Texte intégral
La séance est ouverte à 9 h 40 sous la présidence de M. de GAUDEMAR
M. de GAUDEMAR.- Bonjour à vous tous. Je suis directeur de l'enseignement scolaire. Nous avons le très grand plaisir ce matin d'accueillir Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche qui a absolument voulu ouvrir cette première réunion du conseil national de la vie lycéenne élu il y a quelques semaines.
M. FERRY.- Je suis ravi d'être avec vous aujourd'hui. Je suis venu essentiellement pour dialoguer avec vous et vous écouter.
Je vais vous dire quelques mots d'introduction d'abord pour vous féliciter d'avoir été élus parce que ce n'est pas facile. Je mesure le parcours que cela représente. Donc toutes mes félicitations les plus chaleureuses.
Je voudrais vous dire quelques mots sur le guide de l'engagement que nous allons mettre en place à partir du 12 mars. Je vous dirai ensuite quelques mots sur les grands projets du ministère avant de vous laisser la parole, et vous faire une invitation et quelques propositions.
Quelques mots d'abord sur le guide de l'engagement. Vous savez peut-être que nous allons lancer, le 12 mars, un dispositif nouveau qui proposera aux jeunes qui ne se sont pas déjà engagés comme vous, et à vous-mêmes si vous avez envie de vous engager encore davantage, 10.000 projets d'engagement dans quatre grands domaines :
- le domaine caritatif ou humanitaire, donc l'aide apportée aux autres,
- le domaine artistique et sportif, quand on a envie de monter un spectacle ou de monter un club de sports, ou que sais-je,
- le domaine du civisme, c'est-à-dire ce que vous faites déjà vous-mêmes puisque vous êtes déjà engagés dans la vie civique, mais cela peut être d'autres formes d'engagement, par exemple dans des projets qui touchent les développements durables ou d'autres questions de ce type,
- et le quatrième domaine s'adresse aux plus grands ; nous voudrions notamment proposer, à ceux qui voudraient créer des entreprises dans le cadre des défis jeunes, des aides à la création de projets de travail, de métier, et non pas d'entreprise car ce serait beaucoup dire, et il vaudrait mieux parler de travail et de métier, ce serait plus clair.
Nous allons lancer cela le 12 mars, 10.000 projets qui seront de vraies propositions que nous vous ferons, avec des aides à chaque fois, parfois des aides financières ; ce ne sera pas le cas général mais il y aura souvent des aides matérielles, sinon financières, et des aides venant des adultes qui peuvent vous aider en terme de compétence.
L'idée qui nous anime est double : entre la vie scolaire d'un côté, la vie dans les établissements scolaires qui est ce qu'elle est et, de l'autre, votre vie intime qui ne me regarde pas (votre vie amoureuse ne me regarde pas fort heureusement pour vous), il y a quand même un espace intermédiaire qui est l'espace de la société civile dans lequel les jeunes peuvent s'engager, ce que vous savez puisque vous vous êtes vous-mêmes engagés.
Et beaucoup de jeunes ont envie de s'engager - et c'est la deuxième idée - parce qu'ils en ont par-dessus la tête (je me souviens en avoir parlé notamment à Hourtin, avec des jeunes de conseils de vie lycéenne ou de conseils de jeunesse) de l'image que la société et les médias leur renvoient parfois, de sauvageons, de fauteurs de troubles, de violents, d'incivilités, ce qui est évidemment minoritaire, comme dans toutes les catégories de la population, et qui ne correspond pas du tout à la réalité de la jeunesse d'aujourd'hui.
Il y a aussi une volonté de la part des jeunes et un désir d'engagement et de reconnaissance dans la cité, un désir d'être reconnu pour l'utilité qu'on apporte dans la cité, et c'est à réaliser ces engagements que nous voudrions vous aider parce que c'est évidemment un projet collectif sur lequel nos amis collègues et collaborateurs qui sont autour de moi ont beaucoup travaillé.
Tout cela sera lancé le 12 mars. Nous attendons évidemment beaucoup de vous pour expliquer dans les établissements de quoi il s'agit. Nous vous donnerons évidemment toutes les informations, pour participer aux journées qui auront lieu dans les établissements, et un peu partout ailleurs, entre le 12 mars et le 30 mars. Ce sera évidemment une chose très importante pour nous que de pouvoir compter sur votre aide, sur votre talent, votre énergie et votre dynamisme pour essayer de convaincre ceux qui ne se sont pas déjà engagés, qu'ils peuvent le faire s'ils en ont envie et qu'on est prêt à les aider.
Je voudrais également vous dire quelques mots sur les projets du ministère. Nous en parlerons tout à l'heure. Certains d'entre vous auront peut-être des questions sur les surveillants, les aides éducateurs, des éléments qui peuvent vous intéresser directement et auxquels je répondrai avec joie.
Je voudrais vous dire que maintenant que nous allons sortir en grande partie des difficultés budgétaires, nous avons dix très beaux projets au ministère que nous allons mettre en place dans les semaines et les mois qui viennent, en tout cas tout sera assurément en place d'ici le mois de mai.
Nous allons, premièrement, continuer le travail sur l'illettrisme pour les petits, et parmi les propositions qu'il y aura dans le livret de l'engagement, il y aura notamment des propositions pour les jeunes comme vous, les jeunes adultes qui veulent bien s'engager auprès des petits pour les aider à apprendre à mieux lire et à mieux écrire.
Nous allons continuer le travail sur la valorisation de l'enseignement professionnel, qui est le deuxième chantier.
Nous allons continuer à essayer de lutter contre l'échec scolaire dans les premiers cycles universitaires, notamment en favorisant l'orientation. Il faut savoir que 50 % des bacheliers technologiques qui sont dans les premiers cycles universitaires avaient demandé une affectation en STS qui leur a été refusée.
Voilà des chantiers auxquels il faut que nous nous attaquions très fermement.
Quatrième chantier : nous allons continuer la réflexion sur la violence et la sécurité dans les établissements et, plus que la réflexion, il faut vraiment que nous agissions. Cela m'intéresserait beaucoup d'avoir une discussion sur ce point avec vous, de savoir ce que vous proposez concrètement, parce que ce sujet est vraiment difficile et c'est un sujet sur lequel on ne peut pas faire de démagogie.
Cinquième point : j'annoncerai mardi prochain, en conseil des ministres, un magnifique plan de prise en charge du handicap, c'est-à-dire qu'il s'agit vraiment aujourd'hui de scolariser les enfants handicapés scolarisables. La loi nous fait obligation de le faire mais elle n'est pas encore parfaitement suivie. Nous allons donc nous donner les moyens de le faire, notamment grâce à la création de 5000 postes d'assistants d'éducation dédiés à cette prise en charge du handicap à l'école.
Nous allons donc favoriser l'engagement des jeunes, c'est le chantier du livret de l'engagement, et je n'y reviens pas.
Septième chantier : nous allons faire une réforme des IUFM et donc de la formation des maîtres.
Huitième chantier : nous allons réaliser - c'est fait et je pourrai vous en parler - l'harmonisation des diplômes européens. Le chantier est pour une fois bouclé. Ce sera assorti de la création de 9000 bourses de mobilité d'un mois pour les jeunes étudiants qui veulent aller étudier dans d'autres universités, et on va faire aussi un très gros effort sur le logement étudiant. Nous allons passer de 2200 réhabilitations de logements par an en moyenne, dans les cinq dernières années, à 7000-7500 par an. Nous allons faire un gros effort pour les étudiants en terme de vie scolaire. Il y a bien sûr d'autres projets.
