Interview de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président délégué de l'UMP, à La Chaîne info le 14 janvier 2004, sur ses relations avec Nicolas Sarkozy, celles de l'UMP et de l'UDF et la préparation des élections régionales.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser-. Je vais vous poser la question du jour : où avez-vous dîné hier soir ?
J.C. GAUDIN.- "Hier soir, j'ai dîné avec le président de l'Olympique de Marseille."
A. Hausser-. Donc vous n'étiez pas chez N. Sarkozy...
J.C. GAUDIN.- "Donc je n'étais pas chez N. Sarkozy. Mais N. Sarkozy m'invite assez régulièrement, et nous déjeunons d'ailleurs en tête-à-tête dans son bureau pour gagner du temps."
A. Hausser-. Et il ne vous a pas invité hier soir ?
J.C. GAUDIN.- "Non. Je m'étonne que l'on fasse autant de bruit autour de ce qui est habituel sous la Vème République et quel que soit le gouvernement, qu'il soit de droite ou de gauche. Les ministres invitent les parlementaires ; quoi d'anormal ?"
A. Hausser-. Mais ils ne le font pas tous savoir...
J.C. GAUDIN.- "Ils ne le font pas tous savoir, mais ça se sait. Et cela dépend aussi de la notoriété et de l'importance du ministre. Le ministre de l'Intérieur est un homme jeune, un homme dynamique et il fait bien son boulot. Et en plus, il apporte des résultats à une majorité qui en a besoin. Comment voulez-vous que nous ne soyons pas tous solidaires et assez admiratifs de ce qu'a fait N. Sarkozy ?"
A. Hausser-. Vous votez Sarkozy...
J.C. GAUDIN.- "Il n'est pas question d'un choix ni présidentiel ni rien. Ne nous faites pas faire des élections trois ans à l'avance. Cela ne se produit jamais comme on les a prévues. Il y a un courant très fort de sympathie à l'égard du ministre de l'Intérieur, parce que c'est un bon ministre de l'Intérieur. Il y a aussi un courant de sympathie très fort à l'égard d'autres ministres qui réussissent bien."
A. Hausser-. Vous pensez à qui ?
J.C. GAUDIN.- "Je pense notamment au Premier ministre qui ne s'en sort pas si mal que ça dans les sondages. Or, dans la tradition aussi de la Vème République, c'est le Premier ministre qui est le chef de la majorité. Il le fait avec fermeté, il le fait aussi avec beaucoup d'amitié, beaucoup de considération, beaucoup d'estime pour les parlementaires. Par conséquent, en ce moment, les choses vont plutôt mieux qu'à la fin de l'année dernière, pour le Gouvernement et pour l'équipe gouvernementale. Nous n'allons pas nous diviser."
A. Hausser-. J.-P. Raffarin s'est "bien rétabli", comme on dit ?
J.C. GAUDIN.- "Je pense que oui. Je pense que d'ailleurs, les Françaises et les Français, d'abord celles et ceux qui votent pour nous, qui nous ont donné cette forte majorité, sont heureux de savoir que pour la première fois depuis longtemps, il y a un Gouvernement qui applique la politique sur laquelle il a été élu. Et que ce Gouvernement le fait avec compétence et avec courage sur des problèmes difficiles que nos prédécesseurs n'avaient pas été capables de régler ou n'avaient pas voulu régler. C'est d'ailleurs pour cela qu'ils sont aphones. Regardez ce que dit monsieur Hollande : monsieur Hollande ne dit rien, il se contente depuis Tulle, là-bas, de critiquer les voeux du président de la République. Soyons un peu sérieux."
A. Hausser-. Hier, il a présenté les siens à Paris... Dernière question concernant N. Sarkozy : pour vous, il n'en fait pas trop ? Il ne veut pas se faire virer ?
J.C. GAUDIN.- "Il fait suivant son comportement et suivant son habitude. Et je crois qu'on a besoin d'hommes de cette qualité au Gouvernement. Et il n'est pas question, me semble-t-il, qu'il sorte du Gouvernement."
A. Hausser-. Vous prenez votre casquette de maire de Marseille. La criminalité est en baisse chez vous ?
J.C. GAUDIN.- "Il y a différentes formes de criminalité. Les chiffres sont plutôt intéressants. Cela tient peut-être aussi au fait qu'à Marseille par exemple, les cités difficiles se trouvent malgré tout au coeur de la ville et ne sont pas situées loin des centre-villes, comme c'est le cas dans d'autres villes de France. Les choses se passent plutôt normalement, mais tous les jours évidemment, dans la deuxième ville de France, avec 800.000 habitants, il y a des vols, des agressions. Le préfet de police à Marseille est très compétent et très courageux."
A. Hausser-. Si on parlait de l'UMP ? Est-ce que je reçois ce matin le futur président de l'UMP, dans la perspective où A. Juppé serait inéligible, ou encore dans l'autre perspective, s'il entrait au Gouvernement ?
