Texte intégral
QUESTION.- Vous vous apprêtez à faire cavalier seul aux élections régionales. Qu'est-ce qui vous a empêché de réaliser l'union dès le premier tour avec l'UMP ?
F. BAYROU - Je trouve que la situation politique française n'est pas bonne et n'est pas saine. C'est un pays bloqué, où les pouvoirs sont de plus en plus fermés et concentrés. A droite, un parti qui se veut unique, où il n'y a aucun débat, et qui revendique tous les pouvoirs sans exception. A gauche, un PS inaudible. Et un pays profondément troublé : je lisais hier un baromètre qui montrait que seuls 11 % des Français se montraient intéressés par la politique ! Soit le niveau d'avril 2001 Me ranger dans des listes uniques avec l'UMP, cela signifierait que j'accepte cette situation. Or non seulement je ne l'accepte pas, mais je veux la changer. L'UDF est aujourd'hui la seule alternative possible. C'est cette alternative que nous défendrons au premier tour devant les électeurs. Les élections à deux tours, c'est fait pour que le premier tour serve à quelque chose.
QUESTION.-La constitution de l'UMP n'était-elle pas inscrite dans la logique de l'élection triomphale de Jacques Chirac au deuxième tour de la présidentielle ?
F. BAYROU - L'élection présidentielle de 2002 a été mal interprétée. Jacques Chirac n'a pas eu 82 % d'adhésion. C'est Le Pen qui a été rejeté par 82 % des électeurs. Les Français n'ont jamais voulu donner tous les pouvoirs à un parti unique. C'est ce quiproquo qu'il faut lever. Et il n'y a que les électeurs, dans les urnes, qui puissent le faire. Et c'est à ces élections qu'il faut le faire, après on entre dans une période de trois ans sans occasion pour le peuple de s'exprimer.
QUESTION.- N'est-ce pas plutôt à la gauche de modifier les équilibres politiques ?
F. BAYROU - La gauche fait peine à voir. Elle n'est pas audible, elle répète les mêmes antiennes sans que personne l'entende. Elle ne représentera pas un espoir crédible avant de longues années. Et c'est bien pour cela qu'il convient de renouveler le jeu, de bousculer ce théâtre d'ombres bloqué depuis 25 ans. Vous ne voyez pas qu'une immense majorité de Français rêve d'une démocratie sincère, où l'on comprendrait les décisions, qui voudrait un progrès économique dont le prix ne serait pas la précarité ?
QUESTION.- Cette position connaît pourtant des exceptions. La stratégie de l'UDF ne serait-elle pas à géométrie variable ?
F. BAYROU - J'ai accepté de faire quelques cas particuliers dans les rares régions où le Front national est très menaçant. J'ai voulu aussi tenir compte de l'émotion de Français inquiets et de bonne foi. Mais je persiste à penser qu'il n'existe qu'un seul moyen de faire reculer l'extrême-droite, c'est de présenter une offre politique nouvelle.
Dans une élection à deux tours, toutes les forces politiques principales devraient avoir leurs listes. Et l'on se regrouperait au deuxième tour. Tous ceux qui invoquent " l'union " veulent en réalité que leurs partenaires renoncent à exister. Le choix au premier tour, c'est le vrai pouvoir du citoyen. Ainsi, c'est lui qui choisit les listes en votant et non pas les appareils.
QUESTION.- Comment expliquer certaines exceptions, comme en Auvergne, contre Giscard, alors qu'il n'y a pas de danger FN ?
F. BAYROU - Même si c'est rare, en politique, il y a aussi les sentiments. Il y a une histoire en Valéry Giscard d'Estaing et l'UDF. Je n'ai pas envie de gommer cette histoire et ces sentiments.
QUESTION.- A deux mois du scrutin, sentez-vous un frémissement positif en faveur de vos listes ?
F. BAYROU - Quand, en Ile-de-France, deux sondages donnent André Santini et la liste UDF devant la liste UMP, on voit se profiler une immense surprise. Et cette surprise, elle existera aussi dans d'autres régions et pas seulement en Aquitaine (rires).
QUESTION.- Ne craignez-vous pas que vos partenaires UMP ne déclenchent des représailles ?
F. BAYROU - Je suis imperméable à ce genre de menaces. Je n'y crois pas et je m'en moque. Ce sont les électeurs qui vont dessiner le nouveau paysage, s'ils le veulent. S'ils en décident ainsi, personne ne pourra ignorer ou contredire leur voix, plus rien ne sera comme avant.
