Texte intégral
Allocution de Jean-Jacques Aillagon lundi 7 juillet 2003
I / Les négociations sur le régime de l'intermittence du spectacle conduites entre les organisations syndicales et patronales gestionnaires de l'Unedic ont abouti à un accord signé le 26 juin dernier.
J'ai entendu les inquiétudes et les incompréhensions que suscite cet accord au sein de la communauté artistique.
Depuis le 26 juin dernier, j'ai procédé :
- à l'expertise de l'accord, tant au sein du ministère qu'en liaison avec l'UNEDIC, rencontrée le 3 juillet.
- à des discussions et concertations avec l'ensemble des organisations syndicales. Deux séances collectives ont eu lieu les 2 et 3 juillet derniers. Des consultations bilatérales, au niveau des syndicats de branche et des confédérations nationales, ont eu lieu toute la semaine, et notamment le 5 juillet dernier.
- à des rencontres avec des artistes et des directeurs de festivals et de théâtre afin de prendre la juste mesure de leur appréciation de l'accord, de leurs inquiétudes et de leurs attentes.
J'ai enfin rencontré ce matin, lundi 7 juillet, les organisations nationales signataires de l'accord au sein de l'UNEDIC.
II / A l'issue de cette semaine de travail, je fais l'analyse suivante :
1 - L'accord du 26 juin dernier sauve et pérennise le régime spécifique d'assurance chômage des intermittents du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel. Très fragilisé, ce régime était en effet menacé dans son existence même.
En un peu plus de 10 ans le nombre des intermittents a été multiplié par 2, les allocations servies par près de 4, et le déficit 2002 (plus de 800 M) représente près du tiers du déficit prévisionnel 2003 du régime général.
Pour la première fois, son maintien dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle résulte d'un véritable accord impliquant les employeurs au niveau confédéral. Il a été précédé d'une large négociation.
Il ne faut pas perdre cet acquis, faute de quoi le régime peut réellement disparaître, ainsi qu'en attestent les lourdes menaces qui ont pesé sur son existence même en 2002, et contre lesquelles je m'étais élevé avec force.
2 - Cet accord comporte des avancées :
La durée du temps travaillé est prise en compte dans le calcul du montant de l'indemnisation
Les droits à indemnisation sont prolongés par chaque période travaillé.
Les activités de formation dispensée n'entraînent plus l'exclusion du régime.
La dégressivité des allocations est supprimée.
La prise en compte des congés de maladie et maternité pour l'ouverture des droits est confirmée.
3 - L'accord a toutefois suscité de nombreuses inquiétudes, auxquelles je suis très attentif.
Les consultations de ces derniers jours ont fait apparaître en effet plusieurs points insatisfaisants. Je souhaite en relever trois en particulier.
Le nouveau système n'attaque pas de front une des sources principales de fragilisation du régime que sont les abus de la part d'entreprises, notamment dans les secteurs de la production audiovisuelle ;
La réduction trop rapide de la période d'affiliation peut poser pour les artistes de réelles difficultés, aggravées par l'exclusion totale des périodes d'enseignement dispensé dans le décompte des heures ouvrant droit à indemnisation, et par le plafonnement des cachets.
Le caractère abrupt de la transition entre les deux systèmes est accru par l'entrée en application des nouvelles dispositions dès le 1er octobre 2003
C'est à ces trois problèmes que je souhaite me consacrer à présent.
III / Un plan en trois axes
1. Je demande tout d'abord solennellement aux partenaires sociaux de bien vouloir se réunir une nouvelle fois, très rapidement, pour revoir l'accord sur quatre points précis :
Le maintien du système actuel jusqu'à la fin de l'année 2003;
L'entrée en application progressive de l'accord en 2004 et 2005, notamment en ce qui concerne la durée d'affiliation, pour laquelle je demande aux partenaires sociaux de s'en tenir à 11 mois pour l'année 2004.
Ces mesures de report ménagent une longue période de transition, et permettront notamment la mise en uvre de mesures de lutte contre les abus et de soutien à l'emploi.
Je demande aux partenaires sociaux la suppression du plafonnement hebdomadaire des cachets effectués, et le relèvement du plafond mensuel;
Je demande que les périodes d'enseignement dispensé puissent être intégrées pour partie (au moins 10% des 507 heures) dans les 507 heures de travail qui déclenchent le droit à indemnisation.
Par ailleurs, j'ai pu également obtenir de l'UNEDIC des éclaircissements sur deux points ambigus de l'accord :
- Le temps de travail peut être déclaré aussi bien en heures qu'en cachets pour les artistes ;
- Les stages dispensés par l'AFDAS continueront d'ouvrir droit à indemnisation chômage pour ceux qui les suivent.
Si l'ensemble de mes demandes est satisfait, l'équilibre de cet accord sera renforcé. Je demanderai alors à mon collègue, François FILLON, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, de délivrer rapidement son agrément.
2. Un plan de lutte contre les abus en tous genres
J'ai entendu les remarques, fondées, de ceux qui disent que le régime de l'intermittence, destiné en priorité aux métiers de la création, a été détourné par des usages abusifs, parfois à grande échelle.