Neuvième projet : nous allons rentrer dans la décentralisation. C'est un peu technique. Je répondrai volontiers à vos questions, mais je n'en parle pas maintenant.
Dixième question : nous allons essayer d'encourager les jeunes à entrer dans les vocations scientifiques car nous avons une crise des vocations scientifiques qui est extrêmement fâcheuse.
Pour conclure, je serai extrêmement attentif à vos travaux. J'attends beaucoup de ce que vous faites. C'est extrêmement précieux pour nous parce qu'on a besoin de vos avis, de vos suggestions et de vos propositions ; nous avons besoin de savoir ce que vous pensez. C'est extrêmement important pour nous.
Et je voudrais inviter un certain nombre d'entre vous. Je ne peux malheureusement pas inviter tout le monde, sinon cela n'aurait pas de sens, car il y a d'autres jeunes qui vont venir aussi, mais si vous avez la gentillesse de choisir entre vous entre cinq et dix représentants de votre conseil pour venir passer une journée au ministère pour que vous voyiez comment cela fonctionne et que nous puissions échanger et travailler ensemble, que vous puissiez nous faire vos propositions concrètement, et il y aura des ateliers de travail, mais je pense que ce serait intéressant pour vous et pour moi que vous voyiez ce qu'est une journée de travail au ministère, et que vous ayez aussi l'idée de la façon dont cette énorme machine fonctionne - ou ne fonctionne pas, d'ailleurs, parfois -, mais cela peut être intéressant pour vous dans les deux cas de figure, et qu'on puisse échanger sur ce sujet au cours d'une journée qui pourrait avoir lieu à la fin du mois de mars.
M. LOPEZ.- Vous parlez de faire venir certains de nos représentants au ministère. Est-ce que ce serait dans le cadre de la journée dont vous nous aviez parlé lors d'une réunion du 30 novembre ?
M. FERRY.- Exactement. On voudrait que ce soit la même réunion. On voudrait accueillir une cinquantaine de jeunes. Je vous accueillerai volontiers tous. On fera d'ailleurs plusieurs de ces journées-là et vous serez tous venus un jour ou l'autre. Mais c'est dans ce cadre-là en effet. Je voudrais que vous puissiez être une cinquantaine en tout pour qu'on puisse travailler et qu'on puisse faire trois ou quatre ateliers comme je vous l'avais promis. On pourrait organiser cette journée à la fin du mois de mars.
Il serait bien, encore une fois, pour vous et pour moi, que vous puissiez voir, à la fois vous comment le ministère fonctionne, et moi comment vous réagissez, et surtout prendre le temps d'écouter vos propositions concrètement.
(applaudissements)
M. de GAUDEMAR.- Merci beaucoup, Monsieur le Ministre. Vous pourrez évoquer tout à l'heure le fait que se tient en parallèle à la réunion du CNVL le Conseil national de la Jeunesse auquel certains d'entre vous participeront cet après-midi. Le débat est ouvert. Monsieur le ministre a rappelé le cadre de son action. Je suis certain que vous avez envie de l'interroger sur un certain nombre, soit des questions qu'il a évoquées lui-même, soit d'autres questions qui vous tiennent à coeur. Vous y avez réfléchi hier.
M. VALET.- Je suis délégué de l'Académie de Lille. Bonjour Monsieur le Ministre. Avant de commencer, tous les délégués du CNVL, ainsi que moi-même, voulons vous souhaiter la bienvenue et vous remercier de votre présence aujourd'hui. Par la même occasion, nous vous disons - puisque vous avez dit tout à l'heure que vous serez attentif à nos projets - que votre présence est indispensable lors des prochaines réunions plénières du CNVL. Nous avons choisi hier nos six thèmes nationaux que nous vous présenterons tout à l'heure mais, avant toute chose, quatre délégués ont tenu à vous poser quatre questions. Je vais passer la parole à Vincent.
M. BUCHEL.- Bonjour Monsieur le Ministre, bonjour à tous, chers collègues. La question que je vais poser, c'est à propos des MI-SE. Nous, élus au CNVL, avons rencontré dans nos académies divers mouvements de contestation suite aux annonces de suppression des 5.600 postes de MI-SE et du non renouvellement des contrats d'aides éducateurs ou emplois jeunes. Je me fais aujourd'hui, ainsi que l'ensemble des élus au CNVL, le porte-parole d'une majorité de lycéens qui se posent de nombreuses questions.
Nous vous demandons de nous expliquer les inconvénients du système actuel qui poussent aujourd'hui le gouvernement à entreprendre de telles mesures quand la plupart des établissements scolaires se heurtent déjà à un manque cruel de ces effectifs d'encadrement et de ces personnels d'encadrement qui sont des éducateurs à part entière.
Pourriez-vous aussi nous dire comment les étudiants de demain, que nous représentons, et ceux d'aujourd'hui, pourront continuer à financer leurs études lorsque cet emploi spécialement aménagé sera moins que moins ? Cherche-t-on donc à opérer une sélection sociale aux études ou à tous nous envoyer travailler chez MacDo ? Enfin comment les MI-SE, qui auront la joie de voir leur contrat reconduit, pourront-ils assumer avec un effectif réduit de moitié (5600 postes représentent un surveillant par lycée), le poste de leurs anciens collègues qui représente environ 1600 heures ? Merci.
M. FERRY.- Je vais vous répondre parce que vos informations ne sont pas bonnes. Je vais vous donner les bonnes informations qui sont évidemment vérifiables. Je ne risque pas de vous dire des fadaises alors que tout cela va passer devant le Parlement.
Sachez la chose suivante : j'ai choisi, en effet, de rayer de la carte au mois de juin dernier, déjà en arrivant, 5600 emplois budgétaires de MI-SE. Les emplois budgétaires, ce ne sont pas des personnes, c'est une ligne de crédits, c'est une écriture comptable ; ce ne sont pas des gens. Personne n'a été renvoyé, personne n'a été viré.
M. BUCHEL.- Mais personne n'a été réembauché.
M. FERRY.- C'est une ligne budgétaire qui concernait la rentrée 2003. Aucun poste de surveillant n'a été supprimé, aucune personne n'a été renvoyée des établissements. Il faut que vous le sachiez, parce qu'on vous raconte n'importe quoi là-dessus.
Le problème était pour moi le suivant, c'était de remettre des surveillants pour la rentrée 2003. J'avais une année pour le faire. Et pourquoi ai-je supprimé cette ligne budgétaire de 5600 personnes que j'aurais pu renouveler dans le dispositif ancien ? Eh bien justement - et votre question est bienvenue - parce que ce n'est pas que le dispositif ancien n'est pas bon, il est calamiteux.
Je vous explique pourquoi il est calamiteux et tout le monde le sait. Je parle entre nous. Il faut que vous sachiez par qui a été rédigé le rapport que j'ai trouvé sur mon bureau sur les MI-SE. Il a été rédigé par le directeur de cabinet de Marie-Georges Buffet. Ce n'est pas un type de droite. C'était quelqu'un du PC qui avait rédigé ce rapport qui se terminait en disant que le statut des MI-SE était calamiteux et qu'il fallait le changer d'urgence. Ce rapport avait été remis à Ségolène Royal.
C'est donc dans ces conditions que j'ai choisi de ne pas renouveler les personnels dans des emplois qui étaient, de l'avis de tous, de statut calamiteux. Pourquoi le statut était-il calamiteux ? Parce que le statut datait de 1937 et qu'il n'y avait, en 1937, que des cours magistraux dans les universités - puisque les MI-SE sont des étudiants -, il n'y avait pas de TD en 1937. Les cours magistraux ont duré dans les universités jusqu'en 1968 où il n'y avait que cela, mais il n'y avait pas de partiels. Il n'y avait donc pas de TP et de TD, et il n'y avait pas de partiels.