QUESTION.- Il semble que Nicolas Sarkozy vous remplace désormais comme ennemi public n°1 au sein de l'UMP. Cela vous gêne-t-il ?
F. BAYROU - Parfois, cela me fait un peu sourire Mais tout cela est inscrit dans les faits. Quand il n'y a pas débat et compétition franche, il y a les bagarres souterraines, féroces entre les clans. C'est pour cela que je n'ai jamais cru à un parti unique. Vous comprendrez donc que je prenne grand soin de ne pas me mêler de ses guerres intestines.
QUESTION.- On a parlé d'un axe Bayrou-Sarkozy. Est-ce une réalité ?
F. BAYROU - Non. J'ai de l'estime pour Sarkozy et j'apprécie son énergie. Mais je ne participe en aucune manière aux bagarres internes au gouvernement et à l'UMP. Ma tâche est de faire apparaître un courant politique nouveau, attractif et puissant, pas de participer à la guerre de succession qui agite une " chiraquie ", comme on dit, que je respecte mais à laquelle je n'ai jamais appartenu.
QUESTION.- Face à une UMP qui a tout faire pour réduire l'UDF à la portion congrue, comment se porte aujourd'hui l'UMP ?
F. BAYROU - Nous avons vécu une période à la fois difficile et formidable. Des notables instables et craintifs ont changé de camp, mais nous avons accueilli un grand nombre de nouveaux militants. Ils sont solides et combatifs. J'ai pu ainsi réaliser un des mes vieux rêves : procéder à un vrai renouvellement grâce à l'injection de sang neuf venu de la société civile, des mouvements associatifs, certains du centre gauche. Et surtout beaucoup d'autres qui ne croyaient plus à la politique.
QUESTION.- Voterez-vous la loi en préparation sur la laïcité ?
F. BAYROU - Je suis très réservé. Je crains qu'on n'ait ouvert une boîte de pandore. J'ai rédigé la circulaire de 1994 sur les signes religieux et sur le voile. Je connais donc bien ces questions et je suis persuadé que l'on pouvait lutter contre les dérives autrement qu'avec une loi. Il n'y a rien de pire que de faire monter les tensions et se retrouver au bout du compte avec une loi inapplicable.
Propos recueillis par Philippe Reinhard
(source http://www.udf.org, le 20 janvier 2004)
F. BAYROU - Je trouve que la situation politique française n'est pas bonne et n'est pas saine. C'est un pays bloqué, où les pouvoirs sont de plus en plus fermés et concentrés. A droite, un parti qui se veut unique, où il n'y a aucun débat, et qui revendique tous les pouvoirs sans exception. A gauche, un PS inaudible. Et un pays profondément troublé : je lisais hier un baromètre qui montrait que seuls 11 % des Français se montraient intéressés par la politique ! Soit le niveau d'avril 2001 Me ranger dans des listes uniques avec l'UMP, cela signifierait que j'accepte cette situation. Or non seulement je ne l'accepte pas, mais je veux la changer. L'UDF est aujourd'hui la seule alternative possible. C'est cette alternative que nous défendrons au premier tour devant les électeurs. Les élections à deux tours, c'est fait pour que le premier tour serve à quelque chose.
QUESTION.-La constitution de l'UMP n'était-elle pas inscrite dans la logique de l'élection triomphale de Jacques Chirac au deuxième tour de la présidentielle ?
F. BAYROU - L'élection présidentielle de 2002 a été mal interprétée. Jacques Chirac n'a pas eu 82 % d'adhésion. C'est Le Pen qui a été rejeté par 82 % des électeurs. Les Français n'ont jamais voulu donner tous les pouvoirs à un parti unique. C'est ce quiproquo qu'il faut lever. Et il n'y a que les électeurs, dans les urnes, qui puissent le faire. Et c'est à ces élections qu'il faut le faire, après on entre dans une période de trois ans sans occasion pour le peuple de s'exprimer.
QUESTION.- N'est-ce pas plutôt à la gauche de modifier les équilibres politiques ?
F. BAYROU - La gauche fait peine à voir. Elle n'est pas audible, elle répète les mêmes antiennes sans que personne l'entende. Elle ne représentera pas un espoir crédible avant de longues années. Et c'est bien pour cela qu'il convient de renouveler le jeu, de bousculer ce théâtre d'ombres bloqué depuis 25 ans. Vous ne voyez pas qu'une immense majorité de Français rêve d'une démocratie sincère, où l'on comprendrait les décisions, qui voudrait un progrès économique dont le prix ne serait pas la précarité ?
