Texte intégral
Jean-Michel APHATIE : Bonjour Jean-Louis Debré. Le conseil d'Etat examine actuellement la validité des élections qui se sont déroulées en Polynésie Française le 23 mai dernier. Hier, le commissaire du gouvernement a recommandé l'annulation partielle de ce scrutin. Compte tenu des polémiques et du climat qu'il y a à Tahiti Jean-Louis Debré, est-ce qu'il ne serait pas plus simple de dissoudre l'Assemblée de Polynésie ?
Jean-Louis DEBRE : Ecoutez je l'ai dit depuis le début: en démocratie, il n'y a qu'une sortie de crise, c'est le retour devant le corps électoral. Et par conséquent, je ne sais pas dans quels délais, c'est inévitable...
Q - Et c'est le mieux pour régler ce problème...
R - C'est la seule façon.
Q - Et vous le recommandez à vos amis... au gouvernement...
R - Je ne fais pas de recommandation. Je suis un modeste. Chacun fait comme il l'entend. En tant que démocrate et républicain, lorsqu'il y a une crise institutionnelle, et lorsqu'il n'y a pas de déblocage possible, eh bien on retourne devant l'électeur.
Q - C'est dit ! 26 %... vous savez ce que c'est Jean-Louis Debré ? C'est la cote de popularité de Jean-Pierre Raffarin aujourd'hui. Nous sommes à mi-mandat... Pourquoi seulement 26 % Jean-Louis Debré ?
R - Qu'il y ait un affaiblissement de la cote du Premier ministre, c'est un fait, et ce n'est pas étonnant compte tenu des réformes difficiles qu'il a faites. Qu'il y ait une impatience de la majorité qui le soutient, c'est normal...
Q - ... vous le constatez à l'Assemblée Nationale...
R - ... c'est normal, c'est normal... Et le problème n'est pas là.
Q - Où il est ?
R - Le problème, c'est qu'il importe qu'on ne réédite pas, semaine après semaine, les erreurs que nous commettons... à savoir ne pas permettre à notre message d'être lisible. Je voudrais prendre un exemple: on s'occupe, et c'est normal, et c'est bien, du problème de la cohésion sociale. Et en même temps, la majorité discute, délibère, débat sur l'IS. Notre message, il n'est pas lisible. Autre exemple: le président de la République demande au gouvernement de tout faire pour lutter contre l'insécurité sur les routes, d'éviter par un certain nombre de réglementations qu'il y ait trop d'accidents... ce n'est plus supportable ! Et le même jour, la majorité parle de l'amendement sur la loi Evin, et l'amendement Cugnenc et je pourrais multiplier les exemples. Et par conséquent je pense qu'il ne s'agit pas d'un problème d'hommes, qu'il ne s'agit pas de changer les hommes. Il s'agit de donner à notre action une lisibilité, une cohérence, qui aujourd'hui ne sautent pas aux yeux des Français.
Q - Vos deux exemples sont intéressants Jean-Louis Debré. Ce qu'ils mettent en lumière c'est un manque d'autorité, peut-être de savoir-faire du Premier ministre ?
R - Je ne dis pas ça... je ne sais pas... quand on fait de la politique, quand on est au gouvernement, on fixe des hiérarchies, des priorités, et on s'en tient là ! Et on écarte de la délibération, du débat, tout ce qui ne va pas dans le sens de l'action que l'on veut donner au gouvernement.
Q - Le moment est-il venu, à mi-mandat, à mi-quinquennat, de changer de Premier ministre Jean-Louis Debré ?
R - Le moment est venu de prendre conscience que les Français veulent savoir quelle est l'action gouvernementale... quelles sont les priorités... J'ai entendu tout à l'heure Alain Duhamel. Je crois qu'un certain nombre d'entre nous n'a pas encore intégré la modification des institutions et du fonctionnement des institutions, tel qu'il résulte du quinquennat. Aujourd'hui, alors que dans la Constitution il est indiqué, article 8 : "le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation". Aujourd'hui c'est différent: c'est le Président qui détermine, et le gouvernement conduit, sous sa responsabilité, l'action gouvernementale. Et par conséquent il ne faut pas que l'action gouvernementale vienne contrecarrer la détermination de l'action politique par le président de la République. Il veut la cohésion sociale, eh bien, on l'appuie. Il veut la lutte contre l'insécurité sur les routes, eh bien on l'appuie.
Q - Si vous étiez Premier ministre...
R - ... je ne serai pas Premier ministre...
Q - ... vous sauriez comment faire visiblement...
R - Mais non... arrêtons de poser ça en termes de personnes. Moi ce qui m'importe, c'est que l'action gouvernementale soit lisible, et la plus comprise possible par les Français.
