Texte intégral
Cher Bertrand Dufourcq,
Je suis vraiment bien malheureux que le couperet démographique tombe aujourd'hui et vous amène à prendre votre retraite de cette fonction et de cette vie diplomatique dans laquelle vous avez donné le meilleur de vous-même - nous en parlions il y a un instant - pendant 37 ans et demi. En même temps, je suis très heureux et je suis fier paradoxalement qu'il me revienne d'exprimer pendant ces quelques brefs instants l'estime générale que, je crois, tous vous portent. Je sais que vous avez invité ici, ce soir, à cette occasion, toutes sortes de gens - je reconnais de très nombreux visages - qui ont tous en commun d'avoir travaillé avec vous et dont je sais, par de multiples recoupements, de multiples conversations, de multiples occasions, de la vie professionnelle ou privée, qu'ils ont tous gardé le meilleur souvenir de cette collaboration et de ce travail.
Je ne vais pas relater cette carrière, vous la connaissez par définition mieux que moi. Chacun d'entre vous, ici, en connaît une part plus ou moins importante. Mais, je dirais que vous avez réussi, dans une période qui est particulièrement difficile pour l'exercice de cette fonction de diplomate, à allier des qualités à la fois traditionnelles et modernes dans ce travail qui est constamment compliqué par la multiplication des rapports internationaux, la multiplication des partenaires, ces fameux 185 pays membres de l'ONU, cette obligation d'être attentif à tout, d'exercer un regard vigilant sur tous les événements, sur toutes les évolutions, de veiller au grain sur tous les plans, sur tous les continents, toutes les qualités traditionnelles qui ont fait les grands diplomates, c'est-à-dire la sûreté de jugement, la capacité à distinguer l'essentiel de l'accessoire dans un grouillement de faits quotidiens qui sont hypertrophiés, déformés, parfois dépourvus de toute signification, donc la capacité à voir dans ce foisonnement les deux éléments simples qui traduisent le début d'un commencement de modifications d'un rapport de force dont il faut se soucier, le dévouement par rapport à son pays, par rapport à l'intérêt national, par rapport à l'intérêt général, par rapport à ce qui commence à ressembler à une sorte d'intérêt commun européen aussi.
Toutes ces qualités, cher Bertrand, vous les avez montrées dans tous ces postes et tous ceux qui vous ont rencontré, qui ont travaillé avec vous, que ce soit ici, au Quai d'Orsay, ou que ce soit à Moscou ou à Bonn, tous ceux qui vous ont croisé dans ces fonctions ont reconnu en vous cette capacité à analyser, cet extrême sang-froid, ce jugement toujours très sûr, cette activité toujours maîtrisée. Pendant cette année, il nous a été donné, à ma grande joie, de travailler ensemble. Je crois que nous avons là aussi coopéré, nous avons mis en commun nos façons de voir et à travers votre activité des derniers mois, à travers vos voyages, à travers vos analyses, toujours et, encore j'ai retrouvé cette vision, cette justesse d'analyse. Je crois que c'est cela qui est frappant car c'est beaucoup plus difficile, dans ce contexte actuel, où les relations bilatérales anciennes, traditionnelles n'ont plus exactement l'importance qu'elles avaient. Elles sont toujours là, même sous forme de soubassement d'un système relationnel international beaucoup plus compliqué. C'est beaucoup plus compliqué, dans cette époque actuelle où ce travail ne porte plus uniquement sur la question diplomatique, c'est donc beaucoup plus difficile de faire preuve des grandes qualités qui ont toujours fait les diplomates dont vous êtes.
Aujourd'hui, c'est avec une véritable tristesse et une tristesse amicale, je le dis en tant que ministre et en tant qu'individu, que nous vous voyons partir. Je voudrais en profiter également pour vous dire à quel point Elisabeth Dufourcq s'est également dévouée pour cette maison, notamment à la tête de "Bienvenue" pendant longtemps. Je lui en exprime ici toute ma gratitude, également au nom de cette grande maison qui est confrontée à des défis de plus en plus compliqués, pour maintenir son rôle irremplaçable, pour maintenir son activité, sa place dans le système de la décision, dans ce travail de vigilance dont je parlais, pour défendre nos intérêts, notre sécurité, notre culture, notre pensée, notre façon d'être, notre marge de manoeuvre, notre marge de sécurité. Sur tous les plans, sur tous les fronts simultanément, il faut vraiment agir.
