Texte intégral
Mesdames et Messieurs les députés,
Ainsi s'achève ce soir, de façon plus classique, par le dépôt d'une motion de censure, l'étrange semaine qui, à propos de l'euro, a beaucoup agité l'opposition. Cette interpellation du Gouvernement est en effet une procédure normale -et donc compréhensible- dans le fonctionnement de notre démocratie parlementaire.
J'ai maintenant le devoir de répondre. J'ai naturellement entendu les expressions d'approbation et de soutien émanant des représentants des groupes de la majorité. Je les remercie. S'agissant d'un débat de censure, vous comprendrez toutefois que je m'adresse plus particulièrement aux auteurs de la motion de censure.
Mesdames et Messieurs les députés de l'opposition, vous entendez sanctionner la politique économique conduite par le gouvernement. Mais qu'entendez-vous censurer, au juste ? La croissance retrouvée ? La baisse du chômage, amorcée depuis l'automne ? La réduction des déficits, vous qui jugiez lorsque vous étiez encore la majorité, que l'objectif d'un déficit de 3 % pour 1997 était impossible à atteindre sans recourir à un nouveau plan de rigueur ? La confiance revenue qu'attestent jour après jour les enquêtes auprès des ménages ou des entreprises ?
L'exercice est difficile.
Ne pouvant vous appuyer sur les faits, ce sont nos projets et leur inspiration que vous contestez, Selon vous, notre politique ne serait pas en cohérence avec nos engagements européens et, plus précisément, elle serait incompatible avec l'Euro. Pour répondre de façon conséquente à votre interpellation, et avant d'évoquer l'avenir, il me faut au préalable rappeler d'où nous venons.
I -Qu'avez-vous fait, qu'avons-nous fait ?
Disposant à partir de 1993 d'une majorité parlementaire considérable, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, vous avez détenu, de 1995 à 1997, tous les pouvoirs. Qu'en avez-vous fait ?
Contrairement à ce qu'avaient pu laisser croire vos déclarations de 1995, vous avez mal évalué ce dont souffrait la société et l'économie françaises. Au lieu d'encourager la croissance, le gouvernement précédent a opéré une ponction fiscale sans précédent -plus de 100 MdFs prélevés sur les ménages, freinant ainsi la consommation et l'investissement.
Vous vous faites, maintenant, les chantres de la rigueur budgétaire et de la baisse des prélèvements obligatoires. Pourtant, en 1994, vous n'avez réduit que de 0,1 point le déficit des finances publiques, et ce alors même que la croissance redémarrait en Europe. Et après tout, ce n'est pas moi, mais un autre Premier ministre qui, en 1995, avait qualifié de " calamiteuse " la situation des finances publiques. Et ce déficit, vous le savez bien, était encore très excessif en juin 1997, puisque, en incluant la recette exceptionnelle constituée par la soulte de France Télécom, il se situait entre 3,5 et 3,7 % du PIB.
De la même manière, en 1996, vous avez réalisé, avec 1,2 point d'augmentation, la plus forte hausse du taux des prélèvements obligatoires depuis le second choc pétrolier.
Vous avez, enfin, fortement accru les dépenses de l'Etat entre 1994 et 1996, bien au-delà de l'inflation. Et si elles ont été contenues en 1997, c'est parce que nous avons pris, l'été dernier, les mesures qui s'imposaient.
Quelle était en tout cas, la situation en juin 1997 ?
Au premier semestre de l'année 1997, la croissance française était inférieure à celle de nos cinq principaux partenaires européens. Elle ne reposait que sur un seul élément : le dynamisme des exportations, dû notamment à la forte croissance de la demande intérieure de nos partenaires. En revanche, notre propre demande intérieure était atone. La consommation croissait très faiblement et l'investissement baissait chez nous, alors qu'il augmentait chez les autres,
Notre économie était bridée et ce n'était pas du côté de l'offre que se situait le blocage, mais bien du côté de la demande. Dans une situation où la compétitivité était satisfaisante, les taux d'intérêt bas et l'auto-financement des entreprises élevé, c'était en effet la faiblesse de la consommation qui bloquait la reprise de l'investissement.
