Rapport de M. Gilles Lemaire, secrétaire national des Verts, sur l'analyse des résultats des élections régionales 2004 notamment l'influence du vote Vert et sur la préparation des élections européennes 2004.

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Circonstance : Conseil national interrégional (CNIR) des Verts à Paris le 3 avril 2004

Texte intégral

Mercredi 31 mars, 19h25 le secrétaire général de l'Elysée dévoile la liste des nouveaux ministres. "Nouveaux" est-ce le bon terme pour le troisième gouvernement Raffarin ; sur 43 membres, 25 sont reconduits !
Mais c'est vrai l'UDF refusant d'embarquer sur le Titanic, dixit l'ineffable Santini, les ministres de la société civile écartés et au passage le nombre de femmes ministres diminué, notre pauvre président n'avait plus beaucoup de choix !
L'annonce du gouvernement donnée d'abord pour le matin, était repoussée à 17 heures puis finalement deux heures et demi plus tard ! Heureusement qu'ils n'ont pas pris encore quelques heures de plus, sinon ce gouvernement était dévoilé le 1er avril : cela aurait fait encore plus mauvais genre.
Un gouvernement battu à des élections intermédiaires c'est courant !
Mais l'ampleur de la défaite, cette fois est singulière ! La gauche dirige 20 régions de métropole sur 21, gagne 11 conseils généraux ! La gauche fait plus de 50 % des voix le 28 mars. Ce n'est pas le Titanic, c'est Waterloo !
Jean vient d'analyser le résultat de ces élections ; le CNIR va en débattre.
En préalable, la comparaison des scores dans les différentes régions permet de cadrer le débat. Rappelez vous les arguments échangés lorsqu'il s'agissait de fixer notre stratégie de premier tour :
- pour les partisans de liste d'union avec le PS au premier tour, c'était 1- le vote utile, qui risquait de reproduire la défaite des législatives de 2002, avec ses conséquences financières, 2- la nécessité pour battre la droite d'avoir un score important dès le premier tour pour des listes unitaires de la gauche
- pour les partisans des listes autonomes, le premier argument était politique : pour faire exister les Verts comme force indépendante, il était nécessaire de présenter le plus de listes autonomes possibles (vote à 70 % du CNIR de juin 2003) Le deuxième argument était de contenir le score de l'extrême gauche et de permettre ainsi un meilleur report au 2ème tour.
Le résultat n'est pas contestable en terme de résultats chiffrés :
- la baisse de l'extrême gauche, la progression du score de la gauche au second tour (par rapport aux présidentielles par exemple) sont de la même ampleur qu'il y ait existence de liste unitaire ou pluralité avec autonomie des Verts ou du PC au premier tour. Les arguments sur les scores tant en faveur de la liste unitaire qu'en faveur de liste autonome tombent.
- les listes autonomes vertes (toutes les vertes, 4 sur 7 du PC) dépassent les 5 %, pas de catastrophe donc et de vote utile nous faisant disparaître, au contraire !
- Dernier élément, l'absence des Verts en autonome laisse place à des scores non négligeables du MEI (sur 8 régions, 6 listes entre 4,2 et 7,4 %) Cela manifeste l'existence d'un électorat écologiste, aux alentours de 4 % nationalement, qui choisit majoritairement le vote vert s'il est en concurrence avec un autre mouvement se réclamant de l'écologie, mais qui si les Verts sont en liste commune choisit un autre vote environnementaliste.
Sur le fond, j'insisterai sur trois points :
- Premier point : ce vote est un vote de rejet de la droite arrogante. Jacques Chirac a obtenu au premier tour des présidentielles 19 % des suffrages exprimés ; la droite a très mal interprété le scrutin du 5 mai et les législatives de juin : Raffarin, Sarkozy et Fillon n'avaient pas reçu le mandat de mettre à bas les systèmes de solidarité et de protection sociale au profit du patronat et des plus riches. Ils sont sanctionnés !
- Deuxième point : Ce vote est donc un vote sanction et non d'adhésion. Le débat sur le contenu de l'alternative politique reste devant nous.
- Troisième point : cette élection marque le rejet du bipartisme, tant à droite qu'à gauche. A droite, c'est l'UDF qui recueille la moitié des voix de l'UMP. De même les listes autonomes vis à vis du Parti socialiste, construites autour des Verts ou du Parti Communiste, parfois d'autres mouvements se réclamant de l'écologie, ont marqué cette volonté d'alternative politique au libéralisme mais aussi à une social-démocratie succombant trop facilement aux sirènes du libéralisme ; elles ont marqué cette volonté face au productivisme de construire une alternative respectueuse de l'environnement : j'en profite pour saluer la victoire aux élections cantonales à Grenoble de notre ami vert Olivier Bertrand par 55 % contre le candidat du Parti socialiste : la suspension du permis de construire du stade de Grenoble s'ajoute à notre bonheur ! Enfin, remarquons que ces bons scores autonomes sont acquis dans une situation qui d'habitude ne nous est pas favorable : les meilleurs scores écologistes sont d'habitude obtenus lorsque le Parti socialiste est au pouvoir. Quand il est dans l'opposition nous avions plus de mal à réunir un fort électorat.
