Point de presse de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur le soutien de la France et de l'Union européenne à l'intégration européenne des cinq pays des Balkans occidentaux (Albanie, Ancienne République yougoslave de Macédoine, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie-et-Montenegro), Ohrid le 16 octobre 2004.

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Circonstance : Voyage de Michel Barnier en Ancienne République yougoslave de Macédoine (Arym) : réunion informelle des cinq ministres des affaires étrangères des Balkans occidentaux, à Ohrid le 16 octobre 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, bonsoir à chacun d'entre vous et merci pour votre attention à cette rencontre des cinq ministres des Balkans ; cinq pays qui ont pris l'habitude de l'esprit de Dubrovnik, l'esprit d'Ohrid, de travailler ensemble et qui sont reçus aujourd'hui à l'invitation de Mme la Ministre Ilinka Mitreva, que je remercie très chaleureusement de son accueil à mon tour. Ils invitent, aujourd'hui à cinq, le ministre français des Affaires étrangères et je souhaite, un peu plus tard, d'autres ministres de l'Union européenne, pour partager ces moments de dialogue politique et, sans doute aussi, des membres de la Commission européenne. En tout cas, j'ai été très touché par cette invitation et j'attache beaucoup d'importance à de telles rencontres, à cette rencontre et à l'appui que nos pays, la France et aussi l'Union européenne, doivent vous apporter sur la route où vos cinq pays sont engagés, celle de l'intégration européenne.
Vous me permettrez - c'est peut-être parce que j'ai toujours pensé que le projet européen n'était pas seulement de la politique, de la technique et de l'argent, mais d'abord des hommes et des femmes - de dire un mot de sympathie particulier à l'égard de la population du Kosovo et d'Albanie qui viennent d'être touchés par une tragédie qui a coûté la vie à seize jeunes et de vous dire que mon pays partage très profondément l'émotion qui est la vôtre aujourd'hui même, jour de deuil, dans cette tragédie.
Je suis venu comme ministre français des Affaires étrangères, mais aussi comme ministre européen et aussi comme ancien commissaire européen, pour vous dire que nous allons accompagner chacun de vos pays sur cette route vers l'intégration européenne. Il n'y a pas de raccourci sur la route, il y a des étapes, des exigences, mais nous voulons vous accompagner. Et, comme vous l'avez rappelé, Ilinka, le projet européen qui a commencé pour nous, un peu plus à l'ouest, depuis 50 ans, est un projet de réconciliation, c'était le cas entre la France et l'Allemagne au tout début, c'est un projet de stabilité, de paix définitive entre nous et de progrès partagé. Cette perspective européenne qui vous est offerte, et que vous voulez saisir, doit avoir pour les Balkans, pour vous d'abord, et pour l'Union, pour l'Europe, le même résultat, le même effet de levier pour la réconciliation et pour la paix définitives et pour le progrès partagé.
Cela exige naturellement de chacun de ces pays des efforts. Cela comporte des conditions qui doivent être remplies, des préalables, comme la coopération avec le Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, le développement de l'État de droit, la lutte contre la criminalité organisée et la corruption, les réformes économiques. Donc il faut beaucoup de courage politique, et nous voulons vous soutenir, comme d'ailleurs cela a été fait pour les dix pays qui viennent de nous rejoindre le 1er mai et comme la Croatie, qui est la plus avancée sur la route, est en train de le faire.
Mais, avec les efforts qui vous sont demandés, et que nous voulons accompagner par de la coopération bilatérale, il y a aussi le travail que vous faites ensemble, puisque tout est lié dans les Balkans, - ce qui se passe dans un pays concerne et intéresse les autres, comme cela concerne et intéresse l'Union européenne. C'est aussi le signal que j'ai voulu donner en encourageant, par ma présence, cette coopération régionale entre vous. Et puis enfin, on ne peut pas seulement vous demander des efforts, de remplir des exigences ou de franchir des étapes, il faut aussi que nous vous aidions et c'est l'objectif de ce programme de coopération, de soutien au développement économique. J'ai ici des chiffres concrets, ce ne sont pas seulement des mots : 53 projets ont été soutenus pour un total de 4 milliards d'euros et plusieurs de ces projets sont terminés ; d'autres sont engagés dans le domaine des transports avec plusieurs corridors qui traversent la région, la coopération transfrontalière, l'énergie, la formation des jeunes cadres de l'administration. Cela, ce sont les projets qui sont soutenus par l'Union européenne, auxquels s'ajoute naturellement la coopération bilatérale de tel ou tel de nos pays de l'Union, vers tel ou tel de vos pays.
Je conclus en disant, Mesdames et Messieurs, que ce projet européen est un projet extraordinaire. Nulle part dans le monde, nulle part ailleurs dans le monde et jamais dans l'histoire, vous ne trouverez des nations qui associent leur destin. Nous ne voulons pas fusionner. Nous voulons faire une Europe unie, mais pas une Europe uniforme. Donc, chacune de nos nations garde son identité, sa langue, sa culture, sa différence. Et c'est ce qui s'est passé depuis 50 ans. Nous pouvons en apporter la preuve : ni la France, ni l'Allemagne, ni la Suède, ni l'Italie n'ont abandonné leur langue, leur identité ou leur différence, mais nous associons nos destins dans un projet de civilisation, un projet de paix et de progrès partagés. Et c'est ce projet qui est à votre portée et vers lequel vous vous dirigez. Et voilà pourquoi je pense que, s'agissant de ce projet qui a une vocation continentale, qui est à l'échelle de l'ensemble du continent européen, et vous en faites partie, il est très important que nous puissions par notre présence, par nos crédits, par nos conseils, par notre soutien, vous aider à réussir sur cette route.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 octobre 2004)