Déclaration de M. Georges Sarre, porte-parole du Mouvement républicain et citoyen, sur la ligne de conduite et les ambitions de son parti pour les prochaines élections régionales et européennes, Paris le 23 juin 2003.

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Circonstance : Conseil national du Mouvement républicain et citoyen à Paris le 23 juin 2003

Texte intégral

Chers Amis,
Chers Camarades,
Au moment où nous tenons ce conseil national, notre pays traverse une des crises les plus graves que nous ayons pu connaître.
Le mouvement social s'est essoufflé. Mais l'exaspération, la rage, l'humiliation de vastes couches de notre société sont elles près de s'atténuer ? Et qui, aujourd'hui, est capable d'incarner l'espoir de lendemains meilleurs pour ces millions de femmes et d'hommes qui souffrent ?
Les causes du mécontentement sont profondes. Elles vont bien au-delà des retraites, ou du transfert aux régions et aux départements de certains personnels de l'Education Nationale.
C'est que les Françaises et les Français sont de plus en plus nombreux à comprendre le processus de régression dans lequel leur pays est engagé. Ils sont de plus en plus nombreux à comprendre que derrière la Nation, c'est le monde du travail, ce sont les salariés qui sont menacés par la mondialisation libérale !
Avec le rétablissement de la République, au sortir de la seconde guerre mondiale, c'est un pacte de progrès social qui avait été conclu : retour à la Nation des grands services publics, solidarité nationale garantie par un système fort de sécurité sociale et de retraites par répartition, égalité des chances assurée par un enseignement public gratuit et de haute qualité. C'est ce pacte aujourd'hui qui tombe en lambeaux. C'est cela qui fait que la France a la fièvre. C'est cela qui fait que les salariés ont peur pour leur avenir, et celui de leurs enfants !
L'offensive est en cours pour réduire le montant des retraites, tout en prétendant que le niveau en sera maintenu au prix d'un allongement de la vie active, totalement irréaliste dans le contexte du marché de l'emploi. L'offensive est en cours pour ouvrir un boulevard aux fonds de pensions, qui prospèreront pour ceux qui en auront les moyens, du fait de la réduction des prestations obligatoires.
L'offensive est annoncée pour l'automne sur le terrain de la sécurité sociale. Le gouvernement s'apprête à réduire les prestations - soins dentaires, ophtalmologie, d'autres encore sans doute - en ouvrant ainsi de juteux marchés aux assurances privées. Sans pour autant apporter de remèdes à la grande misère de l'hospitalisation publique.
Sur le terrain de l'emploi, la montée lente du chômage s'accompagne d'une précarisation et d'une insécurité croissantes non seulement pour les salariés mais aussi pour les travailleurs indépendants. Elle s'accompagne de véritables cataclysmes locaux avec les licenciements massifs auxquels procèdent ici et là des entreprises comme Alsthom, Danone, Métaleurop, dans des localités que jusque là elles faisaient vivre.
L'offensive est en cours, vous disais-je, et les Français ont peur car ils le savent bien : quand la régression s'installe, la République est en danger.
Mais en même temps, aujourd'hui, mieux qu'hier, les Françaises et les Français entrevoient les causes du gâchis, ils commencent à en identifier les responsables.
Il y a ce gouvernement, qui gouverne si adroitement mais qui ment si mal. Il y a le MEDEF, charmé par l'arrogance et la suffisance du baron Ernest-Antoine Sellière de Laborde, qui s'active à presser le gouvernement dans la voie de la régression sociale. Voyez la leçon qu'il vient de lui administrer, menaces de licenciements à l'appui, à l'annonce récente de l'augmentation des SMIC !
Mais au-delà du gouvernement et du MEDEF, l'opinion se rend compte de plus en plus que nous sommes entraînés dans un grand tourbillon à l'échelle mondiale, qu'on appelle parfois la mondialisation libérale, et qui est générée par l'Empire américain et par ses satellites.
Si nos industries se délocalisent toujours plus vite, n'est-ce pas que notre pays a abdiqué tout pouvoir entre les mains des autorités bruxelloises ? Et n'est-ce pas que les dites autorités bruxelloises se sont inclinées au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce devant l'exigence des ayatollahs du libre échange ?
Si nos services publics sont bradés peu à peu, n'est-ce pas parce que l'Organisation Mondiale du Commerce et les autorités bruxelloises ont fait admettre le principe de l'ouverture progressive à la concurrence des marchés de l'électricité, du gaz, des transports, dans l'immédiat, et à moyen terme de l'enseignement et de la santé ?
Si notre économie stagne, n'est-ce pas que notre pays a abdiqué sa souveraineté monétaire entre les mains de la banque centrale européenne ? N'est-ce pas aussi que la France a acquiescé aux critères de Maastricht et au pacte de stabilité qui imposent un carcan insupportable à nos finances publiques ?
Monsieur Raffarin l'a bien dit : ce n'est pas la rue qui gouverne. Mais ce n'est pas non plus Monsieur Raffarin. Monsieur Raffarin n'est que l'humble serviteur de la mondialisation libérale et des forces qui la mettent en uvre, comme, ailleurs, Messieurs Blair, Schroeder ou Aznar !
