Interview de M. Hervé Morin, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, à La Chaîne info le 6 novembre 2003, sur les élections régionales en 2004, les relations entre le gouvernement et l'UDF, l'UDF et l'UMP et sur la suppression d'un jour férié pour financer le plan veillissement du gouvernement.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser-. Bonjour H. Morin, vous êtes président du groupe UDF à l'Assemblée, effectivement, chef de file en Haute-Normandie. " Chef de file ", vous allez devenir tête de liste ?
- " Bonjour. Ecoutez ce qui est certain c'est qu'il y a un double enjeu sur ces élections régionales. "
Oui, mais répondez-moi.
- " Si, si mais il y a un enjeu régionale qui est pour moi, notamment dans le cadre et le combat de la réunification de la Normandie, est un contenu, ça c'est l'enjeu d'aménagement du territoire, et il y a un enjeu national aussi. L'enjeu national, c'est de pouvoir donner aux Français la possibilité d'adresser un avertissement au Gouvernement, de pouvoir dire au Gouvernement qu'il y a des choses qui ne vont pas, et que les Français puissent le faire sans être obligé de voter extrême droite, ou extrême gauche. "
Mais qui vous dit qu'ils le feront ?
- " Parce que j'ai le sentiment, quand je me balade dans ma circonscription ou quand je me balade en Haute-Normandie, que les Français attendaient autre chose. Ils attendaient la fin de l'impuissance publique, ils attendaient le changement, la réforme, ils attendaient une nouvelle action en profondeur sur les différentes défaillances du système français et ils attendent encore. Donc j'ai le sentiment profond que les Français vont adresser un message. "
Avec vous, tout serait possible ?
- " Ecoutez ! quand on regarde un certain nombre de sujets d'actualité, on se dit que lorsque l'UDF s'est exprimée à l'Assemblée depuis un an, elle n'a pas toujours eu tort, loin s'en faut, et je peux vous donner des exemples. "
Vous pensez à quoi ?
- " Le jour férié par exemple "
On va en parler du jour férié.
- " Vous parlez des personnes âgées. Nous n'avons pas voté la réduction de l'allocation personnalisée autonomie, puisqu'on a réduit les crédits l'année dernière en disant ça ne nous semble pas une bonne idée. Un an plus tard, on va les augmenter. L'année dernière, dès septembre, nous disions il faut un grand plan pour l'Education nationale, bien avant les grèves, en disant il faut qu'il y ait un message, ce doit être une priorité du Gouvernement. On nous rigolait au nez, six mois plus tard le monde de l'éducation était en grève "
Là, vous exagérez un peu. Parce que c'était prévu dès le début la grande loi d'orientation sur l'Education nationale qui devait être précédée par un débat. Là, je ne peux pas vous laisser dire ça.
- " Donc sur bon nombre de sujets, nous avions indiqué un certain nombre de pistes. Comme nous nous sommes entendus sur rien, comme nous ne participons à rien "
Parce que c'est une réaction de dépit, finalement ?
- " Non ce n'est pas une réaction de dépit. Quand j'ai été élu comme tous mes collègues, j'avais le sentiment que même si je n'avais pas fait le choix du parti unique que j'allais participé à l'action de réforme du Gouvernement. "
Et on vous a méprisé.
- " Et que jusqu'alors on n'a jamais été entendu, on n'a jamais été écouté, F. Bayrou, moi-même, en tant que président de groupe, M. Mercier, président du groupe au Sénat, sommes-nous de temps à autre consultés par le gouvernement sur des réformes ? Avons-nous été consultés sur la suppression du jour férié ?
Non, jamais. "
Je sens que vous mourrez d'envie d'en parler de cette suppression du jour férié. Effectivement, J.-P. Raffarin présente aujourd'hui le plan solidarité vieillesse et handicapés, il va sans doute annoncer la suppression d'un jour ou de RTT, ou d'un jour férié. Vous êtes prêt à donner un jour de votre travail à la nation ?
- " Moi, j'en donne beaucoup mais je l'ai choisi en tant qu'élu. Mais très franchement, là aussi, il y a un problème de cohérence du propos gouvernemental. Si on supprime un jour férié ou un jour de RTT, ça veut dire qu'on allonge la durée du travail. "
En quelque sorte oui.
- " Je me permets de vous faire observer que, lorsque j'indiquais à l'Assemblée, il y a moins d'un an, lors de la loi Fillon dite d'assouplissement sur les 35 heures, que la problématique du pays c'était de créer de la valeur et de la richesse et qu'il fallait assouplir en profondeur la loi sur les 35 heures pour tout simplement permettre aux Français qui veulent travailler de travailler, on m'expliquait que ce n'était pas possible. Neuf mois plus tard, le président de la République a indiqué que la loi sur les 35 heures était quelque chose qui était un acquis social. Je crois que c'est à peu près ça qu'a été le message "
Ceux qui veulent l'abolir avaient des idées imbéciles.