Ma conviction personnelle est, de longue date, que des abus fragilisent ce système. Sur ce point aussi, l'accord doit être complété. L'UNEDIC et l'Etat doivent faire converger les efforts, de façon beaucoup plus efficace.
a. Les partenaires sociaux de la branche de l'audiovisuel et du spectacle (FESAC et organisation syndicales) doivent poursuivre leurs négociations visant à réserver effectivement le recours à l'intermittence aux circonstances d'emploi qui le justifient. Je sais que les partenaires y sont disposés et je les y encourage.
b. Je demande également aux entreprises employeurs de salariés intermittents de s'engager sur un code de bonne conduite en la matière. Je réunirai très prochainement ces patrons pour le leur demander.
c. Le Gouvernement facilitera la mise en uvre des contrôles au niveau de l'UNEDIC en faisant évoluer le droit : 2 ordonnances seront prises à la rentrée, notamment pour permettre le croisement des fichiers sociaux et l'extension du guichet unique pour les employeurs du spectacle occasionnel.
d. Je tiens également à vous faire part ici de l'engagement pris par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité d'intensifier, de façon spectaculaire, dès cet automne, les contrôles de l'inspection du travail dans les entreprises, notamment audiovisuelle, qui recourent à l'intermittence. Trois régions seront plus particulièrement ciblées : Ile-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur.
e. Je demande enfin aux chaînes publiques d'être exemplaires. Je confie dès aujourd'hui à M. Bernard Gourinchas, président de l'association des employeurs de l'audiovisuel public, une mission d'analyse, de coordination et de vigilance dans ce domaine.
3 - Un plan en faveur de l'emploi et de l'activité dans le secteur du spectacle vivant
Il est de la responsabilité de l'Etat et des collectivités territoriales d'agir pour le soutien et le développement de l'emploi des artistes et des techniciens.
Des mesures nouvelles spécifiques seront mises en place en ce sens par le Gouvernement dès 2004 pour développer l'emploi artistique et culturel, destinées à l'emploi culturel et des moyens de la création dans les secteurs du théâtre, de la musique, de la danse, des arts du cirque et de la rue.
Une première enveloppe de 20 M sera affectée à ce plan. > Une fiche annexe présente les orientations possibles de ce plan.
Par ailleurs la possibilité d'adapter le dispositif de solidarité nationale servi par l'Etat aux chômeurs de longue durée (allocation spéciale de solidarité) en faveur des secteurs du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel, sera étudiée.
J'ai bien compris l'émoi des professions du spectacle vivant et leurs craintes quant à l'évolution de leur statut au sein de notre société. Les crises ont parfois la vertu de nous obliger à reposer les questions essentielles : celles de la création, de son mode de production, de la place du spectacle dans notre société, et, bien évidemment, des responsabilités de l'Etat.
C'est pourquoi j'ai décidé d'ouvrir, dès septembre, un débat national sur le spectacle vivant.
Dans une situation que je sais difficile pour tous, je tiens à marquer mon soutien aux salariés, aux techniciens, aux artistes et aux structures concernées (festivals, compagnies, théâtres), et à appeler chacun à faire preuve de responsabilité, en ayant aussi à l'esprit l'importance des festivals pour les économies locales, et le moment très privilégié de rencontre entre la création et les publics qu'ils constituent.
J'ai la conviction que les mesures que je propose apportent une réponse aux inquiétudes voire aux angoisses qui se sont exprimées.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 08 juillet 2003)
J.-J. Aillagon, France Inter - le 8 juillet 2003
F. Drouelle-. Mardi 8 juillet 2003, date d'ouverture du Festival d'Avignon, 57ème du nom, une édition dont on risque de se souvenir longtemps. C'est le festival de la crise, celui de l'inquiétude des intermittents du spectacle qui, jusqu'au bout, font durer le suspense. Malgré la proposition du Gouvernement de suspendre la réforme jusqu'à l'hiver prochain et d'en changer les données. Les intermittents du spectacle, artistes et techniciens, restent sur leur position. Pour eux, c'est la réforme tout entière qu'il faut enterrer, sa philosophie. D'où la grève d'aujourd'hui, alors que s'ouvre le Festival d'Avignon, l'un des plus grands au monde pour le théâtre.
Au moment où nous parlons, on ne sait toujours pas ce qui va advenir du Festival d'Avignon ; la soirée d'ouverture est annulée, et ensuite peut-être pas de festival du tout. Parce que vos propositions n'ont pas satisfait les intermittents. La question est simple : en avez-vous d'autres ?
- "Monsieur, tout d'abord, je suis las d'entendre dire que ce sont "mes" propositions. Je vous rappelle quand même que l'assurance chômage a la responsabilité de la gestion de l'intermittence. On finit par faire croire que l'intermittence serait une sorte de caisse de protection gérée par l'Etat. L'assurance chômage a la responsabilité de l'intermittence, ce sont les partenaires sociaux qui gèrent l'Unedic, ce n'est pas le Gouvernement qui le fait. J'ai tenté, dans ce processus, de jouer un rôle diplomatique, un rôle d'intermédiaire, parce que je me sens responsable de la situation des intermittents. J'ai fait des contre-propositions aux signataires de l'accord du 26 juin, je leur ai demandé de redélibérer. C'est quand même un très grand événement que des partenaires sociaux qui ont signé un accord il y a quelques jours, acceptent de se réunir une nouvelle fois pour rouvrir la négociation. Donc j'aimerais bien que chacun prenne la mesure, à la fois, de la difficulté du dossier et du travail que j'y ai accompli."
