Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur la Nation française, communauté vivante dont Jeanne d'Arc est l'un des symbole de foi, de courage et de féminité, Orléans le 8 mai 2004.

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Circonstance : Fête de Jeanne d'Arc à Orléans (Loiret), le 8 mai 2004

Texte intégral

Monsieur le maire,
Mes chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
C'est un grand honneur pour moi de participer à cette célébration dont vous avez rappelé l'ancienneté et les titres de noblesse. Cette communion solennelle de toute une ville, fidèle à son histoire, fidèle au souvenir d'un bref moment de grâce, il y a 575 ans, qui a marqué son destin, ne peut qu'émouvoir.
A cette émotion du citoyen s'ajoute celle du Président du Sénat, l'émotion de mettre ses pas dans ceux de deux de ses prédécesseurs. S'y ajoute aussi une émotion teintée de fierté, pour le Président du Conseil général des Vosges, beau département qui, bien des fois, a symbolisé la résistance à l'ennemi et surtout département qui a le privilège d'être celui de Domrémy, village natal de Jeanne d'Arc.
J'ai été sensible, M. le Maire, à votre rappel de la longue histoire d'Orléans, de ses moments de gloire et de relatif effacement, de son renouveau ou de ses difficultés. J'ai apprécié que vous évoquiez, comme s'inscrivant dans la continuité d'une longue histoire, l'action de tous vos prédécesseurs.
Quelle belle leçon, en effet, que de ne jamais oublier que la Nation est une communauté vivante, à laquelle chacun apporte quelque chose, que la France est une personne dont Jeanne d'Arc est l'un des symboles les plus éclatants.
Pour les uns, symbole religieux, d'une sainte qui incarne l'idée d'un lien particulier entre notre histoire et une mission spirituelle de notre pays, idée reprise par bien des révolutionnaires et des laïcs sous d'autres habits.
Pour d'autres, Jeanne d'Arc est le symbole de la puissance de l'espoir, flamme parfois vacillante, d'apparence si fragile et qui, pourtant, aux pires moments de notre histoire, a embrasé le cur des plus vaillants pour nous conduire à la victoire. A Valmy, dans les batailles de Napoléon, le 18 juin 1940, on entendait encore l'esprit de Jeanne d'Arc. Symbole du sursaut toujours possible, au moment le plus improbable, dès lors que la foi et le courage sont là.
Pour d'autres encore, Jeanne d'Arc incarne la puissance féminine, la force d'amour et de vie. De Sainte Geneviève, de Jeanne d'Arc à Marianne, quelle chance avons-nous de vivre dans un pays qui se conjugue au féminin, ce qui n'est sans doute pas étranger à l'amour passionné qu'il inspire jusqu'aux confins de la planète !
Pour nous aujourd'hui, Jeanne d'Arc incarne le symbole d'une France qui, malgré les gloses, les bavardages et les élucubrations sur son prétendu déclin, est toujours renaissante, dès lors qu'elle va chercher au fond d'elle-même la force d'être à la hauteur de son histoire.
Le déclin, s'il existe, n'est jamais que dans les esprits. A ce nouvel avatar du défaitisme, à ce pêché de l'esprit, nous devons opposer une forme de foi, de foi du charbonnier, de ferveur, qui doit inspirer une nouvelle confiance en nous-mêmes.
Une confiance pour engager les réformes, ouvrir les chantiers, réaliser les grandes uvres dont notre pays a besoin, pour emporter l'adhésion, renverser les obstacles, vaincre les peurs, dissiper les frilosités corporatistes.
Une confiance en nous pour aller plus facilement vers les autres, pour accueillir les nouveaux pays de l'Europe qui retrouvent leur famille après les épreuves du communisme, pour parachever la construction européenne avec notamment une défense européenne crédible, pour faire de la Méditerranée, notre espace de civilisation millénaire, une mer de paix, pour donner des perspectives à l'Afrique avec laquelle nous avons tant de liens.
Une confiance en nous pour libérer nos énergies, pour conquérir les fabuleux marchés de la Chine et de l'Asie en pleine croissance, pour refonder notre relation avec cette extrême Europe qu'est le continent américain.
Mais retrouver cette confiance suppose que nous retrouvions une forme de joie de vivre ensemble, un nouveau sentiment de patrie, que nous réinventions ce mot un peu négligé de la devise républicaine : la Fraternité.
Vivre ensemble, ce n'est pas vivre entre soi au sein d'une fédération de communautés. Dans une laïcité rénovée, tournons le dos aux communautarismes pour exalter au contraire ce qui nous porte en avant et nous rapproche dans notre condition d'individus libres et égaux, bref de citoyens. La République c'est une communauté de citoyens, c'est " une grande amitié " pour reprendre le mot de Michelet.
Vivifions notre démocratie par plus de spontanéité, de franchise, de débats, profitons des chances que les nouvelles technologies offrent à la démocratie directe tout en revalorisant le rôle essentiel des assemblées délibératives.
Faisons de la décentralisation relancée, non pas une politique parmi d'autres, non pas seulement un moyen d'administration, mais une nouvelle manière de vivre ensemble, une nouvelle incarnation de la démocratie au quotidien.
Retrouvons, dans le monde du travail l'esprit de la participation, tournons le dos aux oppositions stériles pour prendre en avant le mouvement de la conquête pour bouter hors de nos esprits l'attirance malsaine et décadente pour l'idée du déclin, de la France, de l'Europe, de l'Occident, du vieux monde.
Comme le disait le Général de Gaulle " La fin de l'espoir est le commencement de la mort ".
Jeanne d'Arc, c'est l'esprit du peuple, c'est l'esprit de la résistance des gens simples qui rappelle parfois aux dirigeants qu'on leur reproche surtout de donner le sentiment de n'y pas croire assez, de manquer d'audace. C'est le constat lucide de Saint-Augustin qui analyse ainsi son état d'esprit avant sa conversion : " Dieu était en moi, mais moi, j'étais en dehors de moi ".
Telle est la France : pleine de force, de vie, de talents et qui parfois ne le sait pas. Que le symbole Jeanne d'Arc soit aujourd'hui pour nous cette frêle petite voix féminine qui chuchote à notre oreille que notre destin est entre nos mains.
(Source http://www.senat.fr, le 3 juin 2004)

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