Texte intégral
C'est un moment marquant pour moi de venir pour la première fois présider à la présentation au drapeau d'une promotion, la promotion 97. Pour cette première occasion, et puisque lors de cette rencontre je souhaite évoquer une question déterminante pour votre Ecole - le futur schéma directeur de l'Ecole polytechnique, c'est-à-dire la charte qui doit guider ce grand établissement dans la suite de sa route biséculaire, je commencerai par me retourner sur le chemin parcouru, en évoquant l'histoire.
Il y a dans l'histoire de cette école assez de valeurs, d'accomplissements, et je dirai simplement de grandeur, pour qu'il vous soit naturel d'être d'abord fidèles à l'esprit des fondateurs de cette institution, Monge et Carnot, au moment de faire entrer Polytechnique dans un siècle nouveau.
Dans " polytechnique ", l'oreille veut entendre " polyvalent ", et ce n'est pas rapprochement fortuit : Carnot a été officier, représentant du peuple français, créateur puis gestionnaire de grands services de l'Etat, ingénieur, professeur, auteur de traités savants, et sa vie a été faite de tant d'autres activités !
Monge, fils de marchand ambulant, d'une origine sociale qui lui valut le refus d'une vraie place à l'école militaire de Mézières, s'est hissé par son talent et son travail aux premiers rangs de la communauté scientifique de son temps ; mais il a été aussi homme d'Etat, administrateur, enseignant et chercheur infatigable. Lancé hors de France, chargé de mission sur les routes de l'Italie, il rencontre Bonaparte dont il sait se faire un ami.
Il va plus loin encore : on commémore cette année le bicentenaire de l'expédition d'Egypte de 1798. Monge, ne l'oubliez pas, fut l'animateur de tous les travaux scientifiques qu'on y fit, et cette extraordinaire épopée scientifique hors de nos frontières fut d'abord la sienne. L'expédition d'Egypte fut à la fois une formidable enquête, une curiosité scientifique et artistique insatiable, et une volonté - parfois maladroite - d'apporter à un grand pays en mutation les principes d'organisation administrative rationnelle et démocratique des Lumières. Nous pouvons y retrouver, l'esprit même de Polytechnique, à l'heure où la réflexion sur l'avenir de l'Ecole nous engage, sur les chemins du monde.
Comment, après deux siècles d'histoire, à l'aube des années 2000, adapter à votre tour l'esprit de Polytechnique aux temps nouveaux ? Après cette évocation trop brève de vos grands ancêtres révolutionnaires, je souhaite, au présent maintenant, évoquer avec vous l'avenir de l'Ecole.
Le nouveau schéma directeur de l'Ecole, résultat d'une réflexion collective lancée en 1993 sous l'impulsion du président du conseil d'administration, M. Pierre Faurre, a déjà choisi des orientations stratégiques. Celles-ci me semblent propres à assurer l'avenir de Polytechnique, à garantir à la fois sa fidélité à la mission que lui confie la République et l'ambition de relever les nouveaux défis de notre enseignement scientifique.
Sur la base des nombreux travaux déjà réalisés à ce jour et des orientations définies par le gouvernement, le président du conseil d'administration m'a fait part de propositions d'évolution de l'Ecole, dont j'approuve les grandes lignes. Je souhaite que ces propositions puissent faire l'objet d'un large consensus, en particulier au sein du corps enseignant qui constitue, avec les élèves, la richesse première de l'Ecole Polytechnique, et qui est à mes yeux sa matrice de cohérence.
Je voudrais en évoquer maintenant les principaux axes, les caps que l'Ecole peut se donner pour naviguer dans son environnement des décennies prochaines.
Revenons tout d'abord sur l'objectif. Il s'agit de renforcer, dans le cadre d'une internationalisation croissante, la triple vocation actuelle de l'Ecole Polytechnique, à savoir former :
*des cadres à fort potentiel pour les entreprises,
*des chercheurs de haut niveau,
*et de futurs hauts fonctionnaires.
Cette variété des parcours des anciens élèves de l'Ecole Polytechnique est un apport indéniable pour le pays, en rapprochant des espaces souvent trop cloisonnés en France. Ce contact gardé entre vous après l'Ecole, et qui fait votre force, sachez en faire un réseau créatif pour l'intérêt général, sans le laisser dériver vers le traditionalisme ni vers le corporatisme. Faites-le rayonner comme les diverses sciences que vous étudiez ici se renforcent mutuellement, par la pratique de l'échange et de l'interdisciplinarité, par l'ouverture et non la fermeture.