Vous avez été le Secrétaire général, c'est-à-dire ici une sorte de père du régiment, quelqu'un qui, juste après le ministre, est l'orchestrateur de l'ensemble des missions, de l'ensemble des fonctions si nombreuses et si diverses. Vous l'avez fait avec beaucoup d'élégance, beaucoup de gentillesse en même temps, beaucoup de netteté, beaucoup de persévérance, de constance. C'est une fonction que l'on ne confie qu'à des personnalités fortes et remarquables d'une façon ou d'une autre. Mais je crois que vous l'avez fait avec beaucoup d'élégance et que vous aurez été d'une certaine façon ce que l'on peut attendre de mieux dans cette vie, cette carrière diplomatique, dans cette époque des années 90 après ces nombreuses décennies d'activité.
Cher Bertrand, j'ai dit que je n'allais pas reparler de toute votre carrière et très simplement, je suis convaincu que chacun d'entre vous ici pourrait dans son langage personnel redire cette estime, cette affection, cette sympathie, cette reconnaissance envers vous-même ainsi qu'envers Elisabeth. Je vais m'arrêter là, mais je vais simplement ajouter un voeu : que les choses vraiment ne s'arrêtent pas là. Vous avez montré ce que peut être un accomplissement professionnel dans toute sa densité, dans toute sa complexité, dans toute sa richesse et dans toute sa variété. Je suis convaincu, je le sais en partie et pour le reste j'en suis convaincu, que dès demain c'est une vie différente que vous allez organiser dans laquelle vos qualités de tout premier plan, votre connaissance de ce monde compliqué que nous essayons de maîtriser autant que possible, vont vous permettre de rebâtir d'autres activités, d'ouvrir de nouveaux chapitres dans lesquels, je n'en doute pas, la même estime vous entourera, comme dans tout ce que vous avez fait, à tout moment.
Mon cher Bertrand, merci.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2001)
Je suis vraiment bien malheureux que le couperet démographique tombe aujourd'hui et vous amène à prendre votre retraite de cette fonction et de cette vie diplomatique dans laquelle vous avez donné le meilleur de vous-même - nous en parlions il y a un instant - pendant 37 ans et demi. En même temps, je suis très heureux et je suis fier paradoxalement qu'il me revienne d'exprimer pendant ces quelques brefs instants l'estime générale que, je crois, tous vous portent. Je sais que vous avez invité ici, ce soir, à cette occasion, toutes sortes de gens - je reconnais de très nombreux visages - qui ont tous en commun d'avoir travaillé avec vous et dont je sais, par de multiples recoupements, de multiples conversations, de multiples occasions, de la vie professionnelle ou privée, qu'ils ont tous gardé le meilleur souvenir de cette collaboration et de ce travail.
Je ne vais pas relater cette carrière, vous la connaissez par définition mieux que moi. Chacun d'entre vous, ici, en connaît une part plus ou moins importante. Mais, je dirais que vous avez réussi, dans une période qui est particulièrement difficile pour l'exercice de cette fonction de diplomate, à allier des qualités à la fois traditionnelles et modernes dans ce travail qui est constamment compliqué par la multiplication des rapports internationaux, la multiplication des partenaires, ces fameux 185 pays membres de l'ONU, cette obligation d'être attentif à tout, d'exercer un regard vigilant sur tous les événements, sur toutes les évolutions, de veiller au grain sur tous les plans, sur tous les continents, toutes les qualités traditionnelles qui ont fait les grands diplomates, c'est-à-dire la sûreté de jugement, la capacité à distinguer l'essentiel de l'accessoire dans un grouillement de faits quotidiens qui sont hypertrophiés, déformés, parfois dépourvus de toute signification, donc la capacité à voir dans ce foisonnement les deux éléments simples qui traduisent le début d'un commencement de modifications d'un rapport de force dont il faut se soucier, le dévouement par rapport à son pays, par rapport à l'intérêt national, par rapport à l'intérêt général, par rapport à ce qui commence à ressembler à une sorte d'intérêt commun européen aussi.