QUESTION.- Cette position connaît pourtant des exceptions. La stratégie de l'UDF ne serait-elle pas à géométrie variable ?
F. BAYROU - J'ai accepté de faire quelques cas particuliers dans les rares régions où le Front national est très menaçant. J'ai voulu aussi tenir compte de l'émotion de Français inquiets et de bonne foi. Mais je persiste à penser qu'il n'existe qu'un seul moyen de faire reculer l'extrême-droite, c'est de présenter une offre politique nouvelle.
Dans une élection à deux tours, toutes les forces politiques principales devraient avoir leurs listes. Et l'on se regrouperait au deuxième tour. Tous ceux qui invoquent " l'union " veulent en réalité que leurs partenaires renoncent à exister. Le choix au premier tour, c'est le vrai pouvoir du citoyen. Ainsi, c'est lui qui choisit les listes en votant et non pas les appareils.
QUESTION.- Comment expliquer certaines exceptions, comme en Auvergne, contre Giscard, alors qu'il n'y a pas de danger FN ?
F. BAYROU - Même si c'est rare, en politique, il y a aussi les sentiments. Il y a une histoire en Valéry Giscard d'Estaing et l'UDF. Je n'ai pas envie de gommer cette histoire et ces sentiments.
QUESTION.- A deux mois du scrutin, sentez-vous un frémissement positif en faveur de vos listes ?
F. BAYROU - Quand, en Ile-de-France, deux sondages donnent André Santini et la liste UDF devant la liste UMP, on voit se profiler une immense surprise. Et cette surprise, elle existera aussi dans d'autres régions et pas seulement en Aquitaine (rires).
QUESTION.- Ne craignez-vous pas que vos partenaires UMP ne déclenchent des représailles ?
F. BAYROU - Je suis imperméable à ce genre de menaces. Je n'y crois pas et je m'en moque. Ce sont les électeurs qui vont dessiner le nouveau paysage, s'ils le veulent. S'ils en décident ainsi, personne ne pourra ignorer ou contredire leur voix, plus rien ne sera comme avant.
QUESTION.- Il semble que Nicolas Sarkozy vous remplace désormais comme ennemi public n°1 au sein de l'UMP. Cela vous gêne-t-il ?
F. BAYROU - Parfois, cela me fait un peu sourire Mais tout cela est inscrit dans les faits. Quand il n'y a pas débat et compétition franche, il y a les bagarres souterraines, féroces entre les clans. C'est pour cela que je n'ai jamais cru à un parti unique. Vous comprendrez donc que je prenne grand soin de ne pas me mêler de ses guerres intestines.
QUESTION.- On a parlé d'un axe Bayrou-Sarkozy. Est-ce une réalité ?
F. BAYROU - Non. J'ai de l'estime pour Sarkozy et j'apprécie son énergie. Mais je ne participe en aucune manière aux bagarres internes au gouvernement et à l'UMP. Ma tâche est de faire apparaître un courant politique nouveau, attractif et puissant, pas de participer à la guerre de succession qui agite une " chiraquie ", comme on dit, que je respecte mais à laquelle je n'ai jamais appartenu.
QUESTION.- Face à une UMP qui a tout faire pour réduire l'UDF à la portion congrue, comment se porte aujourd'hui l'UMP ?
F. BAYROU - Nous avons vécu une période à la fois difficile et formidable. Des notables instables et craintifs ont changé de camp, mais nous avons accueilli un grand nombre de nouveaux militants. Ils sont solides et combatifs. J'ai pu ainsi réaliser un des mes vieux rêves : procéder à un vrai renouvellement grâce à l'injection de sang neuf venu de la société civile, des mouvements associatifs, certains du centre gauche. Et surtout beaucoup d'autres qui ne croyaient plus à la politique.
QUESTION.- Voterez-vous la loi en préparation sur la laïcité ?
F. BAYROU - Je suis très réservé. Je crains qu'on n'ait ouvert une boîte de pandore. J'ai rédigé la circulaire de 1994 sur les signes religieux et sur le voile. Je connais donc bien ces questions et je suis persuadé que l'on pouvait lutter contre les dérives autrement qu'avec une loi. Il n'y a rien de pire que de faire monter les tensions et se retrouver au bout du compte avec une loi inapplicable.
Propos recueillis par Philippe Reinhard
(source http://www.udf.org, le 20 janvier 2004)