Toute notre politique a consisté à trouver l'équilibre entre la nécessaire réduction des déficits et l'indispensable reprise de la consommation. Nous l'avons fait en redonnant du pouvoir d'achat : en augmentant de 4 % le SMIC au premier juillet 1997, en quadruplant l'allocation de rentrée scolaire, en transférant les cotisations d'assurance-maladie vers une CSG élargie à tous les revenus, y compris financiers.
Nous l'avons surtout fait sans recourir à de nouvelles hausses d'impôt sur les ménages ou de cotisations sociales. L'effort, qui a dû être réalisé en 1997 pour redresser les finances publiques, a été demandé à ceux qui en étaient capables et qui profiteront le plus de la création de l'Euro -c'est-à-dire les grandes entreprises. Nous savions que l'effort transitoire que nous leur demandions ne remettrait pas en cause, dans le contexte que je viens d'évoquer, leur investissement, ni leur profitabilité. La suite nous a donné raison : l'investissement a redémarré et les résultats financiers des grandes entreprises ont été, y compris après impôts, plutôt florissants en fin d'année dernière.
La confiance ne se décrète pas ; elle se gagne. Elle est aujourd'hui revenue. Celle des ménages, qui n'a cessé de se renforcer ; et après que la demande intérieure s'est redressée, celle des entreprises, notamment des PME dont les projets d'investissement ont été fortement revus à la hausse ces derniers mois.
Tout cela n'allait pas de soi.
Vous avez souvent évoqué la chance. Selon vous, l'environnement économique international serait meilleur que celui que vous escomptiez à l'époque. Peut-être en effet n'êtes-vous pas chanceux. Mais n'auriez-vous pas manqué aussi de perspicacité ?
Sans doute avez-vous mal apprécié les potentialités de l'économie française. Et je crois aussi que vous sous-estimez les efforts qui ont été entrepris depuis le mois de juin dernier.
En onze mois, la croissance française a non seulement changé de rythme - elle est désormais vive, solide, suivant un sentier de 3 % par an -, mais elle a surtout changé de nature. Alors que la demande étrangère ralentit, la consommation a fortement progressé et la croissance de notre investissement a progressivement rejoint le rythme constaté chez nos voisins.
Notre politique porte ses premiers fruits : la croissance retrouvée et les premiers effets du plan pour l'emploi des jeunes ont permis que s'amorce la baisse du chômage.
Ces résultats encourageants, ce " cercle vertueux " de la croissance qui s'enclenche dans le pays, n'étaient, pas écrits d'avance. Il fallait pour cela changer de politique et rompre avec une tonne d'orthodoxie économique qui conduisait au fatalisme et au découragement de nos concitoyens.
La croissance retrouvée, il nous faut maintenant la rendre durable.
Toute notre politique est tournée vers cette finalité. C'est parce que nous voulons prolonger la croissance que nous cherchons à réduire progressivement ces déficits sans accroître les prélèvements.
La cohérence de notre action réside justement dans cet équilibre. Nous savons que tôt ou tard la croissance serait compromise si nous axions l'expansion sur le laisser faire budgétaire et financier, Nous savons aussi qu'une politique fondée sur la seule rigueur budgétaire et financière casserait la croissance.
C'est avec cet objectif que nous construisons le budget de 1999. Parce que nous croyons à l'efficacité d'une intervention publique bien conduite, nous refusons un État rendu impuissant par l'endettement -dont je rappelle qu'il a augmenté de plus de 10 points de PIB en 3 ans, de 1993 à 1996. Parce que nous voulons retrouver dans la durée les moyens d'une politique conjoncturelle active, nous réduisons aujourd'hui le déficit, qui s'établira à 2,3 9b du PIB en 1999.
