Texte intégral
Pour un "vouloir vivre ensemble" européen
Pendant leurs six mois de Présidence de l'Union, nos amis portugais ont fortement et justement insisté sur "la dimension européenne de l'Education". C'est une impulsion à laquelle nous nous devons tous de répondre au moment où l'Europe, par l'identité qu'elle se forge et par le projet de réforme de ses institutions, est en mesure de prendre une place de premier plan sur une scène mondiale où la connaissance et le savoir constituent, nous le savons, les principaux vecteurs de l'économie.
Puissance éducative et universitaire, l'Europe possède les ressources d'intelligence capables de développer l'emploi et les marchés porteurs comme d'influer, en commun, sur l'avenir de nos sociétés. Sa relance repose sur nos écoliers, nos lycéens, nos étudiants, nos enseignants et nos chercheurs qui, pour reprendre la belle expression de Renan, sont habités d'un "vouloir vivre ensemble européen". Ils doivent trouver, dès le commencement de leurs études, de quoi nourrir ce nouveau sentiment d'appartenance : aussi bien dans les formations qui leur sont dispensées que par la multiplication des contacts, des échanges et des amitiés avec leurs homologues. Et c'est à nous, dirigeants politiques, de les aider à faire corps avec l'Europe.
Mais il convient de conjuguer cette première ambition avec une autre espérance, complémentaire : donner une dimension éducative à l'Europe.
L'ensemble que formera l'Europe, en effet, est variable, métissé, divers. Il use déjà de onze langues officielles. Il témoigne de cultures et de patrimoines anciens qui, pour avoir connu des influences souvent réciproques, n'en ont pas moins gardé chacun une originalité propre qu'il serait désastreux de réduire. En ceci, l'Europe constitue un exemple unique au monde : qu'elle sache préserver et utiliser cette richesse culturelle, historique, linguistique, peut en faire un modèle, car l'expérience de sa construction sera celle du respect, de la tolérance, de l'égalité, de la reconnaissance. Qu'elle sache offrir à des zones du monde entier - et je pense particulièrement aux grands pays émergents - ses méthodes d'apprentissage de la citoyenneté, et elle donnera un sens alternatif à la globalisation, en véhiculant des valeurs profitables à la collectivité comme aux individus.
C'est ce double mouvement que nous essaierons d'assurer durablement, pendant les six mois de Présidence française de l'Union européenne.
Elargir la dimension européenne de l'Education
Notre responsabilité, à nous qui voulons construire aujourd'hui cette Europe unie dans la diversité, c'est d'abord d'assurer les fondements psychologiques, intellectuels et sensibles de l'Europe politique. Il revient à chaque Etat membre d'instaurer sur son territoire non seulement un nouvel état d'esprit qui fasse de nos citoyens, dès leur plus jeune âge, des citoyens européens, mais aussi de déployer les moyens par lesquels cette identification peut se constituer. Pour répondre à l'envie d'Europe, nous continuerons à prôner les échanges, qu'ils soient individuels ou collectifs, et à favoriser massivement les métissages et les brassages d'idées, les rencontres dans les lycées et sur les campus.
Les programmes communautaires, regroupés dans Socrates ou Leonardo, ont ouvert la voie. Grâce à eux, près de 150 000 jeunes européens effectuent chaque année tout ou partie de leur scolarité dans un autre pays européen que le leur. Ce n'est pas assez. Il s'agit maintenant de prendre les dispositions réglementaires, fiscales, juridiques, statutaires qui inciteront nos étudiants et nos professeurs à ces déplacements : les plus urgentes en sont la démocratisation du statut Erasmus, la rédaction d'une charte de partenariat Union/Etats membres/collectivités territoriales/universités, la mise en place d'une véritable politique tarifaire, dans les transports ferroviaires européens, en faveur des jeunes en mobilité.
Comme l'ont souhaité les chefs de gouvernement assemblés à Lisbonne en mars 2000, c'est donc un véritable Plan d'action pour la mobilité que nous avons à élaborer ensemble avec Mme Reding. Ce plan fera l'objet de la réunion des ministres de l'Education, le 30 septembre à Paris ; il sera porté par une résolution du Conseil des ministres du 9 novembre à Bruxelles ; il sera enfin adopté par le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement, les 7 et 8 décembre à Nice.