A ce sujet, je tiens à vous dire le prix que j'attache pour notre influence internationale à une plus grande convergence entre les préoccupations scientifiques, industrielles et stratégiques : c'est pour cette raison que je viens de nommer, au sein de mon ministère, un conseil scientifique de défense, qui regroupe des personnalités éminentes du monde de la recherche, de l'industrie et des experts en questions stratégiques, et à qui je demanderai de se prononcer sur les grands débats de notre politique industrielle, scientifique, et de notre stratégie européenne en la matière.
Mais revenons à l'avenir de Polytechnique. La traduction des objectifs que j'ai cités suppose des évolutions concrètes dans plusieurs domaines. Je voudrais revenir sur deux grandes évolutions qui me paraissent particulièrement importantes.
1- Il faut poursuivre et accentuer l'internationalisation de l'Ecole Polytechnique.
Cela suppose en premier lieu d'augmenter encore à l'avenir le recrutement d'élèves étrangers, en provenance notamment des pays de l'Union européenne et des autres pays les plus avancés. L'Ecole Polytechnique, je le souligne régulièrement, a déjà engagé des efforts importants pour élargir le recrutement des élèves : pas moins de 61 élèves étrangers au sein de la promotion 97. L'Ecole est en avance, dans ce domaine, sur bien des écoles d'ingénieurs. Mais il faut poursuivre cet effort.
L'objectif d'internationalisation suppose que les diplômes délivrés par l'Ecole Polytechnique jouissent de la plus grande reconnaissance possible au niveau international. J'y reviendrai.
Enfin, l'internationalisation de l'Ecole Polytechnique devrait conduire également à internationaliser, dans des proportions adaptées, le corps enseignant.
2- Il faut moderniser le cursus de formation des élèves.
Cette modernisation doit s'appuyer sur les points forts qui ont toujours été ceux de la formation dispensée à l'Ecole :
*La formation polyscientifique suivie par les élèves. Cette formation permet de développer les qualités de rigueur, d'intuition et d'innovation qu'on acquiert au contact des diverses disciplines scientifiques enseignées ici.
*L'importance accordée à la formation humaine. Cette spécificité trouve son origine dans le statut militaire de l'Ecole hérité de l'histoire, mais c'est également un puissant atout pour l'avenir. En effet, il est essentiel que les polytechniciens, appelés à d'importantes responsabilités d'impulsion et de direction, acquièrent les qualités humaines qui en sont le support, le goût du travail en équipe et aussi le sens des responsabilités civiques et sociales. C'est mon rôle de vous dire au nom de l'Etat que les fonctions dirigeantes dans notre pays doivent être exercées avec le sens de l'intérêt collectif et le reconnaissance des partenaires, et pas seulement avec l'autorité sèche et fragile d'un parchemin.
Pour faire fructifier ces atouts, et s'adapter aux changements du contexte économique et social, il est nécessaire de faire évoluer le cursus des études, en le considérant dans sa globalité :
*le cursus actuel de trois ans, incluant la formation humaine selon des modalités diversifiées, doit être conforté et adapté, et permettre aux élèves d'obtenir des diplômes reconnus ;
*à l'issue de ces trois années, les élèves qui le souhaitent auraient le choix de s'engager dans une formation professionnalisante, dans le cadre d'une quatrième année sanctionnée par un diplôme spécifique, conçu en étroite concertation avec les écoles d'application, ou bien d'entrer dans les Corps de l'Etat, ou bien encore de suivre une formation par la recherche.
*enfin, il importe de conforter le troisième cycle de l'Ecole Polytechnique, afin que les élèves qui le souhaitent puissent suivre une formation conduisant au doctorat. Dans ce sens, je tiens à saluer les efforts engagés par le corps enseignant et les laboratoires de Polytechnique depuis près de 10 ans pour donner à ce troisième cycle une dimension internationale de très haut niveau. Ces efforts sont déterminants pour l'avenir, je compte sur vous pour le poursuivre.
L'évolution de l'Ecole Polytechnique doit se mettre en phase avec un monde qui évolue de plus en plus vite : la réflexion sur la réforme doit déboucher rapidement sur l'action. Je crois donc souhaitable de mettre en uvre cette réforme dans les prochains mois, ce qui implique que la concertation soit complète et intense à partir du projet de base et permette d'arrêter des décisions et de mobiliser ensuite les énergies pour réussir ce projet collectif.