Nos priorités budgétaires en faveur de l'innovation, de la recherche et des nouvelles technologies, visent à rendre pérenne cette croissance. Notre action en faveur de la création d'entreprises en témoigne ; elle sera encore amplifiée conformément aux enseignements que nous tirerons des Assises de l'innovation organisées le 12 mai prochain,
Nos orientations budgétaires confortent la convergence européenne et nous donnent simultanément les marges de manoeuvres indispensables pour mener à bien, et dans la durée, notre politique économique nationale.
II. Notre politique nationale et nos engagements européens sont parfaitement compatibles.
La semaine dernière, je vous ai indiqué que la politique du gouvernement prenait d'abord en compte les besoins et les préoccupations des Français. Je ne vois là rien qui s'oppose à la réalisation des nouveaux objectifs de l'Europe.
De même que vous n'aviez pas jugé, au pouvoir, qu'il était possible de combiner la convergence vers l'Union monétaire et une politique volontariste de croissance et de réduction du chômage, de même vous ne percevez pas, dans l'opposition, qu'il est tout aussi loisible aujourd'hui de confirmer nos choix européens tout en agissant en faveur de l'emploi des jeunes, de la réduction négociée du temps de travail et de la lutte contre l'exclusion.
La France n'est pas la seule à penser et à agir ainsi
Au Royaume-Uni, le gouvernement de Tony BLAIR met en oeuvre un plan pour l'emploi des jeunes très proche du nôtre ; aux Pays-Bas, le gouvernement s'apprête à le faire ; en Allemagne, le SPD l'a inscrit à son programme.
En Allemagne toujours, le secteur si important de la métallurgie applique déjà les 35 heures ; la discussion s'est maintenant étendue à d'autres branches de l'économie. En Italie, les 35 heures viennent à l'ordre du jour.
Aux Pays-Bas, la réduction de la durée collective du travail et le développement du travail à temps partiel ont contribué à enrichir très fortement le contenu en emplois de la croissance. La réussite de la réduction du temps de travail dans un pays très ouvert sur l'extérieur montre que cette stratégie est parfaitement compatible avec l'Union monétaire.
Ainsi, si chaque pays avance à son rythme et selon sa méthode, il n'y a pas de divergence dans les principales options de politique économique en Europe.
Comment serions-nous isolés alors que la majorité des gouvernements européens sont d'inspiration social-démocrate ?
Vous tendez trop à opposer la construction européenne et la poursuite d'une ambition nationale.
Pour vous, l'Europe est surtout une contrainte à laquelle la France devrait seulement s'adapter. Pour nous, c'est un projet, qui stimule le nôtre.
Mon objectif, celui du Gouvernement, c'est de servir les intérêts de la France. L'Europe peut nous en donner les moyens. Encore faut-il le vouloir, encore faut-il prendre en compte la nature de la construction européenne.
L'Union est un espace de négociation continue, où les petits pas - lorsqu'ils se font dans la bonne direction - aboutissent aux grands changements, où les modestes mécanismes que l'on enclenche se voient repris, amplifiés, jusqu'à constituer un jour les nouvelles lignes de force de cette grande construction.
Au sein de celle-ci, ce n'est pas en imitant un " modèle " qui n'existe pas, mais en définissant une voie originale et adaptée aux réalités économiques et sociales de notre pays que nous avancerons.
Depuis le 1er juin, en mettant en avant quatre conditions essentielles à la réussite de la monnaie unique conditions présentées à nos concitoyens lors de la campagne électorale, conditions approuvées par eux et auxquelles chacun se réfère désormais dans le débat public-, nous avons fait prévaloir les intérêts de la France et infléchi le cours de l'Europe.
