Texte intégral
Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, bonjour.
Michèle Alliot-Marie :
Bonjour.
Quand la France faisait tout pour éviter la guerre en Irak, eh bien même aux Etats-Unis, on vient de le voir, on commence à se convertir à l'idée que la France avait raison. Quel sentiment ça vous inspire, ce changement de tendance aux Etats-Unis ?
Je suis heureuse de voir que les intentions de la France sont aujourd'hui reconnues par les Etats-Unis et notamment par un certain nombre de médias puisque le président de la République et le gouvernement français avaient fait l'objet d'attaques extrêmement désagréables. Aujourd'hui, on est enfin en train de dire que les analyses que nous faisions, les mises en garde sur les risques que prenaient les Etats-Unis et l'ensemble du monde occidental dans cette opération, sont reconnues comme véridiques. Je crois que c'est notre expertise en la matière qui est aujourd'hui prise en considération.
Alors pourquoi maintenant, Madame Alliot-Marie, dites-vous dans une interview accordée au PROGRES DE LYON, que pour tous les Occidentaux y compris les Français, nous n'avons aucun intérêt à ce qu'émerge le sentiment d'une défaite de l'Occident en Irak. Vu comme ça effectivement cela paraît évident mais que voulez-vous mettre en exergue en disant cela ?
Je veux simplement dire que le risque que certains utilisent la situation actuelle pour essayer de créer une sorte de crise entre le monde musulman et le monde occidental existe. Depuis les attentats, nous avons dit en effet que c'était là un grand risque encouru par le monde parce qu'un certain nombre notamment de ceux qui soutiennent les réseaux terroristes, ne rêvent que de cette grande guerre entre le monde occidental et le monde musulman. Et je dois dire que tout ce qui va en ce sens est effectivement quelque chose qu'il faut essayer d'écarter et qui est extrêmement dangereux.
Donc cela veut dire que vous reprochez aux Etats-Unis d'entraîner la France dans le ressentiment que peut avoir la population irakienne ou le monde musulman plus largement ?
Non, ce n'est pas du tout cela. Aujourd'hui, je crois qu'il est important qu'en Irak, il y ait un signe fort d'un changement profond. C'est pour cela que nous demandions une résolution des Nations unies qui aurait montré cette volonté de transmettre très rapidement aux autorités irakiennes la responsabilité de leur pays et de leurs institutions. Ce n'est que lorsque cela sera fait qu'il pourra effectivement y avoir un changement d'attitude et un changement de mentalité. A ce moment-là, il sera effectivement possible aux Etats-Unis, et aux différents pays prêts à intervenir, de le faire pour aider l'Irak à se reconstruire. Mais aujourd'hui, il y a encore une ambiguïté dans l'esprit de beaucoup, y compris de la part de beaucoup d'Irakiens.
Toutefois, Madame Alliot-Marie, il y a aussi une question disons... plus sèche encore qui se pose à Georges Bush finalement par rapport à l'Irak, se retirer ou rester. Qu'est-ce qui vous paraît le plus sage même si le choix est cornélien ? Est-ce que le gouvernement français a une préférence entre ces deux attitudes ?
Il faut d'abord que ce soit les Nations unies qui puissent reprendre la main en la matière. Il ne faut pas tarder parce que, malheureusement, nous voyons la dégradation de cette situation. Comme je le disais, il existe effectivement le risque aujourd'hui que ce soit l'ensemble de la communauté internationale, c'est à dire tout ce qui n'est pas irakien, qui soit aujourd'hui visé. Il faut donc faire très vite. A partir du moment où les Nations unies seront en quelque sorte les " maîtres du jeu " de la reconstruction de l'Irak, à ce moment-là, il y aura des répartitions de responsabilités à faire. Encore une fois je le répète, c'est l'état d'esprit qu'il faut vraiment changer.
Cela veut dire très clairement, il faut que les Américains cessent d'être la puissance présente et que ce soit les Nations unies, cela veut dire cela ?
Il est évident que, dans une situation comme celle-ci, c'est la communauté internationale qui doit être responsable. C'est la seule façon de faire bouger les choses et nous souhaitons que tout se fasse sous l'égide des Nations Unies. Nous l'avons toujours dit.
Michèle Alliot-Marie, je voudrais qu'on dise un mot si vous voulez, du CLEMENCEAU, qui contient de l'amiante, pris en charge par la marine nationale, certes, mais pour aller où ?