Au cours des deux siècles écoulés, l'Ecole polytechnique a su, dans l'ensemble, tenir la balance égale entre le respect des formes passées et l'évolution au présent - n'a-t-elle pas su déménager, n'a-t-elle pas su agrandir ses promotions, sans parler bien sur de son ouverture aux femmes aujourd'hui évidente mais qui parut naguère une grande audace.
A votre tour sachez évoluer, prenez-en l'initiative, pour prolonger l'élan de vos anciens. L'évolution n'est-elle pas une vertu scientifique ? Moi qui le suis peu, laissez-moi évoquer ce qui fait un des repères de votre univers, la méthode expérimentale. Il faut y montrer, je crois, de l'opiniâtreté et en même temps de l'aptitude à changer. Savoir renoncer à ses hypothèses, en inventer d'autres, les disqualifier à leur tour pour trouver enfin les bonnes solutions : bref, toujours conserver la méthode, mais savoir faire son deuil des postulats dépassés. Le projet 2000 me semble en cela conforme à l'esprit qui doit rester celui de Polytechnique.
Et puisque cette cérémonie du drapeau est le baptême d'un nouvelle promotion, c'est plus particulièrement à cette nouvelle promotion que je m'adresse, pour lui rappeler les engagements qui sont devant elle. Eduqués comme une élite de la connaissance et du savoir, vous avez plus de devoirs que d'autres. Notre nation doit pouvoir compter sur vous, sur votre exigence et votre ambition de servir une communauté consciente de ses responsabilités en Europe et dans le monde.
Il faut que vous repensiez à Monge, à l'esprit de l'expédition d'Egypte : curiosité d'esprit, rigueur, méthode, talent, universalisme affirmé des principes démocratiques. En avançant et en réalisant vos projets, il vous faut garder le lien entre votre professionnalisme et le message des Lumières, que nous devons réaffirmer et développer devant la poussée des peurs antiscientifiques et des sectarismes contemporains. Rappelez-vous que votre école est née d'un pacte avec la République, qu'elle a vu le jour en même temps qu'elle.
Grâce à votre travail et à l'investissement de la collectivité, vous avez maintenant, chacune et chacun de vous, votre part dans la construction de notre avenir commun. En vous souhaitant bonne chance dans vos engagements pour demain, je garde à l'esprit notre tâche exigeante de maintenir à votre Ecole, pour ceux qui y viendraient après vous, la mission modernisée de pôle de compétence et de formation qui continuera d'assurer son prestige et sa contribution à nos succès collectifs dans le monde.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 17 septembre 2001)
Il y a dans l'histoire de cette école assez de valeurs, d'accomplissements, et je dirai simplement de grandeur, pour qu'il vous soit naturel d'être d'abord fidèles à l'esprit des fondateurs de cette institution, Monge et Carnot, au moment de faire entrer Polytechnique dans un siècle nouveau.
Dans " polytechnique ", l'oreille veut entendre " polyvalent ", et ce n'est pas rapprochement fortuit : Carnot a été officier, représentant du peuple français, créateur puis gestionnaire de grands services de l'Etat, ingénieur, professeur, auteur de traités savants, et sa vie a été faite de tant d'autres activités !
Monge, fils de marchand ambulant, d'une origine sociale qui lui valut le refus d'une vraie place à l'école militaire de Mézières, s'est hissé par son talent et son travail aux premiers rangs de la communauté scientifique de son temps ; mais il a été aussi homme d'Etat, administrateur, enseignant et chercheur infatigable. Lancé hors de France, chargé de mission sur les routes de l'Italie, il rencontre Bonaparte dont il sait se faire un ami.
Il va plus loin encore : on commémore cette année le bicentenaire de l'expédition d'Egypte de 1798. Monge, ne l'oubliez pas, fut l'animateur de tous les travaux scientifiques qu'on y fit, et cette extraordinaire épopée scientifique hors de nos frontières fut d'abord la sienne. L'expédition d'Egypte fut à la fois une formidable enquête, une curiosité scientifique et artistique insatiable, et une volonté - parfois maladroite - d'apporter à un grand pays en mutation les principes d'organisation administrative rationnelle et démocratique des Lumières. Nous pouvons y retrouver, l'esprit même de Polytechnique, à l'heure où la réflexion sur l'avenir de l'Ecole nous engage, sur les chemins du monde.
Comment, après deux siècles d'histoire, à l'aube des années 2000, adapter à votre tour l'esprit de Polytechnique aux temps nouveaux ? Après cette évocation trop brève de vos grands ancêtres révolutionnaires, je souhaite, au présent maintenant, évoquer avec vous l'avenir de l'Ecole.