Q - Le 14 octobre, les députés qui l'avaient beaucoup réclamé ont débattu de la Turquie. Problème: à la fin du débat, ils étaient vingt en séance, et cette absence a beaucoup choqué. Est-ce que ça vous a choqué Jean-Louis Debré ?
R - Oui ça m'a choqué ! Oui ça m'a choqué. Vous savez, je crois profondément à l'importance du Parlement. J'ai commencé très profondément à modifier le fonctionnement de cette Assemblée. Mais rien, rien ne sera valable sans une meilleure présence des parlementaires !
Q - Pourquoi ne sont-ils pas là aujourd'hui ?
R - Pourquoi ? Parce que nous travaillons mal, parce que la loi est trop longue, parce qu'on ne sépare pas suffisamment le temps du législateur, le temps du contrôleur de l'action gouvernementale, et le temps qu'on doit laisser au parlementaire pour être dans son département, à l'écoute de ses électeurs. Parce qu'on fait tout, et on le fait mal je crois. Recentrons l'action gouvernementale. Faisons en sorte que le député, eh bien ait une fois par mois, une semaine par exemple, où il ne sera pas à l'Assemblée, il sera dans sa circonscription. Faisons aussi que par des lois plus courtes, par des lois qui ne soient pas fourre-tout, par des lois qui fixent des normes, que le travail parlementaire soit lisible. Enfin, il faut me laisser faire pour que le Parlement devienne véritablement un lieu où l'on débat, où l'on discute, où les parlementaires peuvent aborder tous les sujets, comme ils le veulent. C'est ce que j'ai fait sur la laïcité. C'est ce que j'ai fait sur les retraites. C'est ce que j'ai fait sur l'assurance maladie. Et pour que l'Assemblée soit véritablement le lieu où l'on débat, il faut probablement avoir une réflexion sur le mode de scrutin.
Q - C'est-à-dire ? Introduire la proportionnelle ? Jean-François Copé hier a dit: il ne faut pas de proportionnelle... Alors ?
R - Mais chacun a le droit de dire ce qu'il veut ! Je dis simplement...
Q - ... en deux mots...
R - Je dis simplement: il faut assurer le maintien du système majoritaire, mais il faut aussi qu'il y ait un certain nombre de députés qui, élus à la proportionnelle, dans le cas de département, une petite proportion, sans remettre en cause le phénomène majoritaire, permettent à cette Assemblée de vivre...
Q - Jean-Louis Debré... qui a plein d'idées pour la République...
R - ... oui... et vous voulez toujours avoir le dernier mot !
Q - ... était l'invité d'RTL ce matin...
R - ... eh bien j'aurai quand même le dernier en disant merci...
Q - Bonne journée.
(Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 novembre 2004)
Jean-Louis DEBRE : Ecoutez je l'ai dit depuis le début: en démocratie, il n'y a qu'une sortie de crise, c'est le retour devant le corps électoral. Et par conséquent, je ne sais pas dans quels délais, c'est inévitable...
Q - Et c'est le mieux pour régler ce problème...
R - C'est la seule façon.
Q - Et vous le recommandez à vos amis... au gouvernement...
R - Je ne fais pas de recommandation. Je suis un modeste. Chacun fait comme il l'entend. En tant que démocrate et républicain, lorsqu'il y a une crise institutionnelle, et lorsqu'il n'y a pas de déblocage possible, eh bien on retourne devant l'électeur.
Q - C'est dit ! 26 %... vous savez ce que c'est Jean-Louis Debré ? C'est la cote de popularité de Jean-Pierre Raffarin aujourd'hui. Nous sommes à mi-mandat... Pourquoi seulement 26 % Jean-Louis Debré ?
R - Qu'il y ait un affaiblissement de la cote du Premier ministre, c'est un fait, et ce n'est pas étonnant compte tenu des réformes difficiles qu'il a faites. Qu'il y ait une impatience de la majorité qui le soutient, c'est normal...
Q - ... vous le constatez à l'Assemblée Nationale...
R - ... c'est normal, c'est normal... Et le problème n'est pas là.
Q - Où il est ?
R - Le problème, c'est qu'il importe qu'on ne réédite pas, semaine après semaine, les erreurs que nous commettons... à savoir ne pas permettre à notre message d'être lisible. Je voudrais prendre un exemple: on s'occupe, et c'est normal, et c'est bien, du problème de la cohésion sociale. Et en même temps, la majorité discute, délibère, débat sur l'IS. Notre message, il n'est pas lisible. Autre exemple: le président de la République demande au gouvernement de tout faire pour lutter contre l'insécurité sur les routes, d'éviter par un certain nombre de réglementations qu'il y ait trop d'accidents... ce n'est plus supportable ! Et le même jour, la majorité parle de l'amendement sur la loi Evin, et l'amendement Cugnenc et je pourrais multiplier les exemples. Et par conséquent je pense qu'il ne s'agit pas d'un problème d'hommes, qu'il ne s'agit pas de changer les hommes. Il s'agit de donner à notre action une lisibilité, une cohérence, qui aujourd'hui ne sautent pas aux yeux des Français.