Les intermittents disent : "Monsieur Aillagon gagne du temps, pour que finalement, les festivals se déroulent quand même, tant bien que mal, et on recule pour mieux sauter." Qu'avez-vous à répondre à cela ?
- "On ne recule pas du tout pour mieux sauter. Mon propos dans cette affaire, c'est de sauver l'intermittence. Quand je suis arrivé au ministère de la Culture, il y a un an, j'ai entendu les partenaires sociaux et j'ai entendu un grand nombre de partenaires sociaux me dire : nous voulons dénoncer les annexes 8 et 10, qui organisent l'intermittence, nous souhaitons que l'ensemble des personnels concernés soit basculé dans l'annexe 4, celle du travail temporaire. Pendant un an, je me suis battu pour que le Medef, la CFDT, pour que d'autres organisations - et d'ailleurs, la CFDT l'a fait très volontiers, elle est très convaincue à cet égard -, que l'ensemble des organisations renonce à la mise en cause de l'intermittence. Ensuite, il a appartenu aux partenaires sociaux de prendre des mesures pour tenter de résorber l'immense déficit du secteur. Il y a dans ce secteur un rapport de 1 à 8 entre les prestations et les cotisations, le déficit est de 800 et quelque millions d'euros. Ce qui veut dire que chaque personne affiliée à ce régime - elles sont à peu près 100 000 -, génèrent un déficit annuel de 8 000 euros. C'est la solidarité de tous les autres travailleurs qui payent ce déficit. Donc il est tout à fait normal que les organisations syndicales, que les organisations patronales prennent leurs responsabilités et tentent de rétablir, non pas un équilibre comptable total - il est totalement impossible - mais tendent vers un meilleur équilibre. Ensuite, il appartient au Gouvernement de canaliser leur travail ; c'est ce que j'ai tenté de faire, en invitant les partenaires sociaux qui ont signé l'accord du 26 juin, de se remettre autour d'une table, avec les non-signataires, pour aménager un certain nombre de dispositions que je ne jugeais pas satisfaisantes."
Vous avez demandé à ce qu'on revoit quatre points.
- "J'ai demandé, en effet, qu'on retravaille, d'une part, qu'on me précise deux points importants. Le Premier, c'est que le temps de travail des artistes peut se faire ou en cachets ou en heures, à leur convenance. Deuxièmement, que les stages de l'AFDAS, qui est un organisme spécifique pour les intermittents, ouvre des droits à prestation. Deuxièmement, j'ai demandé qu'on révise un certain nombre de points : le calendrier de la mise en oeuvre des mesures, la progressivité de certaines mesures qui seront étalées ou qui seraient étalées si les partenaires sociaux acceptent cette proposition sur trois ans - 2003, 2004, 2005. Troisièmement, j'ai demandé qu'un certain volant d'heures de formation, dispensée par les intermittents, puisse être comptabilisé au compte de leurs 507 heures de travail, ce compte qui ouvre droit à indemnisation. Et quatrièmement, que soit déplafonné pour les artistes, le nombre de cachets réalisables par semaine et par mois."
Les intermittents disent qu'aussi, c'est "une fausse avancée", parce que de nombreuses conventions collectives dans le théâtre le prévoient déjà...
- "Il ne s'agit pas du tout de "fausse avancée", ce sont des dispositions qui n'étaient pas prises en compte par le texte du 26 juin. Si à chaque fois qu'on propose quelque chose, si à chaque fois qu'on conquiert une avancée, on dit que ce n'est rien, naturellement la cause est totalement désespérée."
Sur l'un des points importants de l'architecture de la réforme - la période de référence pour être indemnisé passerait de 12 à 10 mois - cela n'est-il pas négociable ? Est-ce un point fondamental qui va être gardé ?
- "C'est, aux yeux des partenaires sociaux signataires de l'accord du 26 juin, donc trois organisations d'employeurs, trois organisations syndicales, donc représentants des salariés, c'est pour eux le point fondamental. Seul point susceptible, à terme, de réduire le déficit de l'intermittence."
Cela veut dire qu'il n'est pas négociable celui-là ?
- "J'ai tenté de négocier ce point, de l'aménager, de le moduler. Les signataires de l'accord estiment que c'est un point irréversible, un point non négociable. Ils ont accepté d'en moduler ou d'envisager d'en moduler la mise en oeuvre. Donc, le système actuel resterait en vigueur jusqu'à la fin de cette année. Pendant l'année 2004, on passerait à une période de référence de 11 heures (sic) et ce n'est qu'en 2005, qu'on passerait à la période de référence de 10 mois pour les techniciens et 10 mois et demi pour les artistes, de façon à ce que chacun puisse finalement s'inscrire dans les nouvelles modalités du régime."
Si les quatre points sur lesquels vous avez demandé que les partenaires sociaux reviennent, si au bout du compte il ne s'est rien passé, est-ce que vous validerez l'accord ? Parce qu'il faut rappeler qu'effectivement, ce n'est pas vous qui faites des propositions, ce sont les partenaires sociaux qui s'en occupent. Mais c'est quand même le Gouvernement qui valide ou pas...