La situation est complètement différente aujourd'hui, le statut de 1937 est totalement inadapté pour les établissements parce que les MI-SE sont très absents au moment des examens - et personne ne peut leur en vouloir -, et ils le sont tous en même temps, ce qui n'est pas bon. Il faut bien voir aussi qu'ils ratent leurs études dans des proportions qui sont supérieures à la moyenne des autres catégories d'étudiants salariés, ce qui n'est pas du tout normal puisque c'est fait pour les aider.
Il fallait donc changer ce statut. Et nous l'avons fait en essayant de mettre en place un recrutement qui ait davantage de proximité par rapport aux établissements, parce que dans des académies comme celle de Toulouse qui est une très grande académie, le collège, le lycée où le jeune étudiant surveillant est appelé à remplir ses fonctions est bien souvent situé à plus de 100 km de l'université. Il ne remplit pas ses fonctions. Et je l'ai fait pour que ce soit mieux pour les étudiants. J'ai demandé aux universités d'accepter - cela a été une négociation puisque les universités sont autonomes - de faire de la validation des acquis de l'expérience. Cela veut dire que des étudiants surveillants pourront valider leur expérience et obtenir des crédits pour le DEUG.
Nous essayons donc de faire en sorte que, du coup, les MI-SE perdent moins de temps par rapport à leurs études.
Dernier point pour que vous compreniez que c'était, à l'évidence, une bonne décision - et c'est là que la vie politique est un peu compliquée -, c'est que je remets évidemment à la rentrée 2003 6.000 postes d'assistants d'éducation à temps plein. Mais nous encouragerons le mi-temps, et j'espère en obtenir 12.000. Le temps plein sera évidemment possible pour les étudiants. Nous essaierons simplement de rendre le mi-temps incitatif en rendant les mi-temps de MI-SE, qui vont s'appeler assistants d'éducation, plus aisément cumulables avec des bourses sur critères sociaux qu'autrefois.
Nous avons donc un bien meilleur dispositif que le dispositif ancien. Et contrairement à ce qu'il avait été raconté partout, il y aura plus de surveillants à la rentrée 2003 qu'il y en avait à la rentrée 2002 et plus d'étudiants, et ceci dès la rentrée 2003 qu'il n'y en avait à la rentrée 2002. J'y tiens évidemment beaucoup. En revanche, je vais être tout à fait honnête avec vous parce que ce n'est pas la peine de tourner autour du pot : il y aura moins d'aides éducateurs, il y aura moins d'emplois jeunes parce que je ne peux pas tous les renouveler. Là encore, aucun de ceux qui existent ne sera mis en péril, aucun ne sera renvoyé, licencié, tous vont terminer leur contrat. Il n'y a donc pas péril en la demeure, mais j'ai aujourd'hui 100.000 emplois jeunes dans la maison.
Ce sont des contrats de droit privé, ce qui est un scandale dans le cadre du service public. Il faut savoir que tous les syndicats étaient contre la création de ces emplois jeunes, en partie pour cette raison, quand on les a proposés. Je n'ai pas les moyens budgétairement de les renouveler tous. Je ne veux pas supprimer complètement le dispositif contre un certain nombre de collègues qui voudraient qu'on le supprime complètement. Je veux que les assistants d'éducation prennent également le relais. Et j'espère pouvoir remplacer 60 à 70 % d'entre eux - c'est ce que je fais déjà cette année - mais, à nouveau, pas sur des contrats bidons comme c'était le cas pour les emplois jeunes actuels mais sur de vrais contrats qui seront des contrats de droit public, et donc avec une stabilité qui sera réelle. Je veux inscrire définitivement le dispositif dans la durée et dans la pérennité.
Il y aura donc - c'est à la rentrée 2003 - 10.000 emplois jeunes créés, recréés, sur le dispositif des assistants d'éducation, dispositif de contrats de droit public. Et on pourra chaque année le faire monter en puissance autant que le budget le permettra et autant que les besoins feront apparaître la nécessité de le faire.
On n'est pas dans une situation qui est aussi noire que cela a pu parfois vous être décrit.
M. de GAUDEMAR.- Merci à Vincent. Quelle est la deuxième question qui était à poser ?
M. Luc FERRY.- J'ai oublié de dire oui à la demande de Mathieu ; je viendrai donc à vos réunions.
M. LAALIOUI.- Mesdames, messieurs, bonjour. Je remercie encore une fois le ministre de sa présence, même si on a dû lutter auprès de M. Varlet pour l'obtenir.
M. Luc FERRY.- J'ai un vrai problème. J'ai deux conseils des ministres cette semaine, avec un conseil des ministres franco-allemand, et j'ai cette communication sur le handicap qui a été avancée d'une semaine. C'est, honnêtement, un emploi du temps d'enfer mais je suis quand même ravi d'être avec vous.
M. LAALIOUI.- Nous avions jusqu'à présent un délégué national à la vie lycéenne. Nous avons appris que ce poste était supprimé. Nous aimerions savoir s'il y aura de nouveau un délégué national pour le prochain CNVL.
M. Luc FERRY.- Je vous réponds tout de suite qu'il s'agit de M. Thomas Rogé qui est quelqu'un de très bien, de formidable et de talentueux. Et nous l'avons mis à travailler, en raison de ses compétences, sur le livret de l'engagement où son travail nous est très précieux. Mais il y a un débat, qui n'est pas encore tranché au sein de mon cabinet, et c'est un vrai débat - on peut en parler entre nous. Deux thèses sont en présence : des gens de mon cabinet disent qu'il faut remettre un délégué, qu'il faut remplacer Thomas Rogé par quelqu'un, et c'est, par exemple, ce que dit Claude Capelier. D'autres personnes de mon cabinet, qui ont peut-être plus d'expérience de l'administration, disent qu'il est un peu dommage de mettre un délégué spécial alors que c'est, normalement, la DESCO, la Direction de l'Enseignement Scolaire, M. de GAUDEMAR qui est là, qui doit s'occuper de vous. Il n'y a donc pas besoin d'un délégué à part parce que cela doit, normalement, être toute l'administration qui répond à vos demandes.
Je vais être obligé de trancher ce débat douloureux. Ce n'est pas si grave que cela, et nous vous mettrons un délégué si vous pensez qu'il faut absolument que vous ayez un délégué. Il n'y a pas de souci, on en renommera un.
M. LAALIOUI.- Il faut savoir que M. Thomas Rogé était présent sur le terrain, et il coordonnait apparemment les informations entre le ministère et les rectorats. C'est aussi une marque de légitimité et de reconnaissance de notre instance.
M. de GAUDEMAR.- Pour rassurer Abdel, je dirai d'abord, simplement, que Thomas Rogé est dans notre équipe de la Direction de l'enseignement scolaire. Il y est toujours. Et nous avons pensé, parce que c'est une priorité qui nous paraît importante, qu'il devait concentrer son travail sur l'engagement. Vous aurez d'ailleurs l'occasion de le retrouver à propos du chantier de l'engagement.
