Texte intégral
Q- A. Hausser-. On va parler de commémoration. Mais avant de parler de l'anniversaire du Débarquement, on va parler de Diên Biên Phû. C'était un vendredi, le 7 mai 1954. C'est également un vendredi que va tomber le 50 ème anniversaire. C'était une lourde défaite pour la France. Pourtant, on va commémorer cette défaite. C'est pour rendre hommage aux victimes ou pour se souvenir tout simplement ?
R - "C'était le point d'orgue de cette guerre d'Indochine, Diên Biên Phû. C'était également la fin de cette guerre, nous voudrions rendre hommage d'abord à nos morts, et puis ensuite..."
Q- Combien de morts ?
R - "Il y a eu 16 000 morts, blessés et prisonniers dans cette bataille. Et donc, rendre hommage à nos morts, nos blessés, à tous ceux qui ont été endeuillés dans cette bataille, et puis en même temps, c'est un message de paix que nous lançons. La France oeuvre, comme vous le savez, sur tous les horizons, en faveur de la paix. Et cela, à chaque occasion, nous la saisirons pour dire combien on est attachés à la paix."
Q- Demain, que va-t-il se passer pour ce 50 ème anniversaire ?
R - "Il va y avoir une cérémonie aux Invalides, présidée par le président de la République. Nous rendrons hommage. Il y aura évidemment à rappeler ces moments difficiles, dans la sobriété et dans la dignité."
Q- Le Général Giap, qui est le vainqueur de Diên Biên Phû, qui vit toujours, qui a plus de 90 ans, a évidemment été interrogé ces derniers jours, et il a parlé de l'Irak. Il a dit que quand un peuple veut vaincre, il vainc toujours et que les Américains vont être obligés de quitter l'Irak".
R - "L'affaire de l'Irak, est une affaire compliquée par elle-même. Je crois que la France a donné la voix qu'elle voulait faire entendre. Nous avons dit ce qu'on en pensait. Pour l'instant, il faut tous s'y mettre pour construire un espace paisible dans ce pays, transmettre normalement les pouvoirs aux Irakiens, et revenir à des sentiments de construction et d'aide à ce peuple plutôt que d'enchérir dans des suppositions de départ et d'arrivée de troupes étrangères."
Q- Mais êtes-vous d'accord avec ce qu'a dit Giap ? Vous, qui avez été soldat, vous avez d'ailleurs servi en Indochine.
R - "Non, non. Il est évident que le peuple irakien voudrait assumer ses responsabilités concernant son pays. Personne ne peut contester cela."
Q- J'en reviens à l'Indochine : vous y étiez, là-bas...
R - "Oui."
Q- Cette défaite, c'était celle de soldats qui ne voulaient pas se battre, c'était la défaite de l'Occident, c'était ...?
- "Il y a plusieurs facteurs qui sont en jeu. D'abord, l'éloignement : c'est à 12 000 km. Voilà une guerre qui se passait à 12 000 km. Donc le désintéressement des Français, car il n'y avait pas le fils de la famille qui se battait, c'étaient des professionnels. Ensuite, il y avait l'instabilité gouvernementale, il faut dire un mot de cela..."
Q- C'était la IVème République.
R - "C'était la IVème République. Par exemple, le départ de M. Mayer, qui avait nommé Navarre. Nous avons attendu six mois avant d'avoir un nouveau Président du Conseil qui était Laniel. Donc, nous nous battions là-bas, avec un désintéressement en Métropole. Et puis ensuite, il y avait les moyens. Ces derniers ne sont pas les mêmes. Nous avions peu de moyens ; le choix des solutions n'était pas évident. Il y en avait trois. Fallait-il faire la guerre et à ce moment-là avoir les moyens ? Fallait-il faire la paix avec le Viet-minh puisqu'on avait reconnu l'indépendance en 1945-1946 ? Ou bien, fallait-il prendre une autre solution, c'est celle que l'on a prise : celle de mettre Bao Daï au pouvoir et on s'est aperçu que ce n'était peut-être pas la bonne solution."
Q- Aujourd'hui, votre travail aux Anciens combattants, c'est essentiellement un travail de mémoire...
R - "Entre autres."
Q- Vous faites un gros travail là-dessus. Et avec des Mémoriaux. On parle beaucoup de celui de Caen, il y a d'autres...
R - "Il y a celui de Struthof, il y a Chermeck (ph). Il y a la réfection et la restructuration du musée français d'Auschwitz. Il y a le Mémorial de la France d'Outre-mer que la ville de Marseille - J.-C. Gaudin -, a pris l'initiative de remettre d'actualité, où l'Etat y participe également pour l'oeuvre française à travers le monde. Il y a tout cela."
Q- Et puis, il y a Internet. Sur Internet, il y les noms des soldats qui sont tombés...
R - "Oui, grand succès."
Q- Mais pour des enfants qui vont sur Internet, c''est la guerre sur Internet,
c'est quoi ?
