux sont des questions centrales pour la réussite de la modernisation de notre armée. C'est un véritable changement social dont il ne faut pas nier l'ampleur et il est important que des chercheurs civils aient pu se pencher sur l'étude de ces réalités militaires. Je salue leur compétence puisqu'ils ont su rapidement s'adapter à un milieu qui était nouveau pour eux. Il est important de souligner la valeur et l'intérêt de leurs travaux.
* *
Pour conclure, je tiens à vous réaffirmer ma satisfaction à l'égard du travail accompli. Il l'a été dans un esprit de concertation et avec un sens de la rigueur que les sciences dures peuvent apprécier. Sur ces sujets où la dimension humaine accentue la complexité des problèmes, les débats ont pu apporter de précieux éclaircissements.
Ces rencontres ont montré la place que le ministère entend consacrer aux sciences sociales. La recherche dans ce domaine présente un triple intérêt pour le monde de la défense :
- elle constitue un outil de compréhension des enjeux de la défense, et donc de leur diffusion ;
- elle participe à l'ouverture de l'institution sur la société dans son ensemble ;
- elle offre un instrument d'appréciation, par l'institution militaire , de ses transformations.
A ces titres, il convient d'encourager encore cette recherche et de confirmer la place qu'elle peut y prendre. Je souhaite donc que ces rencontres soient les premières d'une longue série.
Je vous remercie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 31 mars 2000)