Par ailleurs, ce qu'il faisait dans les mois précédents, dans ses fonctions antérieures, continue à être assuré par la Direction de l'enseignement scolaire, par l'équipe qui suit vos travaux auprès de moi avec beaucoup de régularité depuis des années, en particulier autour de Dominique Raynaud. Vous connaissez l'intérêt et la fidélité que j'ai moi-même pour ce Conseil national de la vie lycéenne, et soyez sûrs, étant donné ce lien très étroit avec le terrain académique, les académies, les CAVL et les CVL, que quelle que soit la solution retenue par le ministre, elle sera de toute façon assurée dans d'excellentes conditions. Vous pouvez d'ailleurs nous dire si vous trouvez qu'elle n'est pas suffisamment bien assurée et nous trouverons tous les moyens de l'assurer dans les meilleures conditions.
Une troisième question devait être posée par Edgar.
Edgar NIMINBU - Je représente l'académie de Paris. La question que j'avais à vous poser, Monsieur le ministre, est la suivante : l'école est-elle la même pour tous ? J'entends par là les discriminations. Et quelle est votre position pour les collèges uniques par rapport à l'école pour tous ? Je sais qu'il n'est pas très facile de répondre, mais je voudrais connaître votre position.
M. Luc FERRY.- C'est au contraire une bonne question. Il y a, à mon avis, plusieurs niveaux de réponse. D'abord, il faut être clair sur le fait que, grâce au service public, grâce au fait que les professeurs sont recrutés par des concours nationaux, on est quand même, en gros, le pays du monde où les établissements sont les plus homogènes ou sont les plus ressemblants entre eux. Autrement dit, que vous fassiez vos études à Lille, à Marseille, à Lyon ou à Paris, la vérité, c'est que vous avez des professeurs qui ont été recrutés par les mêmes concours et que vous avez les mêmes cursus, les mêmes programmes et les mêmes établissements. Ils sont très proches. Nous avons probablement le système le plus égalitaire du monde.
Deuxième remarque : nous avons le corps enseignant qui est le moins raciste, le moins discriminant et le moins antisémite du monde. Nous avons quand même des professeurs qui sont vraiment sensibles à ces questions de discrimination, dans l'immense majorité des cas, et qui ne sont pas fascistes, racistes ni antisémites. Il y a quand même très peu de professeurs au Front National, c'est infinitésimal.
Edgar NIMINBU.- Vous avez dit le moins, mais il y en a quand même.
M. Luc FERRY.- En démocratie, vous ne pouvez pas faire en sorte qu'on tire à vue sur les gens, lors d'un concours anonyme et national, en raison de leur étiquette politique. Vous n'y pouvez rien. En revanche, on peut dire que le corps enseignant est quand même, sociologiquement, à 99,9 %, très réactif et très sensible à ces questions et de façon positive. C'est d'ailleurs là que c'est plus rassurant.
Troisième niveau de réponse : vous me parliez du collège unique. Un grand débat a eu lieu sur le collège unique, qui est un débat difficile, entre mes deux prédécesseurs, Jean-Luc Mélenchon et Jack Lang, ce qui veut dire que c'était un débat qui traversait la gauche elle-même et non pas un débat droite-gauche. C'est d'ailleurs souvent comme cela que les débats sont les plus intéressants. Et il y avait deux positions : Jean-Luc Mélenchon disait qu'il fallait casser le collège unique, cela n'a pas de sens de forcer les enfants et les élèves à être en échec scolaire dans l'enseignement général et à être deux, trois, quatre ou cinq ans de suite en échec scolaire. Il faut donc casser le collège unique.
Que veut dire "casser le collège unique" ? Cela veut dire, dans le jargon de la maison, rétablir le palier d'orientation en fin de cinquième ; cela veut dire faire démarrer l'enseignement professionnel en fin de cinquième.
Et Jack Lang disait : non, le collège unique est un idéal démocratique, c'est l'idée qu'on transmet l'enseignement général à tous, c'est-à-dire les matières nobles, le français, l'histoire la géographie, les langues, les sciences et les maths ; nous avons le même enseignement pour tous. Nous allons maintenir cet idéal pour tous car si on fait ce que veut Jean-Luc Mélenchon, faire démarrer l'enseignement professionnel en fin de cinquième, on recrée des filières qui ressemblent beaucoup à des classes sociales, c'est donc de la discrimination.
M. MINIMBU.- Quand on est jeune, par exemple à 14-15 ans, on ne sait pas exactement ce qu'on veut faire. Donc établir une filière professionnelle au niveau du collège...
M. Luc FERRY.- Cela veut dire que vous êtes d'accord avec Jack Lang. Je vous exposais ici le problème, et c'est parfaitement votre droit.
Moi je crois que les deux solutions sont mauvaises et qu'il faut proposer une troisième voie que je propose concrètement parce que, durant ce mois de janvier, les recteurs sont chargés dans les académies de faire en sorte que les principaux de collèges et les proviseurs de lycées professionnels se retrouvent pour mettre en place le dispositif que je préconise. Le dispositif s'appelle les classes en alternance ou les parcours en alternance. Cela veut dire que les élèves à qui on va proposer ces parcours resteront des collégiens, ils ne seront pas orientés comme on dit, et ils pourront toujours quitter le dispositif qu'on leur propose et qui ne leur sera pas imposé.
Pour rentrer dans ces dispositifs, il faudra l'accord de l'élève et l'accord de sa famille, les deux.
Deuxième point, il s'agira de proposer aux élèves quelque chose qui ressemble à cela : l'enseignement général le matin par exemple, et la découverte des métiers durant deux après-midi par semaine - je dis bien des métiers et pas une filière - dans des lycées professionnels qui sont aujourd'hui très bien équipés et qui sont souvent très attrayants.
Si le jeune ne le veut pas, il restera dans l'enseignement général, mais s'il le souhaite - ce n'est donc pas quelque chose qui est imposé mais quelque chose qui est proposé -, et s'il en a marre de l'enseignement général, s'il ne supporte plus le collège et s'il s'ennuie à périr, si cela fait quatre ans qu'il est absentéiste chronique, qu'il en a par-dessus la tête et que, ce qui le tente, c'est, par exemple, d'apprendre à travailler sur une voiture de course comme je l'ai vu la semaine dernière à Savigny, ou c'est de faire de la taille de pierre ou de la navigation fluviale (des exemples que j'ai vus dans les trois dernières semaines), il faut qu'on le laisse faire, mais qu'on maintienne et qu'on ne brade pas l'enseignement général.
Je veux qu'on demande à ces jeunes tous les matins, en échange du fait qu'on les laisse, par exemple, aller dans un lycée professionnel apprendre des métiers (et non pas un métier, ils en découvriront trois au moins dans l'année), de faire l'effort de maintenir le cap sur les matières générales, les maths, le français, l'histoire. Pourquoi ? Parce que si on ne maintient pas cela - et c'est pourquoi je suis contre la solution de Mélenchon consistant à remettre la filière professionnelle en cinquième -, si on ne maintient pas l'idéal de l'enseignement général, lorsque les jeunes arriveront au niveau du Bac pro et qu'ils vont vouloir rentrer, par exemple en STS, ils ne pourront pas le faire s'ils n'ont pas maintenu un bon niveau d'enseignement général. Ils seront feintés.
Il ne faut pas qu'on hypothèque la vie future d'un môme de 13 ans en lui disant par démagogie : "Tu ne fais plus d'enseignement général, tu vas à l'atelier et tu travailles". Non, il faut maintenir l'idéal de l'enseignement général, sinon les jeunes ne pourront pas aller aussi loin que leurs talents leur permettent d'aller, ce que je souhaite évidemment maintenir.
