Entretien de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, à l'émission "C'est arrivé demain" sur Euope 1 le 26 septembre 2004 à Paris, sur l'intervention de la France en Haïti, tant au plan humanitaire après la catastrophe naturelle du 19 septembre, que politique pour régler la crise et aider à la reconstruction du pays.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q - (sur Haïti)
R - Je suis touché par ce que dit Jean-Christophe Rufin. Je ne voudrais pas que vos auditeurs aient le sentiment que la France est indifférente au sort d'Haïti. Il y a quelques semaines, à l'occasion de la Conférence des ambassadeurs, j'ai consacré à Haïti le dernier point de mon intervention en rappelant qu'Haïti, pour la diplomatie française, concentre tous les défis : celui de la pauvreté qui est l'une des plus graves du monde - c'est le quatrième pays plus pauvre -, celui de l'écologie avec une déforestation considérable, celui de l'influence française dans ces zones où tout le monde parle français. Pour ma part, je me suis rendu deux fois à Haïti depuis que je suis ministre, cela fait maintenant six mois.
Hier matin, nous avons envoyé un avion spécial à destination de ce pays, avec du matériel dont m'avait parlé le Premier ministre, M. Latortue, que j'ai eu vendredi au téléphone lorsque j'étais aux Nations unies.
Q - Là, vous réagissez comme un membre du gouvernement qui est touché, atteint par ce que peut dire un responsable important d'une organisation importante ?
R - M. Rufin a raison de dire ce qu'il dit. Ce pays ne peut pas nous laisser indifférent et je veux simplement dire qu'il ne nous laisse pas indifférent. J'ai été très ému au cours de mes deux visites à Haïti, dont la dernière d'ailleurs était liée à une catastrophe naturelle, une formidable érosion qui a emporté plusieurs centaines de personnes. J'ai d'ailleurs dans mon bureau, deux petites pierres que j'ai rapportées d'un des villages de cette île et de Saint-Domingue.
Q - Qu'allez-vous faire, Michel Barnier, concrètement, là, pour l'urgence ?
R - Concrètement, nous envoyons plusieurs avions avec du matériel extrêmement simple : des gants pour les personnes qui doivent traiter les cadavres qui sont très nombreux aux Gonaïves, des lits de camps, de la pénicilline, du matériel d'urgence dont ont besoin les Organisations non gouvernementales.
Au-delà de l'urgence, il faut reconstruire ce pays. Et tout à l'heure, M. Rufin parlait de l'Europe. Il y a plusieurs centaines de millions d'euros disponibles à Bruxelles. Je m'efforce depuis des mois de les mettre en uvre. Mais ce n'est pas si facile que cela, quand on a de l'argent, de pouvoir le transformer en projets.
Il n'y a pas d'électricité à Haïti. Il n'y a pas de route. Donc, il faut trouver des gens pour faire ces projets, pour les construire de manière très concrète et c'est cela notre travail avec le gouvernement de M. Latortue, qui est un gouvernement de bonne volonté.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2004)