J.C. GAUDIN.- "Je suis vice-président de l'UMP. Je travaille dans une équipe avec A. Juppé et P. Douste-Blazy. Je n'ai pas d'ambition particulière dans ce domaine-là. J'essaie d'accomplir, du mieux que je peux, et de consacrer le plus de temps que je peux, à m'occuper de certaines questions, notamment électorales et d'investiture à l'intérieur de l'UMP. Je le fais volontiers et je le fais en équipe. Je n'ai pas d'ambition particulière dans ce domaine."
A. Hausser-. En dehors des ambitions, vous seriez prêt à assumer ou à assurer un intérim ?
J.C. GAUDIN.- "Si par malheur, il arrivait quelque chose de difficile à A. Juppé... Je ne le souhaite pas. Au contraire, je souhaite que pour lui, les choses s'éclaircissent. Ce n'est pas agréable de vivre avec ce genre d'épée de Damoclès et d'avoir une action politique et de responsabilité tout en étant dans la main des juges."
A. Hausser-. Vous parliez des investitures. L'union se fait difficilement entre l'UDF et l'UMP, notamment en PACA...
J.C. GAUDIN.- "D'abord, sur le plan national, nous avions écrit à monsieur Bayrou - il ne nous a pas répondu - en disant que nous étions prêts à ce que trois régions de France, dans le cadre d'un programme d'union, soient dirigées par les amis de F. Bayrou, par les amis de l'UDF."
A. Hausser-. Il ne vous a jamais répondu ?
J.C. GAUDIN.- "Non, il ne nous a jamais répondu. Je lui ai écrit avec B. Accoyer. Douste-Blazy lui a écrit quelque temps après. Il n'y a jamais eu aucune réponse. Sur le plan national, notre main reste encore tendue. Il est encore temps."
A. Hausser-. Jusqu'à quand ?
J.C. GAUDIN.- "Jusqu'à ce qu'on dépose les listes. Car il y a une volonté, me semble-t-il, chez les amis de F. Bayrou, de vouloir souvent faire quelque chose avec nous. Cela me fait sourire... J'entends souvent les critiques à l'égard de l'UMP : un parti hégémonique - nous ne sommes pas hégémoniques -, un parti unique - nous ne sommes pas un parti unique -, un verrouillage... Mais qu'est-ce que c'est l'UDF aujourd'hui, si ce n'est monsieur Bayrou et monsieur Bayrou tout seul qui décide pour tout le monde ? Il y a une région où j'espère que la sagesse l'emportera, c'est la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Parce qu'il y a J.-M. Le Pen et parce que je ne peux pas imaginer un seul instant que monsieur Bayrou aurait deux langages : un à Paris contre Le Pen, et qu'il servirait de marche-pied à Le Pen en Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Dans cette région où Le Pen menace sérieusement, nous avons besoin d'être unis et d'être rassemblés."
A. Hausser-. S'il n'y a pas union UDF-UMP, J.-M. Le Pen peut devenir le président de la région PACA ?
J.C. GAUDIN.- "Le 21 avril 2002, le soir du premier tour des élections présidentielles dans notre pays, J.-M. Le Pen est arrivé premier dans neuf régions de France, pas uniquement en PACA. Et en PACA, il est physiquement lui-même présent, il est physiquement lui-même candidat ; ce n'est pas monsieur X ou Y de son parti qui est candidat. Et bien entendu, c'est un danger. Et que nos compatriotes comprennent d'ailleurs bien qu'il ne faudra pas, le soir du premier tour de scrutin, nous montrer du doigt en disant : vous n'avez pas tout fait. Nous aurons tout fait, tout tenté, et nous aurons prévenu nos compatriotes qu'il y aura un deuxième tour qui peut être un deuxième tour très difficile dans cette région Provence-Alpes-Côte-d'Azur. C'est pour cela que nous appelons à une union, à un rassemblement dans la correction, dans l'équilibre. En Provence-Alpes-Côtes-d'Azur, vous avez 35 députés de la droite républicaine ; 34 sont UMP et un seul est UDF. Pour autant, nous sommes prêts à faire justement une liste équilibrée, et en cas de succès - ce que je souhaite pour mon ami R. Muselier, qui s'implique beaucoup dans cette préparation et dans cette bataille -, bien entendu, à donner toute sa place à l'UDF et aux amis de monsieur Bayrou dans un gouvernement régional."
A. Hausser-. A quand le prochain rendez-vous ?
J.C. GAUDIN.- "Je pense qu'ils sont en train de discuter. J'encourage fortement... R. Muselier, nous l'avons choisi comme chef de file, c'est lui qui mène les négociations."
A. Hausser-. F. Bayrou en Aquitaine, c'est une agression ?
J.C. GAUDIN.- "Pour les élections régionales, le candidat tête de liste, de toute manière, il est candidat sur l'ensemble des départements. En PACA, vous avez trois candidats essentiels. Monsieur Bayrou, à partir du moment où il refusait ce que nous lui proposions... Car nous lui avons proposé d'être le chef de file, de diriger la liste en Aquitaine, de l'UDF et de l'UMP réunies. Il ne veut pas, il préfère se compter tout seul. Il va en Gironde, sans précautions semble-t-il à l'égard d'A. Juppé. Ce n'est pas quelque chose qui nous paraît très élégant. Mais vous savez, la politique n'est pas toujours élégante."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 juin 2004)