- "C'est le Gouvernement qui valide, mais en même temps, l'usage, c'est que le Gouvernement avalide ou ne valide pas uniquement sur des considérations techniques. Quand, par exemple, une disposition d'un accord n'est pas conforme à la loi ou au texte en vigueur. A partir du moment où l'ensemble de l'accord engage la responsabilité politique des signataires, à partir du moment où les aménagements qui figurent dans leur accord sont conformes à la loi, je ne vois pas au nom de quoi le Gouvernement ne donnerait pas son agrément. Cette affaire nous renvoit également à une question fondamentale : sommes-nous capables en France de faire confiance à la délibération, à la prise de responsabilité des partenaires sociaux ? Ou souhaitons-nous un pays où, sans cesse, l'Etat se substitue à la responsabilité de chacun ? Là, nous avons des organisations qui ont pris un engagement fort, et notamment l'engagement de ne pas remettre en cause l'existence de l'intermittence du spectacle. Régime totalement dérogatoire et régime dont il n'existe aucun équivalent dans aucun autre pays au monde. Cet engagement est très fort. Ils ont opéré un certain nombre d'aménagements qui, à mes yeux, ne sont pas préjudiciables radicalement à la situation des artistes et des techniciens concernés. Il faut également leur reconnaître ce droit finalement, à gérer dans un cadre paritaire, un système de protection sociale."
Il y a quand même les festivals ; l'actualité est brûlante. Le festival d'Avignon est menacé, c'est le suspense ; c'est un peu confus d'ailleurs comme situation. En tant que ministre de la Culture, comment vivez-vous cette menace sur ce festival, qui est, rappelons-le, l'un des plus grands au monde pour le théâtre ?
- "Je trouve la situation navrante, mais par ailleurs, il appartient à chacun de prendre ses responsabilité à l'égard des festivals eux-mêmes, à l'égard des créateurs, à l'égard des interprètes, à l'égard des compagnies qui ont souvent investi des moyens importants pour la production du spectacle présenté en Avignon. Un festival annulé, c'est un gâchis épouvantable. Un festival annulé, c'est souvent un festival compromis pour l'avenir. Les pertes de certains festivals sont considérables ; S. Lissner annonçait, ce matin, qu'il envisageait, si demain le Festival ne redémarrait pas, tout simplement de déposer son bilan ! Il est évident que le Festival d'Aix ne se relèvera pas de sitôt de ce gâchis."
Les intermittents répondent que c'est pas le festival qu'il faut sauver, c'est l'avenir de leur métier...
- "L'avenir de leur métier est sauvé. L'intermittent s'aménage un dispositif qui permettra, à l'avenir, à des salariés qui travaillent 507 heures pendant dix mois, de bénéficier d'une protection très longue, étant entendu que dans ces 507 heures, ne sera pas seulement comptabilisé le temps de travail, mais également toute la durée des formations reçues, un certain volant de formation dispensée, 55 heures sans doute. Et période pendant laquelle les congés de maladie et les congés de maternité pour les femmes, ouvriront droit à prestation. C'est-à-dire que chaque journée d'arrêt de maladie ou chaque journée d'arrêt de congé de maternité, sera valorisée pour 5 heures de travail. Je crois vraiment qu'on ne peut pas imaginer un système, un dispositif plus généreux, plus compréhensif, plus extensif. Où voit-on dans ce dispositif une mise en cause de la situation des intermittents, dites-moi ?"
Je reviens sur ma première question. Il ne s'agit pas de vos propositions mais de "[votre] travail diplomatique", comme vous le dites. La situation, pour l'instant, semble bloquée. Qu'est-ce qui peut se passer ? Que pouvez-vous faire dans ce "travail diplomatique", comme vous l'appelez, pour que la situation se débloque, là, maintenant, concrètement ?
- "D'abord, j'observe que ce mouvement devient un mouvement très complexe, qu'il perd parfois de vue l'objet de sa mobilisation, qu'il perd parfois de vue l'objet de son combat, que c'est également un champ-clos où un syndicat, qui n'a pas signé l'accord du 26 juin, essaie de faire mordre la poussière à un syndicat qui a signé l'accord du 26 juin, qui a pris ses responsabilités. C'est un champ-clos, où certaines formations politiques essaient de se refaire, à bon compte, de façon très démagogique, une popularité. C'est un champ-clos également, où interviennent un certain nombre de groupes organisés qui n'ont absolument rien à voir avec le secteur et qui essaient tout simplement de trouver dans ce mouvement un prétexte à manifestation voire à agitation."
Cela veut dire qu'il n'y aura pas de nouvelles avancées ?
- "Pour ma part, j'estime que je suis allé au bout du possible, au bout de ma responsabilité. Je me suis impliqué très fortement dans un processus qui ne relève pas de moi de façon éminente. Il relève de l'Unedic, il relève de la tutelle du ministre des Affaires sociales. J'ai tenté de désamorcer un conflit que je sais douloureux pour ceux qui le subissent, et qui le subissent à tout titres. Je suis allé jusqu'au bout du possible. En tout cas, pour ma part, je ne prendrai pas de nouvelles initiatives."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 juillet 2003)
I / Les négociations sur le régime de l'intermittence du spectacle conduites entre les organisations syndicales et patronales gestionnaires de l'Unedic ont abouti à un accord signé le 26 juin dernier.