Le nouveau schéma directeur de l'Ecole, résultat d'une réflexion collective lancée en 1993 sous l'impulsion du président du conseil d'administration, M. Pierre Faurre, a déjà choisi des orientations stratégiques. Celles-ci me semblent propres à assurer l'avenir de Polytechnique, à garantir à la fois sa fidélité à la mission que lui confie la République et l'ambition de relever les nouveaux défis de notre enseignement scientifique.
Sur la base des nombreux travaux déjà réalisés à ce jour et des orientations définies par le gouvernement, le président du conseil d'administration m'a fait part de propositions d'évolution de l'Ecole, dont j'approuve les grandes lignes. Je souhaite que ces propositions puissent faire l'objet d'un large consensus, en particulier au sein du corps enseignant qui constitue, avec les élèves, la richesse première de l'Ecole Polytechnique, et qui est à mes yeux sa matrice de cohérence.
Je voudrais en évoquer maintenant les principaux axes, les caps que l'Ecole peut se donner pour naviguer dans son environnement des décennies prochaines.
Revenons tout d'abord sur l'objectif. Il s'agit de renforcer, dans le cadre d'une internationalisation croissante, la triple vocation actuelle de l'Ecole Polytechnique, à savoir former :
*des cadres à fort potentiel pour les entreprises,
*des chercheurs de haut niveau,
*et de futurs hauts fonctionnaires.
Cette variété des parcours des anciens élèves de l'Ecole Polytechnique est un apport indéniable pour le pays, en rapprochant des espaces souvent trop cloisonnés en France. Ce contact gardé entre vous après l'Ecole, et qui fait votre force, sachez en faire un réseau créatif pour l'intérêt général, sans le laisser dériver vers le traditionalisme ni vers le corporatisme. Faites-le rayonner comme les diverses sciences que vous étudiez ici se renforcent mutuellement, par la pratique de l'échange et de l'interdisciplinarité, par l'ouverture et non la fermeture.
A ce sujet, je tiens à vous dire le prix que j'attache pour notre influence internationale à une plus grande convergence entre les préoccupations scientifiques, industrielles et stratégiques : c'est pour cette raison que je viens de nommer, au sein de mon ministère, un conseil scientifique de défense, qui regroupe des personnalités éminentes du monde de la recherche, de l'industrie et des experts en questions stratégiques, et à qui je demanderai de se prononcer sur les grands débats de notre politique industrielle, scientifique, et de notre stratégie européenne en la matière.
Mais revenons à l'avenir de Polytechnique. La traduction des objectifs que j'ai cités suppose des évolutions concrètes dans plusieurs domaines. Je voudrais revenir sur deux grandes évolutions qui me paraissent particulièrement importantes.
1- Il faut poursuivre et accentuer l'internationalisation de l'Ecole Polytechnique.
Cela suppose en premier lieu d'augmenter encore à l'avenir le recrutement d'élèves étrangers, en provenance notamment des pays de l'Union européenne et des autres pays les plus avancés. L'Ecole Polytechnique, je le souligne régulièrement, a déjà engagé des efforts importants pour élargir le recrutement des élèves : pas moins de 61 élèves étrangers au sein de la promotion 97. L'Ecole est en avance, dans ce domaine, sur bien des écoles d'ingénieurs. Mais il faut poursuivre cet effort.
L'objectif d'internationalisation suppose que les diplômes délivrés par l'Ecole Polytechnique jouissent de la plus grande reconnaissance possible au niveau international. J'y reviendrai.
Enfin, l'internationalisation de l'Ecole Polytechnique devrait conduire également à internationaliser, dans des proportions adaptées, le corps enseignant.
2- Il faut moderniser le cursus de formation des élèves.
Cette modernisation doit s'appuyer sur les points forts qui ont toujours été ceux de la formation dispensée à l'Ecole :
*La formation polyscientifique suivie par les élèves. Cette formation permet de développer les qualités de rigueur, d'intuition et d'innovation qu'on acquiert au contact des diverses disciplines scientifiques enseignées ici.
*L'importance accordée à la formation humaine. Cette spécificité trouve son origine dans le statut militaire de l'Ecole hérité de l'histoire, mais c'est également un puissant atout pour l'avenir. En effet, il est essentiel que les polytechniciens, appelés à d'importantes responsabilités d'impulsion et de direction, acquièrent les qualités humaines qui en sont le support, le goût du travail en équipe et aussi le sens des responsabilités civiques et sociales. C'est mon rôle de vous dire au nom de l'Etat que les fonctions dirigeantes dans notre pays doivent être exercées avec le sens de l'intérêt collectif et le reconnaissance des partenaires, et pas seulement avec l'autorité sèche et fragile d'un parchemin.