R - "Non, pas du tout. C'est la mémoire là aussi, ce sont les points de repères. Une société qui n'a pas de points de repères est une société handicapée. Nous voudrions simplement, en direction des jeunes générations, transmettre le relais de la mémoire et ça en fait partie. Cela a été une grande curiosité aussi, parce que nous avons eu, en l'espace de six mois, 1 million de visiteurs, 177 pays se sont raccordés. Donc, c'est un grand succès et en effet, c'est un des sites - ce n'est pas le premier - en tous les cas des tout premiers d'Europe."
Q- Internet, c'est aussi un moyen de véhiculer des messages de haine, on le voit bien.
R - "Oui, mais non, sur d'autres sites. Pas sur le nôtre."
Q- Quand vous voyez des affrontements communautaires, comme il s'en passe dans les banlieues ; vous parliez de "mémoire", quand on s'en prend aux cimetières, ou aux lieux de culte, qu'éprouve un homme comme vous, qui a beaucoup
d'expérience ?
R - "On est révoltés ! Intérieurement d'abord, si on se maîtrise, mais on est révoltés tout court ! Parce que, ce n'est pas admissible dans un pays comme le nôtre - un pays de liberté, de démocratie, d'expression libre, etc. - que l'on puisse voir des débordements de la sorte. S'attaquer aux morts ! Vous rendez compte ! C'est quelque chose d'abominable. Et le Premier ministre, hier, en a parlé, avec les termes qui conviennent. Aujourd'hui, il va y avoir une cérémonie au cimetière qui a été profané en Alsace, et que nous devons tous dénoncer avec la plus grande force. Voilà, ce que l'on peut faire."
Q- Vous parliez du Premier ministre. Il va s'exprimer ce soir. Aujourd'hui, on conteste son autorité, on dit qu'il n'est pas assez présent, que ce sont les ministres qui occupent le terrain...
R - "C'est absurde."
Q- Mais encore ?
R "Non, c'est absurde, parce que, le Premier ministre, autant que tous les membres du Gouvernement, a pris acte du message que les Français ont voulu lui transmettre, au Gouvernement, à partir des élections régionales. Nous en avons tenu compte et, actuellement, nous sommes dans une situation laborieuse, nous travaillons..."
Q- Vous ramez ?
R - "Nous ramons, comme tous ceux qui veulent se donner les moyens d'arriver à des objectifs que nous avons fixés. Et je peux vous affirmer que, quand on se rencontre entre nous, on ne parle que de travail, dans l'amitié, bien sûr, et dans la sérénité. Nous travaillons beaucoup, parce que nous voudrions justement dire aux Français : oui, vous nous avez transmis un message, oui nous l'avons entendu, et voilà la réponse que nous apportons."
Q- Pas de zizanie ?
R- "Jamais."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 mai 2004)
R - "C'était le point d'orgue de cette guerre d'Indochine, Diên Biên Phû. C'était également la fin de cette guerre, nous voudrions rendre hommage d'abord à nos morts, et puis ensuite..."
Q- Combien de morts ?
R - "Il y a eu 16 000 morts, blessés et prisonniers dans cette bataille. Et donc, rendre hommage à nos morts, nos blessés, à tous ceux qui ont été endeuillés dans cette bataille, et puis en même temps, c'est un message de paix que nous lançons. La France oeuvre, comme vous le savez, sur tous les horizons, en faveur de la paix. Et cela, à chaque occasion, nous la saisirons pour dire combien on est attachés à la paix."
Q- Demain, que va-t-il se passer pour ce 50 ème anniversaire ?
R - "Il va y avoir une cérémonie aux Invalides, présidée par le président de la République. Nous rendrons hommage. Il y aura évidemment à rappeler ces moments difficiles, dans la sobriété et dans la dignité."
Q- Le Général Giap, qui est le vainqueur de Diên Biên Phû, qui vit toujours, qui a plus de 90 ans, a évidemment été interrogé ces derniers jours, et il a parlé de l'Irak. Il a dit que quand un peuple veut vaincre, il vainc toujours et que les Américains vont être obligés de quitter l'Irak".
R - "L'affaire de l'Irak, est une affaire compliquée par elle-même. Je crois que la France a donné la voix qu'elle voulait faire entendre. Nous avons dit ce qu'on en pensait. Pour l'instant, il faut tous s'y mettre pour construire un espace paisible dans ce pays, transmettre normalement les pouvoirs aux Irakiens, et revenir à des sentiments de construction et d'aide à ce peuple plutôt que d'enchérir dans des suppositions de départ et d'arrivée de troupes étrangères."
Q- Mais êtes-vous d'accord avec ce qu'a dit Giap ? Vous, qui avez été soldat, vous avez d'ailleurs servi en Indochine.
R - "Non, non. Il est évident que le peuple irakien voudrait assumer ses responsabilités concernant son pays. Personne ne peut contester cela."
Q- J'en reviens à l'Indochine : vous y étiez, là-bas...
R - "Oui."
Q- Cette défaite, c'était celle de soldats qui ne voulaient pas se battre, c'était la défaite de l'Occident, c'était ...?