L'Europe, désormais, sera une Europe plus sociale, une Europe davantage orientée vers la croissance et l'emploi. Pour la première fois, le chômage y est abordé de front et en commun. Grâce à notre impulsion, dès AMSTERDAM, un tournant décisif a été négocié. Les Quinze en bénéficieront tous.
En France comme en Europe, nous nous refusons à opposer l'économique et le social.
Pour vous, le travail n'est le plus souvent qu'un coût qu'il faut réduire, une variable d'ajustement.
Pour nous, le travail est une valeur. Il est un facteur d'efficacité, de productivité et de compétitivité. Il est une condition de la dignité humaine. Je veux une société qui favorise le retour au travail du plus grand nombre.
C'est pourquoi le lien entre la formation, la protection sociale et l'implication des salariés, d'une part, la compétitivité globale de notre économie, d'autre part, constitue le grand enjeu de la prochaine décennie.
Pour nous, la formation est un investissement. Et nous ne défendons pas nos projets de protection sociale et de formation seulement parce qu'ils sont socialement et humainement souhaitables, mais aussi parce qu'ils peuvent être économiquement efficaces.
Mesdames et Messieurs les députés,
Lors de ma déclaration de politique générale, l'opposition prenait prétexte de l'audit des finances publiques que j'avais annoncé pour nous accuser de vouloir ainsi justifier, selon des termes employés alors, " soit un recul de nos engagements européens, soit le renvoi aux calendes grecques de nos promesses électorales ".
Onze mois plus tard, on peut constater que nous avons respecté les " engagements " européens de la France, et nous l'avons fait en réorientant l'Europe dans la direction que nous souhaitions, et que les Français souhaitaient,
Nous avons respecté nos " promesses " prises devant les Français, et nous l'avons fait de façon pragmatique, sérieuse, et en veillant à l'intérêt général,
J'entends continuer ainsi, avec le Gouvernement, avec la majorité qui le soutient, car je suis convaincu que c'est en combinant la solidarité européenne, la cohésion sociale et une ambition nationale que nous changerons l'avenir de la France.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 mai 2001)
Ainsi s'achève ce soir, de façon plus classique, par le dépôt d'une motion de censure, l'étrange semaine qui, à propos de l'euro, a beaucoup agité l'opposition. Cette interpellation du Gouvernement est en effet une procédure normale -et donc compréhensible- dans le fonctionnement de notre démocratie parlementaire.
J'ai maintenant le devoir de répondre. J'ai naturellement entendu les expressions d'approbation et de soutien émanant des représentants des groupes de la majorité. Je les remercie. S'agissant d'un débat de censure, vous comprendrez toutefois que je m'adresse plus particulièrement aux auteurs de la motion de censure.
Mesdames et Messieurs les députés de l'opposition, vous entendez sanctionner la politique économique conduite par le gouvernement. Mais qu'entendez-vous censurer, au juste ? La croissance retrouvée ? La baisse du chômage, amorcée depuis l'automne ? La réduction des déficits, vous qui jugiez lorsque vous étiez encore la majorité, que l'objectif d'un déficit de 3 % pour 1997 était impossible à atteindre sans recourir à un nouveau plan de rigueur ? La confiance revenue qu'attestent jour après jour les enquêtes auprès des ménages ou des entreprises ?
L'exercice est difficile.
Ne pouvant vous appuyer sur les faits, ce sont nos projets et leur inspiration que vous contestez, Selon vous, notre politique ne serait pas en cohérence avec nos engagements européens et, plus précisément, elle serait incompatible avec l'Euro. Pour répondre de façon conséquente à votre interpellation, et avant d'évoquer l'avenir, il me faut au préalable rappeler d'où nous venons.
I -Qu'avez-vous fait, qu'avons-nous fait ?
Disposant à partir de 1993 d'une majorité parlementaire considérable, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, vous avez détenu, de 1995 à 1997, tous les pouvoirs. Qu'en avez-vous fait ?