Nous entrons dans la campagne des élections européennes. Monsieur Raffarin et son gouvernement intérimaire sont en sursis. La confirmation du Premier ministre, de 25 ministres, donne déjà aux électeurs le sentiment d'avoir été floué. Les électeurs vont donc voter pour rejeter de nouveau Raffarin !
Nous souhaitons pourtant que le débat sur l'Europe garde toute sa place !
Les Verts français, dans le cadre de la campagne du parti Vert européen, souhaitent construire :
- une Europe acteur de paix majeur sur la scène internationale, défendant des relations internationales respectueuses du développement des pays du sud,
- une Europe sociale offrant un autre modèle de développement économique et social,
- une Europe agissant pour la défense de l'environnement !
Nous aurons donc à promouvoir la construction d'institutions européennes permettant le fonctionnement de l'Europe à 25, en gagnant à cette idée d'avenir toutes les catégories de notre peuple. Ce ne sera pas simple !
Au scrutin de juin, nous pouvons déjà prévoir la confirmation de la défaite de la droite. Sauf surprise, mais avec Jacques Chirac sommes-nous au bout des surprises ? nous allons vivre une nouvelle forme de cohabitation jusqu'en 2007 : un gouvernement certes légal mais illégitime, face à un peuple dressé dans une attitude de rejet.
Si Jacques Chirac est sage, il ne tentera plus de passer en force ; pas d'ordonnance sur l'assurance maladie, retour arrière sur les intermittents, sur l'allocation spécifique de solidarité, sur les chercheurs, cela peut être une voie d'attente ! Mais d'autres, le MEDEF, les libéraux de l'UMP poussent dans un autre sens, le débat n'est pas tranché ; si les libéraux sont suivis, le développement de forts mouvements sociaux pourrait précipiter les échéances.
La situation de la gauche et des Verts est changée au lendemain de ces élections. Les électeurs en disqualifiant la droite exigent que se définisse une nouvelle politique. La responsabilité de la gauche et des Verts est grande.
Soyons aujourd'hui lucides : nous ne sommes pas prêts.
Les incidents dans la fusion des listes de deuxième tour, dans la répartition des responsabilités au sein des exécutifs démontrent que les tentations hégémoniques persistent au Parti socialiste. Ne laissons pas les socialistes retomber dans leurs mauvaises habitudes !
Sur le fond, les succès électoraux n'ont pas fait avancer les débats tant chez nos partenaires, qu'entre eux et nous.
Aussi nous refusons toute opération de marketing qui tenterait, forcément sans succès, de gommer la différence de nos projets. Le refus du productivisme, le refus du nucléaire, la volonté d'une politique sociale audacieuse, la réduction effective du temps de travail, l'agriculture paysanne et spécialement biologique, la défense des services publics en les rapprochant des usagers, une politique généreuse et équitable de l'immigration, le rééquilibrage des politiques de transport vers les transports en commun et le ferroviaire...
Voilà bien des thèmes de débat sur les quels nous devons avancer avant tout affichage d'un comité de liaison de la gauche et encore moins d'un parti unique de la gauche, idée fumeuse que semble-t-il plus personne ne défend !
La responsabilité des Verts est particulière. Le succès de nos listes autonomes, le nombre de nos élus, l'écho de nos propositions et l'urgence des questions que nous posons, nous obligent à grandir et à nous développer.
Les Verts doivent renforcer de façon systématique la construction de leurs propositions programmatiques pour un contrat de mandature à partir du travail déjà effectué sur la mise à jour de notre programme.
Il y a urgence. Dès la campagne européenne terminée, nous reprendrons des initiatives sur ce terrain.
Nous débattrons tant avec l'ensemble des partis de gauche sans exclusive, qu'avec les associations et syndicats pour cerner nos points de convergence, résoudre les divergences en trouvant les compromis possibles. C'est ainsi que nous donnerons couleurs et vie à l'alternative appelée par le scrutin populaire.
(source http://www.les-verts.org, le 7 avril 2004)