- "Il y a plusieurs facteurs qui sont en jeu. D'abord, l'éloignement : c'est à 12 000 km. Voilà une guerre qui se passait à 12 000 km. Donc le désintéressement des Français, car il n'y avait pas le fils de la famille qui se battait, c'étaient des professionnels. Ensuite, il y avait l'instabilité gouvernementale, il faut dire un mot de cela..."
Q- C'était la IVème République.
R - "C'était la IVème République. Par exemple, le départ de M. Mayer, qui avait nommé Navarre. Nous avons attendu six mois avant d'avoir un nouveau Président du Conseil qui était Laniel. Donc, nous nous battions là-bas, avec un désintéressement en Métropole. Et puis ensuite, il y avait les moyens. Ces derniers ne sont pas les mêmes. Nous avions peu de moyens ; le choix des solutions n'était pas évident. Il y en avait trois. Fallait-il faire la guerre et à ce moment-là avoir les moyens ? Fallait-il faire la paix avec le Viet-minh puisqu'on avait reconnu l'indépendance en 1945-1946 ? Ou bien, fallait-il prendre une autre solution, c'est celle que l'on a prise : celle de mettre Bao Daï au pouvoir et on s'est aperçu que ce n'était peut-être pas la bonne solution."
Q- Aujourd'hui, votre travail aux Anciens combattants, c'est essentiellement un travail de mémoire...
R - "Entre autres."
Q- Vous faites un gros travail là-dessus. Et avec des Mémoriaux. On parle beaucoup de celui de Caen, il y a d'autres...
R - "Il y a celui de Struthof, il y a Chermeck (ph). Il y a la réfection et la restructuration du musée français d'Auschwitz. Il y a le Mémorial de la France d'Outre-mer que la ville de Marseille - J.-C. Gaudin -, a pris l'initiative de remettre d'actualité, où l'Etat y participe également pour l'oeuvre française à travers le monde. Il y a tout cela."
Q- Et puis, il y a Internet. Sur Internet, il y les noms des soldats qui sont tombés...
R - "Oui, grand succès."
Q- Mais pour des enfants qui vont sur Internet, c''est la guerre sur Internet,
c'est quoi ?
R - "Non, pas du tout. C'est la mémoire là aussi, ce sont les points de repères. Une société qui n'a pas de points de repères est une société handicapée. Nous voudrions simplement, en direction des jeunes générations, transmettre le relais de la mémoire et ça en fait partie. Cela a été une grande curiosité aussi, parce que nous avons eu, en l'espace de six mois, 1 million de visiteurs, 177 pays se sont raccordés. Donc, c'est un grand succès et en effet, c'est un des sites - ce n'est pas le premier - en tous les cas des tout premiers d'Europe."
Q- Internet, c'est aussi un moyen de véhiculer des messages de haine, on le voit bien.
R - "Oui, mais non, sur d'autres sites. Pas sur le nôtre."
Q- Quand vous voyez des affrontements communautaires, comme il s'en passe dans les banlieues ; vous parliez de "mémoire", quand on s'en prend aux cimetières, ou aux lieux de culte, qu'éprouve un homme comme vous, qui a beaucoup
d'expérience ?
R - "On est révoltés ! Intérieurement d'abord, si on se maîtrise, mais on est révoltés tout court ! Parce que, ce n'est pas admissible dans un pays comme le nôtre - un pays de liberté, de démocratie, d'expression libre, etc. - que l'on puisse voir des débordements de la sorte. S'attaquer aux morts ! Vous rendez compte ! C'est quelque chose d'abominable. Et le Premier ministre, hier, en a parlé, avec les termes qui conviennent. Aujourd'hui, il va y avoir une cérémonie au cimetière qui a été profané en Alsace, et que nous devons tous dénoncer avec la plus grande force. Voilà, ce que l'on peut faire."
Q- Vous parliez du Premier ministre. Il va s'exprimer ce soir. Aujourd'hui, on conteste son autorité, on dit qu'il n'est pas assez présent, que ce sont les ministres qui occupent le terrain...
R - "C'est absurde."
Q- Mais encore ?
R "Non, c'est absurde, parce que, le Premier ministre, autant que tous les membres du Gouvernement, a pris acte du message que les Français ont voulu lui transmettre, au Gouvernement, à partir des élections régionales. Nous en avons tenu compte et, actuellement, nous sommes dans une situation laborieuse, nous travaillons..."
Q- Vous ramez ?
R - "Nous ramons, comme tous ceux qui veulent se donner les moyens d'arriver à des objectifs que nous avons fixés. Et je peux vous affirmer que, quand on se rencontre entre nous, on ne parle que de travail, dans l'amitié, bien sûr, et dans la sérénité. Nous travaillons beaucoup, parce que nous voudrions justement dire aux Français : oui, vous nous avez transmis un message, oui nous l'avons entendu, et voilà la réponse que nous apportons."
Q- Pas de zizanie ?
R- "Jamais."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 mai 2004)