Contrairement à ce qu'avaient pu laisser croire vos déclarations de 1995, vous avez mal évalué ce dont souffrait la société et l'économie françaises. Au lieu d'encourager la croissance, le gouvernement précédent a opéré une ponction fiscale sans précédent -plus de 100 MdFs prélevés sur les ménages, freinant ainsi la consommation et l'investissement.
Vous vous faites, maintenant, les chantres de la rigueur budgétaire et de la baisse des prélèvements obligatoires. Pourtant, en 1994, vous n'avez réduit que de 0,1 point le déficit des finances publiques, et ce alors même que la croissance redémarrait en Europe. Et après tout, ce n'est pas moi, mais un autre Premier ministre qui, en 1995, avait qualifié de " calamiteuse " la situation des finances publiques. Et ce déficit, vous le savez bien, était encore très excessif en juin 1997, puisque, en incluant la recette exceptionnelle constituée par la soulte de France Télécom, il se situait entre 3,5 et 3,7 % du PIB.
De la même manière, en 1996, vous avez réalisé, avec 1,2 point d'augmentation, la plus forte hausse du taux des prélèvements obligatoires depuis le second choc pétrolier.
Vous avez, enfin, fortement accru les dépenses de l'Etat entre 1994 et 1996, bien au-delà de l'inflation. Et si elles ont été contenues en 1997, c'est parce que nous avons pris, l'été dernier, les mesures qui s'imposaient.
Quelle était en tout cas, la situation en juin 1997 ?
Au premier semestre de l'année 1997, la croissance française était inférieure à celle de nos cinq principaux partenaires européens. Elle ne reposait que sur un seul élément : le dynamisme des exportations, dû notamment à la forte croissance de la demande intérieure de nos partenaires. En revanche, notre propre demande intérieure était atone. La consommation croissait très faiblement et l'investissement baissait chez nous, alors qu'il augmentait chez les autres,
Notre économie était bridée et ce n'était pas du côté de l'offre que se situait le blocage, mais bien du côté de la demande. Dans une situation où la compétitivité était satisfaisante, les taux d'intérêt bas et l'auto-financement des entreprises élevé, c'était en effet la faiblesse de la consommation qui bloquait la reprise de l'investissement.
Toute notre politique a consisté à trouver l'équilibre entre la nécessaire réduction des déficits et l'indispensable reprise de la consommation. Nous l'avons fait en redonnant du pouvoir d'achat : en augmentant de 4 % le SMIC au premier juillet 1997, en quadruplant l'allocation de rentrée scolaire, en transférant les cotisations d'assurance-maladie vers une CSG élargie à tous les revenus, y compris financiers.
Nous l'avons surtout fait sans recourir à de nouvelles hausses d'impôt sur les ménages ou de cotisations sociales. L'effort, qui a dû être réalisé en 1997 pour redresser les finances publiques, a été demandé à ceux qui en étaient capables et qui profiteront le plus de la création de l'Euro -c'est-à-dire les grandes entreprises. Nous savions que l'effort transitoire que nous leur demandions ne remettrait pas en cause, dans le contexte que je viens d'évoquer, leur investissement, ni leur profitabilité. La suite nous a donné raison : l'investissement a redémarré et les résultats financiers des grandes entreprises ont été, y compris après impôts, plutôt florissants en fin d'année dernière.
La confiance ne se décrète pas ; elle se gagne. Elle est aujourd'hui revenue. Celle des ménages, qui n'a cessé de se renforcer ; et après que la demande intérieure s'est redressée, celle des entreprises, notamment des PME dont les projets d'investissement ont été fortement revus à la hausse ces derniers mois.
Tout cela n'allait pas de soi.
Vous avez souvent évoqué la chance. Selon vous, l'environnement économique international serait meilleur que celui que vous escomptiez à l'époque. Peut-être en effet n'êtes-vous pas chanceux. Mais n'auriez-vous pas manqué aussi de perspicacité ?