J'ai entendu les inquiétudes et les incompréhensions que suscite cet accord au sein de la communauté artistique.
Depuis le 26 juin dernier, j'ai procédé :
- à l'expertise de l'accord, tant au sein du ministère qu'en liaison avec l'UNEDIC, rencontrée le 3 juillet.
- à des discussions et concertations avec l'ensemble des organisations syndicales. Deux séances collectives ont eu lieu les 2 et 3 juillet derniers. Des consultations bilatérales, au niveau des syndicats de branche et des confédérations nationales, ont eu lieu toute la semaine, et notamment le 5 juillet dernier.
- à des rencontres avec des artistes et des directeurs de festivals et de théâtre afin de prendre la juste mesure de leur appréciation de l'accord, de leurs inquiétudes et de leurs attentes.
J'ai enfin rencontré ce matin, lundi 7 juillet, les organisations nationales signataires de l'accord au sein de l'UNEDIC.
II / A l'issue de cette semaine de travail, je fais l'analyse suivante :
1 - L'accord du 26 juin dernier sauve et pérennise le régime spécifique d'assurance chômage des intermittents du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel. Très fragilisé, ce régime était en effet menacé dans son existence même.
En un peu plus de 10 ans le nombre des intermittents a été multiplié par 2, les allocations servies par près de 4, et le déficit 2002 (plus de 800 M) représente près du tiers du déficit prévisionnel 2003 du régime général.
Pour la première fois, son maintien dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle résulte d'un véritable accord impliquant les employeurs au niveau confédéral. Il a été précédé d'une large négociation.
Il ne faut pas perdre cet acquis, faute de quoi le régime peut réellement disparaître, ainsi qu'en attestent les lourdes menaces qui ont pesé sur son existence même en 2002, et contre lesquelles je m'étais élevé avec force.
2 - Cet accord comporte des avancées :
La durée du temps travaillé est prise en compte dans le calcul du montant de l'indemnisation
Les droits à indemnisation sont prolongés par chaque période travaillé.
Les activités de formation dispensée n'entraînent plus l'exclusion du régime.
La dégressivité des allocations est supprimée.
La prise en compte des congés de maladie et maternité pour l'ouverture des droits est confirmée.
3 - L'accord a toutefois suscité de nombreuses inquiétudes, auxquelles je suis très attentif.
Les consultations de ces derniers jours ont fait apparaître en effet plusieurs points insatisfaisants. Je souhaite en relever trois en particulier.
Le nouveau système n'attaque pas de front une des sources principales de fragilisation du régime que sont les abus de la part d'entreprises, notamment dans les secteurs de la production audiovisuelle ;
La réduction trop rapide de la période d'affiliation peut poser pour les artistes de réelles difficultés, aggravées par l'exclusion totale des périodes d'enseignement dispensé dans le décompte des heures ouvrant droit à indemnisation, et par le plafonnement des cachets.
Le caractère abrupt de la transition entre les deux systèmes est accru par l'entrée en application des nouvelles dispositions dès le 1er octobre 2003
C'est à ces trois problèmes que je souhaite me consacrer à présent.
III / Un plan en trois axes
1. Je demande tout d'abord solennellement aux partenaires sociaux de bien vouloir se réunir une nouvelle fois, très rapidement, pour revoir l'accord sur quatre points précis :
Le maintien du système actuel jusqu'à la fin de l'année 2003;
L'entrée en application progressive de l'accord en 2004 et 2005, notamment en ce qui concerne la durée d'affiliation, pour laquelle je demande aux partenaires sociaux de s'en tenir à 11 mois pour l'année 2004.
Ces mesures de report ménagent une longue période de transition, et permettront notamment la mise en uvre de mesures de lutte contre les abus et de soutien à l'emploi.
Je demande aux partenaires sociaux la suppression du plafonnement hebdomadaire des cachets effectués, et le relèvement du plafond mensuel;
Je demande que les périodes d'enseignement dispensé puissent être intégrées pour partie (au moins 10% des 507 heures) dans les 507 heures de travail qui déclenchent le droit à indemnisation.
Par ailleurs, j'ai pu également obtenir de l'UNEDIC des éclaircissements sur deux points ambigus de l'accord :
- Le temps de travail peut être déclaré aussi bien en heures qu'en cachets pour les artistes ;
- Les stages dispensés par l'AFDAS continueront d'ouvrir droit à indemnisation chômage pour ceux qui les suivent.
Si l'ensemble de mes demandes est satisfait, l'équilibre de cet accord sera renforcé. Je demanderai alors à mon collègue, François FILLON, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, de délivrer rapidement son agrément.
2. Un plan de lutte contre les abus en tous genres
J'ai entendu les remarques, fondées, de ceux qui disent que le régime de l'intermittence, destiné en priorité aux métiers de la création, a été détourné par des usages abusifs, parfois à grande échelle.