Pour faire fructifier ces atouts, et s'adapter aux changements du contexte économique et social, il est nécessaire de faire évoluer le cursus des études, en le considérant dans sa globalité :
*le cursus actuel de trois ans, incluant la formation humaine selon des modalités diversifiées, doit être conforté et adapté, et permettre aux élèves d'obtenir des diplômes reconnus ;
*à l'issue de ces trois années, les élèves qui le souhaitent auraient le choix de s'engager dans une formation professionnalisante, dans le cadre d'une quatrième année sanctionnée par un diplôme spécifique, conçu en étroite concertation avec les écoles d'application, ou bien d'entrer dans les Corps de l'Etat, ou bien encore de suivre une formation par la recherche.
*enfin, il importe de conforter le troisième cycle de l'Ecole Polytechnique, afin que les élèves qui le souhaitent puissent suivre une formation conduisant au doctorat. Dans ce sens, je tiens à saluer les efforts engagés par le corps enseignant et les laboratoires de Polytechnique depuis près de 10 ans pour donner à ce troisième cycle une dimension internationale de très haut niveau. Ces efforts sont déterminants pour l'avenir, je compte sur vous pour le poursuivre.
L'évolution de l'Ecole Polytechnique doit se mettre en phase avec un monde qui évolue de plus en plus vite : la réflexion sur la réforme doit déboucher rapidement sur l'action. Je crois donc souhaitable de mettre en uvre cette réforme dans les prochains mois, ce qui implique que la concertation soit complète et intense à partir du projet de base et permette d'arrêter des décisions et de mobiliser ensuite les énergies pour réussir ce projet collectif.
Au cours des deux siècles écoulés, l'Ecole polytechnique a su, dans l'ensemble, tenir la balance égale entre le respect des formes passées et l'évolution au présent - n'a-t-elle pas su déménager, n'a-t-elle pas su agrandir ses promotions, sans parler bien sur de son ouverture aux femmes aujourd'hui évidente mais qui parut naguère une grande audace.
A votre tour sachez évoluer, prenez-en l'initiative, pour prolonger l'élan de vos anciens. L'évolution n'est-elle pas une vertu scientifique ? Moi qui le suis peu, laissez-moi évoquer ce qui fait un des repères de votre univers, la méthode expérimentale. Il faut y montrer, je crois, de l'opiniâtreté et en même temps de l'aptitude à changer. Savoir renoncer à ses hypothèses, en inventer d'autres, les disqualifier à leur tour pour trouver enfin les bonnes solutions : bref, toujours conserver la méthode, mais savoir faire son deuil des postulats dépassés. Le projet 2000 me semble en cela conforme à l'esprit qui doit rester celui de Polytechnique.
Et puisque cette cérémonie du drapeau est le baptême d'un nouvelle promotion, c'est plus particulièrement à cette nouvelle promotion que je m'adresse, pour lui rappeler les engagements qui sont devant elle. Eduqués comme une élite de la connaissance et du savoir, vous avez plus de devoirs que d'autres. Notre nation doit pouvoir compter sur vous, sur votre exigence et votre ambition de servir une communauté consciente de ses responsabilités en Europe et dans le monde.
Il faut que vous repensiez à Monge, à l'esprit de l'expédition d'Egypte : curiosité d'esprit, rigueur, méthode, talent, universalisme affirmé des principes démocratiques. En avançant et en réalisant vos projets, il vous faut garder le lien entre votre professionnalisme et le message des Lumières, que nous devons réaffirmer et développer devant la poussée des peurs antiscientifiques et des sectarismes contemporains. Rappelez-vous que votre école est née d'un pacte avec la République, qu'elle a vu le jour en même temps qu'elle.
Grâce à votre travail et à l'investissement de la collectivité, vous avez maintenant, chacune et chacun de vous, votre part dans la construction de notre avenir commun. En vous souhaitant bonne chance dans vos engagements pour demain, je garde à l'esprit notre tâche exigeante de maintenir à votre Ecole, pour ceux qui y viendraient après vous, la mission modernisée de pôle de compétence et de formation qui continuera d'assurer son prestige et sa contribution à nos succès collectifs dans le monde.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 17 septembre 2001)