Je souhaite donc qu'on mette en place ces dispositifs en alternance, ces parcours en alternance, qui sont proposés et non pas imposés, sur lesquels le retour en arrière est toujours possible. Les jeunes restent des collégiens, ils ne sortent pas du collège, mais on leur propose simplement d'arrêter de se taper la tête contre les murs quand ils en sont là, parce qu'il faut bien voir (vous le savez puisque vous n'êtes pas si loin que cela du collège) qu'il s'agit de jeunes qui ont très souvent quitté le collège depuis des semaines, et parfois depuis des mois. Le problème n'est pas de leur dire qu'on va leur faire faire des maths et du français, le problème est déjà de les faire revenir dans des établissements scolaires pour leur proposer un parcours - c'est cela mon souhait - dans lequel ils réussissent quelque chose. C'est ça l'important. L'important n'est pas qu'on soit tous agrégés de latin ou agrégés de maths, l'important est qu'on réussisse tous quelque chose.
Mon père n'avait pas plus que son certificat d'études. Il a fait des voitures de course qui étaient magnifiques, et il a été un très grand pilote de course. J'estime qu'il a parfaitement réussi sa vie sur le plan de sa carrière. Il n'est pas agrégé de latin, de philo ou d'histoire. Cessons d'imaginer que le seul parcours possible est celui de l'enseignement général, que c'est le parcours scolaire de l'agrégation, et acceptons l'idée qu'on peut parfaitement réussir quelque chose de formidable lorsqu'on est un grand artisan ou qu'on a un métier qui vous passionne. Ce n'est pas forcément un métier de latiniste ou de professeur de grec.
Il faut ouvrir cette possibilité. Et j'insiste - parce que ce point est important - sur le fait que c'est une possibilité qui est offerte et ce n'est pas une orientation qui est imposée.
Maxime OTTAVIANO.- Edgar parlait de l'école pour tous...?. Nous voyons les problèmes sur tous les plans. Avez-vous un projet pour les problèmes de déplacement.
M. Luc FERRY.- J'annonce un très gros projet sur lequel nous avons beaucoup travaillé, avec Jean-Paul de Gaudemar en particulier, qui nous a donné de très bonnes idées. J'annonce mardi, en conseil des ministres, un plan sur la prise en charge du handicap. Ce plan sera un plan pluriannuel sur cinq ans. Il faut savoir que le point faible de notre système à cet égard est la prise en charge des enfants handicapés ou tout simplement malades, c'est-à-dire les deux : handicapés provisoirement ou définitivement. Il faut savoir que le point faible de notre système, c'est l'enseignement secondaire. On est à peu près à niveau dans le primaire - pas tout à fait. Il y a aujourd'hui 1.101 AVS, c'est-à-dire les auxiliaires de vie scolaire. Ce sont les emplois jeunes, les aides éducateurs qui aident à la scolarisation des enfants scolarisables. Ils sont aujourd'hui 1.100, et il y en aura 6.000 à la rentrée prochaine. On multiplie pratiquement par 6, justement pour pouvoir créer ce qu'on appelle des U.P.I, c'est-à-dire des classes spécialisées qui prennent en charge les enfants handicapés au niveau du secondaire, des lycéens et des collégiens, où nous ne sommes pas bons. C'est là que nous sommes le plus mauvais.
Il faut aussi savoir que nous mettons 12 millions d'euros - ce qui est beaucoup pour nous- pour équiper en matériels les classes spécialisées et donc les CLIS (les classes d'intégration scolaire collectives pour les petits handicapés dans les écoles primaires) et les U.P.I (c'est la même chose dans le secondaire), et il n'y aura pas loin de 4 millions d'euros de ces 12 millions d'euros qui seront consacrés au transport, à la rentrée 2003.
C'est évidemment un gros effort pour nous. Ce n'est pas rien parce que vous savez que les difficultés budgétaires sont aujourd'hui très grandes, il faut quand même que vous le sachiez. L'État, c'est-à-dire les ministères dépensent 20 % de plus chaque année que ce qu'ils gagnent. C'est terrifiant pour nous, il faut que vous le compreniez. Je suis désolé de vous inquiéter un peu. Je ne sais pas si vous l'êtes mais vous devriez être inquiets parce que c'est vous qui allez payer l'addition, ce n'est pas moi. Nous dépensons chaque année en créant des postes de professeurs, d'aides éducateurs, en fabriquant éventuellement des porte-avions (encore que ce n'est pas ce qui coûte le plus cher parce que cela fait travailler les entreprises et cela crée aussi des emplois paradoxalement)... On consomme de l'argent à chaque fois qu'on décide un plan ministériel.
Il faut que vous sachiez car ces chiffres sont vrais - je n'ai aucun intérêt à vous raconter du pipeau - qu'on dépense 20 % de plus chaque année que ce qu'on gagne, notamment par les impôts. On est donc très mal.
Il faut comprendre une chose qui est importante, qui est profonde aussi. J'ai un budget, lorsque j'arrive dans mon ministère au mois de mai, qui est, en gros, de 400 milliards de francs, c'est-à-dire 1 milliard par jour et un peu plus. Le budget de l'Education Nationale, c'est 1 milliard de francs par jour et un peu plus. On arrive à peu près à 400 milliards de francs par an.
Il faut savoir que quand j'arrive au ministère au mois de mai, je découvre que 95 % de mon budget est déjà mangé par le traitement des personnels : les professeurs, les aides éducateurs, les pions, les personnels d'administration, etc. Quand vous rajoutez le reste, les crédits pédagogiques, les mille choses dont je parlais tout à l'heure, les plans pour les handicaps, les projets artistiques et culturels, ce que vous voulez..., vous n'arrivez pas à 100 %, vous arrivez à 105 et 110 %, c'est-à-dire que mon budget est dépassé avant que je commence. On a, par exemple, des milliers de professeurs en surnombre pour lesquels il n'y a pas d'emploi correspondant, mais qui sont quand même payés. On triche, on n'a pas le droit de le faire.
Il faut le savoir pour comprendre que c'est très grave, parce que cela signifie, à la limite, que la politique n'existe plus quand on est dans cette situation. On ne peut plus faire de projet. On est déjà dans le rouge chaque fois qu'on a des projets et qu'on veut dépenser quelque chose pour financer un projet. On ne peut donc rien faire. C'est exactement la même chose que dans une famille : si vous avez déjà 300.000 francs de dette dans une famille et que vous avez un salaire de 12.000 francs par mois comme un professeur, vous ne pouvez plus rien acheter ni plus rien envisager, vous ne pouvez plus avoir de projet, vous ne pouvez plus vous dire que vous allez changer d'appartement... C'est la même chose. Ce n'est pas différent. Je me demande, à chaque fois que j'ai un projet, comment je vais le financer car je n'ai pas de quoi le financer, ou alors j'aggrave le déficit, mais c'est vous qui allez le payer, ce n'est pas moi.
Il faut avoir conscience de cela et que vous compreniez pourquoi on ne peut pas faire autrement que d'essayer de ne pas renouveler, non pas le nombre de surveillants ou le nombre d'auxiliaires de vie scolaire, mais un certain nombre de départs à la retraite, sinon c'est vous qui allez payer l'addition. C'est parce que nous voulons retrouver une marge de manoeuvre pour la politique, sinon il n'y a plus de politique, il n'y a plus que de l'économie. Il faut réfléchir à cela. Je ne vous raconte pas cela pour vous tromper mais parce que c'est vrai.
Nous allons donc faire de gros efforts sur le handicap.