Ma conviction personnelle est, de longue date, que des abus fragilisent ce système. Sur ce point aussi, l'accord doit être complété. L'UNEDIC et l'Etat doivent faire converger les efforts, de façon beaucoup plus efficace.
a. Les partenaires sociaux de la branche de l'audiovisuel et du spectacle (FESAC et organisation syndicales) doivent poursuivre leurs négociations visant à réserver effectivement le recours à l'intermittence aux circonstances d'emploi qui le justifient. Je sais que les partenaires y sont disposés et je les y encourage.
b. Je demande également aux entreprises employeurs de salariés intermittents de s'engager sur un code de bonne conduite en la matière. Je réunirai très prochainement ces patrons pour le leur demander.
c. Le Gouvernement facilitera la mise en uvre des contrôles au niveau de l'UNEDIC en faisant évoluer le droit : 2 ordonnances seront prises à la rentrée, notamment pour permettre le croisement des fichiers sociaux et l'extension du guichet unique pour les employeurs du spectacle occasionnel.
d. Je tiens également à vous faire part ici de l'engagement pris par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité d'intensifier, de façon spectaculaire, dès cet automne, les contrôles de l'inspection du travail dans les entreprises, notamment audiovisuelle, qui recourent à l'intermittence. Trois régions seront plus particulièrement ciblées : Ile-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur.
e. Je demande enfin aux chaînes publiques d'être exemplaires. Je confie dès aujourd'hui à M. Bernard Gourinchas, président de l'association des employeurs de l'audiovisuel public, une mission d'analyse, de coordination et de vigilance dans ce domaine.
3 - Un plan en faveur de l'emploi et de l'activité dans le secteur du spectacle vivant
Il est de la responsabilité de l'Etat et des collectivités territoriales d'agir pour le soutien et le développement de l'emploi des artistes et des techniciens.
Des mesures nouvelles spécifiques seront mises en place en ce sens par le Gouvernement dès 2004 pour développer l'emploi artistique et culturel, destinées à l'emploi culturel et des moyens de la création dans les secteurs du théâtre, de la musique, de la danse, des arts du cirque et de la rue.
Une première enveloppe de 20 M sera affectée à ce plan. > Une fiche annexe présente les orientations possibles de ce plan.
Par ailleurs la possibilité d'adapter le dispositif de solidarité nationale servi par l'Etat aux chômeurs de longue durée (allocation spéciale de solidarité) en faveur des secteurs du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel, sera étudiée.
J'ai bien compris l'émoi des professions du spectacle vivant et leurs craintes quant à l'évolution de leur statut au sein de notre société. Les crises ont parfois la vertu de nous obliger à reposer les questions essentielles : celles de la création, de son mode de production, de la place du spectacle dans notre société, et, bien évidemment, des responsabilités de l'Etat.
C'est pourquoi j'ai décidé d'ouvrir, dès septembre, un débat national sur le spectacle vivant.
Dans une situation que je sais difficile pour tous, je tiens à marquer mon soutien aux salariés, aux techniciens, aux artistes et aux structures concernées (festivals, compagnies, théâtres), et à appeler chacun à faire preuve de responsabilité, en ayant aussi à l'esprit l'importance des festivals pour les économies locales, et le moment très privilégié de rencontre entre la création et les publics qu'ils constituent.
J'ai la conviction que les mesures que je propose apportent une réponse aux inquiétudes voire aux angoisses qui se sont exprimées.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 08 juillet 2003)
J.-J. Aillagon, France Inter - le 8 juillet 2003
F. Drouelle-. Mardi 8 juillet 2003, date d'ouverture du Festival d'Avignon, 57ème du nom, une édition dont on risque de se souvenir longtemps. C'est le festival de la crise, celui de l'inquiétude des intermittents du spectacle qui, jusqu'au bout, font durer le suspense. Malgré la proposition du Gouvernement de suspendre la réforme jusqu'à l'hiver prochain et d'en changer les données. Les intermittents du spectacle, artistes et techniciens, restent sur leur position. Pour eux, c'est la réforme tout entière qu'il faut enterrer, sa philosophie. D'où la grève d'aujourd'hui, alors que s'ouvre le Festival d'Avignon, l'un des plus grands au monde pour le théâtre.
Au moment où nous parlons, on ne sait toujours pas ce qui va advenir du Festival d'Avignon ; la soirée d'ouverture est annulée, et ensuite peut-être pas de festival du tout. Parce que vos propositions n'ont pas satisfait les intermittents. La question est simple : en avez-vous d'autres ?
- "Monsieur, tout d'abord, je suis las d'entendre dire que ce sont "mes" propositions. Je vous rappelle quand même que l'assurance chômage a la responsabilité de la gestion de l'intermittence. On finit par faire croire que l'intermittence serait une sorte de caisse de protection gérée par l'Etat. L'assurance chômage a la responsabilité de l'intermittence, ce sont les partenaires sociaux qui gèrent l'Unedic, ce n'est pas le Gouvernement qui le fait. J'ai tenté, dans ce processus, de jouer un rôle diplomatique, un rôle d'intermédiaire, parce que je me sens responsable de la situation des intermittents. J'ai fait des contre-propositions aux signataires de l'accord du 26 juin, je leur ai demandé de redélibérer. C'est quand même un très grand événement que des partenaires sociaux qui ont signé un accord il y a quelques jours, acceptent de se réunir une nouvelle fois pour rouvrir la négociation. Donc j'aimerais bien que chacun prenne la mesure, à la fois, de la difficulté du dossier et du travail que j'y ai accompli."