Sans doute avez-vous mal apprécié les potentialités de l'économie française. Et je crois aussi que vous sous-estimez les efforts qui ont été entrepris depuis le mois de juin dernier.
En onze mois, la croissance française a non seulement changé de rythme - elle est désormais vive, solide, suivant un sentier de 3 % par an -, mais elle a surtout changé de nature. Alors que la demande étrangère ralentit, la consommation a fortement progressé et la croissance de notre investissement a progressivement rejoint le rythme constaté chez nos voisins.
Notre politique porte ses premiers fruits : la croissance retrouvée et les premiers effets du plan pour l'emploi des jeunes ont permis que s'amorce la baisse du chômage.
Ces résultats encourageants, ce " cercle vertueux " de la croissance qui s'enclenche dans le pays, n'étaient, pas écrits d'avance. Il fallait pour cela changer de politique et rompre avec une tonne d'orthodoxie économique qui conduisait au fatalisme et au découragement de nos concitoyens.
La croissance retrouvée, il nous faut maintenant la rendre durable.
Toute notre politique est tournée vers cette finalité. C'est parce que nous voulons prolonger la croissance que nous cherchons à réduire progressivement ces déficits sans accroître les prélèvements.
La cohérence de notre action réside justement dans cet équilibre. Nous savons que tôt ou tard la croissance serait compromise si nous axions l'expansion sur le laisser faire budgétaire et financier, Nous savons aussi qu'une politique fondée sur la seule rigueur budgétaire et financière casserait la croissance.
C'est avec cet objectif que nous construisons le budget de 1999. Parce que nous croyons à l'efficacité d'une intervention publique bien conduite, nous refusons un État rendu impuissant par l'endettement -dont je rappelle qu'il a augmenté de plus de 10 points de PIB en 3 ans, de 1993 à 1996. Parce que nous voulons retrouver dans la durée les moyens d'une politique conjoncturelle active, nous réduisons aujourd'hui le déficit, qui s'établira à 2,3 9b du PIB en 1999.
Nos priorités budgétaires en faveur de l'innovation, de la recherche et des nouvelles technologies, visent à rendre pérenne cette croissance. Notre action en faveur de la création d'entreprises en témoigne ; elle sera encore amplifiée conformément aux enseignements que nous tirerons des Assises de l'innovation organisées le 12 mai prochain,
Nos orientations budgétaires confortent la convergence européenne et nous donnent simultanément les marges de manoeuvres indispensables pour mener à bien, et dans la durée, notre politique économique nationale.
II. Notre politique nationale et nos engagements européens sont parfaitement compatibles.
La semaine dernière, je vous ai indiqué que la politique du gouvernement prenait d'abord en compte les besoins et les préoccupations des Français. Je ne vois là rien qui s'oppose à la réalisation des nouveaux objectifs de l'Europe.
De même que vous n'aviez pas jugé, au pouvoir, qu'il était possible de combiner la convergence vers l'Union monétaire et une politique volontariste de croissance et de réduction du chômage, de même vous ne percevez pas, dans l'opposition, qu'il est tout aussi loisible aujourd'hui de confirmer nos choix européens tout en agissant en faveur de l'emploi des jeunes, de la réduction négociée du temps de travail et de la lutte contre l'exclusion.
La France n'est pas la seule à penser et à agir ainsi
Au Royaume-Uni, le gouvernement de Tony BLAIR met en oeuvre un plan pour l'emploi des jeunes très proche du nôtre ; aux Pays-Bas, le gouvernement s'apprête à le faire ; en Allemagne, le SPD l'a inscrit à son programme.
En Allemagne toujours, le secteur si important de la métallurgie applique déjà les 35 heures ; la discussion s'est maintenant étendue à d'autres branches de l'économie. En Italie, les 35 heures viennent à l'ordre du jour.