Oui il s'agit bien d'un processus mondial, dans lequel le devenir de notre économie et de notre société, la réalité même de notre République ont cessé de dépendre de la libre expression du suffrage universel et se trouvent soumis aux diktats libre-échangistes de l'Empire américain.
La dictature de cet Empire n'est pas seulement économique. Elle est aussi de nature militaire. On l'a bien vu en Irak. Armés jusqu'aux dents, les Etats-Unis ne sont plus aujourd'hui freinés dans leurs entreprises, depuis l'effondrement de l'empire soviétique, par aucune puissance capable de s'opposer à eux. Il n'y a plus d'indépendance nationale, plus de souveraineté des Etats, plus de Charte des Nations-Unies qui vaillent. Il n'y a plus que la force militaire brutale des Etats-Unis qui frappent où ils veulent et quand ils veulent.
Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est que depuis un quart de siècle, ceux qui ont occupé tour à tour le pouvoir ont abdiqué, face à cette féroce offensive.
De cela aussi les Françaises et les Français prennent conscience. On l'a vu dès le 23 avril 2002 : ils n'attendent le salut ni de Chirac, ni de Jospin ni de ses continuateurs.
Chirac, dira-t-on, a eu dans la crise irakienne une conduite exemplaire, meilleure sans doute que celle qu'aurait eu Jospin en semblable circonstance. Mais à quoi servira dans la durée le lyrisme de Monsieur de Villepin, quand, dans le même temps, le gouvernement de Monsieur Chirac s'acharne méthodiquement contre nos acquis sociaux et nos services publics ?
L'offensive fait rage, mais où sont les hommes et les femmes prêts à dire non ! Et se battre ?
Monsieur Hollande est passé résolument à un discours de gauche, comme font toujours les socialistes lorsqu'ils sont dans l'opposition. Mais quelle politique ferait-il si ses amis et lui-même, revenaient aux affaires ? La même politique libérale, agrémentée de quelques gadgets sociaux. Il suffit de lire les trois motions qui ont structuré leur dernier congrès : pas une ne remet en cause les erreurs libérales et fédéralistes passées !
Alors, vers qui les français peuvent-ils se tourner ? D'où peuvent ils vraiment attendre ne serait-ce que le signe d'une résistance salutaire ?
La défense de la République, le combat pour l'égalité, la liberté, et la fraternité, est aujourd'hui la charge, la lourde charge de notre petit parti, de notre Mouvement Républicain et Citoyen.
La défense de la République, c'est aujourd'hui la défense de la justice sociale, de l'école républicaine, de la solidarité nationale, des services publics. De larges couches de la population sont aujourd'hui en lutte pour défendre ces valeurs. Soyons, toujours, à leurs côtés, proposons leur des perspectives !
L'alternative nécessaire à Chirac et Raffarin ne peut venir d'un nouveau conglomérat disparate autour du parti socialiste. Elle ne pourra émerger qu'autour d'un projet et d'un modèle de société. Un modèle humaniste de liberté, d'égalité et de fraternité, opposé à la réalité actuelle du chacun pour soi et de la dictature du " fric ". Il faut faire du neuf, et pour faire du neuf, il faut d'abord être libres !
Ce modèle, il faut le défendre en France. Il faut le défendre aussi au niveau européen, devenu incontournable. La démission de nos politiques au profit des institutions de Bruxelles, elles-mêmes soumises aux exigences des multinationales a conduit à la situation actuelle. Il faut donc agir pour une Europe vraiment européenne, une Europe de coopération active entre nations souveraines, une Europe aux exigences sociales renforcées, une Europe ouverte à la coopération avec la Russie et avec les pays du Sud. C'est tout le contraire de ce à quoi nous assistons avec l'élargissement et la convention de Monsieur Giscard d'Estaing.
L'élargissement, au moment où l'Allemagne commence à prendre quelques distances avec les Etats-Unis, va renforcer l'influence de ces derniers par le biais des anciens satellites soviétiques dont la plupart aspirent à devenir satellites des américains. L'élargissement, mal préparé, risque encore, à terme, d'introduire des déséquilibres lourds de menaces. Et tout cela sans qu'à aucun moment le peuple n'ait été consulté.
La convention pour l'avenir de l'Europe : le projet dont elle accouche accentue le dessaisissement du citoyen en transférant des pouvoirs renforcés à une commission européenne où la France et l'Allemagne n'auront pas plus de place que Malte ou l'Estonie.
Elle confirme les orientations libre-échangistes, le refus de prendre en compte en pratique, et non seulement en paroles, les exigences de la justice sociale et moins encore la défense des services publics.
Depuis la très courte victoire du oui au traité de Maastricht, la dérive anti-démocratique et anti-sociale de l'Europe s'est poursuivie sans que le peuple soit jamais consulté. Nous exigeons qu'il le soit enfin sur le projet de Monsieur Giscard d'Estaing et des chefs d'Etat et de gouvernement pour que son " non " franc et massif, auquel nous contribuerons, signifie ce sursaut, ce retour à la République dont la France à besoin !