Il faut voir ce qui s'est passé. Le CLEMENCEAU, qui a été un grand navire, a été désarmé à partir du moment où il n'a plus été en activité. Aujourd'hui, il reste une coque. Cette coque, malheureusement parce que c'est toujours un peu triste pour un navire, doit être découpée. Mais parce qu'elle contient de l'amiante, comme beaucoup de matériel militaire de l'époque, elle doit préalablement être désamiantée. Le ministère des Finances a donc passé un contrat avec une entreprise espagnole qui se chargeait de désamianter la coque et ensuite de la revendre.
Moi, j'avais le sentiment que personne n'en voulait finalement, cela tourne à l'imbroglio commercialo-juridique.
Cette entreprise voulait la coque. De toute évidence, elle a payé la coque quelques centaines de milliers d'euros. Il s'est trouvé que nous nous sommes aperçus que la société nous avait trompés puisqu'elle avait indiqué qu'elle ferait faire le désamiantage selon les règles internationales dans le port de Gijon en Espagne. Or, à un moment donné, nous nous sommes aperçus qu'en fait, elle le dirigeait vers d'autres ports et donc vers des entreprises qui, elles, n'ont pas reçu l'habilitation. Le ministère des Finances a souhaité rompre ce contrat. Nous-mêmes, nous ne pouvons pas laisser un navire comme cela, au milieu de la Méditerranée. C'est donc à ce titre que la marine nationale, comme cela lui arrive dans un certain nombre de cas pour faire face à des situations difficiles, a été amenée à prendre en charge le remorquage du CLEMENCEAU en attendant qu'une situation soit trouvée.
Madame la Ministre, une toute dernière question, je ne sais pas quel est votre programme en ce 11 novembre, journée de commémoration, je pense qu'il est chargé...
Je viens de quitter les Champs-Élysées où j'ai accompagné le président de la République à la fois sous l'Arc de Triomphe et à la Statue de Clemenceau. Après, je vais partir pour Oyonnax célébrer l'armistice et en même temps célébrer tous ceux qui, à travers la résistance, ont su montrer que notre pays ne baissait jamais les bras...
J'ai dit ça... Madame, n'allez pas trop vite en voiture parce que deux de vos collègues, Nicolas Sarkozy et Gilles de Robien, ont roulé au-dessus de la vitesse autorisée.
Les chauffeurs du ministère de la Défense sont toujours très respectueux des normes. En attendant, je pars en hélicoptère.
Merci Madame Alliot-Marie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 13 novembre 2003)
Michèle Alliot-Marie :
Bonjour.
Quand la France faisait tout pour éviter la guerre en Irak, eh bien même aux Etats-Unis, on vient de le voir, on commence à se convertir à l'idée que la France avait raison. Quel sentiment ça vous inspire, ce changement de tendance aux Etats-Unis ?
Je suis heureuse de voir que les intentions de la France sont aujourd'hui reconnues par les Etats-Unis et notamment par un certain nombre de médias puisque le président de la République et le gouvernement français avaient fait l'objet d'attaques extrêmement désagréables. Aujourd'hui, on est enfin en train de dire que les analyses que nous faisions, les mises en garde sur les risques que prenaient les Etats-Unis et l'ensemble du monde occidental dans cette opération, sont reconnues comme véridiques. Je crois que c'est notre expertise en la matière qui est aujourd'hui prise en considération.
Alors pourquoi maintenant, Madame Alliot-Marie, dites-vous dans une interview accordée au PROGRES DE LYON, que pour tous les Occidentaux y compris les Français, nous n'avons aucun intérêt à ce qu'émerge le sentiment d'une défaite de l'Occident en Irak. Vu comme ça effectivement cela paraît évident mais que voulez-vous mettre en exergue en disant cela ?
Je veux simplement dire que le risque que certains utilisent la situation actuelle pour essayer de créer une sorte de crise entre le monde musulman et le monde occidental existe. Depuis les attentats, nous avons dit en effet que c'était là un grand risque encouru par le monde parce qu'un certain nombre notamment de ceux qui soutiennent les réseaux terroristes, ne rêvent que de cette grande guerre entre le monde occidental et le monde musulman. Et je dois dire que tout ce qui va en ce sens est effectivement quelque chose qu'il faut essayer d'écarter et qui est extrêmement dangereux.
Donc cela veut dire que vous reprochez aux Etats-Unis d'entraîner la France dans le ressentiment que peut avoir la population irakienne ou le monde musulman plus largement ?