(applaudissements)
Délégué de l'Académie de Dijon.- Vous n'êtes pas sans savoir que l'école doit permettre l'ascension sociale et la réussite scolaire, et qu'elle est créatrice de cohésion sociale. Vous n'êtes pas non plus sans savoir que la réussite scolaire est surtout conditionnée par le bagage culturel qui existe dans les familles.
En redéveloppant, en faisant un retour en arrière et en développant les filières professionnelles à l'entrée en cinquième, n'avez-vous pas peur que cela aggrave encore la fracture sociale en France ? C'est-à-dire que ce que vous faites aujourd'hui, ce sont peut-être les inégalités de demain.
M. Luc FERRY.- Je viens de vous dire que je ne le faisais pas. Je me fais régulièrement engueuler par FO, les syndicats, qui veulent qu'on rétablisse le palier d'orientation en fin de cinquième et justement je ne le fais pas.
Je ne rétablis pas du tout une filière en fin de cinquième, je veux créer un système permettant de dire à tous les collégiens qui le veulent individuellement : si tu veux, plutôt que d'être absent de façon chronique ou de t'emmerder comme un rat mort dans ton collège, si tu veux faire autre chose, je te propose d'aller découvrir des métiers dans le lycée professionnel, voire dans une entreprise si tu en as envie (et pas à 99 % dans le lycée professionnel), mais ce n'est pas imposé, encore une fois, et ce n'est pas en fin de cinquième, c'est vraiment dans le cadre du collège pour tous.
Et je vais en même temps refaire les programmes de techno parce que je ne les trouve pas bons. Les cours de technologie ne sont pas ce qu'ils devraient être, et au lieu que ce soient des cours hyper-ennuyeux alors qu'ils devraient être passionnants, il faut que tous les élèves de collèges aient l'occasion de découvrir de l'enseignement professionnel et les métiers, quel que soit après leur parcours dans l'enseignement général.
Je ne veux donc surtout pas rétablir des filières, mais je veux permettre aux élèves qui le souhaitent d'aller faire d'autres parcours, c'est-à-dire que mon projet est de vraiment diversifier les parcours. Il faut qu'un élève de 14 ans ou 15 ans, qui en a par-dessus la tête des cours de maths et de français, qui n'en peut plus, et que cela n'intéresse pas, ait simplement le droit, s'il en a envie, d'apprendre la navigation fluviale ou la taille de pierre, c'est tout. Il ne s'agit pas de le lui imposer mais de le lui permettre.
J'insiste en maintenant quand même - c'est le deal - l'exigence de l'enseignement général au plus haut niveau possible pour qu'il ne soit pas perdu s'il veut faire après un STS et un IUT.
Ne vous laissez pas abuser, je ne veux pas rétablir les filières et, contrairement à ce que me demandent certains syndicats, je ne veux pas rétablir le palier d'orientation en fin de cinquième, ce en quoi je ne suis pas les propositions de Mélenchon.
Mlle CRETIN.- Vous venez de parler de risque de problèmes pour subvenir à nos projets au niveau économique. Mais en regardant les informations, nous avons cru comprendre que l'éducation nationale avait encore subi une coupe de budget dernièrement, et cela afin d'augmenter les fonds du ministère de l'intérieur qu'on pourrait même appeler ministère de la sécurité depuis quelque temps. C'est toujours moins d'argent. Ma question est celle de savoir si vous pensez vraiment que l'éducation des jeunes d'aujourd'hui, qui seront d'ailleurs les adultes de demain, doit passer après la construction d'un nouveau porte-avions ?
(applaudissements très vifs)
M. Luc FERRY.- Quand on dit : préférez-vous qu'on construise des chars d'assaut et des porte-avions pour porter la mort ou préférez-vous qu'on aide les enfants handicapés, le second choix recueille évidemment généralement les applaudissements, mais il faut, hélas, savoir que c'est un peu plus compliqué. D'abord, mon budget a augmenté cette année de 2,2 % par rapport à l'année dernière. Si quelqu'un est consterné, c'est mon collègue Francis Mer. Ce n'est pas à gauche, à la limite, qu'on est consterné, on fait semblant d'être consterné. J'ai donc augmenté le budget de 2,2 % ce qui fait évidemment beaucoup étant donné les chiffres que j'ai indiqués tout à l'heure. Cela désespère plutôt ceux qui voudraient qu'on soit dans une rigueur budgétaire pour les raisons que j'évoquais plus haut.
Je vous rappelle également que je viens d'obtenir 30.000 postes au concours de recrutement. Dès que vous êtes étudiants, cela change tout pour vous. Il faut quand même savoir que la proposition du budget était de 15.000 postes, et j'en ai 30.000 au concours. Cela veut dire que cela change la vie des étudiants qui vont passer l'agrégation ou le CAPES et qui vont s'engager dans des voies qui conduisent éventuellement au professorat. Cela veut dire que cela redevient possible.
Nous sommes donc au même niveau exceptionnellement élevé qu'avait atteint Jack Lang l'année dernière : 12.000 postes dans le premier degré et donc 18.000 dans le second degré. Les syndicats étaient totalement sidérés parce qu'ils attendaient qu'on soit, en gros, à 17.000 ou 18.000 pour l'ensemble, et nous sommes à 30.000. C'est gigantesque. Cela signifie que le Premier ministre et le Président de la République, car c'est allé jusqu'à ce niveau, ont fait un arbitrage qui est tout à fait favorable à l'éducation nationale et qui, en plus, est très lourd de conséquences puisque cela signifie qu'il n'y aura pas de coupe budgétaire possible après, parce qu'une fois que vous recrutez les postes au concours, vous ne pouvez pas ne pas mettre les emplois correspondants. C'était une décision extrêmement lourde et qui a littéralement désespéré une partie de ceux qui voulaient qu'on fasse de la rigueur budgétaire.
Voyez que vos informations ne sont pas très justes.
Maintenant sur le porte-avions : il y a un problème de droit et il y a un problème de fond. Le problème de droit, c'est que remettre l'armée en état et faire construire un porte-avions faisait partie du programme du Président de la République qui a été élu en mai dernier - ce qui n'est pas si loin que cela -, et que c'est lui, par ailleurs, qui dirige les armées, que c'est lui qui dirige la politique étrangère et la politique de défense. Il n'y a par conséquent, de facto, rien à dire à partir du moment où il vient d'être élu sur ce programme. C'est légitime. C'est en tout cas parfaitement légal et légitime, c'est sa décision, cela le regarde. C'est lui qui a été élu et il a aussi été élu pour cela. A la limite, il ne fallait pas l'élire si on ne voulait pas qu'il le fasse. On ne peut pas reprocher à un Président de la République de tenir ses engagements. (remous divers)
Je parle au nom des Français ; c'est peut-être apparemment que vous n'avez pas voté pour lui. C'est parfaitement votre droit, mais vous êtes bien obligés de reconnaître que la majorité s'impose à tout le monde et que le Président de la République est légitime. On est quand même bien d'accord là-dessus. Ou alors on est contre l'élection.
Mais il me semble que, même si on n'a pas voté pour lui, on reconnaît, quel qu'il soit, que le Président de la République a été élu. Il l'avait annoncé, il ne nous a pas pris en traître, on savait, en élisant Chirac, qu'il allait faire des efforts pour l'armée. Ce n'est pas un scoop, cela se savait et cela avait été dit. Il n'y a donc pas de mauvais coups.