Parallèlement, des travaux complémentaires seront menés dans d'autres enceintes : au Comité de l'Education, bien sûr - 3 et 4 juillet, 14 et 15 septembre, 4 et 5 octobre, 18 et 19 octobre à Bruxelles ; 4 et 5 décembre à Aix en Provence. Mais aussi à la Conférence des directeurs généraux de l'Enseignement supérieur, les 26 et 27 octobre à Paris. Et plus largement dans le cadre intergouvernemental, par le groupe de suivi des processus de la Sorbonne et de Bologne, le 9 octobre puis les 4 et 5 décembre à Paris également.
Sans attendre que les résultats de ces travaux soient mis en oeuvre, il nous a semblé opportun de mobiliser la population des étudiants et des professeurs en ouvrant d'ores et déjà les multiples chantiers qui s'offrent à eux :
- l'utilisation des nouvelles technologies, le développement local, la mutualisation des savoir-faire en ingénierie culturelle, l'assimilation commune des patrimoines d'Europe Seront donc lancées les premières Universités européennes d'Eté. Dès le mois de juillet, une dizaine d'établissements d'enseignement supérieur de France rassembleront étudiants et professeurs venus de tous les horizons européens. Seront proposées principalement des activités didactiques et des thématiques mobilisatrices au retentissement culturel fort, permettant de développer une approche comparatiste et de mettre en évidence les traits communs et les singularités de nos différents pays par rapport au thème abordé. Cette initiative est destinée à s'étendre : l'été 2000 est un premier appel, une préfiguration. Je forme le vu que, d'ici cinq ans, plus de 500 Universités européennes fleurissent chaque été dans toute l'Europe.
Cette initiative voudrait préparer notre jeunesse à vivre, par la connaissance et le savoir, une Europe affective, proche, fraternelle. Mais ne serait-il pas possible d'accélérer encore cette intégration des étudiants à la dimension européenne par la création d'une sorte de tribune à laquelle ils viendraient organiser ensemble leur propre représentation de l'avenir ? Qu'ils soient issus des filières professionnelles, technologiques, scientifiques, littéraires ou culturelles, les étudiants sont bien les premiers concernés, et c'est d'eux que naîtront l'impulsion citoyenne et le vouloir vivre européen. The National Unions of Students in Europe (ESIB), qui représente six millions d'étudiants, a déjà formulé la demande d'être plus étroitement associée à la construction d'un espace européen de l'enseignement supérieur. Si nos partenaires en sont d'accord, nous apporterons notre soutien collectif aux premières assises des étudiants européens et, avec la complicité du Conseil européen, de la Commission et du Parlement, accompagnerons la naissance d'un éventuel Parlement européen des étudiants.
Utiliser la dimension éducative de l'Europe.
Les Européens s'unissent, et toute union se fonde sur une connaissance accrue, et respectueuse, de la culture et de l'histoire des autres. C'est pourquoi la Présidence française a décidé d'approfondir cette réflexion sur nos passés respectifs, et de profiter des "rendez-vous de l'Histoire" qui se tiennent chaque année dans la ville de Blois pour organiser, les 13, 14 et 15 octobre, des séminaires d'historiens et de représentants des Etats membres sur le thème : apprendre l'histoire de l'Europe. Quelle approche privilégier, en effet, pour interpréter l'histoire européenne ? Histoire comparée ou histoire intégrée ? Comment articuler approches nationales et méthodes comparatives ? Autant de débats qui ont pour but de permettre à nos enseignants de construire des références culturelles partagées, à partir des regards croisés sur nos histoires nationales.
Est-il possible, cependant, de connaître véritablement quelqu'un en dehors de sa propre langue ? Le grand nombre de langues européennes ne doit pas constituer une barrière, mais un atout. Or trop rares sont encore les pays où le plurilinguisme est offert à tous. Encore plus rares sont les élèves qui bénéficient d'un enseignement des langues dès l'école primaire, alors que les linguistes ont démontré que c'est bien dans l'enfance que nous sommes le plus disposés à cette ouverture.