Les intermittents disent : "Monsieur Aillagon gagne du temps, pour que finalement, les festivals se déroulent quand même, tant bien que mal, et on recule pour mieux sauter." Qu'avez-vous à répondre à cela ?
- "On ne recule pas du tout pour mieux sauter. Mon propos dans cette affaire, c'est de sauver l'intermittence. Quand je suis arrivé au ministère de la Culture, il y a un an, j'ai entendu les partenaires sociaux et j'ai entendu un grand nombre de partenaires sociaux me dire : nous voulons dénoncer les annexes 8 et 10, qui organisent l'intermittence, nous souhaitons que l'ensemble des personnels concernés soit basculé dans l'annexe 4, celle du travail temporaire. Pendant un an, je me suis battu pour que le Medef, la CFDT, pour que d'autres organisations - et d'ailleurs, la CFDT l'a fait très volontiers, elle est très convaincue à cet égard -, que l'ensemble des organisations renonce à la mise en cause de l'intermittence. Ensuite, il a appartenu aux partenaires sociaux de prendre des mesures pour tenter de résorber l'immense déficit du secteur. Il y a dans ce secteur un rapport de 1 à 8 entre les prestations et les cotisations, le déficit est de 800 et quelque millions d'euros. Ce qui veut dire que chaque personne affiliée à ce régime - elles sont à peu près 100 000 -, génèrent un déficit annuel de 8 000 euros. C'est la solidarité de tous les autres travailleurs qui payent ce déficit. Donc il est tout à fait normal que les organisations syndicales, que les organisations patronales prennent leurs responsabilités et tentent de rétablir, non pas un équilibre comptable total - il est totalement impossible - mais tendent vers un meilleur équilibre. Ensuite, il appartient au Gouvernement de canaliser leur travail ; c'est ce que j'ai tenté de faire, en invitant les partenaires sociaux qui ont signé l'accord du 26 juin, de se remettre autour d'une table, avec les non-signataires, pour aménager un certain nombre de dispositions que je ne jugeais pas satisfaisantes."
Vous avez demandé à ce qu'on revoit quatre points.
- "J'ai demandé, en effet, qu'on retravaille, d'une part, qu'on me précise deux points importants. Le Premier, c'est que le temps de travail des artistes peut se faire ou en cachets ou en heures, à leur convenance. Deuxièmement, que les stages de l'AFDAS, qui est un organisme spécifique pour les intermittents, ouvre des droits à prestation. Deuxièmement, j'ai demandé qu'on révise un certain nombre de points : le calendrier de la mise en oeuvre des mesures, la progressivité de certaines mesures qui seront étalées ou qui seraient étalées si les partenaires sociaux acceptent cette proposition sur trois ans - 2003, 2004, 2005. Troisièmement, j'ai demandé qu'un certain volant d'heures de formation, dispensée par les intermittents, puisse être comptabilisé au compte de leurs 507 heures de travail, ce compte qui ouvre droit à indemnisation. Et quatrièmement, que soit déplafonné pour les artistes, le nombre de cachets réalisables par semaine et par mois."
Les intermittents disent qu'aussi, c'est "une fausse avancée", parce que de nombreuses conventions collectives dans le théâtre le prévoient déjà...
- "Il ne s'agit pas du tout de "fausse avancée", ce sont des dispositions qui n'étaient pas prises en compte par le texte du 26 juin. Si à chaque fois qu'on propose quelque chose, si à chaque fois qu'on conquiert une avancée, on dit que ce n'est rien, naturellement la cause est totalement désespérée."
Sur l'un des points importants de l'architecture de la réforme - la période de référence pour être indemnisé passerait de 12 à 10 mois - cela n'est-il pas négociable ? Est-ce un point fondamental qui va être gardé ?
- "C'est, aux yeux des partenaires sociaux signataires de l'accord du 26 juin, donc trois organisations d'employeurs, trois organisations syndicales, donc représentants des salariés, c'est pour eux le point fondamental. Seul point susceptible, à terme, de réduire le déficit de l'intermittence."
Cela veut dire qu'il n'est pas négociable celui-là ?
- "J'ai tenté de négocier ce point, de l'aménager, de le moduler. Les signataires de l'accord estiment que c'est un point irréversible, un point non négociable. Ils ont accepté d'en moduler ou d'envisager d'en moduler la mise en oeuvre. Donc, le système actuel resterait en vigueur jusqu'à la fin de cette année. Pendant l'année 2004, on passerait à une période de référence de 11 heures (sic) et ce n'est qu'en 2005, qu'on passerait à la période de référence de 10 mois pour les techniciens et 10 mois et demi pour les artistes, de façon à ce que chacun puisse finalement s'inscrire dans les nouvelles modalités du régime."
Si les quatre points sur lesquels vous avez demandé que les partenaires sociaux reviennent, si au bout du compte il ne s'est rien passé, est-ce que vous validerez l'accord ? Parce qu'il faut rappeler qu'effectivement, ce n'est pas vous qui faites des propositions, ce sont les partenaires sociaux qui s'en occupent. Mais c'est quand même le Gouvernement qui valide ou pas...