Sur le fond, je vous pose la question : trouvez-vous que les questions de sécurité et de défense sont des questions négligeables ? Moi pas. Regardez ce qui s'est passé encore avant-hier avec cette professeur qui a failli mourir puisqu'elle a pris un coup de couteau dans la cuisse, et que c'est parce qu'elle faisait du judo depuis dix ans qu'elle a évité d'être plus gravement blessée, sinon elle prenait ce coup de couteau dans le ventre. Trouvez-vous que les problèmes de violence et de sécurité sont secondaires quand vous voyez cette situation ? Moi je ne crois pas qu'ils soient secondaires. Trouvez-vous qu'on vit dans un monde dans lequel on peut se passer d'armée et de défense nationale ? J'aimerais beaucoup. En êtes-vous sûrs ? C'est un vrai sujet. Admettez en tout cas que cela puisse se discuter.
Je pourrais vous dire, par démagogie, que vous avez vachement raison, que c'est formidable, que je suis d'accord avec vous et que c'est un malheur qu'on fasse des porte-avions plutôt que de me donner des milliards pour recruter des aides éducateurs. Ce serait facile et vous applaudiriez, mais êtes-vous certains qu'on puisse aujourd'hui se passer de défense et d'armée, et pensez-vous sérieusement que l'arme nucléaire soit aujourd'hui la solution ? Moi je ne le crois pas. Je crois que s'il y a des conflits dans l'avenir - et il y en aura malheureusement -, ce seront des conflits qui supposeront que nous ayons un armement, hélas, traditionnel pour se défendre tout simplement.
Et j'ajoute une dernière chose, c'est que l'armée d'aujourd'hui, en particulier l'armée française, n'attaque personne, elle n'est pas là pour cela. Vous ne voyez pas l'armée française allant aujourd'hui attaquer les Allemands ou les Belges ; c'est fini tout cela ; l'armée n'est pas là pour attaquer. On ne fait la guerre à personne et on a l'intention de ne faire la guerre à personne.
L'armée est là pour deux choses : elle est là pour défendre, et il peut arriver que nous en ayons besoin ; elle est surtout là, depuis dix ans, pour protéger. Regardez les interventions au Kosovo, regardez les interventions en Somalie, et aujourd'hui en Côte-d'Ivoire. Nous ne sommes pas là pour attaquer les gens, nous ne sommes même pas tellement là pour nous défendre nous-mêmes parce que nous ne sommes pas tellement attaqués, mais nous sommes là pour protéger des populations qui se font la guerre entre elles.
Soyons clairs, on peut être en désaccord avec l'intervention en Somalie et au Kosovo, mais si nous n'étions pas intervenus au Kosovo, les Albanais du Kosovo auraient été massacrés et il y aurait eu un vrai génocide. Nous sommes intervenus pour protéger ces populations, pour les séparer. Nous n'avons tué personne ou pratiquement personne. Nous ne sommes pas intervenus pour faire des massacres, il y a eu zéro mort.
Réfléchissez aussi à ces nouvelles missions de l'armée, à ces missions souvent humanitaires, et réfléchissez sur le fait que c'est ensuite une question de discussion : faut-il construire un porte-avions ou pas ? Je n'en sais rien. Peut-on, en tout cas, se passer d'armée et d'avoir une armée qui fonctionne ? Ce serait de la démagogie que de vous le dire.
(applaudissements)
Mlle HERARD.- Vous dites qu'il faut renforcer l'armée, et tout cela, mais elle fonctionne pour le moment, plus sur les actions humanitaires, mais là nous sommes en train de parler de l'éducation en France, et en ce qui concerne la sécurité, ne pensez-vous pas qu'il vaudrait mieux renforcer la police et la gendarmerie qui fait partie de l'armée plutôt que de rajouter du budget sur les autres armées qui nous prend du budget de l'éducation ?
M. Luc FERRY.- Si cela ne dépendait que de moi, je dirais qu'on augmente le service des militaires qui ne coûte rien et qu'on fasse travailler les flics 24 heures de plus. Je le dirais volontiers. Ce n'est malheureusement pas comme cela que ça se passe. Mais si je peux, avec mon collègue Sarkozy, faire un beau bras de fer, que je le gagne et que j'obtiens 30.000 postes de professeurs plutôt que 30.000 postes de gendarmes, je serais évidemment fou de joie à titre personnel. Je suis en même temps obligé de considérer que les problèmes de sécurité ne sont pas négligeables en France et qu'après tout, si Sarkozy fait la même chose que moi dans l'autre sens, il a aussi raison de le faire. Le Premier ministre est obligé d'arbitrer entre nous en permanence et je me rends à ses arbitrages. Il est évident que je suis très content quand c'est moi qui gagne mais je ne peux pas être faux jeton au point de dire que les questions de sécurité n'existent pas en France, qu'on n'a pas besoin de policiers et pas besoin de gendarmes. Nous en avons malheureusement besoin.
Tout cela est une question bête de compromis et d'arbitrage, mais on ne peut pas dire, comme cela, qu'on pourrait se passer de remettre l'armée sur pied ou d'aider la gendarmerie ou même la police à être en état. On ne peut pas dire cela sérieusement. Nous avons eu 81.600 incidents graves dans nos établissements l'année dernière et, quand on dit incidents graves, ce sont vraiment des incidents graves ; ce ne sont pas des incivilités, ce sont vraiment des pépins majeurs.
Mlle HERARD.- Plutôt que de renforcer la sécurité ailleurs, je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire...
M. Luc FERRY.- C'est le même problème. C'est pour cela que je vous remets 6.000 surveillants.
N'oubliez pas une chose que je voudrais vous dire avant de vous quitter : il est vrai que pour les gens de ma génération (j'avais votre âge en 1968, Claude Capelier était, par exemple, un joyeux soixantuitard), voir des lycéens aujourd'hui demander, et même faire des manifestations pour demander des surveillants est surréaliste parce que nous faisions nous-mêmes des manifestations pour qu'on les supprime d'urgence. Il y a quelque chose qui a incroyablement changé. Un élève qui aurait demandé des surveillants en 1968, franchement... ! il n'y en avait pas, même au Front National. Même parmi les fascistes d'Occident, je ne suis pas sûr qu'il y en ait eu. C'était inimaginable pour nous.
Cela a incroyablement changé. Nous n'avions pas raison bien sûr, mais c'est pour vous dire que l'atmosphère a incroyablement changé et que cela pourrait aussi être un thème de réflexion pour vous parce qu'on est complètement aux antipodes. Je vous dis que la solution n'est pas de rajouter un surveillant par élève mais de régler le problème de la violence. Il faut bien avoir une chose en tête, c'est que la solution ne consiste pas à injecter du coton hydrophile dans tous les établissements pour que les élèves ne puissent pas se toucher. Il y a un moment où il faudra qu'on s'attaque aux causes du mal et pas simplement aux effets. Mettre des surveillants est bien joli, mais cela n'a jamais empêché les élèves d'être violents s'ils ont envie de l'être. Qu'on protège et qu'on mette des surveillants dans l'urgence, d'accord, je le fais, j'en remets 6.000, mais honnêtement ce n'est pas la solution. La solution est de régler le problème de la violence et d'essayer de comprendre d'où cela vient.
M. Ahmed EDDARRAZ.- Merci à vous tous d'être venus. J'ai une question à vous poser : dernièrement dans la presse, locale et autres, nous avons entendu dire que vous vouliez des caméras, des portiques, des clôtures. J'aimerais avoir quelque chose de clair de votre part. Est-ce bien vrai ?
M. Luc FERRY.- Non, ce n'est pas exact. C'est mon collègue Xavier Darcos qui a vaguement évoqué cette hypothèse mais c'était très vague, et c'était vraiment une hypothèse parce que, de toute façon, cela ne dépend pas du ministère. Cela n'a pas de sens.