Tous ensemble, les quinze gouvernements, la Commission et les collectivités compétentes, nous devons favoriser cette assimilation des langues. Les programmes européens multiplient les échanges de classes, d'étudiants et d'enseignants ; les dispositifs de classes européennes, du type sections bilingues et sections européennes, se développent ; il faut maintenant étudier les modalités permettant d'inviter parmi les personnels enseignants de chacun des Etats membres les professeurs étrangers qui pourraient y exercer. C'est la mise en place d'un grand cadre européen qui introduira dans nos systèmes nationaux une éducation nouvelle capable de penser, par le véhicule de sa langue, la culture de l'autre.
Mais ce projet, qui suppose d'assurer d'abord la circulation des enseignants, nécessite d'autres moyens. L'utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC) doit désormais s'étendre à toutes les écoles. Si l'Europe relève les défis techniques de connexion et de mise en réseau, mais surtout les défis pédagogiques liés à la remise en cause des méthodes d'acquisition des connaissances et de leur transmission, elle peut devenir un pôle mondial de recherche et d'innovation. Prendre place dans la mondialisation, ce n'est pas seulement généraliser l'accès aux techniques qui la produisent : c'est aussi l'infléchir dans le sens des valeurs auxquelles nous sommes attachés, par l'élaboration de méthodes et de contenus respectueux des différences et garantissant à tous une libre expression.
C'est pourquoi le Salon de l'Education de Paris, qui consacre entièrement sa deuxième édition à l'Europe et aux enjeux européens, s'ouvrira le 22 novembre par un colloque sur les bénéfices à retirer de "l'e-éducation". Il réunira des ministres européens et des personnalités internationales afin de définir les nouvelles conditions d'apprentissage posées par les TIC : quelles modifications seront-elles apportées dans l'espace de la classe, dans l'emploi du temps, dans la répartition des matières, dans le rôle des enseignants et des manuels, dans la formation tout au long de la vie ?
Largement réceptif aux réalisations européennes les plus pertinentes en matière d'application pédagogique des TIC, le Salon donnera également aux représentants des Etats membres l'occasion de présenter les mesures prises dans le cadre de l'initiative " e-Europe " annoncée par M. Romano Prodi, président de la Commission.
L'élaboration de nouvelles méthodes, de nouveaux contenus et de nouvelles diffusions du savoir ne s'arrête pas aux frontières de l'Europe. La facilitation des échanges mondiaux doit également resserrer les liens avec d'autres continents, particulièrement ceux pour lesquels une interaction avec nos démocraties européennes permettrait d'accroître l'égalité des chances et de créer les conditions du partage. Dans cette logique et dans le cadre de la déclaration et des priorités d'action adoptées lors du Sommet de Rio (juin 1999), la France organisera une Conférence des ministres en charge de l'Enseignement supérieur qui réunira, les 2 et 3 novembre à Paris, les Etats membres de l'Union européenne et ses partenaires d'Amérique latine et de la Caraïbe. Les quarante-huit ministres auront à définir une stratégie générale pour la création d'un espace euro/latino-américain de l'enseignement supérieur et professionnel.
Trois programmes, déjà familiers en Europe mais qui ne font que naître en Amérique latine, seront traités. Ils concernent l'articulation entre l'enseignement supérieur et le monde professionnel, le développement des réseaux de recherche universitaire et l'enseignement à distance, que ce soit par radio, télévision, vidéoconférences ou interactivité sur Internet.
Nous savons tous que l'Europe est, pour nous, la chambre d'écho entre nos Nations et le monde. Ce que chacune d'elle est capable de réaliser, l'Europe l'amplifie, le démultiplie. C'est la raison pour laquelle ne doivent résonner que les harmonies les plus sûres. Cette harmonie, nous l'obtiendrons, à l'intérieur, par la connaissance de nous-mêmes et de nos complémentarités, en nous familiarisant avec nos talents respectifs, et sans en négliger aucun. A l'extérieur, elle devra entraîner d'autres ensembles, qui l'entraîneront à leur tour. Ecouter, faire entendre, transmettre, propager, telles sont les tâches qui sont désormais les nôtres, afin que nos jeunes générations atteignent, par une réceptivité et une maîtrise accrues, un niveau de qualité qui leur apporte une vraie joie de vivre, faite de découvertes, de curiosité, d'invention et de fraternité.
( Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 juillet 2000)
Pendant leurs six mois de Présidence de l'Union, nos amis portugais ont fortement et justement insisté sur "la dimension européenne de l'Education". C'est une impulsion à laquelle nous nous devons tous de répondre au moment où l'Europe, par l'identité qu'elle se forge et par le projet de réforme de ses institutions, est en mesure de prendre une place de premier plan sur une scène mondiale où la connaissance et le savoir constituent, nous le savons, les principaux vecteurs de l'économie.
Puissance éducative et universitaire, l'Europe possède les ressources d'intelligence capables de développer l'emploi et les marchés porteurs comme d'influer, en commun, sur l'avenir de nos sociétés. Sa relance repose sur nos écoliers, nos lycéens, nos étudiants, nos enseignants et nos chercheurs qui, pour reprendre la belle expression de Renan, sont habités d'un "vouloir vivre ensemble européen". Ils doivent trouver, dès le commencement de leurs études, de quoi nourrir ce nouveau sentiment d'appartenance : aussi bien dans les formations qui leur sont dispensées que par la multiplication des contacts, des échanges et des amitiés avec leurs homologues. Et c'est à nous, dirigeants politiques, de les aider à faire corps avec l'Europe.
Mais il convient de conjuguer cette première ambition avec une autre espérance, complémentaire : donner une dimension éducative à l'Europe.
L'ensemble que formera l'Europe, en effet, est variable, métissé, divers. Il use déjà de onze langues officielles. Il témoigne de cultures et de patrimoines anciens qui, pour avoir connu des influences souvent réciproques, n'en ont pas moins gardé chacun une originalité propre qu'il serait désastreux de réduire. En ceci, l'Europe constitue un exemple unique au monde : qu'elle sache préserver et utiliser cette richesse culturelle, historique, linguistique, peut en faire un modèle, car l'expérience de sa construction sera celle du respect, de la tolérance, de l'égalité, de la reconnaissance. Qu'elle sache offrir à des zones du monde entier - et je pense particulièrement aux grands pays émergents - ses méthodes d'apprentissage de la citoyenneté, et elle donnera un sens alternatif à la globalisation, en véhiculant des valeurs profitables à la collectivité comme aux individus.
C'est ce double mouvement que nous essaierons d'assurer durablement, pendant les six mois de Présidence française de l'Union européenne.
Elargir la dimension européenne de l'Education
Notre responsabilité, à nous qui voulons construire aujourd'hui cette Europe unie dans la diversité, c'est d'abord d'assurer les fondements psychologiques, intellectuels et sensibles de l'Europe politique. Il revient à chaque Etat membre d'instaurer sur son territoire non seulement un nouvel état d'esprit qui fasse de nos citoyens, dès leur plus jeune âge, des citoyens européens, mais aussi de déployer les moyens par lesquels cette identification peut se constituer. Pour répondre à l'envie d'Europe, nous continuerons à prôner les échanges, qu'ils soient individuels ou collectifs, et à favoriser massivement les métissages et les brassages d'idées, les rencontres dans les lycées et sur les campus.
Les programmes communautaires, regroupés dans Socrates ou Leonardo, ont ouvert la voie. Grâce à eux, près de 150 000 jeunes européens effectuent chaque année tout ou partie de leur scolarité dans un autre pays européen que le leur. Ce n'est pas assez. Il s'agit maintenant de prendre les dispositions réglementaires, fiscales, juridiques, statutaires qui inciteront nos étudiants et nos professeurs à ces déplacements : les plus urgentes en sont la démocratisation du statut Erasmus, la rédaction d'une charte de partenariat Union/Etats membres/collectivités territoriales/universités, la mise en place d'une véritable politique tarifaire, dans les transports ferroviaires européens, en faveur des jeunes en mobilité.
Comme l'ont souhaité les chefs de gouvernement assemblés à Lisbonne en mars 2000, c'est donc un véritable Plan d'action pour la mobilité que nous avons à élaborer ensemble avec Mme Reding. Ce plan fera l'objet de la réunion des ministres de l'Education, le 30 septembre à Paris ; il sera porté par une résolution du Conseil des ministres du 9 novembre à Bruxelles ; il sera enfin adopté par le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement, les 7 et 8 décembre à Nice.