- " Et dix jours plus tard, le gouvernement la remet en cause, premier élément. Second élément, vous remarquerez qu'a priori depuis la Révolution française, on a supprimé la gabelle, la dîme, la corvée etc. On va dire aux Français vous travaillez une journée et cette journée en totalité, le fruit de cet effort à 100 % vous allez le donner à l'Etat. Honnêtement ce n'est pas à mon avis le meilleur moyen d'encourager le travail. Troisième élément, on le fait pour le secteur privé. Comment va-t-on gérer l'ensemble des professions libérales ? Pourquoi simplement les salariés du secteur privé ? Et que fait-on pour la fonction publique ? Ca veut dire qu'on va dire aussi aux fonctionnaires qu'il faut travailler un jour de plus parce que si ça se limite aux seuls salariés du secteur privé qui sont déjà ceux qui trinquent le plus, honnêtement je vois ça assez mal. Enfin quel est le niveau de richesses produites par un jour de suppression de travail ? Difficile à dire parce qu'il y a déjà beaucoup de secteurs où on travaille 365 jours par an ou presque, le secteur industriel Donc honnêtement, moi je ne suis pas prêt à voter cela, ça c'est très clair. Dernier élément : que ferais-je ? J'assouplirais en profondeur la loi sur les 35 heures. On avait prévu un dispositif, on l'a présenté au Gouvernement par voie d'amendement qui était extrêmement simple : maintien de la durée du travail à 35 heures et bonification des salariés de 25 % de 35 à 39 heures, ce qui récompensait le travail "
C'est ce qui a été fait
- " ... Non pas du tout... et à due proportion on réduit les cotisations sociales. Coût net pour l'entreprise zéro, on récompense le travail, on accroît la différence entre les bas salaires et les allocations et on permet à celles et ceux qui veulent rester à 35 heures de le faire. C'était bien, c'était souple et ça permettait au pays de produire la richesse dont il a besoin pour lancer les plans. "
Mais c'est toujours souple dans les formules, et après c'est difficile à appliquer, vous le savez très bien, monsieur Morin.
- " Enfin, toujours est-il que sur ce sujet je ne vois pas bien la cohérence. Il y a 15 jours, trois semaines, on dit aux Français : on va vous baisser les impôts et on vous crée une nouvelle taxe et un nouvel impôt pour financer un plan. Dernier élément sur ce plan, est-ce que c'est toujours qu'un problème d'argent ? est-ce qu'aussi on ne pourrait pas se préoccuper de l'organisation du système pour voir là où on pourrait améliorer les choses les rendre plus efficaces, faire en sorte qu'il y ait une meilleure coordination entre les services sociaux ? "
Mais ça on va peut-être le faire.
- " Oui mais là on parle d'argent c'est tout. "
Oui on parle d'argent. moi je reviens aux régionales et aux élections. L'UDF veut faire cavalier seul, vous dites que vous irez jusqu'au bout, F. Bayrou ira jusqu'au bout. Vous ne faites pas le jeu d'une part des extrêmes, d'autre part de la gauche puisque les voix de droite vont éclater.
- " D'une part il y a deux tours, donc après le premier tour, il y a toujours des discussions possibles. "
On s'envoie tout à la figure avant le premier et après on s'assoit autour de la table ?
- " Non, non. Deuxièmement, est-ce que les Français ont le droit d'avoir le choix ? Est-ce qu'ils doivent forcément avoir comme seul et unique choix l'UMP et le Parti socialiste qui, depuis 20 ans ou 30 ans, s'échangent le pouvoir sans réussir à redresser un pays qui décline depuis 30 ans. "
Monsieur Morin, je vous arrête une seconde, attendez, laissez-moi parler.
- " Autre choix et unique choix : l'extrême droite. "
Oui, mais jusqu'à nouvel ordre l'UMP et l'UDF gèrent ensemble les régions et apparemment ça ne se passe pas trop mal.
- " Ecoutez, nous ne gérons quasiment aucune région puisque la seule région que nous gérons, c'est celle d'A.-M. Comparini. "
Oui, il y a des présidences et des vices présidences, donc ne jouons pas sur les mots.
- " Oui, mais très honnêtement aujourd'hui la place de l'UDF, même dans les régions, c'est assez limité, mais ce n'est pas le sujet. Le sujet c'est de permettre aux Français de pouvoir indiquer au Gouvernement un certain nombre de messages. "
Très brièvement, dites-nous comment ça va se passer ? F. Bayrou veut consulter les militants, mais les décisions sont déjà prises ?
- " Non, les décisions ne sont pas prises, mais honnêtement, si vous aviez assisté hier à la réunion du Bureau politique, [qui est] plutôt un endroit d'élus, donc de sages, qui, etc. ne sont pas que des militants - les militants sont toujours prêts à combattre et à en découdre -, honnêtement, quand on voyait l'ambiance hier au siège de l'UDF, on se disait que les militants devaient être "
Ce n'était même pas la peine de les consulter.
- " Si, bien sûr qu'il faut les consulter, parce qu'il y a plein de choses à retenir. Et puis maintenant, il y a des moyens informatiques extraordinaires. L'email fait que vous recevez tous les jours des dizaines, des centaines de mails vous disant : " Voilà, allez-y, n'y allez pas, vous n'avez pas "
Et vous faites le tri.
- " Voilà. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 novembre 2003)