Toutes ces qualités, cher Bertrand, vous les avez montrées dans tous ces postes et tous ceux qui vous ont rencontré, qui ont travaillé avec vous, que ce soit ici, au Quai d'Orsay, ou que ce soit à Moscou ou à Bonn, tous ceux qui vous ont croisé dans ces fonctions ont reconnu en vous cette capacité à analyser, cet extrême sang-froid, ce jugement toujours très sûr, cette activité toujours maîtrisée. Pendant cette année, il nous a été donné, à ma grande joie, de travailler ensemble. Je crois que nous avons là aussi coopéré, nous avons mis en commun nos façons de voir et à travers votre activité des derniers mois, à travers vos voyages, à travers vos analyses, toujours et, encore j'ai retrouvé cette vision, cette justesse d'analyse. Je crois que c'est cela qui est frappant car c'est beaucoup plus difficile, dans ce contexte actuel, où les relations bilatérales anciennes, traditionnelles n'ont plus exactement l'importance qu'elles avaient. Elles sont toujours là, même sous forme de soubassement d'un système relationnel international beaucoup plus compliqué. C'est beaucoup plus compliqué, dans cette époque actuelle où ce travail ne porte plus uniquement sur la question diplomatique, c'est donc beaucoup plus difficile de faire preuve des grandes qualités qui ont toujours fait les diplomates dont vous êtes.
Aujourd'hui, c'est avec une véritable tristesse et une tristesse amicale, je le dis en tant que ministre et en tant qu'individu, que nous vous voyons partir. Je voudrais en profiter également pour vous dire à quel point Elisabeth Dufourcq s'est également dévouée pour cette maison, notamment à la tête de "Bienvenue" pendant longtemps. Je lui en exprime ici toute ma gratitude, également au nom de cette grande maison qui est confrontée à des défis de plus en plus compliqués, pour maintenir son rôle irremplaçable, pour maintenir son activité, sa place dans le système de la décision, dans ce travail de vigilance dont je parlais, pour défendre nos intérêts, notre sécurité, notre culture, notre pensée, notre façon d'être, notre marge de manoeuvre, notre marge de sécurité. Sur tous les plans, sur tous les fronts simultanément, il faut vraiment agir.
Vous avez été le Secrétaire général, c'est-à-dire ici une sorte de père du régiment, quelqu'un qui, juste après le ministre, est l'orchestrateur de l'ensemble des missions, de l'ensemble des fonctions si nombreuses et si diverses. Vous l'avez fait avec beaucoup d'élégance, beaucoup de gentillesse en même temps, beaucoup de netteté, beaucoup de persévérance, de constance. C'est une fonction que l'on ne confie qu'à des personnalités fortes et remarquables d'une façon ou d'une autre. Mais je crois que vous l'avez fait avec beaucoup d'élégance et que vous aurez été d'une certaine façon ce que l'on peut attendre de mieux dans cette vie, cette carrière diplomatique, dans cette époque des années 90 après ces nombreuses décennies d'activité.
Cher Bertrand, j'ai dit que je n'allais pas reparler de toute votre carrière et très simplement, je suis convaincu que chacun d'entre vous ici pourrait dans son langage personnel redire cette estime, cette affection, cette sympathie, cette reconnaissance envers vous-même ainsi qu'envers Elisabeth. Je vais m'arrêter là, mais je vais simplement ajouter un voeu : que les choses vraiment ne s'arrêtent pas là. Vous avez montré ce que peut être un accomplissement professionnel dans toute sa densité, dans toute sa complexité, dans toute sa richesse et dans toute sa variété. Je suis convaincu, je le sais en partie et pour le reste j'en suis convaincu, que dès demain c'est une vie différente que vous allez organiser dans laquelle vos qualités de tout premier plan, votre connaissance de ce monde compliqué que nous essayons de maîtriser autant que possible, vont vous permettre de rebâtir d'autres activités, d'ouvrir de nouveaux chapitres dans lesquels, je n'en doute pas, la même estime vous entourera, comme dans tout ce que vous avez fait, à tout moment.
Mon cher Bertrand, merci.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2001)