Aux Pays-Bas, la réduction de la durée collective du travail et le développement du travail à temps partiel ont contribué à enrichir très fortement le contenu en emplois de la croissance. La réussite de la réduction du temps de travail dans un pays très ouvert sur l'extérieur montre que cette stratégie est parfaitement compatible avec l'Union monétaire.
Ainsi, si chaque pays avance à son rythme et selon sa méthode, il n'y a pas de divergence dans les principales options de politique économique en Europe.
Comment serions-nous isolés alors que la majorité des gouvernements européens sont d'inspiration social-démocrate ?
Vous tendez trop à opposer la construction européenne et la poursuite d'une ambition nationale.
Pour vous, l'Europe est surtout une contrainte à laquelle la France devrait seulement s'adapter. Pour nous, c'est un projet, qui stimule le nôtre.
Mon objectif, celui du Gouvernement, c'est de servir les intérêts de la France. L'Europe peut nous en donner les moyens. Encore faut-il le vouloir, encore faut-il prendre en compte la nature de la construction européenne.
L'Union est un espace de négociation continue, où les petits pas - lorsqu'ils se font dans la bonne direction - aboutissent aux grands changements, où les modestes mécanismes que l'on enclenche se voient repris, amplifiés, jusqu'à constituer un jour les nouvelles lignes de force de cette grande construction.
Au sein de celle-ci, ce n'est pas en imitant un " modèle " qui n'existe pas, mais en définissant une voie originale et adaptée aux réalités économiques et sociales de notre pays que nous avancerons.
Depuis le 1er juin, en mettant en avant quatre conditions essentielles à la réussite de la monnaie unique conditions présentées à nos concitoyens lors de la campagne électorale, conditions approuvées par eux et auxquelles chacun se réfère désormais dans le débat public-, nous avons fait prévaloir les intérêts de la France et infléchi le cours de l'Europe.
L'Europe, désormais, sera une Europe plus sociale, une Europe davantage orientée vers la croissance et l'emploi. Pour la première fois, le chômage y est abordé de front et en commun. Grâce à notre impulsion, dès AMSTERDAM, un tournant décisif a été négocié. Les Quinze en bénéficieront tous.
En France comme en Europe, nous nous refusons à opposer l'économique et le social.
Pour vous, le travail n'est le plus souvent qu'un coût qu'il faut réduire, une variable d'ajustement.
Pour nous, le travail est une valeur. Il est un facteur d'efficacité, de productivité et de compétitivité. Il est une condition de la dignité humaine. Je veux une société qui favorise le retour au travail du plus grand nombre.
C'est pourquoi le lien entre la formation, la protection sociale et l'implication des salariés, d'une part, la compétitivité globale de notre économie, d'autre part, constitue le grand enjeu de la prochaine décennie.
Pour nous, la formation est un investissement. Et nous ne défendons pas nos projets de protection sociale et de formation seulement parce qu'ils sont socialement et humainement souhaitables, mais aussi parce qu'ils peuvent être économiquement efficaces.
Mesdames et Messieurs les députés,
Lors de ma déclaration de politique générale, l'opposition prenait prétexte de l'audit des finances publiques que j'avais annoncé pour nous accuser de vouloir ainsi justifier, selon des termes employés alors, " soit un recul de nos engagements européens, soit le renvoi aux calendes grecques de nos promesses électorales ".
Onze mois plus tard, on peut constater que nous avons respecté les " engagements " européens de la France, et nous l'avons fait en réorientant l'Europe dans la direction que nous souhaitions, et que les Français souhaitaient,
Nous avons respecté nos " promesses " prises devant les Français, et nous l'avons fait de façon pragmatique, sérieuse, et en veillant à l'intérêt général,
J'entends continuer ainsi, avec le Gouvernement, avec la majorité qui le soutient, car je suis convaincu que c'est en combinant la solidarité européenne, la cohésion sociale et une ambition nationale que nous changerons l'avenir de la France.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 mai 2001)