Mes Chers Camarades,
Si notre pays, la France, et la République ont quelque chance d'émerger de l'actuel chaos, ce ne pourra être qu'autour de cette ligne politique : refus de la dissolution dans un magma ultra-libéral et atlantiste, réaffirmation des valeurs de la République et avant tout de cette valeur essentielle qu'est la justice sociale.
Que ceux qui adhèrent à cette ligne viennent de la gauche, du centre, de la droite, qu'importe, pourvu qu'ils y adhèrent sincèrement et complètement. Vous êtes nombreux à croire que dans ce contexte, la refondation de la gauche est nécessaire. Elle devra se faire sur des bases républicaines, celles que je viens de décliner, car au fond, la gauche, pour nous, c'est d'abord la résistance : résistance à l'injustice, à l'oppression, aux inégalités, l'émancipation du monde du travail !
A nous maintenant de retrouver le chemin du peuple, de lui expliquer avec des mots simples en quoi nos propositions répondent à ses préoccupations immédiates. A nous de lui redonner espoir, de lui faire retrouver le chemin des urnes.
Pour y parvenir, il nous faut un parti. Avec une identité, une stratégie, une tactique claires.
Au fond, Chers Camarades, nous sommes d'accord sur la critique de la mondialisation libérale. Nous pensons la même chose sur l'actuelle construction européenne ; relais du libéralisme. Quant à la politique économique et sociale du gouvernement actuel, nous la combattons.
Que faire ?
Nous devons porter haut et fort notre ligne, notre projet, nos analyses, pour bien marquer la différence et défendre bec et ongle notre indépendance, notre autonomie.
Ce qui doit aussi nous conduire à entrer en force dans la mêlée.
C'est par le débat contradictoire que nous contribuerons utilement à refonder la gauche sur des bases républicaines.
Dans tous les débats, il faut défendre nos choix, les raisons de ces choix, leur adaptation à la réalité de la France d'aujourd'hui, de l'Europe telle qu'ils l'ont faite.
En face, nous aurons un ventre mou, des adversaires, mais aussi des gens disponibles, prêts à nous entendre.
Alors il ne faut pas rester sur l'Aventin et attendre que l'on nous fasse signe. Naturellement, il faudra participer aux forums que va organiser le PS, y aller armés par notre volonté et nos convictions.
Mais il faudra aussi prendre des initiatives.
Le MRC peut, par exemple, préparer seul ou avec tous ceux qui le voudraient une manifestation à la mémoire d'Allende et des militants de l'unité populaire morts et torturés à l'occasion du trentenaire du coup d'Etat fasciste au Chili. Pour faire émerger les vraies questions et les grands sujets internationaux, européens et nationaux, organisons des rencontres, des colloques en province comme à Paris. A la base, entrons dans les comités d'ATTAC pour échanger avec leurs membres.
Faisons les Etats Généraux du monde du travail.
Bref, il faut faire vivre le débat partout et sur tout. Nous ne sommes pas devenus frileux et nous devons être fiers d'avoir fait la campagne de Jean-Pierre Chevènement et d'être allés, ensuite, dans la foulée, aux élections législatives.
Notre histoire est à gauche. C'est là qu'elle a commencé et c'est là qu'elle doit se poursuivre, c'est à partir de cette ligne que nous rassemblerons. Autrement, c'est le déclin, la morte lente qui seront au final au rendez-vous.
Alors, pour les élections, c'est simple.
Nous avons des élus, il faut qu'ils soient réélus.
Nous avons besoin de plus d'élus. Il faudra donc de bons accords dans toutes les régions avec ceux de la gauche. Je parle naturellement des élections régionales et cantonales.
Pour les élections européennes, c'est plus simple et beaucoup plus difficile.
Il ne saurait y avoir la moindre alliance avec le PS à moins de se renier.
Un programme régional pour les élections régionales est une chose ordinaire.
Pour les élections européennes, le PS, depuis son congrès, a ratifié la marche vers une Europe fédérale. C'est clair. Cela interdit aux républicains, aux progressistes conséquents d'être ensemble dans cette bataille électorales.
Nous ferons des listes, si c'est possible, dans les nouvelles circonscriptions, mais, tout le monde le sait, la tâche sera rude.
Et il faut aussi, je l'ai dit, des hommes et des femmes libres prêts à se lever et dire non ! Je me tourne donc vers vous, vous qui depuis des années, aux côtés de Jean-Pierre CHEVENEMENT, avez tant donné pour faire triompher nos idées : l'heure est elle venue de " poser le sac " ? Allons-nous, après tant de sacrifices et d'efforts, abdiquer, nous résigner ?
Non ! Car moi, je sais qu'ensemble, nous pouvons réussir la lourde tâche que nous nous sommes assignée, malgré les obstacles et les difficultés actuelles.
Pourquoi ? Parce que nos seules armes sont nos convictions, notre dévouement, notre courage ! Ces armes là, chers camarades, je le sais, sont intactes, et vous êtes prêt à vous en saisir de nouveau, à condition que l'on vous le demande !
Salut et fraternité.
(Source http://www.mrc-France.org, le 24 juin 2003)