- "C'est le Gouvernement qui valide, mais en même temps, l'usage, c'est que le Gouvernement avalide ou ne valide pas uniquement sur des considérations techniques. Quand, par exemple, une disposition d'un accord n'est pas conforme à la loi ou au texte en vigueur. A partir du moment où l'ensemble de l'accord engage la responsabilité politique des signataires, à partir du moment où les aménagements qui figurent dans leur accord sont conformes à la loi, je ne vois pas au nom de quoi le Gouvernement ne donnerait pas son agrément. Cette affaire nous renvoit également à une question fondamentale : sommes-nous capables en France de faire confiance à la délibération, à la prise de responsabilité des partenaires sociaux ? Ou souhaitons-nous un pays où, sans cesse, l'Etat se substitue à la responsabilité de chacun ? Là, nous avons des organisations qui ont pris un engagement fort, et notamment l'engagement de ne pas remettre en cause l'existence de l'intermittence du spectacle. Régime totalement dérogatoire et régime dont il n'existe aucun équivalent dans aucun autre pays au monde. Cet engagement est très fort. Ils ont opéré un certain nombre d'aménagements qui, à mes yeux, ne sont pas préjudiciables radicalement à la situation des artistes et des techniciens concernés. Il faut également leur reconnaître ce droit finalement, à gérer dans un cadre paritaire, un système de protection sociale."
Il y a quand même les festivals ; l'actualité est brûlante. Le festival d'Avignon est menacé, c'est le suspense ; c'est un peu confus d'ailleurs comme situation. En tant que ministre de la Culture, comment vivez-vous cette menace sur ce festival, qui est, rappelons-le, l'un des plus grands au monde pour le théâtre ?
- "Je trouve la situation navrante, mais par ailleurs, il appartient à chacun de prendre ses responsabilité à l'égard des festivals eux-mêmes, à l'égard des créateurs, à l'égard des interprètes, à l'égard des compagnies qui ont souvent investi des moyens importants pour la production du spectacle présenté en Avignon. Un festival annulé, c'est un gâchis épouvantable. Un festival annulé, c'est souvent un festival compromis pour l'avenir. Les pertes de certains festivals sont considérables ; S. Lissner annonçait, ce matin, qu'il envisageait, si demain le Festival ne redémarrait pas, tout simplement de déposer son bilan ! Il est évident que le Festival d'Aix ne se relèvera pas de sitôt de ce gâchis."
Les intermittents répondent que c'est pas le festival qu'il faut sauver, c'est l'avenir de leur métier...
- "L'avenir de leur métier est sauvé. L'intermittent s'aménage un dispositif qui permettra, à l'avenir, à des salariés qui travaillent 507 heures pendant dix mois, de bénéficier d'une protection très longue, étant entendu que dans ces 507 heures, ne sera pas seulement comptabilisé le temps de travail, mais également toute la durée des formations reçues, un certain volant de formation dispensée, 55 heures sans doute. Et période pendant laquelle les congés de maladie et les congés de maternité pour les femmes, ouvriront droit à prestation. C'est-à-dire que chaque journée d'arrêt de maladie ou chaque journée d'arrêt de congé de maternité, sera valorisée pour 5 heures de travail. Je crois vraiment qu'on ne peut pas imaginer un système, un dispositif plus généreux, plus compréhensif, plus extensif. Où voit-on dans ce dispositif une mise en cause de la situation des intermittents, dites-moi ?"
Je reviens sur ma première question. Il ne s'agit pas de vos propositions mais de "[votre] travail diplomatique", comme vous le dites. La situation, pour l'instant, semble bloquée. Qu'est-ce qui peut se passer ? Que pouvez-vous faire dans ce "travail diplomatique", comme vous l'appelez, pour que la situation se débloque, là, maintenant, concrètement ?
- "D'abord, j'observe que ce mouvement devient un mouvement très complexe, qu'il perd parfois de vue l'objet de sa mobilisation, qu'il perd parfois de vue l'objet de son combat, que c'est également un champ-clos où un syndicat, qui n'a pas signé l'accord du 26 juin, essaie de faire mordre la poussière à un syndicat qui a signé l'accord du 26 juin, qui a pris ses responsabilités. C'est un champ-clos, où certaines formations politiques essaient de se refaire, à bon compte, de façon très démagogique, une popularité. C'est un champ-clos également, où interviennent un certain nombre de groupes organisés qui n'ont absolument rien à voir avec le secteur et qui essaient tout simplement de trouver dans ce mouvement un prétexte à manifestation voire à agitation."
Cela veut dire qu'il n'y aura pas de nouvelles avancées ?
- "Pour ma part, j'estime que je suis allé au bout du possible, au bout de ma responsabilité. Je me suis impliqué très fortement dans un processus qui ne relève pas de moi de façon éminente. Il relève de l'Unedic, il relève de la tutelle du ministre des Affaires sociales. J'ai tenté de désamorcer un conflit que je sais douloureux pour ceux qui le subissent, et qui le subissent à tout titres. Je suis allé jusqu'au bout du possible. En tout cas, pour ma part, je ne prendrai pas de nouvelles initiatives."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 juillet 2003)