Q - Vos deux exemples sont intéressants Jean-Louis Debré. Ce qu'ils mettent en lumière c'est un manque d'autorité, peut-être de savoir-faire du Premier ministre ?
R - Je ne dis pas ça... je ne sais pas... quand on fait de la politique, quand on est au gouvernement, on fixe des hiérarchies, des priorités, et on s'en tient là ! Et on écarte de la délibération, du débat, tout ce qui ne va pas dans le sens de l'action que l'on veut donner au gouvernement.
Q - Le moment est-il venu, à mi-mandat, à mi-quinquennat, de changer de Premier ministre Jean-Louis Debré ?
R - Le moment est venu de prendre conscience que les Français veulent savoir quelle est l'action gouvernementale... quelles sont les priorités... J'ai entendu tout à l'heure Alain Duhamel. Je crois qu'un certain nombre d'entre nous n'a pas encore intégré la modification des institutions et du fonctionnement des institutions, tel qu'il résulte du quinquennat. Aujourd'hui, alors que dans la Constitution il est indiqué, article 8 : "le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation". Aujourd'hui c'est différent: c'est le Président qui détermine, et le gouvernement conduit, sous sa responsabilité, l'action gouvernementale. Et par conséquent il ne faut pas que l'action gouvernementale vienne contrecarrer la détermination de l'action politique par le président de la République. Il veut la cohésion sociale, eh bien, on l'appuie. Il veut la lutte contre l'insécurité sur les routes, eh bien on l'appuie.
Q - Si vous étiez Premier ministre...
R - ... je ne serai pas Premier ministre...
Q - ... vous sauriez comment faire visiblement...
R - Mais non... arrêtons de poser ça en termes de personnes. Moi ce qui m'importe, c'est que l'action gouvernementale soit lisible, et la plus comprise possible par les Français.
Q - Le 14 octobre, les députés qui l'avaient beaucoup réclamé ont débattu de la Turquie. Problème: à la fin du débat, ils étaient vingt en séance, et cette absence a beaucoup choqué. Est-ce que ça vous a choqué Jean-Louis Debré ?
R - Oui ça m'a choqué ! Oui ça m'a choqué. Vous savez, je crois profondément à l'importance du Parlement. J'ai commencé très profondément à modifier le fonctionnement de cette Assemblée. Mais rien, rien ne sera valable sans une meilleure présence des parlementaires !
Q - Pourquoi ne sont-ils pas là aujourd'hui ?
R - Pourquoi ? Parce que nous travaillons mal, parce que la loi est trop longue, parce qu'on ne sépare pas suffisamment le temps du législateur, le temps du contrôleur de l'action gouvernementale, et le temps qu'on doit laisser au parlementaire pour être dans son département, à l'écoute de ses électeurs. Parce qu'on fait tout, et on le fait mal je crois. Recentrons l'action gouvernementale. Faisons en sorte que le député, eh bien ait une fois par mois, une semaine par exemple, où il ne sera pas à l'Assemblée, il sera dans sa circonscription. Faisons aussi que par des lois plus courtes, par des lois qui ne soient pas fourre-tout, par des lois qui fixent des normes, que le travail parlementaire soit lisible. Enfin, il faut me laisser faire pour que le Parlement devienne véritablement un lieu où l'on débat, où l'on discute, où les parlementaires peuvent aborder tous les sujets, comme ils le veulent. C'est ce que j'ai fait sur la laïcité. C'est ce que j'ai fait sur les retraites. C'est ce que j'ai fait sur l'assurance maladie. Et pour que l'Assemblée soit véritablement le lieu où l'on débat, il faut probablement avoir une réflexion sur le mode de scrutin.
Q - C'est-à-dire ? Introduire la proportionnelle ? Jean-François Copé hier a dit: il ne faut pas de proportionnelle... Alors ?
R - Mais chacun a le droit de dire ce qu'il veut ! Je dis simplement...
Q - ... en deux mots...
R - Je dis simplement: il faut assurer le maintien du système majoritaire, mais il faut aussi qu'il y ait un certain nombre de députés qui, élus à la proportionnelle, dans le cas de département, une petite proportion, sans remettre en cause le phénomène majoritaire, permettent à cette Assemblée de vivre...
Q - Jean-Louis Debré... qui a plein d'idées pour la République...
R - ... oui... et vous voulez toujours avoir le dernier mot !
Q - ... était l'invité d'RTL ce matin...
R - ... eh bien j'aurai quand même le dernier en disant merci...
Q - Bonne journée.
(Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 novembre 2004)