Parallèlement, des travaux complémentaires seront menés dans d'autres enceintes : au Comité de l'Education, bien sûr - 3 et 4 juillet, 14 et 15 septembre, 4 et 5 octobre, 18 et 19 octobre à Bruxelles ; 4 et 5 décembre à Aix en Provence. Mais aussi à la Conférence des directeurs généraux de l'Enseignement supérieur, les 26 et 27 octobre à Paris. Et plus largement dans le cadre intergouvernemental, par le groupe de suivi des processus de la Sorbonne et de Bologne, le 9 octobre puis les 4 et 5 décembre à Paris également.
Sans attendre que les résultats de ces travaux soient mis en oeuvre, il nous a semblé opportun de mobiliser la population des étudiants et des professeurs en ouvrant d'ores et déjà les multiples chantiers qui s'offrent à eux :
- l'utilisation des nouvelles technologies, le développement local, la mutualisation des savoir-faire en ingénierie culturelle, l'assimilation commune des patrimoines d'Europe Seront donc lancées les premières Universités européennes d'Eté. Dès le mois de juillet, une dizaine d'établissements d'enseignement supérieur de France rassembleront étudiants et professeurs venus de tous les horizons européens. Seront proposées principalement des activités didactiques et des thématiques mobilisatrices au retentissement culturel fort, permettant de développer une approche comparatiste et de mettre en évidence les traits communs et les singularités de nos différents pays par rapport au thème abordé. Cette initiative est destinée à s'étendre : l'été 2000 est un premier appel, une préfiguration. Je forme le vu que, d'ici cinq ans, plus de 500 Universités européennes fleurissent chaque été dans toute l'Europe.
Cette initiative voudrait préparer notre jeunesse à vivre, par la connaissance et le savoir, une Europe affective, proche, fraternelle. Mais ne serait-il pas possible d'accélérer encore cette intégration des étudiants à la dimension européenne par la création d'une sorte de tribune à laquelle ils viendraient organiser ensemble leur propre représentation de l'avenir ? Qu'ils soient issus des filières professionnelles, technologiques, scientifiques, littéraires ou culturelles, les étudiants sont bien les premiers concernés, et c'est d'eux que naîtront l'impulsion citoyenne et le vouloir vivre européen. The National Unions of Students in Europe (ESIB), qui représente six millions d'étudiants, a déjà formulé la demande d'être plus étroitement associée à la construction d'un espace européen de l'enseignement supérieur. Si nos partenaires en sont d'accord, nous apporterons notre soutien collectif aux premières assises des étudiants européens et, avec la complicité du Conseil européen, de la Commission et du Parlement, accompagnerons la naissance d'un éventuel Parlement européen des étudiants.
Utiliser la dimension éducative de l'Europe.
Les Européens s'unissent, et toute union se fonde sur une connaissance accrue, et respectueuse, de la culture et de l'histoire des autres. C'est pourquoi la Présidence française a décidé d'approfondir cette réflexion sur nos passés respectifs, et de profiter des "rendez-vous de l'Histoire" qui se tiennent chaque année dans la ville de Blois pour organiser, les 13, 14 et 15 octobre, des séminaires d'historiens et de représentants des Etats membres sur le thème : apprendre l'histoire de l'Europe. Quelle approche privilégier, en effet, pour interpréter l'histoire européenne ? Histoire comparée ou histoire intégrée ? Comment articuler approches nationales et méthodes comparatives ? Autant de débats qui ont pour but de permettre à nos enseignants de construire des références culturelles partagées, à partir des regards croisés sur nos histoires nationales.
Est-il possible, cependant, de connaître véritablement quelqu'un en dehors de sa propre langue ? Le grand nombre de langues européennes ne doit pas constituer une barrière, mais un atout. Or trop rares sont encore les pays où le plurilinguisme est offert à tous. Encore plus rares sont les élèves qui bénéficient d'un enseignement des langues dès l'école primaire, alors que les linguistes ont démontré que c'est bien dans l'enfance que nous sommes le plus disposés à cette ouverture.