Non, ce n'est pas du tout cela. Aujourd'hui, je crois qu'il est important qu'en Irak, il y ait un signe fort d'un changement profond. C'est pour cela que nous demandions une résolution des Nations unies qui aurait montré cette volonté de transmettre très rapidement aux autorités irakiennes la responsabilité de leur pays et de leurs institutions. Ce n'est que lorsque cela sera fait qu'il pourra effectivement y avoir un changement d'attitude et un changement de mentalité. A ce moment-là, il sera effectivement possible aux Etats-Unis, et aux différents pays prêts à intervenir, de le faire pour aider l'Irak à se reconstruire. Mais aujourd'hui, il y a encore une ambiguïté dans l'esprit de beaucoup, y compris de la part de beaucoup d'Irakiens.
Toutefois, Madame Alliot-Marie, il y a aussi une question disons... plus sèche encore qui se pose à Georges Bush finalement par rapport à l'Irak, se retirer ou rester. Qu'est-ce qui vous paraît le plus sage même si le choix est cornélien ? Est-ce que le gouvernement français a une préférence entre ces deux attitudes ?
Il faut d'abord que ce soit les Nations unies qui puissent reprendre la main en la matière. Il ne faut pas tarder parce que, malheureusement, nous voyons la dégradation de cette situation. Comme je le disais, il existe effectivement le risque aujourd'hui que ce soit l'ensemble de la communauté internationale, c'est à dire tout ce qui n'est pas irakien, qui soit aujourd'hui visé. Il faut donc faire très vite. A partir du moment où les Nations unies seront en quelque sorte les " maîtres du jeu " de la reconstruction de l'Irak, à ce moment-là, il y aura des répartitions de responsabilités à faire. Encore une fois je le répète, c'est l'état d'esprit qu'il faut vraiment changer.
Cela veut dire très clairement, il faut que les Américains cessent d'être la puissance présente et que ce soit les Nations unies, cela veut dire cela ?
Il est évident que, dans une situation comme celle-ci, c'est la communauté internationale qui doit être responsable. C'est la seule façon de faire bouger les choses et nous souhaitons que tout se fasse sous l'égide des Nations Unies. Nous l'avons toujours dit.
Michèle Alliot-Marie, je voudrais qu'on dise un mot si vous voulez, du CLEMENCEAU, qui contient de l'amiante, pris en charge par la marine nationale, certes, mais pour aller où ?
Il faut voir ce qui s'est passé. Le CLEMENCEAU, qui a été un grand navire, a été désarmé à partir du moment où il n'a plus été en activité. Aujourd'hui, il reste une coque. Cette coque, malheureusement parce que c'est toujours un peu triste pour un navire, doit être découpée. Mais parce qu'elle contient de l'amiante, comme beaucoup de matériel militaire de l'époque, elle doit préalablement être désamiantée. Le ministère des Finances a donc passé un contrat avec une entreprise espagnole qui se chargeait de désamianter la coque et ensuite de la revendre.
Moi, j'avais le sentiment que personne n'en voulait finalement, cela tourne à l'imbroglio commercialo-juridique.
Cette entreprise voulait la coque. De toute évidence, elle a payé la coque quelques centaines de milliers d'euros. Il s'est trouvé que nous nous sommes aperçus que la société nous avait trompés puisqu'elle avait indiqué qu'elle ferait faire le désamiantage selon les règles internationales dans le port de Gijon en Espagne. Or, à un moment donné, nous nous sommes aperçus qu'en fait, elle le dirigeait vers d'autres ports et donc vers des entreprises qui, elles, n'ont pas reçu l'habilitation. Le ministère des Finances a souhaité rompre ce contrat. Nous-mêmes, nous ne pouvons pas laisser un navire comme cela, au milieu de la Méditerranée. C'est donc à ce titre que la marine nationale, comme cela lui arrive dans un certain nombre de cas pour faire face à des situations difficiles, a été amenée à prendre en charge le remorquage du CLEMENCEAU en attendant qu'une situation soit trouvée.
Madame la Ministre, une toute dernière question, je ne sais pas quel est votre programme en ce 11 novembre, journée de commémoration, je pense qu'il est chargé...
Je viens de quitter les Champs-Élysées où j'ai accompagné le président de la République à la fois sous l'Arc de Triomphe et à la Statue de Clemenceau. Après, je vais partir pour Oyonnax célébrer l'armistice et en même temps célébrer tous ceux qui, à travers la résistance, ont su montrer que notre pays ne baissait jamais les bras...
J'ai dit ça... Madame, n'allez pas trop vite en voiture parce que deux de vos collègues, Nicolas Sarkozy et Gilles de Robien, ont roulé au-dessus de la vitesse autorisée.
Les chauffeurs du ministère de la Défense sont toujours très respectueux des normes. En attendant, je pars en hélicoptère.
Merci Madame Alliot-Marie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 13 novembre 2003)