Interview de M. Alain Juppé, président de l'UMP, dans "Le Midi libre" du 22 octobre 2003, sur la préparation des élections régionales 2004 notamment avec la désignation de M. Jacques Blanc comme chef de file en Languedoc Roussillon et les négociations avec l'UDF, et sur sa position favorable à la laïcité et à une loi contre le port du voile islamique.

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Média : Le Midi Libre - Midi libre

Texte intégral

Vous êtes annoncé aujourd'hui à Montpellier et à Béziers demain . Qu'attendez-vous de ces rencontres ?
Alain Juppé : Depuis que j'ai été élu président de l'UMP, j'ai pris l'habitude d'aller à la rencontre des militants, mais aussi de tous les Français, comme l'illustre la réunion de jeudi avec les représentants de la filière viticole.
Lors des précédentes tournées, j'ai acquis le sentiment que nos électeurs nous font confiance. Et que les turbulences rencontrées ici ou là, comme sur le dossier des retraites, n'ont pas remis en cause cette confiance.
Vous êtes donc confiant pour les prochaines élections régionales ?
Confiant, à condition de faire activement campagne. N'oublions pas que le gouvernement a engagé des réformes dans l'intérêt général du pays dont celle de la décentralisation qui va donner aux régions des compétences et des moyens très importants. En Languedoc-Roussillon, nous avons déjà désigné notre chef de file en la personne de Jacques Blanc, le président sortant.
Le choix de Jacques Blanc, élu par le passé avec le soutien des conseillers du Front national, n'est-il pas sujet à interrogations ?
Le passé est le passé. En ce qui nous concerne, les choses sont claires, il n'y aura en aucune manière alliance ni contact avec le Front national. J'espère que Jacques Blanc pourra réaliser la plus grande union possible autour de lui.
N'est-ce pas un vu pieux sachant que l'UDF, laisse entendre la créationde sa propre liste ?
Depuis plusieurs mois, nous avons proposé un partenariat à l'UDF. Les députés et conseillers régionaux UDF ont été élus dans notre majorité présidentielle. Je constate toutefois que cette proposition n'a pas été reprise au bond par l'UDF. Il est peut-être temps pour elle de se décider.
Mais François Bayrou vient d'indiquer qu'il dévoilerait d'ici début décembre la stratégie de son parti
Nous, nous sommes fidèles et loyaux envers le président de la République et le gouvernement, même si sur certains points, nous pouvons proposer des modifications ou des amendements à la politique gouvernementale. Nous souhaitons donc que cette loyauté s'exprime aussi au cours des élections régionales. A chacun de choisir Et à chacun de s'exprimer.
On parle beaucoup du foulard à l'école. Pensez-vous, comme Nicolas Sarkozy, qu'il n'est pas nécessaire de légiférer ?
Le 28 octobre prochain, je m'exprimerai devant la Commission sur la laïcité, présidée par Bernard Stasi. De toute façon, il faut réfléchir. A titre personnel, je ne serais pas défavorable à une loi réglementant le port du foulard dans les établissements scolaires. Ce qui montre qu'à l'UMP, on peut avoir des idées différentes.
Je crois que nous sommes tous d'accord sur un point : celui de réaffirmer le principe de la laïcité. Et ce principe est aujourd'hui menacé par la montée d'un intégrisme politico-religieux.
Que doit-on faire pour lutter contre cet intégrisme ?
Si certains considèrent qu'il n'y a pas besoin de loi, moi je pense qu'il faut réfléchir à ce que pourrait être cette loi. Toute la difficulté réside dans la rédaction de ce texte. Qu'est-ce qu'une manifestation ostentatoire d'un engagement religieux qui n'a rien à voir à l'école ?
Jusqu'où allons-nous aller ? Il y a le voile à l'école. Et maintenant, on commence à demander des horaires aménagésdans les piscines, pour que les jeunes musulmanes soient à l'abri des regards. Est-ce que demain, on ne va pas nous réclamer des compartiments réservés dans les transports en commun ? Nous risquons de laisser monter un certain apartheid qui n'est pas conforme aux valeurs républicaines auxquelles nous croyons. C'est donc un sujet d'une très grande gravité qui mérite une réflexion approfondie.
Est-il urgent de légiférer ?
Après la réflexion, il faudra agir. Nous ne pouvons plus laisser en première ligne les chefs d'établissements sans leur donner une référence. D'autant plus qu'aujourd'hui, on voit bien que pour nombre de ces jeunes filles, le port du voile est plus un acte de militantisme politique qu'une manifestation de pudeur religieuse. Et ça n'est pas acceptable à l'école.
Au cours du procès des emplois fictifs du RPR, qui vient de s'achever, plusieurs personnes ont été surprises par vos déclarations...
J'ai répondu à toutes les questions qui m'ont été posées de manière aussi claire et précise que possible. Vous comprendrez que je n'ai pas d'autres commentaires à faire !
Propos recueillis par Zoé CADIOT
(Source http://www.u-m-p.org, le 22 octobre 2003)