Tous ensemble, les quinze gouvernements, la Commission et les collectivités compétentes, nous devons favoriser cette assimilation des langues. Les programmes européens multiplient les échanges de classes, d'étudiants et d'enseignants ; les dispositifs de classes européennes, du type sections bilingues et sections européennes, se développent ; il faut maintenant étudier les modalités permettant d'inviter parmi les personnels enseignants de chacun des Etats membres les professeurs étrangers qui pourraient y exercer. C'est la mise en place d'un grand cadre européen qui introduira dans nos systèmes nationaux une éducation nouvelle capable de penser, par le véhicule de sa langue, la culture de l'autre.
Mais ce projet, qui suppose d'assurer d'abord la circulation des enseignants, nécessite d'autres moyens. L'utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC) doit désormais s'étendre à toutes les écoles. Si l'Europe relève les défis techniques de connexion et de mise en réseau, mais surtout les défis pédagogiques liés à la remise en cause des méthodes d'acquisition des connaissances et de leur transmission, elle peut devenir un pôle mondial de recherche et d'innovation. Prendre place dans la mondialisation, ce n'est pas seulement généraliser l'accès aux techniques qui la produisent : c'est aussi l'infléchir dans le sens des valeurs auxquelles nous sommes attachés, par l'élaboration de méthodes et de contenus respectueux des différences et garantissant à tous une libre expression.
C'est pourquoi le Salon de l'Education de Paris, qui consacre entièrement sa deuxième édition à l'Europe et aux enjeux européens, s'ouvrira le 22 novembre par un colloque sur les bénéfices à retirer de "l'e-éducation". Il réunira des ministres européens et des personnalités internationales afin de définir les nouvelles conditions d'apprentissage posées par les TIC : quelles modifications seront-elles apportées dans l'espace de la classe, dans l'emploi du temps, dans la répartition des matières, dans le rôle des enseignants et des manuels, dans la formation tout au long de la vie ?
Largement réceptif aux réalisations européennes les plus pertinentes en matière d'application pédagogique des TIC, le Salon donnera également aux représentants des Etats membres l'occasion de présenter les mesures prises dans le cadre de l'initiative " e-Europe " annoncée par M. Romano Prodi, président de la Commission.
L'élaboration de nouvelles méthodes, de nouveaux contenus et de nouvelles diffusions du savoir ne s'arrête pas aux frontières de l'Europe. La facilitation des échanges mondiaux doit également resserrer les liens avec d'autres continents, particulièrement ceux pour lesquels une interaction avec nos démocraties européennes permettrait d'accroître l'égalité des chances et de créer les conditions du partage. Dans cette logique et dans le cadre de la déclaration et des priorités d'action adoptées lors du Sommet de Rio (juin 1999), la France organisera une Conférence des ministres en charge de l'Enseignement supérieur qui réunira, les 2 et 3 novembre à Paris, les Etats membres de l'Union européenne et ses partenaires d'Amérique latine et de la Caraïbe. Les quarante-huit ministres auront à définir une stratégie générale pour la création d'un espace euro/latino-américain de l'enseignement supérieur et professionnel.
Trois programmes, déjà familiers en Europe mais qui ne font que naître en Amérique latine, seront traités. Ils concernent l'articulation entre l'enseignement supérieur et le monde professionnel, le développement des réseaux de recherche universitaire et l'enseignement à distance, que ce soit par radio, télévision, vidéoconférences ou interactivité sur Internet.
Nous savons tous que l'Europe est, pour nous, la chambre d'écho entre nos Nations et le monde. Ce que chacune d'elle est capable de réaliser, l'Europe l'amplifie, le démultiplie. C'est la raison pour laquelle ne doivent résonner que les harmonies les plus sûres. Cette harmonie, nous l'obtiendrons, à l'intérieur, par la connaissance de nous-mêmes et de nos complémentarités, en nous familiarisant avec nos talents respectifs, et sans en négliger aucun. A l'extérieur, elle devra entraîner d'autres ensembles, qui l'entraîneront à leur tour. Ecouter, faire entendre, transmettre, propager, telles sont les tâches qui sont désormais les nôtres, afin que nos jeunes générations atteignent, par une réceptivité et une maîtrise accrues, un niveau de qualité qui leur apporte une vraie joie de vivre, faite de découvertes, de curiosité, d'invention et de fraternité.
( Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 juillet 2000)