En plus, ce n'est pas souhaitable et ce n'est pas la solution. La vraie solution pour moi est de réfléchir aux causes et non pas aux effets. Je voudrais que nous ayons un jour une vraie discussion sur la violence et l'insécurité dans les établissements (si vous aviez la gentillesse de mettre cela à l'ordre du jour la prochaine fois qu'on se voit), et que vous me disiez : on vous conseille de faire cela. Je voudrais qu'on en parle. Ce n'est pas la peine de faire de la démagogie, cela ne sert à rien, c'est un problème très difficile.
M. EDDARRAZ.- Par rapport à l'infrastructure, allez-vous visiter les DOM où il y a apparemment des infrastructures très détériorées ?
M. Luc FERRY.- Oui, c'est vrai, c'est un vrai sujet dont j'hérite hélas, ce n'est pas moi qui l'ai inventé, mais la situation de l'université, des Antilles en particulier, est absolument catastrophique. J'ai sur mon bureau, en ce moment même, un plan de bataille sur le sujet. Nous y travaillons mais c'est vraiment très difficile parce qu'on part d'une situation qui est calamiteuse. Cela ne va pas même dans l'enseignement scolaire en Guyane. Nous avons donc un vrai souci. Nous avons le souci des moyens matériels mais pas seulement, car c'est aussi un problème de conception de l'enseignement. On parlait de l'enseignement professionnel tout à l'heure. On ne peut pas concevoir les filières professionnelles, en Guyane par exemple, comme on les conçoit dans le Nord-Pas-de-Calais, cela n'a pas de sens. On a là un système rigide, on applique les mêmes modèles à des situations complètement différentes. Cela fait partie des projets qui sont actuellement sur mon bureau. Nous allons faire un gros effort.
(applaudissements)
M. Armel MULLER.- Je suis représentant de l'académie de Strasbourg. J'aurais voulu faire une intervention pour reprendre les différents points qui ont été évoqués et donc pour parler au nom du CNVL. En fait, cela va se décomposer en plusieurs parties.
On parlait tout à l'heure de tout ce qui était problème de la valorisation des lycées professionnels. On parlait de revoir l'enseignement de la technologie au collège. Et ce serait une bonne chose car c'est un programme inadapté qui ne valorise pas assez les filières technologiques et professionnelles, parce que c'est très important, il faut les valoriser, et cela commencera par le collège. Il faut voir si l'enseignement de quelques matières professionnelles dès la sixième ne pourrait pas faire mieux connaître ces filières professionnelles et, ainsi, éviter les préjugés et les erreurs d'orientation, c'est-à-dire permettre tout simplement à ceux qui ont des très bonnes capacités d'aller aussi en lycée professionnel et de ne plus en faire une voie de garage.
Toujours dans cette question d'orientation, il faut faire très attention à tout ce qui est orientation précoce, et garder le système de seconde de détermination, parce qu'il est très important. Vers 15 ans à peu près, on commence à mieux savoir ce qu'on veut faire de sa vie, ce qui n'est pas forcément le cas au collège.
Dernier point, c'étaient les maîtres d'internat, surveillants d'externat et aides éducateurs, donc les assistants d'éducation. En fait, le problème, c'est que vous nous annoncez des créations de postes d'assistants d'éducation. C'est une très bonne chose, et nous en sommes très contents. Cependant, ont-ils été budgétisés dans votre budget 2003 que vous avez présenté pour l'éducation nationale ? Puisqu'on n'a pas encore vu le vote pour l'augmentation, pour les 15.000 nouveaux postes.
Ensuite, on parlait de tout ce qui était changement de statut des pions par rapport à mai 1968 où vous défiliez contre. Il y a eu une évolution des mentalités et une évolution du statut des surveillants, des MI-SE, qui ne sont plus aujourd'hui considérés comme des flics, car qui surveille les récréations et qui empêche les bagarres, qui surveille les permanents et qui aide les élèves à faire leurs devoirs, qui saisit les absences des élèves et envoie des lettres d'avertissement aux parents, qui fait respecter le règlement intérieur sur le terrain au quotidien, qui discute avec les élèves et repère ceux qui vont mal, qui gère les BCD et qui anime les clubs, qui anime les séances d'informatique dans les écoles, qui assure les actions de médiation, qui s'occupe du passage des élèves à la cantine et qui veille à ce que personne ne resquille, et qui fait tout cela et bien d'autres choses encore pour les établissements scolaires et pour les lycéens ?
M. Luc FERRY.- D'abord je vous rappellerai quand même qu'il y a cinq ans, il n'y en avait aucun dans les établissements. Le système scolaire a fonctionné plus de deux siècles sans eux. Il y a cinq ans, il n'y avait pas un seul aide éducateur dans les établissements, cela n'existait pas. Il y avait, certes, des surveillants mais qui ne faisaient pas les tâches que vous décrivez, mais les aides éducateurs n'existaient pas. D'où le fait qu'il est intéressant d'inscrire les missions, qui sont importantes, dans le service public en mettant un nouveau dispositif qui sera, encore une fois, pérennisé parce qu'on est dans le cadre du droit public. C'est important.
Il ne faut pas dramatiser la situation. Il est vrai que certains aides éducateurs rendent des grands services, vous avez raison de le souligner, et c'est pour cela que j'en remets dans la nature, mais n'oubliez pas, encore une fois, que tout cela n'existait pas il y a cinq ans. On faisait sans et on se débrouillait quand même.
Deuxième remarque : si les 16.000 postes d'assistants d'éducation que je recrute en septembre n'étaient pas budgétés, je ne pourrais pas les annoncer. Comment voulez-vous que je les annonce s'ils ne sont pas budgétés ? Vous ne pensez pas que le parti socialiste et le parti communiste à l'Assemblée me pardonneraient, oublieraient la chose, glisseraient sur le sujet ? C'est évidemment budgété, et c'est budgété par une rallonge qui sera donnée par le Premier ministre en loi de finances rectificative. Il y aura une rallonge de 5.000 postes.
J'ai obtenu que les 14 millions d'euros qui étaient prévus pour financer ces dispositifs soient multipliés par 2. J'ai donc 28 millions d'euros en année pleine. J'ai obtenu par ailleurs - ce qui a été très difficile et qui a été une vraie négociation -, qu'au lieu que le Budget récupère l'argent qui correspond aux salaires des emplois jeunes qui s'en vont - parce que 60 % d'entre eux quittent les emplois en milieu de parcours -, je puisse le garder pour moi. J'ai obtenu du Budget que je puisse récupérer cet argent pour refinancer des assistants d'éducation. Voilà comment ce sera financé. Soyez rassurés, vous aurez bien vos 16.000 assistants d'éducation à la rentrée.
M. LAALIOUI.- Avec quel statut ?
M. Luc FERRY.- M. de GAUDEMAR vous l'indiquera.
M. Renaud GRAS.- Monsieur le ministre, nous avons Sylvain qui vient de la Guadeloupe ; Guadeloupe - Paris, 8000 kilomètres, Martinique - Paris 8000 kilomètres, Guyane- Paris 8000 kilomètres, La Réunion - Paris, 12000 kilomètres. Vous êtes à Paris, vous avez juste une demi-heure de trajet. Prenez le temps de nous écouter la prochaine fois, s'il vous plaît.
M. Luc FERRY.- Mais vous n'êtes pas ministre, vous, les jeunes !
(source http://www.vie-lyceenne.education.fr, le 4 avril 2003)